Chapitre 14: Noël à Caithness

Coucou !!

Petite annonce: ce chapitre sera le dernier avant la rentrée, je m'explique. Je serai en vacances pour 2 semaines donc je ne pourrai pas poster, ensuite je fais mon déménagement pour Lyon dans la foulée (hypothétiquement le 28/29 août). De plus, comme c'est la rentrée et que je vais être débordée (et vous aussi je pense) avec le travail, j'ai décidé de poster toutes les 2 semaines, une fois que j'aurais repris les posts. Avec @Perripuce, on a pensé que l'on pourrait alterner entre l'une et l'autre afin que vous ayez un chapitre par semaine (un de Perri, puis un de moi la semaine d'après). Ce qui veut dire que je posterai juste après mon déménagement: si je déménage le 28 je posterai le 29 (soit le samedi comme d'habitude), en revanche si je déménage le samedi 29, le chapitre arrivera le dimanche.

Voilà j'espère que c'est assez clair et que je vous ai pas perdus ^^

Merci à tous pour votre soutien qui me fait chaud au cœur, et on se retrouve à la fin du mois !


Chapitre 14 : Noël à Caithness

- N'espère pas trop Minerva, ils ne vont pas gagner la coupe de la ligue cette fois-ci.

Minerva mit moqueusement son index sur les lèvres pour faire signe à sa mère de se taire.

- Les Pies de Montrose ont amplement le niveau, répliqua-t-elle néanmoins, le regard concentré sur la radio qui trônait sur le bureau.

Minerva et sa mère Isobel étaient toutes les deux rassemblées dans sa chambre, écoutant le match de Quidditch opposant les Pies de Montrose aux Faucons de Falmouth. L'issue indiquerait quelle équipe volerait en finale pour tenter de remporter la coupe de la ligue qui se voyait affronter chaque année les équipes anglaises, écossaises et irlandaises. Le gagnant obtenait le droit de participer au championnat européen qui avait lieu tous les trois ans. Les Pies de Montrose étant une équipe d'origine écossaise, Minerva en était une fervente supportrice et comptait bien sur leur victoire. Du côté de sa mère en revanche, ce n'était pas la même histoire puisqu'elle encourageait le club de Flaquemare qui malheureusement pour elle, avait perdu durant les tours éliminatoires.

- Peut-être, admit Isobel avec un fin sourire, mais même si les Pies de Montrose gagnent ce match, l'équipe devra affronter les Chauves-souris de Fichucastel qui je le rappelle, ont gagné la ligue dix-huit fois et ont déjà été champions d'Europe.

Minerva haussa les épaules. Son équipe en était à quinze victoires de coupe de ligue et elle était certaine que leurs succès ne feraient qu'augmenter.

- T'es juste jalouse parce que le club de Flaquemare n'ait même pas atteint les quarts, ricana Minerva en guise de défense.

Isobel grimaça.

- Certes, j'ai comme l'impression qu'ils s'essoufflent un peu, mais ça peut également être une erreur de parcours.

- C'est ça, justifie toi, railla Minerva en haussant un sourcil.

Isobel pouffa et Minerva lui jeta un bref coup d'œil. Cela faisait longtemps qu'elles n'avaient pas eu un moment pour elles toutes seules. Leur relation avait été souvent basée sur des incompréhensions où elles ne parvenaient pas à être sur la même longueur d'onde et les moments intimes s'étaient faits rares. Minerva s'était souvent plus sentie proche de son père, parce qu'il était un homme beaucoup plus posé, beaucoup plus calme. Sa musique avait bercé son enfance et ses contes traditionnels écossais avaient construit ses origines. Heureusement le Quidditch, à défaut d'intéresser pleinement son père, consistait en un terrain familier avec sa mère, une connexion avec le monde magique qui permettait à la fois à Isobel de se rapprocher de sa fille mais également de ne pas lui faire oublier ses racines.

- Et le score est désormais de 110 à 80 pour les Faucons de Falmouth, les Pies de Montrose reviennent à la charge cependant avec une rapide montée de balle... le capitaine rapporte dix points à son équipe, 110 à 90 !

Minerva serra le poing sous le regard amusé de sa mère.

- Grand-père Eugene vient passer quelques jours à la maison pour Noël, dit-elle soudainement.

Minerva la regarda, surprise.

- Vraiment ? Tu n'as pas peur que Robert fasse de la magie par erreur ? Il n'a que six ans...

Isobel tortilla la manche de sa robe tandis que le présentateur annonçait le nouveau score de 120 à 90.

- Justement... nous avons discuté avec ton père et nous nous sommes demandé s'il n'était pas mieux de tout avouer à Eugene. Je connais tes craintes, continua-t-elle alors que Minerva ouvrait la bouche, mais ton père a longuement réfléchi et il en est venu à la même conclusion que moi. J'ai été dans l'incapacité de lui cacher la sorcellerie, pourquoi en serait-il de même avec ton grand-père ? Il a un fils avec qui il doit rattraper le temps perdu et des petits-enfants qu'il rêve de vraiment connaître. Encore une fois, lui cacher cela c'est cacher qui nous sommes réellement. C'est une chose que j'ai apprise à mes dépens avec ton père, regretta-t-elle, et je veux que tu gardes bien cela en tête : ton côté sorcier, cela fait partie de toi et au grand jamais tu ne devrais essayer de la dissimuler ou pire, de la supprimer. C'est pour cela que ton grand-père doit savoir, c'est important comme pour lui que pour nous.

Minerva ouvrit la bouche une seconde fois, après avoir été certaine que sa mère ait fini.

- En fait... j'allais te dire que j'étais d'accord avec toi. Je me fiche de cette loi qui nous interdit de nous révéler aux moldus, là on parle de notre famille et notre famille est plus importante que le ministère.

Isobel sourit d'un air doux et s'apprêtait à dire quelque chose lorsque la voix du présentateur s'écria à travers la radio :

- Walmer l'attrapeur des Pies de Montrose, en pleine chasse du vif d'or, Yolxon me semble bien trop en retard pour le rattraper mais... oh, quelle action déloyale de la part du batteur des Faucons de Falmouth, Gallaner qui fait utilisation du Tranchefoule !

- Sale tricheur ! vociféra Minerva le poing en l'air.

- Les arbitres arrêtent le match et assurent la sécurité du public en renvoyant les cognards dans le jeu, continuait le présentateur. Ils semblent décider si oui ou non la faute était volontaire ou pas.

- Bien sûr que c'était volontaire ! beugla Minerva. Walmer allait attraper le vif !

- Quelle action abjecte, renchérit Isobel malgré l'absence de son équipe favorite dans le jeu. Typique des Faucons.

Le présentateur reprit :

- Et bien sûr, les arbitres sanctionnent le joueur d'un arrêt de jeu et d'un pénalty en faveur des Pies de Montrose.

Des coups furent frappés à la porte, et Robert passa la tête dans l'entrebaîllement.

- Tout se passe bien là dedans ?

- Aucun problème, rassura Isobel l'œil étincelant, un joueur a envoyé une balle vivante dans la foule pour arrêter le jeu et empêcher l'équipe adverse de gagner.

Robert pâlit et referma la porte alors que Minerva éclatait de rire.

- Il faudra mieux gérer nos paroles quand on avouera tout à grand-père !

***

McGonagall,

J'irais droit au but. Ce qu'il s'est passé la dernière fois dans ce couloir, tu ne dois le dire à personne. Je n'ai pas envie que ça se sache. Et ne cherche pas à me poser des questions, tout ça ne te regarde absolument pas.

C'est ma vie privée et je te demanderais à ce que cela reste entre nous.

Cora Greengrass.

Minerva reposa la lettre sur son bureau avec un air songeur. Cora n'aurait jamais envoyé de lettre si ça n'avait pas été important, elle aurait attendu la rentrée. Minerva se retrouvait tiraillée entre sa curiosité et ses valeurs. La Serpentarde semblait être prise en charge par l'infirmière et ne voulait pas ébruiter son moment de faiblesse ce qui indiquait la gravité de sa situation.

- Minerva ? appela Isobel du bas de l'escalier. Ton grand-père est arrivé.

Minerva releva la tête et parcourut rapidement du regard sa chambre, vérifiant que tout était bien rangé. Les parents avaient été clairs : pas d'objets magiques qui trahiraient leur appartenance à la communauté sorcière avant qu'Eugene ne soit mis au courant. Il n'avait pas souvent été invité à venir, en grande partie parce que Robert Jr avait du mal à contrôler sa magie même s'il était bien meilleur que son frère Malcolm qui lui, en avait été incapable. Les années passant et son envoi à Poudlard avaient soulevé un poids des épaules de la famille qui craignait sans cesse que quelqu'un ne découvre leur secret. Eugene n'était venu que très rarement dans leur maison mais il n'avait jamais semblé en être vexé. Son fils lui avait plusieurs fois rendu visite pendant l'année scolaire et Eugene faisait avec.

Minerva descendit rapidement les escaliers et rejoignit sa famille déjà réunie. Sa mère était vêtue des vêtements moldus qu'elle avait acheté quand son mari ignorait encore sa nature. Elle ne les avait pas portés depuis un moment elle ne semblait pas mécontente de revêtir sa robe bleu marine vieille de 20 ans de mode. Elle lui avait un jour dit que les vêtements moldus lui paraissaient plus libérés et moins conventionnels, mais Minerva ne savait pas si les femmes moldues penseraient la même chose.

Malcolm et Robert Jr avaient été forcés de troquer leur pull représentant les Canons de Chudley pour un ensemble plus normal pour Eugene. D'ailleurs celui-ci, impeccable dans son gilet et son pantalon bien coupé, s'était repris en main dès qu'il avait renoué avec la famille de son fils. Il sourit en la voyant et Minerva alla l'embrasser. Le fait que ç'ait été elle qui soit venue le voir chez lui avait créé un lien entre les deux. Isobel attrapa Robert Jr par la main et l'emmena dans la cuisine, sous prétexte de se laver les mains avant de passer à table. Minerva ne savait si la véritable raison de ce départ était d'éviter à Robert de faire de la magie malencontreusement ou si c'était parce qu'Isobel était toujours aussi embarassée face à son beau-père. Sûrement un peu des deux. Malcolm les rejoignit et Robert entraîna sa fille et son père dans le salon, où il servit deux verres de scotch. Eugene demanda des nouvelles de la scolarité de Minerva et celle-ci jeta un regard prudent à son père avant de servir le même mensonge qu'à tout le monde. L'idée était de rester vague, ne pas rentrer dans les détails et utiliser la carte de l'école privée en Ecosse. Elle se sentait peu à l'aise à l'idée de lui mentir, surtout qu'ils étaient tous censés lui dire la vérité dans les prochains jours.

- Minerva est dans la même école que moi quand j'étais plus jeune, intervînt Isobel en revenant de la cuisine.

Minerva nota du coin de l'œil que Robert Jr était dans un coin de la pièce, occupé à empiler des formes géométriques en bois. Elle remarqua le regard légèrement inquiet de sa mère sur lui et se dit qu'il était amplement temps d'arrêter de vivre dans cette crainte continuelle du secret magique. Elle se leva et s'assit aux côtés de son frère afin de le surveiller. Isobel sembla soulagée car elle s'installa près de son mari, le regard plus détendu et entreprit de continuer la conversation avec son beau-père.

- Robert, fit Minerva en lui prenant une pièce de bois des mains, tu es censé faire un cube avec tout ça, pas une tour.

Elle avait de toute manière toujours pensé que ce jeu était bien trop compliqué pour un enfant de six ans. Robert fronça les sourcils mais ne dit rien, continuant sa tour. Malcolm, ennuyé par la discussion d'adultes que tenaient les trois autres, les rejoignit également. Encore une fois, il trouva le moyen de faire remarquer à sa sœur qu'elle n'avait jamais pris le temps de jouer avec lui quand il était plus jeune.

- C'est parce que t'étais un sale morveux, répliqua Minerva en souriant légèrement.

Ce n'était pas entièrement vrai, mais comparé à Robert Jr qui était très silencieux, Malcolm avait été un enfant aussi excité qu'un cognard. Celui-ci ne tînt pas compte de sa sœur, habitué à leurs gentilles chamailleries. Leur différence d'âge n'étant que de deux et demi, les deux arrivaient à garder une bonne relation. Minerva avait un peu peur que Robert soit mis à l'écart. Quand il rentrerait à Poudlard, Malcolm sera parti depuis quelques mois, sans parler d'elle-même. Qui sera présent pour lui montrer les meilleurs coins de Poudlard, les meilleures astuces pour s'y déplacer ? Ou alors, qui lui indiquera le chemin vers les cuisines ? Pas qu'elle-même en avait particulièrement besoin, mais beaucoup d'élèves se faisaient un devoir de connaître l'emplacement.

Malcolm prit une pièce du tas de Robert et celui-ci se mit à râler. Minerva le lui rendit avec un regard sévère pour son frère.

- Arrête, tu sais bien que si tu l'embêtes il ne pourra pas se contrôler, chuchota-t-elle.

Malcolm souffla du nez et jeta un bref coup d'œil à ses parents.

- Qu'est-ce qu'ils attendent pour tout dire à grand-père ? C'est usant de devoir se cacher de sa propre famille.

Minerva ne répondit rien. Elle était d'accord avec son frère, mais elle songeait également aux paroles de sa mère, à la période dans laquelle elle avait vécue. Une période où Grindelwald sévissait et où les moldus prenaient conscience qu'un autre peuple vivait parmi eux et contre lequel ils semblaient impuissants. Une seconde chasse aux sorcières qui démontraient tant de la terreur des moldus pour les sorciers que celle des sorciers pour leurs tortionnaires. Mais Minerva savait bien que les moldus étaient loins d'être faibles face à la communauté sorcière. Il suffisait de voir de quoi l'humanité avait été capable de faire quelques années plus tôt. Encore une des excuses pour prouver que les sorciers ne devraient au grand jamais se révéler aux moldus.

Minerva observa du coin de l'œil son grand-père. Malgré son lien avec lui, elle était incapable de savoir de quelle façon il allait réagir. Son visage souriant et son air affable ne tarderaient pas à se transformer en un masque d'incompréhension. Le chemin de la rédemption avait été long, fastidieux et délicat, et Minerva ne supporterait pas que tant d'efforts soient réduits à néant.

À la place de tout cela, elle préféra dire à son frère :

- Patience, chaque chose arrive en son temps.

Un éclat de rire la fit se tourner vers Robert Jr. A priori rien d'anormal, il ne gigotait que seulement sur place, le regard étincelant. Elle ne réalisa que quelque chose clochait que quand Malcolm pointa d'un doigt faible une pièce en bois. Qui se tenait à deux mètres au dessus du sol, flottant dans le vide.

- Mais qu'est-ce que...

Minerva regarda son grand-père, l'air tout pâle, la bouche entrouverte et un verre de scotch à mi-chemin vers ses lèvres. Elle attrapa rapidement la pièce en bois mais le mal était fait. Peut-être que le moment était venu désormais...

***

- Grand-père ?

Eugene ne répondit rien. Minerva s'approcha doucement, de peur de l'effrayer.

Suite à l'acte de Robert Jr sur ces pièces de bois, la famille avait été forcée de tout lui révéler. Il avait d'abord fallu le calmer, après tout, il venait d'être témoin de lévitation, ce qui pour lui, n'était pas censé exister. Robert lui avait servi un autre verre de whisky et Minerva et Malcolm s'étaient faits tout petits, ce qui, compte tenu de leur taille respective, s'était révélé être un échec. Isobel, le visage impassible, avait semblé faire tout son possible pour garder son sang-froid, se demandant sûrement par quel bout commencer. Même en étant le fautif, Robert Jr avait été le plus serein de tous, ce que Minerva avait trouvé injuste. Finalement, tout avait été expliqué à Eugene avec maintes précautions. Il avait fini par décider qu'il avait besoin de prendre l'air, ce qui avait détendu tout le monde. Au moins, ne s'était-il pas enfui.

Il fumait désormais dehors malgré le froid, et Minerva avait attendu avant de le rejoindre, préférant une confrontation directe avec lui plutôt que l'ambiance tendue qui régnait dans le salon depuis son départ.

Elle croisa les mains devant elle, le visage baissé mais les yeux surveillant les expressions de son grand-père. Il ne semblait pas vouloir dire le premier mot. Elle voulait lui demander s'il ne leur en voulait pas de lui avoir caché tout cela et s'il comprenait leur silence, mais à la place elle souffla :

- Dis-moi que tu n'as pas peur de nous...

Peut-être était-ce donc cela qu'elle craignait le plus au fond. Elle ne savait ce qu'elle ressentirait si jamais il se trouvait effrayé par ses propres petits-enfants.

Elle sentit une main hésitante se poser sur son épaule. Elle releva la tête et rencontra le regard incertain de son grand-père.

- Je n'ai pas peur de vous, Minerva.

Elle hocha la tête, les yeux picotant.

- Tu sais, on avait prévu de te le dire, mais Robert nous a un peu... coupé l'herbe sous le pied avec sa...

- Je comprends, interrompit précipitemment Eugene, comme si le mot lévitation faisait encore partie d'un vocabulaire délicat à employer.

Minerva acquiesça une nouvelle fois. Eugene sembla hésiter un instant avant de demander :

- Donc... cette école où tu vas... ce n'est pas un pensionnat pour jeunes filles.

Minerva secoua la tête.

- C'est une école pour les gens comme... nous. Malcolm, maman et moi. Robert Jr ira également. C'est comme une école chez ceux qui n'ont pas de magie, elle nous forme et nous enseigne ce qu'il faut savoir pour plus tard.

- Mais vous n'apprenez pas la littérature, les sciences... ?

- Tout cela ne nous servirait pas à grand-chose pour notre travail chez les sorciers.

Elle nota tout de même son point de vue. Elle aussi s'était plusieurs fois demandé comment les sorciers qui ne souhaitaient plus vivre dans leur communauté faisaient pour s'intégrer chez les moldus, pour trouver un travail alors qu'ils ne disposaient pas des connaissances nécessaires. Sa mère par exemple, promise à une place importante dans le ministère avait dû y renoncer et s'était retrouvée sans emploi suite à son absence de connaissances du monde moldu.

- Je comprends un peu mieux pourquoi la famille de ta mère était étrange, fit Eugene en tirant sur sa cigarette.

Minerva se tortilla, gênée. Elle voyait où les pensées de son grand-père allaient arriver.

- Je comprends également que cette... sorcellerie a été un des facteurs de notre éloignement avec ton père.

- C'était trop dangereux de vous dire la vérité, défendit doucement Minerva.

Elle était cependant soulagée car elle avait relevé l'emploi du passé dans la phrase de son grand-père, signe que la découverte de leur particularité ne détruirait pas leur relation. En revanche, elle n'allait pas se risquer à parler de son Animagus. Même sa famille avait frôlé la crise cardiaque en apprenant ce qu'elle avait fait. Malcolm avait trouvé ça « trop cool » et son père, alors qu'il ne connaissait pas les risques, savait qu'elle avait agi de façon dangereuse. Minerva avait cependant pu voir un éclat de fierté dans les yeux de sa mère, mais cela ne l'avait pas empêchée de lui passer un savon.

Les deux finirent par rentrer suite à un frisson de la part de Minerva. Le reste de la famille leva le nez d'une manière incertaine. Eugene sourit d'un air aussi léger que possible :

- Je vois qu'il reste un peu de whisky !

***

Minerva rangea précautionneusement son nécessaire à balai qu'elle avait reçu pour Noël. Elle avait également eu des romans moldus pour noyer un peu le poisson concernant le monde sorcier. Ses parents n'avaient pas voulu que leurs enfants aient trop de présents qui touchaient leur monde, de peur de rendre Eugene mal à l'aise. Robert s'était peu à peu fait à l'idée que ses fils et sa fille reçoivent un balai, des chocolats en grenouille et qui s'animaient, des confiseries aux goûts (trop) spéciaux.

Isobel frappa à la porte tout en passant la tête dans l'entrebaillement.

- J'ai quelque chose pour toi, dit-elle avec un petit sourire.

Elle entra dans la chambre sous le regard intrigué de sa fille. Elle s'assit sur le lit, sortit une enveloppe de sa poche et la tendit à Minerva.

La lettre à l'intérieur lui était adressée et avait été écrite d'une main élégante et soignée.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

Isobel ne dit rien et lui fit signe de lire.

« Chère miss McGonagall,

Je me présente, Rachel Van Kaas journaliste et rédactrice en chef du magazine Métamorphoses de nos jours. Faisant partie de nos abonnés, vous devez sûrement savoir de quoi notre journal retourne. Nous nous intéressons à tous les évènements liés à la métamorphose et il se trouve que nous nous rendons régulièrement au département des créatures magiques du Ministère afin de regarder le registre d'Animagus. Quelle ne fût pas notre surprise en découvrant un nouveau nom inscrit, le premier depuis des siècles !

Nous aimerions consacrer un article sur votre expérience en tant qu'Animagus au cours d'une interview que j'espère, vous accepterez.

Envoyez-moi un hibou avec votre réponse dès que possible, en l'attente d'un retour positif.

Mes sincères salutations,

Rachel Van Kaas, rédactrice en chef du Métamorphoses de nos jours. »

Minerva leva un visage ébahi sur sa mère qui de toute évidence, avait déjà lu la lettre.

- C'est une blague ?

- Dis-moi que ça te fait plaisir, je voulais te le donner comme cadeau pour Noël, mais je craignais que ce soit trop pour Eugene de savoir que tu pouvais prendre l'apparence d'un chat...

Minerva ne put s'empêcher de sourire, les joues roses d'excitation. Un article sur son expérience d'Animagus ? Bien entendu qu'elle allait accepter ! Elle alla à son bureau et entreprit de griffonner une réponse avant de plier la missive et de l'accrocher à sa chouette qui trépignait depuis qu'elle l'avait vue prendre la plume.

- Attends-toi à ce qu'ils soient surpris par ton âge, dit Isobel avec une étincelle de malice dans les yeux.

Minerva haussa les épaules, partant du principe que son journal préféré ne ferait jamais de commentaires sur sa jeunesse.

Elle reçut une réponse dans l'heure qui lui enjoignait d'aller aux bureaux du journal dans une des rues transversales au Chemin de Traverse le lendemain, à midi.

Quelques minutes avant le départ, Minerva s'observait dans le miroir d'un air critique. Elle avait revêtu une robe simple avec une cape émeraude sur les épaules et espérait ne pas faire trop adolescente. Elle ne voulait pas que les journalistes soient condescendants avec elle.

Isobel passa la tête dans sa chambre.

- Prête ? Je transplane avec toi, j'irai faire un tour dans le Chemin de Traverse pendant ton entretien.

Minerva l'observa légèrement. Les yeux de sa mère pétillaient d'excitation, mais Minerva était certaine que c'était en grande partie dû au fait qu'elle allait pouvoir se rendre dans le monde sorcier. S'occuper de Robert Jr lui prenait un temps fou et elle ne se rendait que rarement dans son monde originel, les seules fois étant une bouffée d'oxygène salvatrice. Cela faisait plaisir à Minerva de voir sa mère ainsi, mais d'un autre côté, cela lui serrait le cœur de voir à quel point Isobel était touchée de se balader dans un endroit qui devrait être habituel.

Elle frotta des poussières inexistantes de sa cape et suivit sa mère en bas des escaliers. Son père lui jeta un coup d'œil, le nez frémissant de perplexité et d'amusement devant ses habits.

- Madame a-t-elle sa calèche de prête ? Souhaite-elle que son humble valet l'accompagne à la cour ?

- Ha ha ha, très amusant, papa, répliqua Minerva d'une voix sarcastique avec néanmoins le sourire aux lèvres.

- C'est moi le valet cette fois, intervînt Isobel. Allez, dépêche-toi, ajouta-t-elle en se tournant vers sa fille, tu ne veux pas être en retard.

Elles sortirent de la maison et après avoir jeté de brefs regards pour vérifier que personne ne les regardait, Isobel transplana. Elles atterrirent dans une ruelle adjacente au Chaudron Baveur. Dans la rue principale, durant les quelques pas qu'elles firent dans le monde non-sorciers, plusieurs moldus se retournèrent face à leur accoutrement. Isobel pressa le pas et poussa la porte du pub. L'ambiance chaleureuse et tellement différente de chez eux les percuta avec délice. Minerva vit dans les yeux de sa mère la bataille interne pour savoir si oui ou non elle devait s'arrêter ici pour boire un verre de peu-importe-tant-que-c'est-sorcier alors elle la traina vers le fond de la boutique lui disant qu'elle pourrait s'arrêter en retour. Elle la laissa tapoter les pierres dans le bon ordre et celles-ci s'écartèrent pour les laisser passer dans le Chemin de Traverse.

- Tu sais où se trouvent les bureaux ? demanda Isobel en observant autour d'elle avec joie.

Minerva acquiesça et ajouta :

- Vas-y, je me débrouille à partir de là.

- T'es sûre ?

Minerva hocha de nouveau la tête. Elle n'avait pas besoin de sa mère dorénavant et elle ne voulait pas la retenir plus longtemps. Elle la remercia de l'avoir amenée et avant de prendre son chemin, nota l'étincelle heureuse dans les prunelles de sa mère. Son cœur se pinça. Décidément, c'était plus triste qu'autre chose de la voir réagir ainsi à son environnement natal.

Elle tournoya entre les passants, croisa quelques étudiants de son âge qu'elle connaissait vaguement, entendit les dernières nouvelles du monde magique comme moldu, s'efforça de ne pas s'attarder devant le magasin de balais. Et soudainement, son regard croisa des yeux sombres et un nez en trompette couvert de tâches de rousseur qu'elle connaissait bien. Cora, comme sentant un poid sur elle, leva les yeux et aperçut Minerva. Les deux filles restèrent un bref moment à s'observer. Cora était accompagnée de quatre personnes plus âgées dont deux étaient sûrement les parents, le même nez pointu dressé d'un air hautain. Les deux autres étaient un couple. Au vu de la rondeur du ventre de la femme, celle-ci était enceinte. L'homme, un peu plus vieux que Minerva, ressemblait comme deux gouttes d'eau à Cora. Celle-ci était à l'arrière, l'air sombre. Les quatre autres discutaient entre eux, semblant ne pas faire attention à la jeune fille.

Quelqu'un bouscula Minerva et elle perdit le contact visuel avec la Serpentarde. Quand elle releva les yeux, elle et sa famille étaient déjà trop loin.

Minerva observa le dos légèrement voûté de sa camarade, ses pieds plus trainants qu'à l'habitude. Ses mains, tremblantes la dernière fois, étaient enfoncées dans ses poches. En bref, elle avait une manière de se tenir qui ne devrait pas plaire à sa famille de Sang-Pur. Et pourtant, c'était à peine si celle-ci remarquait sa présence.

Minerva sortit de ses pensées et se secoua. Elle reprit sa route, ne souhaitant pas arriver en retard.

Les bureaux étaient de grands bâtiments en marbre blanc coincés dans une ruelle étroite. Les battants en bois de la porte étaient entourés de deux colonnes très simples. Un registre l'attendait et une plume à papote flottait au-dessus des mots qui indiquaient « veuillez inscrire votre nom, prénom, et raison de votre venue ». Minerva attrapa la plume et répondit. La feuille disparut dans un trou de la porte comparable aux boîtes aux lettres moldus. La jeune fille attendit un bref moment avec que la porte ne s'ouvre silencieusement.

L'intérieur était somme toutes sans extravagances. Un large couloir se dirigeait vers des escaliers en colimaçon et un bureau était placé sur la droite. La secrétaire y travaillant l'accueillit avec un sourire et lui dit :

- Minerva McGonagall ? Bien, dit-elle en voyant le hochement de tête. Pour l'interview, c'est au quatrième étage, seconde porte sur la droite. Si vous ne trouvez pas, actionnez la sonnette en haut de l'escalier, quelqu'un viendra vous chercher.

Minerva acquiesça et suivit les directions. Arrivée en haut, elle frappa à la porte, simple panneau de bois, et celle-ci s'ouvrit toute seule. Minerva resta là, ne sachant pas trop quoi à faire.

- Madame McGonagall, entrez, fit une voix féminine à l'intérieur.

Minerva obéit et pénétra dans la pièce, un vaste bureau avec un mobilier rustique mais chaleureux. De grandes fenêtres donnaient au-dessus des autres bâtiments extérieurs et Minerva pouvait apercevoir la banque de Gringotts plus loin. Elle reporta son attention sur le groupe de journalistes qui l'observait d'un air perplexe. Un homme et deux femmes.

-Ah, heu... Mademoiselle McGonagall, corrigea une des femmes aux cheveux frisés.

- C'est vous Minerva McGonagall ? demanda ébahi l'homme avec un fort accent irlandais.

Minerva opina de la tête et haussa un sourcil défiant. Il y eut un petit silence avant que la même femme se lève avec un sourire.

- Eh bien, cette interview en sera d'autant plus intéressante ! Asseyez-vous je vous prie. Veuillez nous excuser, nous ne nous attendions pas à une étudiante, c'est tout.

Elle indiqua une chaise entre elle et son collègue et Minerva s'installa, ne sachant pas trop quoi faire ensuite. Les journalistes avaient des feuilles de notes prêtes ainsi que des plumes à papotes trempant dans leur encrier. La femme aux cheveux frisés sourit.

- Je suis Rachel Van Kaas, c'est moi qui vous ai contactée par hiboux. Je suis heureuse que vous ayiez répondu à mon appel. Comme je vous l'ai écrit, les Animagus se font rares, si ce n'est inexistant.

- J'ai vu sur le registre que le dernier vivait au quinzième siècle, souleva Minerva.

- Oh, il y en a forcément qui ne sont pas allés au Ministère pour s'enregistrer, dit le journaliste homme. Par rébellion ou par peur, peu importait. En Amérique par exemple, une légende courait parmi les amérindiens selon laquelle les personnes pouvant se transformer en animal étaient des sorciers malveillants qui utilisaient la magie dans le but de faire du mal. Et bien sûr, les chasses aux sorcières ont joué un rôle immense dans cette baisse d'enregistrement. Pádraig O'Connor, se présenta-t-il finalement, spécialiste dans l'histoire d'Animagus.

L'autre femme, aux traits asiatiques, s'introduisit comme étant Katy Lian, spécialisée dans la juridiction des Animagus.

Van Kaas reprit la parole, indiquant que l'interview pouvait commencer.

- Les plumes à papotes retranscriront toutes nos paroles. Vous pourrez également relire le script final et donner ensuite votre accord. Cela vous semble-t-il correct ?

Minerva acquiesça.

- Pourriez-vous vous présenter de manière très rapide pour commencer ?

- Je m'appelle Minerva, je suis née à Caithness en Ecosse en 1935 d'une mère sorcière et d'un père moldu.

- Pourquoi avez-vous entamé une procédure pour devenir Animagus ? demanda Lian.

Minerva réflchit un bref instant.

- Je suis passionnée par la métamorphose. C'est une magie complexe qui peut faire beaucoup de dommages si elle n'est pas maîtrisée. Je voulais aller plus loin que les cours donnés à Poudlard alors quand le professeur Dumbledore m'a offert cette chance, je l'ai tout simplement saisie.

- Le professeur Dumbledore ? releva Van Kaas.

- C'était mon tuteur.

Les journalistes échnagèrent des regards surpris.

- Pensez-vous qu'Albus Dumbledore est un Animagus ?

Minerva fronça le ssourcils.

- Il m'a dit que non.

- Il vous a dit que non..., répéta Lian les yeux fixés sur elle.

- Il n'a pas forcément besoin d'être Animagus pour enseigner cet art, défendit Minerva. C'est un sorcier excellent et il maîtrise la métamorphose comme personne.

Lian parut sceptique mais n'insista pas. A la place, elle nota quelques mots sur son propre carnet pendant que sa plume à papote gribouillait frénétiquement. Van Kaas s'éclaircit la gorge.

- Quand avez-vous commencé et terminé le processus ?

- Cela m'a pris un peu plus de deux ans. J'ai commencé en novembre 1950 et ait terminé en décembre 1952.

- Seulement deux ans ?

- C'est bien suffisant selon moi !

- Pourquoi ? s'enquit O'Connor. Avez-vous songé à abandonner ?

Minerva se mordit la lèvre et acquiesça.

- Chaque échec est frustrant, avoua-t-elle, et même si ça valait le coup à la fin, je me suis souvent demandé s'il ne serait pas mieux que je fasse une pause pour, pourquoi pas, reprendre dans quelques années.

- Dumbledore vous a-t-il assistée durant vos étapes ?

- Pas directement, mais je sais qu'il veillait à ma sécurité. Il m'a fait confiance, et je lui en suis reconnaissante.

- Et pourquoi pensez-vous que Dumbledore vous aie choisie vous ?

Minerva se tourna vers Lian.

- Je ne sais pas trop... Il dit... il dit que je suis sa meilleure élève en métamorphoses.

Lian pencha la tête.

- Il était lui-même excellent dans cette matière. Pensez-vous qu'il souhaite prodiguer ses compétences en Animagus à une autre génération ?

- Ses compétences ? releva Minerva. Mais il n'est pas Animagus.

- Selon ses dires.

Minerva se redressa. La journaliste commençait à l'agacer avec ses allusions. Qu'est-ce qu'elle essayait de faire, la forcer à insinuer que Dumbledore était un Animagus illégal ?

- Et vous, souhaitez-vous tout simplement provoquer un scandale ? Je ne suis peut-être encore qu'une étudiante mais je ne suis pas stupide au point de ne pas rester méfiante auprès des journalistes comme vous. Contrairement à ce que vous semblez croire.

Van Kaas s'éclaircit la gorge.

- Ce n'est pas ce que Katy voulait dire, dit-elle d'une voix apaisante tout en jetant un regard d'avertissement à sa collègue. Je rappelle que cette interview ne concerne pas Albus Dumbledore mais bien Minerva, si nous pouvions revenir sur le sujet je vous prie...

Pádraig O'Connor n'hésita pas et embraya :

- Vous avez dit que vous étiez née d'un père moldu, selon la loi du Secret Magique vous n'êtes pas censée révéler quoique ce soit à ces personnes là. Comment avez-vous réussi à garder le secret de ce processus long et nous pouvons le dire, assez délicat à cacher ?

Minerva resta un bref moment silencieuse. Lian fronça les sourcils en notant son hésitation. Devait-elle dire que son père était au courant de la magie ? Devait-elle mentir ?

Finalement, elle n'eut pas à tergiverser plus longtemps car Lian demanda :

- Mademoiselle McGonagall, avez-vous révélé le monde magique à votre père ?

Elle ne parvînt pas à dissimuler son inquiétude et O'Connor bondit sur l'occasion :

- Mais vous et votre mère étiez-bien au courant du secret magique ? Tout sorcier le connaît, notre communauté a bien trop souffert des moldus pour oublier ce qui s'est passé.

- Et vous savez qu'il est interdit par la loi de révéler quoi que ce soit, famille ou pas famille, à propos du monde magique ? assena Lian.

- Vos parents sont-ils sorciers ? demanda abruptement Minerva aux deux journalistes.

Ils hochèrent la tête, le sourcil levé.

Minerva serra les dents. Ils n'avaient pas le droit. Ils n'avaient pas le droit de leur reprocher à elle et sa mère, de vouloir protéger l'unité familiale. Pas alors qu'ils étaient de nés de parents sorciers.

- Vous ne savez pas ce que c'est, dit-elle le regard furieux, que devoir vivre en cachette de son propre père, de son propre mari. Vous n'avez pas eu à dissimuler la magie de vos frères en espérant que personne ne verrait quoi que ce soit. Vous n'avez pas eu à croiser les doigts pous que, si jamais le secret venait à être révélé, votre père ne s'enfuie pas et ne vous abandonne pas. J'ai eu la chance de grandir avec une figure paternelle qui m'accepte telle que je suis, contrairement à d'autres, alors je me fiche de savoir si ma famille et moi avons respecté la loi ou non sur ce secret magique.

Minerva se leva, les mains crispées.

- Je pense que je ferais mieux de partir. Et au cas où vous ne l'auriez pas compris, cette loi est stupide et fait plus de mal que de bien.

Elle se tourna vers O'Connor :

- Vous qui êtes un spécialiste en histoire, vous devez bien savoir qu'il est nécessaire d'apprendre du passé pour construire un futur meilleur ? Eh bien il est temps aujourd'hui.

Elle n'attendit pas de réponse de leur part et sortit de la pièce. Cela lui avait paru normal de hausser le ton face aux journalistes afin de défendre son point de vue, mais maintenat, elle se demandait si elle n'allait pas provoquer un scandale. Van Kaas lui avait bien promis qu'elle pourrait voir le compte rendu-final de l'interview mais...

- Mademoiselle, attendez !

Minerva reconnut la voix de Van Kaas et se retourna, tendue. La journaliste n'avait pas soufflé mot durant toute l'altercation et elle ne savait donc pas à quoi s'attendre.

- Je vous prie d'excuser mes collègues, dit-elle avec un sourire crispé. Vous savez forcément que l'on aime bien creuser dans les sujets à problèmes...

- Je n'aime pas trop ça, dit franchement Minerva ce qui fit grimacer la journaliste.

- Je peux le comprendre. Je voulais simplement vous dire qu'il n'y aura pas de suite à cette intervention dans le rapport de l'interview.

- Vos collègues ne vont pas vouloir « creuser dans le sujet » ?

Van Kaas eut un petit sourire.

- Je les forcerai à taire ce léger souci, c'est moi qui me charge de la rédaction et de l'assemblage final. Et puis...

Elle sembla hésiter un court instant.

- Mon père était un moldu hollandais. Lui aussi était au courant de la magie et l'a pris aussi bien qu'il était possible de prendre ce genre de nouvelles.

- Et maintenant ?

Van Kaas eut un petit sourire triste.

- Il a été déporté pendant la Seconde Guerre mondiale moldue. Il était Juif, alors peu lui importait que des sorciers se fassent persécuter par des moldus, il avait déjà assez de problème par rapport à sa religion. J'imagine que ça lui a permis d'accepter plus facilement notre singularité.

Minerva hocha la tête, compréhensive. Elle finit par remercier la journaliste et sortit du bâtiment sans un regard en arrière.

***

L'article final était paru deux semaines plus tard, après que Minerva eut donné son accord sur les idées proposées. Aucune allusion à son père n'avait été faite, et elle soupçonnait que Van Kaas en avait été la cause.

« Edition 2194 : transformation en chat tigré : les experts perplexes. P.29 »

Apparemment, cela n'avait aps empêché les journalistes de donner leur avis sur la question. Bien qu'ils soulignaient une « prouesse sans égale et méritante » ils ajoutaient sans vergogne qu'elle avait été réalisée par « une jeune étudiante pas encore diplômée dont l'ambition semblait trop forte pour attendre la fin des Aspics ».

Minerva avait fini par hausser les épaules, désabusée. Elle préférait tout de même cette fin plutôt que son père soit mis sous le jour dans un journal sorcier. Elle reposa l'édition sur son bureau puis ferma son sac à dos et descendit des escaliers.

Sa mère l'attendait en bas, occupée à lire tandis que son mari nettoyait sa cornemuse avec un chiffon. Celui-ci leva les yeux vers sa fille et sourit.

- C'est gentil de te porter volontaire pour aider grand-père.

Avant son départ, Eugene avait recquis de l'aide pour repeindre une des chambres de sa maison et Minerva avait effectivement proposé son assistance. Eugene avait semblé content car il avait souri et embrassé sa petite-fille en la remerciant.

Isobel se chargeait de l'emmener par transplanage, aussi, elle se leva tout en reposant son livre et haussa les sourcils en direction de Minerva.

- On peut y aller, répondit-t-elle à sa question silencieuse.

Les deux femmes sortirent de la maison et partirent se cacher sous l'abri à bois. Ils n'avaient peu de voisins mais on n'était jamais trop prudent.

Quand elles transplanèrent, Minerva vit qu'elle était désormais à quelques centaines de mètres du village, aussi paisible et calme que la dernière fois.

- Je reviendrai ici dans deux jours, d'accord ? fit sa mère.

Minerva acquiesça et la remercia.

- Tu ne veux pas y rentrer ?

Isobel eut une légère grimace et ne répondit pas. Minerva comprenait. Les souvenirs qui y reposaient n'étaient pas forcément joyeux. C'est ici que sa grand-mère, dont elle avait le prénom, avait été enterrée, ici qu'elle avait fui ses parents pour vivre avec Robert. Minerva se demanda un bref moment si ses grands-parents maternels vivaient toujours dans le coin. Si c'était le cas, les reconnaîtrait-elle par instinct, ou passerait-elle devant eux sans même réaliser qu'ils étaient là ?

- À dans deux jours alors, même heure.

Isobel sourit et hocha la tête. Minerva rajusta son sac sur ses épaules, tira sur les manches trop longues du pull moldu qu'elle avait revêtu et marcha en direction du village.

Il n'y avait que quelques rares habitants dehors en cette matinée de début de janvier 1953. Il faisait bien trop froid pour sortir et ne pas profiter de la chaleur d'un feu de cheminée en famille.

Minerva longea la rue principale avant de bifurquer sur une petite ruelle qui menait chez son grand-père. Sa bicyclette, qui semblait éternelle, était toujours posée contre la façade. La terre était fraîchement retournée, comme si des fleurs étaient attendues pour le printemps prochain.

Minerva frappa à la porte et attendit. Alors qu'elle entendait les pas de son grand-père approcher, elle ne put s'empêcher de se souvenir de la dernière fois qu'elle était venue, anxieuse, incertaine de comment approcher cette personne de la famille qu'elle n'avait jamais rencontrée auparavant. Mais lorsque la porte s'ouvrit sur un Eugene souriant, ses souvenirs s'envolèrent et les ressemblances s'arrêtèrent là. Elle lui fit un câlin, respirant son odeur de tabac –qu'elle désapprouvait mais qui lui était familière- et de café –la plupart du temps, bien trop mal dosé.

- Je suis content de te voir, dit-il la bouche dans ses cheveux.

Il s'éloigna et ajouta :

- On a plein de travail à faire, il était temps que tu arrives ! Rentre !

Il lui proposa du café, qu'elle refusa judicieusement, et il lui montra directement la pièce à repeindre.

- C'était la chambre de ton père avant, fit savoir Eugene en ouvrant la porte.

- Pourquoi la repeindre ? s'étonna Minerva. Il n'y vit plus.

Eugene ne répondit pas et entra dans la pièce, sommaire mais confortable et avec le mobilier nécessaire. Il désigna la peinture écaillée à certains endroits et Minerva put remarquer qu'elle avait bien besoin d'un rafraîchissement.

- Il faut d'abord acheter la peinture dans le magasin du coin. Tu m'accompagnes ?

Minerva acquiesça avec enthousiasme et les deux ressortirent. Eugene l'entraîna dans la rue principale, saluant au passage quelques connaissances.

- Tu connais tout le monde ici, s'amusa Minerva.

- Ça fait quarante ans que je vis dans ce village, alors oui, j'en connais des personnes !

- Et tu ne t'es jamais ennuyé ? Je veux dire, c'est assez petit...

Eugene sourit légèrement, et des rides apparurent au coin de ses yeux.

- C'est ici que j'ai rencontré Moyra, ma femme. Le coup de foudre ! C'est ici que je me suis marié, ici que ton père est né, ici qu'il a rencontré ta mère d'ailleurs. C'est aussi ici que ta grand-mère est enterrée. Je ne quitterais ce lieu pour rien au monde, mes attaches y sont bien trop ancrées.

Minerva baissa les yeux, un peu embarrassée d'avoir posé cette question. Eugene ne sembla pas lui en tenir rigueur car il l'a pris par les épaules et la guida sur la gauche, vers un magasin qui semblait vendre un peu de tout, tant que ça avait trait au bricolage, la jardinerie ou tout autre travail manuel.

Eugene enleva son chapeau et salua le vendeur.

- Bonjour Hamish ! Belle journée, aujourd'hui !

- N'est-il pas ? répondit avec entrain le vendeur Hamish.

Minerva faillit rire mais elle se retint, par politesse. Hamish s'approcha d'eux et serra la main d'Eugene, puis celle de Minerva.

- Comment puis-je vous aider ?

- C'est juste pour de la peinture, je te remercie. Ma petite-fille m'aide à repeindre la chambre de mon fils !

- Ta petite-fille ? La chambre de ton fils ?

Hamish jeta un regard surpris sur Minerva mais se rattrapa rapidement avec un sourire.

- Bien, bien, bien, mon fils va vous donner quelques avis. N'hésitez pas à m'appeler s'il est mauvais en conseils !

Il éclata de rire, content de sa blague, alors qu'un jeune homme arrivait par derrière les yeux roulant, l'air vaguement ennuyé par son paternel. Hamish partit dans les rayons et Minerva reporta son regard sur le garçon qui lui sourit. Elle mit quelques secondes à comprendre qu'elle le connaissait. Dougal, celui qui lui avait indiqué le chemin de la boulangerie lorsqu'elle cherchait son grand-père.

Eugene le salua et fit signe à Minerva de le suivre vers le rayon peinture, Dougal à leur suite. Minerva ne se fit pas prier, le souvenir de la dernière fois où elle avait rougi comme une gamine lorsqu'elle l'avait vu, encore dans sa tête. Elle le sentit caler sa cadence sur la sienne, son regard fixé sur son visage. Minerva eut quelques difficultés à l'ignorer du mieux qu'elle le put, mais il finit par craquer en demandant :

- Minerva, c'est ça ?

Celle-ci couina un petit « oui » avant de s'éclaircir la gorge, froncer les sourcils, et répéter avec plus de force.

Eugene se retourna avec surprise.

- Vous vous connaissez ?

Minerva hocha vaguement la tête, un signe entre l'acquiescement et la négation. Après tout, ils s'étaient juste croisés une fois.

- Elle cherchait son chemin et je l'ai aidée, c'était l'été dernier, répondit Dougal.

Eugene fit un petit « ah » et continua à déambuler dans les rayons jusqu'à la peinture, Minerva à sa suite.

- Qu'est-ce que tu préfères comme couleur ? lui demanda-t-il.

Minerva haussa les épaules.

- C'est ta maison, répondit-elle, choisis ce que tu veux. Autrement je prendrais du rouge pour un pan de mur, et une couleur neutre pour le reste.

- Du rouge ? s'étonna Eugene. Cela ne fait pas un peu... sanglant ?

Minerva haussa à nouveau les épaules.

- J'aime bien le rouge.

Eugene reprit son sourire et dit :

- Alors on prend du rouge ! Ce pot-ci conviendra bien pour les murs, jeune homme ? demanda-t-il à Dougal.

Celui-ci acquiesça et conseilla une autre teinte plus claire et passe-partout pour le reste.

- Les pinceaux sont en réduction si vous prenez un troisième pot de peinture, glissa-t-il l'air de rien.

Eugene éclata de rire.

- Ah, je reconnais bien ton père là ! Il t'a bien formé ! Allez on rentre Minerva, on a du travail à faire.

Dougal eut un petit air faussement dépité mais reprit son sourire en croisant le regard de Minerva. Celle-ci décrocha les yeux de ses pupilles chocolat et le salua rapidement avant de suivre son grand-père.

Ils étaient rentrés désormais et Eugene ne perdit pas de temps en installant des bâches au sol dans la chambre. Minerva ouvrit les pots de peintures et sortit des bacs et pinceaux de la remise.

- Où veux-tu mettre la couleur rouge ? demanda Eugene en remontant ses manches.

Minerva réfléchit un court instant et finit par désigner le mur contre lequel était la tête de lit.

- Mmh, fit Eugene, toujours pas convaincu par le rouge, c'est un coup à mal dormir. Enfin, c'est ton choix ma grande !

Il lui tendit un rouleau à peinture et lui conseilla de s'occuper du rouge, pendant que lui commençait un autre pan de mur.

- Tu m'as parue bien silencieuse tout à l'heure au magasin, remarqua Eugene en plongeant son rouleau dans le pot de peinture beige. C'est à cause de ce Dougal ? Ça s'est mal passé votre première rencontre ?

- Non, non, tout va bien, assura Minerva en étalant la peinture sur le mur. Je ne le connais pas trop.

Eugene fit un petit signe d'acquiescement avant de retourner à son mur.

Minerva resta silencieuse quelques secondes avant de demander :

- Dis, ils étaient comment les parents de ma mère ?

Eugene parut surpris.

- Pourquoi est-ce que tu me demandes ça à moi ? Ta mère serait plus à même de te répondre.

- Maman n'aime pas trop parler d'eux, expliqua Minerva. Je sais juste qu'ils étaient durs et très conservateurs et que c'est pour ça qu'elle est partie.

Eugene soupira et peignit un bout de mur avant de répondre :

- Je n'en connais pas plus que toi tu sais. Ils ne sortaient que très rarement de leur maison et quand ils le faisaient, ils ne parlaient à personne. Tout le monde était intrigué, et ils étaient souvent dans les sujets de conversation. Ils avaient l'air austère et ta mère Isobel contrastait beaucoup. Le fait qu'elle soit vue en compagnie de Robert étonnait. Et puis, il y avait ton arrière grand-mère aussi. Très joyeuse, très bavarde. Le contraire de son fils et de sa belle-fille. Sa mort a été un coup dur pour Isobel. Robert m'a raconté l'enterrement, apparemment tes grands-parents sont restés très dignes. En revanche il est dit que ton grand-père Léopold avait été touché lors de la cérémonie mias évitait de le montrer. C'est tout ce que je sais, ma chérie.

Minerva acquiesça et demanda :

- Et tu sais s'ils habitent encore ici ?

Eugene secoua la tête.

- Non ils sont partis assez rapidement après la fuite de ta mère. Je ne sais pas où.

Minerva lui offrit un sourire et le remercia. Elle ne savait pas si elle était heureuse de savoir qu'elle ne risquait pas de croiser ses grands-parents ou pas. D'un côté, sa curiosité aurait voulue être assouvie, mettre un visage sur des noms. D'un autre, elle savait que l'accueil n'aurait pas été chaleureux. Peut-être, était-ce plus simple ainsi.

***

- Ça rend bien le rouge, en fin de compte.

Minerva approuva, admirant leur travail final. Le rouge lui rappelait les couleurs de Gryffondor, une des raisons pour lesquelles elle avait choisi cette couleur, et les tons de beige adoucissaient l'ensemble et permettaient à la pièce de rester illuminée même par temps de grisaille.

- Tu arriverais à dormir ici, tu crois ? demanda Eugene avec un sourire.

Minerva se tourna vers lui en fronçant les sourcils.

- Comment ça ?

- Voyons, tu penses bien que nous n'avons pas repeint cette chambre pour que personne n'y dorme ! Qu'est-ce que tu en penses ? Pour passer quelques jours quand tu en auras envie. Ça pourrait être bien, non ?

Minerva eut un large sourire. Elle n'arrivait pas à croire qu'Eugene se soit si bien remis de la révélation sur la sorcellerie et qu'il ne se soit pas éloigné d'eux. Au contraire, fournir des explications semblait avoir forgé des liens plus forts. Et sa proposition enchantait Minerva.

Oui, ça pourrait être vraiment bien.

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