Chapitre 7

Les portraits du bureau du directeur étaient tous réveillés, même si c'était quatre heures et demie du matin. Ils observaient avec intérêt, effarement, colère, étonnement, les deux jeunes filles assises dans le bureau du directeur. Madame Pomfresh passait de l'une à l'autre, jetant des charmes, administrant des potions, serrant des bandages, enduisant d'onguent des contusions, recousant même l'arcade sourcilière de Pansy Parkinson, avant de faire de même avec le haut du front de Ginny Weasley. Le Directeur faisait les cent pas devant elle, interrogeant du regard McGonagall. Celle-ci était occupée à rédiger une lettre à l'attention des parents des deux jeunes filles.

Les deux adolescentes semblaient épuisées mais toujours énervées. Elles étaient pâles, car toutes les deux avaient perdu du sang suite à des maléfices. Pansy avait failli se démettre l'épaule en tombant à la renverse, et Ginny avait foulé son poignet. Mais malgré les blessures, malgré les remontrances, elles ne semblaient pas regretter. Elle voulaient en découdre, c'était chose faite.

McGonagall, quant à elle, était impressionnée du culot des jeunes filles. Se battre en duel au milieu de la nuit, et au milieu d'un couloir, en sachant pertinemment ce qu'elles risquaient... Et on n'était qu'en octobre ! Comment l'année se déroulerait ?

De plus, elle avait vraiment eu peur pour les deux filles. Elles avaient lancé des maléfices très puissants, autant l'une que l'autre, qui dépassaient le niveau d'une sixième année, voire même des ASPICs... Les conséquences auraient pu être fatales. "Comment, comment, pensait-elle, deux filles mineures, scolarisées, ont pu apprendre et utiliser ces sorts ?" La guerre avait pénétré les murs de l'école bien plus loin que simplement dans le corps enseignant : les élèves semblaient se croire en guerre civile.

Lorsque l'infirmière quitta la pièce, Rogue se plaça derrière son bureau, et parla longuement des risques inconsidérés qu'avaient pris les jeunes filles, du caractère parfaitement illégal de leurs agissements, ainsi que des conséquences que cela allait avoir sur l'ambiance générale au château et sur leurs jeunes camarades.

- ... C'est pourquoi, mesdemoiselles, vous allez être exclues cinq jours chacune. Vous rentrerez demain chez vous par Poudre de Cheminette. Weasley, vous partirez du bureau du Professeur McGonagall. Parkinson, rendez-vous dans mon bureau, ici, à sept heures trente.

- Même heure, Weasley. Évitez autant que possible vos camarades. Restez discrètes. Attirer l'attention après un comportement aussi grave, ce serait suicidaire, croyez-moi, ajouta McGonagall.

- Et jusqu'à demain ? demanda Ginny d'une voix éraillée d'avoir crié des sorts pendant le duel (les informulés ne suffisent pas toujours...)

- Vous allez rester à l'infirmerie. Vous n'aurez le droit de voir qu'un seul de vos camarades, prévenez-le du secret auquel il est tenu, répondit le Professeur de Métamorphose.

- Bien, fit Rogue, vous pouvez vous y rendre. Minerva, si vous voulez bien...

- Bien sûr, répondit-elle. Allez, debout, et pas de bruit, vos camarades dorment encore.

Elle était étonnée de voir comme un problème commun (des élèves qui se battent sans merci) l'avait rapprochée de Rogue. Enfin, ils ne s'étaient pas hurlé dessus, ce qui était un progrès saisissant car ça n'était pas arrivé depuis de nombreuses semaines.

Lorsqu'il fut seul, Rogue se prit la tête dans les mains. Il n'avait pas pensé que la direction de cette école aurait été aussi ardue. Les changements opérés sur les mentalités des enfants, la radicalité dont ils s'imprégnaient - autant d'un côté que de l'autre - n'auraient pas dû avoir leur place dans un établissement scolaire. Inquiet pour l'avenir, il voulut une fois de plus que la guerre s'arrête. Comme il aurait été heureux, chez lui, seul, loin des malheurs de l'existence... Pourquoi avait-il fallu que le Maître tombé renaisse de ses cendres ?

- Finir... ça doit finir... gémit-il.

McGonagall toqua à la porte. Il releva la tête, recomposa son expression neutre favorite, et la fit entrer. Elle lui proposa de dire quelques mots demain, pour couper court à toute agitation de la part des élèves. Il accepta, la tête ailleurs, et ils convinrent qu'il ferait le discours et qu'elle finirait les lettres aux parents.

McGonagall quitta le bureau, se préparant à achever la nuit dans son bureau devant un parchemin. Elle avait sciemment repoussé le moment d'écrire aux parents de Ginny Weasley, sentant la difficulté de l'exercice. Elle avait écrit maintes et maintes fois à la famille, bien sûr, à cause des jumeaux généralement, mais cette affaire relevait d'un autre niveau de difficulté. Ginny n'avait pas lancé de feux d'artifices, ou fugué à Pré-au-Lard, ou même tenté une expédition dans la Forêt Interdite. Elle ne pouvait pas traiter cela à la légère.

Elle réécrit plusieurs fois sa lettre, insatisfaite d'une foule de petits détails, en perfectionniste qu'elle était. Elle parvint finalement, un peu avant six heures et demie du matin, à un résultat satisfaisant :

Poudlard, lundi treize octobre 1997,

       Chers Molly et Arthur,

    J'espère que vous allez bien, ainsi que vos enfants plus âgés. Je vous écris concernant votre fille Ginny. Elle a gravement enfreint le règlement de l'école - pas seulement le nouveau, mais à peu près chaque règlement depuis que cette école a ouvert ses portes.

    Aujourd'hui, votre fille s'est battue en duel avec une autre élève, plus âgée, entre trois et quatre heures du matin. Accompagnée de deux camarades, elle a affronté trois autres élèves, mais elle a plus particulièrement combattu contre une élève en particulier. Il s'agit d'une jeune fille de Serpentard. Aucune des deux adolescentes n'a des blessure dramatique, elles se sont cependant blessées l'une l'autre.

    Devant ce comportement, le Directeur et moi-même n'avons d'autre choix que de punir sévèrement les deux protagonistes de l'affaire. C'est pourquoi votre fille Ginny a été exclue de l'école pour cinq jours. Elle arrivera chez vous demain matin (par Poudre de Cheminette) et reviendra en cours vendredi prochain, dix-sept octobre, par le même moyen de transport.

    Cette expulsion n'est pas une période de vacances, et je sais que vous n'imposerez pas un traitement de faveur à votre fille.

    Veuillez agréer, Molly, Arthur, l'expression de mes sentiments les meilleurs,

       Cordialement,

Minerva McGonagall,
Directrice de Gryffondor, Directrice Adjointe de l'École de Sorcellerie Poudlard.

Quelques heures plus tard, tous les élèves furent rassemblés à l'heure de la récréation, et le Professeur Rogue prononça un court discours expliquant la situation. Neville, Luna, Theodore et Blaise, les quatre autres élèves qui s'étaient battus, étaient sortis de l'infirmerie un peu avant, et leurs camarades ne manquèrent pas de chuchoter sur leur passage.

Pansy et Ginny s'absentèrent puis revinrent, les deux évènements faisant quelques vagues ; mais le mois d'octobre se déroula sans plus d'évènements. Enfin, Halloween arriva. Les élèves n'en pouvaient plus d'attendre le banquet, pensant à la détente d'atmosphère que cela créerait ; certains professeurs en avaient eux aussi plus qu'assez que l'ambiance aussi froide qu'un iceberg qui sévissait dans le château.

Les élèves prirent place sur leurs bancs, et le banquet commença sans autre forme de procès. Petit à petit, les rires fleurissaient, en même temps que les assiettes se remplissaient. Chacun discutait avec son voisin, et même à la cinquième table, les adultes semblaient avoir enterré la hache de guerre.

Enfin, la plupart des adultes. Alecto Carrow s'ennuyait. Elle rumina tout le repas durant, étant séparée de son frère par cet imbécile de Slughorn. Elle l'avait eu, lorsqu'elle était dans les rangs des Serpentards, mais elle n'avait jamais fait partie de son club. Sa Maison lui manquait... Elle appréciait les banquets, seulement lorsqu'elle pouvait échanger des racontars avec ses amis. La réputation était une idée qui la séduisait au plus haut point. Pouvoir détruire quelqu'un, sans le toucher, simplement en murmurant quelques mots à l'oreille des bonnes personnes...

Alecto se souvenait d'une traître à son sang, Jane, Janis, quelque chose comme cela, qu'elle avait fait dépérir, simplement en brisant sa réputation. La fille en question, populaire, amatrice de Quidditch, avait vu tous ses amis se détourner d'elle, et même son petit ami (qu'Alecto appréciait grandement) avait arrêté de la voir. Après tout, elle l'avait mérité. Elle n'avait qu'à faire honneur à son statut de sorcière. Fricoter avec des Sangs-de-bourbe... Heureusement que la vermine avait débarrassé le plancher. Soudain, elle eut une idée.

Les desserts disparurent des tables, et quelques élèves poussèrent des cris de protestation. Le directeur se leva, allant prononcer le traditionnel discours. Mais Alecto se leva à son tour pour parler avant lui. Comme elle était au bout de la table, et, de plus, courte sur pattes, elle dut se pencher en avant et se racler la gorge afin que Rogue la remarque. Il haussa un sourcil mais la laissa prendre la parole. Elle empoigna son verre et le leva à la hauteur de son visage.

- Chers élèves, chers collègues, j'aimerais porter un toast, glapit-elle.

Tout le monde se leva, le verre à la main.

- Buvons, mes amis, à ma famille, mon milieu, ma race : buvons aux Sangs-Purs !

Les réactions furent différentes dans la Grande Salle. Certains élèves lâchèrent leurs verres de surprise. D'autres gardèrent discrètement leur verre à la main, sans le lever ni le poser. D'autres encore burent joyeusement le contenu de leur timbale, avant de la claquer bruyamment sur la table - ce fut le cas des Carrow. Rogue but calmement son verre et le reposa sans attirer l'attention (ce qui était difficile quand on était assis dans une chaise comparable à un trône).

McGonagall reposa son verre, énervée. Elle ne comprenait purement et simplement pas pourquoi Alecto Carrow se comportait comme cela. Les élèves s'entendaient correctement, l'ambiance était détendue, mais il fallait qu'elle vienne semer la discorde dans les esprits repus des enfants ? McGonagall vit Ginny Weasley empêcher Neville Londubat de se lever, et se félicita de façon assez contradictoire du comportement de chacun : Londubat était rebelle, Weasley était un peu rentrée dans le rang après l'incident de la mi-octobre.

Rogue reprit la parole pour prononcer le discours, concernant la sécurité à l'école, l'importance de ne pas se diviser, d'obéir aux règles, et de référer immédiatement à un adulte ou un membre du corps disciplinaire un comportement suspect. Minerva fut évidemment en désaccord, mais tint sa langue. Elle avait acquis rapidement un minimum d'instinct de survie au contact quotidien des Mangemorts, et la Grande Salle n'était pas l'endroit pour une confrontation.

En se couchant ce soir-là, McGonagall repensa à cela et se demanda où était passée sa bravoure de Gryffondor. Juste avant de tomber dans le sommeil, elle pensa que, malgré tout, elle préférait gérer un toast haineux plutôt qu'un troll dans les cachots le jour de Halloween.


***

Voilà, dernier chapitre pour aujourd'hui ! J'espère que ça vous plaît ! N'hésitez pas à me donner votre avis :)

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