Chapitre 11: Une Mère Poule
Il y a des moments où je me sens seul. Et puis je regarde par la fenêtre et je réalise que ce que je vois, la vie en-dessous, ne m'attire pas. Je préfère continuer à vivre dans cet éternel recommencement et éviter l'angoisse de la nouveauté. Certains diront que c'est triste, d'autres riront en me traitant d'insociable. Mais tout cela fait partie de moi.
Pein soupira profondément en regardant la télévision. Il n'avait pas l'habitude de traîner de la sorte mais son arrêt réduisait grandement ses possibilités pour s'occuper. Et Sasori n'était pas là, ayant expliqué qu'il serait absent pour le week-end. Il était évident qu'il comptait passer un cap et s'afficher désormais officiellement avec Deidara.
Le rouquin constata alors qu'il était suffisamment tard pour se rendre au pub de Jiraya, limitant ainsi les risques potentiels de croiser ses collègues. Décidé, il se traîna en dehors du confortable canapé de son ami puis enfila sa veste pour quitter l'appartement dans lequel il était resté cloîtré toute la semaine.
Une fois sur place, il leva les yeux au ciel en constatant qu'une tablée très bruyante se trouvait à deux pas du comptoir. Jiraya réprima un rire en comprenant l'expression de son ami.
« Alors, ça va mieux tes mains ? Tu peux tenir ta chope au moins ?
— Évidemment, je suis pas impotent non plus... grommela l'Ikari.
— Je sais pas, Sasori me disait que c'était lui qui te préparait tes repas ?
— C'est de l'excès de zèle... Une vraie mère poule quand il s'y met ! Mais bon, je reconnais qu'il m'aide énormément, je lui suis vraiment reconnaissant. »
Puis, Pein ressentit une sensation étrange, celle le poussant à changer de sujet. Il redoutait que Sasori n'ait parlé de ses déboires à Jiraya, ce qui l'aurait mis extrêmement mal à l'aise mais comme le gérant ne fit aucun commentaire, le rouquin supposa qu'il s'était inquiété pour rien. Il resta un moment silencieux, sirotant calmement sa bière tandis que la tablée dans son dos se faisait de plus en plus bruyante.
« Hey ! Il ne vous a pas raconté ce qui lui est arrivé ? Lança l'un des membres.
— Non ? Vas-y raconte, il a fait quoi ce con ?
— Vous vous rappelez de la soirée de l'autre jour ? Eh bien il paraît qu'il était tellement bourré qu'il a déclaré sa flamme à son crush ! »
L'Ikari recracha violemment sa bière après s'être étouffé avec tandis que le groupe éclata d'un rire extrême en écoutant leurs propres anecdotes. Jiraya regarda son ami avec étonnement avant de venir l'aider en lui tapotant le dos.
« Whah ! Violent ! Et je parie qu'il s'est fait recalé !
— Arrêtez, c'est pas mon crush cette nana, je suis pas amoureux d'elle !
— Mec, quand on est bourré, on dit toujours la vérité !
— Hein ? N'importe quoi !
— C'est scientifiquement prouvé, boulet ! »
Le rouquin appuya son front contre le creux de sa main tandis qu'il reprenait son souffle normalement. Une simple gorgée de bière avalée de travers, ça ne passait malheureusement pas inaperçu et en toussant, il avait même recraché en partie sa boisson sur le comptoir. La honte.
« Pein, tu es sûr que tout va bien ?
— Désolé, ce sont mes mains qui me font de nouveau mal, je ferais mieux de rentrer...
— Tu veux que j'appelle Sasori ? Proposa son ami.
— Non, non, il est en rancard, laisse-le tranquille. Je vais prendre un médoc et me coucher ensuite ! T'inquiète, ça va aller ! Bonne soirée ! »
Le jeune homme prit le premier train pour le ramener chez Sasori. Lorsqu'il entra, il ressentit un certain malaise. Non, non, non, il n'était jamais tombé amoureux de Sasori ! Pourquoi avait-il fallu que ces imbéciles parlent de ce sujet ? Son ami avait certainement déjà oublié ce malentendu mais lui, il se sentait encore gêné de s'être montré si entreprenant inconsciemment. La solitude lui faisait-elle perdre la tête ?
Ruminant sur son canapé dans lequel il avait certainement imprimé la forme de ses fesses depuis le temps qu'il était resté installé dessus cette semaine, il se mit à réfléchir, à fouiller dans ses lointains souvenirs. Quand il avait retrouvé Sasori en dernière année scolaire, il se souvint que ce dernier était tombé amoureux de lui et il ne s'en était pas vraiment caché. Avait-il ressenti quelque chose à son égard à cette époque ? Possible. Non, il devait désormais l'accepter : oui, il avait été attiré par lui.
Il songea alors qu'il ne devrait pas être là. Sa crainte, à force de rester sous le même toit que lui, était que cela ne lui ravive d'anciens sentiments. Pourtant, son souhait actuel était que son ami puisse enfin être heureux avec quelqu'un et Deidara lui correspondait parfaitement. Il hésita un moment à faire ses bagages et partir puis réalisa rapidement qu'il serait encore plus irrespectueux de partir sans mot dire. Il retournerait chez lui lorsqu'il serait de nouveau là. Et d'un autre côté, n'étant pas chez lui, il peinait à s'occuper comme il avait l'habitude de le faire chez lui.
A l'époque où ils faisaient encore tout juste connaissance, Pein avait pensé que son ami allait se déclarer mais au lieu de cela, il avait fini par se mettre en couple avec un type odieux. L'Ikari se rappelait bien de cet individu puisqu'il l'avait surpris un soir dans la rue accompagné par une femme. Cette rencontre impromptue avait rapidement tourné à la bagarre suite à laquelle le rouquin s'était empressé de tout raconter à Sasori. Ce dernier avait mis du temps à s'en remettre mais grâce au soutien de son meilleur ami, il avait pu tourner la page malgré les demandes incessantes de son ex de lui redonner une chance. Le pire dans cette histoire, c'était qu'au début de leur relation, cet imbécile avait été jaloux de lui, craignant que son petit-ami ne le trompe avec lui en son absence... Ironie, non ?
A ce jour, il n'était plus question de sentiments amoureux entre eux, mais bien d'une sincère amitié. Cependant, Deidara ne risquait-il pas d'être jaloux de savoir Pein loger chez lui ? Cette simple pensée gêna le rouquin qui estima alors qu'il s'agissait d'un autre argument pour retourner chez lui d'ici la fin du week-end. De plus, Sasori surveillait ses moindres faits et gestes au point que cela en devenait fatigant. Sa mère elle-même n'avait jamais été prévenante envers lui lorsqu'il était enfant...
Le lendemain, Sasori fut de retour en milieu de matinée, affichant un immense sourire collé à son visage contrastant avec la froideur éternelle de son ami. Pein remarqua aussitôt qu'il portait la même tenue que la veille, indiquant qu'ils n'avaient certainement pas passé la soirée à jouer aux échecs.
« Tu as bien dormi ? Qu'est-ce que tu veux manger à midi ? Oh mince, il faut que je t'aide à refaire tes pansements, l'infirmière ne pouvait pas venir aujourd'hui, c'est ça ? Attends, je vais me changer, j'arrive.
— Sasori ! Stop. Viens ici.
— Hein ? Euh, oui ?
— Je vais rentrer chez moi alors ne te casse pas la tête, j'attendais juste ton retour pour ne pas partir comme un voleur, déclara le rouquin.
— Qu... Quoi ? Non ! C'est hors de question ! Tu restes ici ! S'enflamma Sasori.
— Non, je me sens mieux et j'ai envie de rentrer chez moi. Tu me connais à force... Ça te permettra aussi d'inviter Deidara chez toi. Vis ta vie, maintenant tu as quelqu'un à tes côtés alors il faut que tu arrêtes de passer ton temps à te préoccuper de ton insociable pote ! Accessoirement, ça m'évitera de te sauter dessus si je picole à nouveau, ha ha ha !
— P... Pein... Pourquoi tu as fait ça ? Est-ce que... demanda soudain Sasori en baissant les yeux.
— La question ne se pose pas, oublie tout ça, d'accord ? Bon, je vais chercher mes affaires, j'arrive.
— Je te dépose ?
— Non, je vais rentrer en train, ça va aller. Il va être l'heure de manger, tu ferais mieux de te mettre aux fourneaux sinon tu vas encore te plaindre que tu as faim! On se retrouve ce soir au bar, t'as intérêt à être là sinon je viens te chercher par la peau des fesses ! »
Sasori esquissa un faible sourire puis regarda son ami partir. Lorsqu'il revint, il déposa ses sacs vers l'entrée puis vint faire face à son ami.
« Merci d'avoir pris soin de moi cette semaine, ça m'a beaucoup aidé ! Je suis sûr que grâce à ça, mes mains seront rapidement guéries !
— Tu en as fait de même il y a quelques années, je te rappelle... commenta Sasori en souriant. C'est un juste retour des choses.
— C'est normal... Bref, je t'envoie un message quand je suis arrivé sinon je te connais, tu vas encore t'inquiéter pour moi, n'est-ce pas ?
— Ouais, c'est clair et je suis capable de rappliquer dans la minute qui suit !
— Hey, je ne m'en vais pas pour qu'ensuite tu viennes squatter chez moi juste derrière ! Râla Pein.
— Oh dommage ! On aurait pu picoler et...
— Je t'ai dit que je ne picolerais plus jamais avec toi !
— Hé ! Hé ! Je te charie ! Bon. Alors... Rentre bien ? Et à ce soir !
— A ce soir ! »
Lorsque Pein se retira, Sasori soupira profondément, inquiet pour son camarade qui avait décidé de partir seul, n'ayant plus la possibilité de vérifier s'il allait bien. Il se dirigea ensuite vers son réfrigérateur pour chercher de quoi manger lorsqu'il tomba sur un bol de katsudon rempli et visiblement fraîchement préparé sur lequel un petit post-it était collé : « Bon appétit Lover Boy ! A ce soir ! Pein ». Il ne put s'empêcher d'esquisser un large sourire en lisant ce mot. C'était l'Ikari tout craché : ne jamais rien dire ouvertement mais toujours avoir de petites intentions qui faisaient la différence... S'installant à table, il s'empressa d'entamer son repas et sourit de plus belle en constatant que finalement, son ami était meilleur cuisinier qu'il n'y paraissait.
Pendant ce temps, Pein était rentré chez lui. Grimaçant soudain de douleur à force d'avoir porté ses affaires, il laissa tomber ses bagages vers l'entrée avant de se précipiter dans sa salle de bain pour retirer ses bandages. Les brûlures étaient boursouflées et semblaient désormais s'infecter. Il sentit que ses doigts peinaient à se mouvoir correctement tandis que la douleur était insupportable. Inutile de préciser qu'il n'avait jamais appelé d'infirmière mais avait tenté de se soigner lui-même...
Laissant ses brûlures à l'air libre, il vint s'installer à la cuisine et but d'une traite un grand verre d'eau puis un autre dans l'espoir de se sentir mieux mais cela n'eut aucun effet. Se traînant lamentablement jusqu'à son canapé, il s'allongea tout en regardant sa peau profondément brûlée. Pourquoi cet enfoiré lui avait fait ça ? Pourquoi s'en prendre à lui alors qu'il ignorait ce qu'il avait fait de mal ?
La douleur était si intense qu'il sentit des larmes couler le long de son visage. Avait-il correctement nettoyé ses mains ? Suffisamment? Si Sasori venait à l'apprendre, il serait fou de rage et le forcerait à se traîner jusque chez lui de nouveau.
Grinçant des dents, il tenta d'oublier sa souffrance puis retourna à la salle de bain afin de tenter de faire ses propres soins avant de s'allonger une nouvelle fois sur son lit, désormais. Il attrapa également des médicaments contre la douleur et en avala deux. Cependant, il peina de nouveau à supporter ses bandages et les retira avant de s'endormir. Si la douleur ne diminuait pas, il serait obligé d'appeler la clinique.
Tandis qu'il dormait profondément, il entendit une voix le réveiller puis sentit qu'on le secouait brusquement.
« Pein ! Pein ! Réveille-toi ! »
N'était-il pas censé être seul chez lui ?
« Oh merde... Tes mains sont en piteux état, c'est pas normal. L'infirmière de l'hôpital m'avait prévenu qu'il fallait agir immédiatement si ça venait à s'infecter. J'arrive, j'appelle les secours. »
Les secours ? Pourquoi ? La voix de Sasori semblait résonner dans son crâne. Se forçant à émerger, il parvint finalement à ouvrir les yeux et vit son camarade tourner en rond au milieu de la pièce et étant visiblement en ligne avec les urgences. Son inquiétude était lisible sur son visage.
Je n'aurais pas dû te laisser tomber.
« Comment as-tu su ? Demanda Pein en s'asseyant avec difficultés.
— Tu devrais rester couché ! Le somma-t-il. Imbécile, je t'avais dit de m'écrire quand tu rentrais mais te ne l'as pas fait ! J'ai essayé de t'appeler mais tu ne répondais pas alors je suis entré avec le double de tes clés !
— Oh je vois... Désolé, ces cachets pour la douleur m'assomment vraiment, je crois...
— Ce n'est pas le plus inquiétant, tes mains sont en sale état. Les secours devraient arriver d'une minute à l'autre. Je vais te préparer quelques affaires et je te rejoindrai là-bas. Pourquoi tu ne m'as rien dit au sujet de tes mains ? Tu sais que ça peut être grave les complications de brûlures ? L'infirmière qui devait venir n'a rien vu ?
— Je me suis soigné moi-même et non, je n'avais rien vu. Ça allait plutôt bien jusqu'à ce que j'arrive chez moi, à vrai dire...
– Mais pourquoi ? T'es idiot ou quoi ? Pourquoi tu ne m'as pas appelé ou bien directement la clinique ?
— Ça va aller, t'inquiète...
— Non, ça ne va pas ! Je suis hyper inquiet pour toi et je suis furieux que tu sois parti comme ça en utilisant un prétexte à la con alors que tu n'allais pas bien ! S'emporta Sasori hors de lui.
— Je sais, je voulais juste être chez moi et te laisser profiter de ta vie de couple...
— J'ai envie de te baffer quand tu dis ça ! A ta sortie d'hôpital, tu feras vite fait tes bagages et tu vas venir habiter en coloc' avec moi. Et c'est un ordre, pauvre tache !
— Tu connais déjà ma réponse sur le sujet alors n'insiste pas. Surtout que tu as quelqu'un dans ta vie maintenant.
— Ah, les secours sont là, lâcha Sasori en allant à la porte, on en rediscutera. »
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