Chapitre 1: L'Insociable
J'avais tout plaqué du jour au lendemain, peut-être n'était-ce pas la solution en y resongeant mais c'était mon choix alors je me devais de l'assumer. Approchant ma trente-quatrième année, je m'étais permis de tout laisser tomber sur un coup de tête. J'avais alors pensé que ma chère mère continuerait à financer mes besoins en cas de problème mais ce ne fut pas le cas. Alors j'ai longtemps survécu en enchaînant les petits boulots dans des supérettes, des fleuristes, des cafés... Fort heureusement, mon physique m'avait bien aidé car la clientèle semblait m'apprécier autant que moi je les méprisais derrière mon sourire fabriqué de toutes pièces.
L'insociable, antipathique, désagréable, hautain et méprisant Pein Ikari. C'était une réputation qui suivait le jeune homme depuis les bancs de l'école. Dès son plus jeune âge, il s'était mis en retrait des autres et n'avait jamais souhaité tisser des liens. A quoi bon ? Sa mère l'avait régulièrement fait déménager pour suivre son travail, de ce fait, il n'avait jamais pu se lier d'amitié de façon durable.
Lorsqu'il était plus jeune, toute cette technologie qu'étaient les smartphones, ordinateurs connectés ne relevaient que de la science-fiction. Il avait fallu qu'il arrive au lycée pour que les premiers balbutiements high-tech n'émergent et ne deviennent accessibles. Là encore, il était toujours compliqué de communiquer du fait des forfaits plus que limités et l'absence d'Internet sur les mobiles de l'époque. Et puis, déjà en ce temps-là, Pein avait baissé les bras et ne cherchait plus à sympathiser avec quiconque.
Atteignant l'âge adulte, sa situation n'avait guère évolué : il n'avait presque aucun ami et n'avait jamais eu de relation amoureuse sérieuse bien que sa mère ait finalement décidé de ne plus accepter de mutation, ayant rencontré un homme qui avait dû faire chavirer son cœur. Pein ne l'avait jamais supporté et avait fait son possible pour que cet intrus ne disparaisse de leurs vies mais il s'était accroché, cet enfoiré, n'avait jamais quitté sa génitrice et l'avait même épousée.
Le rouquin n'avait jamais pardonné ce mariage et avait rapidement mis de la distance avec son unique famille, décidant de partir s'installer à Tokyo afin de se faire connaître en tant qu'écrivain. Bien entendu, ses nombreuses tentatives avaient échoué et rapidement, le jeune homme avait dû trouver un travail en lien avec ses études techniques qu'il avait suivies afin d'espérer des débouchés plus importants.
Puis ce fut le coup de grâce, l'entreprise pour laquelle il travaillait depuis près d'un an fut placée en liquidation judiciaire et tout comme ses collègues, Pein fut licencié avec une bien maigre compensation. Il avait rêvé d'une vie riche et incroyable en venant travailler dans la capitale mais encore une fois, son rêve était bercé d'illusions.
Peu après, sa mère accepta de lui apporter un soutien financier pour une année seulement mais le jeune homme espéra qu'elle ne le laisserait pas tomber si sa situation venait à s'éterniser. Encore une fois, il s'était trompé.
« Écoute mon chéri, je comprends que tu sois dans une situation délicate mais ça ne peut plus durer, je t'avais promis de t'aider pour une année. Pas un jour de plus. Nous arrivons à échéance et le mois prochain, je ne pourrai plus t'aider. En plus, Kenshi a récemment perdu son travail, tout n'est pas rose pour nous non plus.
— Alors qu'est-ce que je suis censé faire ? Demanda Pein.
— Il y a bien des petits boulots qui peuvent te dépanner le temps de trouver quelque chose de plus convenable ? Je suis sûre que tu réussiras à t'en sortir, tu as toujours été débrouillard ! Ah par contre, au vu de la situation de mon mari, il est hors de question que tu reviennes vivre à la maison. Tu as trente-cinq ans maintenant, tu n'es plus en âge de revenir vivre chez ta mère, j'espère que tu comprends. Bien, je dois te laisser, j'ai encore du travail ! Bisous et bon courage mon garçon ! »
Avant même que Pein ne puisse répondre, il entendit que sa mère avait raccroché. Agacé, il jeta le téléphone sur son lit, se laissa tomber sans ménagement à côté de celui-ci et ferma les yeux.
« Je ne comptais certainement pas revenir chez vous ! Et puis quoi encore ? Pour que ce sale type essaye encore de prendre la place de ce père que je n'ai pas connu ? »
Ce fut ainsi que les choses se compliquèrent pour le jeune homme. Il enchaîna de nombreux entretiens mais ne parvint pas à obtenir le moindre poste. Pour certains, il était trop froid, trop intimidant et pour d'autres, il était juste trop fermé et réservé ou encore son expérience ne collait pas tout à fait au poste.
Entre temps, il entreprit de cumuler plusieurs petits boulots afin de pouvoir continuer à payer son loyer et le nécessaire pour vivre. Ainsi, il devint fleuriste, garçon de café et caissier dans un konbini. Fort heureusement, quelques mois plus tard, il fut de nouveau contacté par une entreprise pour laquelle son profil correspondait au poste recherché soit, technicien de laboratoire.
Quelque peu nerveux, il prit le temps de s'apprêter du mieux qu'il le pouvait avant de partir. Ainsi, il passa de longues minutes à s'examiner sous toutes les coutures avant de quitter son domicile. Ses cheveux roux étaient parfaitement coiffés en pics sur sa tête et sa tenue était composée d'un tailleur gris chiné et d'une chemise blanche surmontée d'une cravate bleu nuit. Habituellement, son visage était orné de nombreux piercings mais il prit soin de tous les retirer afin d'éviter d'afficher un air « rebelle ».
L'entreprise n'était pas très loin de son quartier et il ne lui fallut qu'une vingtaine de minutes en train puis à pied pour rejoindre l'accueil de celle-ci. Une jeune femme était installée là et discutait poliment avec son interlocuteur au téléphone.
« Je suis désolée, il n'est pas disponible pour le moment mais je peux prendre vos coordonnées afin qu'il vous recontacte plus tard ? Ce ne sera pas nécessaire ? D'accord dans ce cas, je vous propose d'essayer de rappeler cette après-midi, je pense qu'il sera disponible. Bien, parfait. Je vous remercie. Passez une bonne journée. »
Pein avait sagement patienté face au comptoir que la brunette termine son appel. Vêtue d'un tailleur rose pâle et d'une chemise blanche, sa manucure était assortie à sa tenue tout comme son rouge à lèvres poudré. Elle ressemblait à une poupée tant son maquillage était précis et ses cheveux étaient parfaitement coiffés d'un chignon haut. De temps à autre, elle tapotait le rebord du comptoir de ses ongles couleur bonbon, ce qui agaça intérieurement le jeune homme qui avait tout bonnement horreur de ce bruit.
Cependant, il n'en fit rien et attendit silencieusement que l'hôtesse d'accueil ne se libère. Son parfum, probablement de marque, embaumait les lieux et incommoda le rouquin, qui, décidément, réalisa qu'il ne pourrait supporter de partager sa vie avec une telle femme. Elle était très jolie, soignée, agréable à regarder et son métier lui imposait certainement tout cela mais il n'avait jamais été friand de tant de distinction. Même si dans le fond, il ne savait pas trop quel serait son genre de femme ni laquelle serait à même de le supporter. Puis il songea qu'au fond, il était un peu comme cette personne, à passer un temps monstre chaque matin à se préparer par crainte de ternir son image...
Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas la brunette lui adresser la parole.
« Monsieur ? En quoi puis-je vous aider ? Vous avez rendez-vous ? Monsieur ?
— Ah euh... Bonjour. Oui, j'ai un entretien pour un poste de technicien de laboratoire. Je n'ai pas le nom de la personne que je dois rencontrer par contre...
— Oh ce n'est pas grave ! On m'avait prévenue de votre arrivée ! Vous êtes Ikari Pein, c'est bien cela ?
— Oui, tout à fait.
— Bien, je vous laisse patienter un instant, je vais prévenir que vous êtes arrivé.
— Merci... »
Le jeune homme s'installa sur un canapé en cuir beige tandis qu'un écran face à lui laissait défiler quelques informations sur l'entreprise, les dernières actualités et même la météo locale.
Quelques minutes plus tard, un homme de haute stature se présenta face à lui. Son regard était aussi sombre que sa chevelure ébène s'étalant jusqu'au milieu de son dos. Vêtu d'une chemise rouge et d'un simple jean noir, sa carrure semblait plus imposante que celle du rouquin qui mesurait pourtant un mètre quatre-vingt-dix.
« Ikari Pein ?
— Oui, c'est bien moi, répondit le concerné en se redressant et en serrant la main que l'homme lui tendait.
— Je suis Uchiha Madara, c'est moi qui vais gérer votre entretien. Suivez-moi, j'ai réservé une salle à l'étage. »
Le bâtiment était moderne et majoritairement vitré. Les escaliers qu'ils empruntèrent étaient également faits de verre, si bien que l'on pouvait distinguer ce qui se passait aux étages supérieurs et inférieurs. La décoration était très sobre dans les couloirs : le sol était blanc, visiblement assez récent ou parfaitement entretenu, et assortis aux murs parfois accentués de rouge ou de gris sur d'éventuelles poutres ou placards. Sur les murs se trouvaient de nombreuses toiles abstraites dont les tons étaient en accord avec le reste du mobilier. Parfois se trouvaient des fauteuils incarnats accompagnés de tables en verre sur lesquelles étaient disposées des brochures diverses sur la société. L'étage était une sorte de vaste couloir faisant le tour du bâtiment circulaire, à gauche les portes menant vers les divers bureaux et salles de réunion, à droite, le vide donnant une vue irréprochable sur le rez-de-chaussée et son hôtesse d'accueil éclatante dans sa tenue pastel, de près comme de loin.
Chaque salle de réunion était numérotée et identifiée comme étant libre ou occupée grâce à un écriteau amovible, les bureaux identifiés par le nom de ses occupants ainsi que leur fonction, une organisation parfaite qui surprit quelque peu Pein qui n'était pas habitué face à une telle
« perfection ».
L'homme le fit entrer dans la salle numéro quatorze et indiqua à son candidat de s'installer le temps qu'il sorte ses affaires, en outre, son ordinateur portable. Totalement assortie au reste de bâtiment, les tons blanc, rouge et anthracite se mariaient dans une atmosphère moderne. Quelques plantes vertes assez hautes, telles que des ficus, des yuccas ou des palmiers d'intérieur complétaient le tout, offrant un aspect plus convivial et accueillant à la pièce. Le moderne avait beau offrir un style très épuré, il n'en restait pas moins froid. Une immense toile ornait le fond de la salle, représentant une sorte de planète en relief, des étoiles et surtout, une atmosphère plutôt glaçante car le monde semblait s'y effondrer de l'intérieur, affichant un vide immense en son cœur.
« Intéressante toile, vous ne trouvez pas ? Demanda alors l'Uchiha constatant que son candidat était attiré par l'œuvre.
— Intrigante, je dirais, avoua l'Ikari. Je me demande ce que pouvait bien ressentir l'artiste en représentant cet environnement chaotique...
— C'est un artiste local, de ce qu'on m'a dit, il semblerait qu'il affectionne ce style dans ses œuvres. C'est un ami proche de notre patron. Vous avez un petit côté artistique de ce que j'ai pu voir sur votre CV ?
— Oui, j'aime beaucoup dessiner des paysages entre autres, ça me détend et ça permet de se connecter à la nature, je dirais, répondit honnêtement le rouquin.
— Je vois ce que vous voulez dire. Bien, avant de commencer, je vais brièvement me présenter : je m'appelle Uchiha Madara et je suis responsable du laboratoire de cette entreprise depuis maintenant six ans. Notre laboratoire est en cours d'agrandissement, c'est pourquoi nous avons besoin de plus de bras. De nouveaux équipements doivent arriver prochainement et l'équipe est surchargée. Vos collègues seront les suivants, ajouta-t-il en montrant un organigramme sur son écran : Rioji Hidan, qui est là depuis maintenant cinq années, Fubiwa Konan et Nikaru Deidara, avec nous depuis deux années et enfin Kechi Kakuzu, arrivé il y a environ un an. Le laboratoire est également en contact avec d'autres équipes mais nous aurons tout le temps de faire les présentations si votre candidature vient à être retenue. Bien, nous allons parler de vous à présent... »
Pein redoutait ce moment fatidique. C'était là qu'arrivaient les questions visant à savoir pourquoi il était au chômage depuis si longtemps pour ensuite voir les recruteurs grimacer et parfois même écourter l'entretien pour enfin lui envoyer un refus par courrier quelques jours plus tard.
Cependant, à sa grande surprise, l'Ikari constata que l'Uchiha n'avait même pas posé la question et s'intéressait au moindre détail « captivant » de son CV. Il ne manqua aucune rubrique, allant même jusqu'à discuter de ses hobbys. Il lui posa aussi quelques questions en anglais afin de le tester, ce qui ne posa aucun problème au jeune homme qui répondit avec aisance.
Après une bonne heure de discussions variées, Madara consulta sa montre puis indiqua qu'il avait une autre réunion qui suivait et qu'il devait interrompre l'entretien.
« Cet entretien a été très intéressant et très fructueux, je dois le reconnaître, déclara l'homme en se levant. Je dois encore voir quelques candidats après vous mais les Ressources Humaines se chargeront de vous recontacter sous une semaine afin de vous donner notre réponse. Je vous souhaite un bon après-midi ! »
Pein sembla déconcerté face à cet entretien surprenant qui lui avait davantage semblé à une discussion entre vieux amis qu'une embauche. En sortant de là, il remit le badge visiteur que l'hôtesse d'accueil lui avait confié puis se retira pour prendre le premier train qui le reconduirait chez lui.
Avait-il une chance de décrocher ce poste ? Une chose était sûre, ce type était pour le moins intrigant voire carrément bizarre mais s'il était pris et que cet individu était un bon manager, il n'avait aucune raison de s'inquiéter.
La vie commençait à être difficile et ses maigres économies commençaient à être englouties par ses factures à régler. Cumuler ces trois petits salaires n'était bien entendu pas suffisant et le salaire proposé par cette entreprise était plutôt élevé. Restait à espérer qu'il soit embauché...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top