Sablés amandes & chocolat
Sablés amandes & chocolat
Salomé roula environ 80 km avant d'être prise de panique. Á son retour au cabinet il était fort probable qu'elle ne voit même pas l'ombre des 25€ d'augmentation et que Benarfa lui fasse payer son absence inopinée avec moult dossiers et heures supplémentaires imprévues. Elle balaya cette idée de son esprit pour se concentrer sur l'état de santé de sa tante. Esther avait environ 65 ans, elle avait toujours souffert d'asthme de façon chronique et ce n'était pas la première fois qu'elle était hospitalisée, mais elle n'avait jamais été contrainte à rester muette.
Esther était une tante très classique et une tata parfaitement hors normes. Salomé avait toujours été proche de la grande sœur de son père. Si avec les années elle avait tendance à repousser régulièrement les visites chez ses parents, elle ne manquait jamais la semaine du mois d'août chez sa tante et revenait plusieurs week-ends dans l'année. Esther ne la sermonnait pas avec un regard éploré sur le fait qu'elle ne lui présente pas de gentil fiancé ou qu'elle ne soit pas devenue cheffe d'un grand restaurant à New-York, elle ne critiquait pas son sempiternel uniforme vestimentaire composé d'un t-shirt mou et d'un jean. Elle suggérait parfois une autre option sans jamais juger les choix de Salomé, elle-même avait bien fait ses propres choix sans se conformer à ceux de ses parents.
Á 25 ans, Esther faisait le désespoir de ses parents : elle refusait catégoriquement de se marier et passait son temps à confectionner des gâteaux. La passion d'Esther commençait à déborder sur la consultation de chirurgie dentaire que son père se tenait au rez-de-chaussée de la maison familiale. Les effluves chauds de pâtisseries moelleuses et sucrées embaumaient la salle d'attente en permanence et le Dr. Schwartz piquait régulièrement des crises de colère le soir au dîner :
— C'est un enfer, tout bonnement un en-fer ! J'essaye de soigner des gens avec un minimum d'asepsie et de propreté mais ils salivent à tout bout de champ ! Ça me coûte une fortune en cotons salivaires, les restaurations s'infiltrent, je passe ma vie à refaire encore et encore les mêmes amalgames. Ces pâtisseries fichent ma réputation en l'air ! se lamentait-il en se resservant du strudel aux pommes encore tiède.
— Tu ne vois que le côté sombre. Tu as soigné Monsieur Dupré et Mme Valenssi aujourd'hui ? Et bien ils se sont présentés tous les deux à l'étage : M. Dupré à passé une commande de biscotchos pour mardi et Mme Valenssi a emporté ses deux cakes à la cannelle comme chaque semaine. Elle a dit qu'elle t'enverrait sa voisine en consultation. Vois les choses sous un autre angle : les sucreries d'Esther fidélisent ta patientèle. Les gens sont heureux et si cela entretient quelques caries, et bien, nous ne pouvons nous en plaindre tout de même ! plaisantait sa femme pour le rassurer.
— Mais je... je n'ai pas reçu Mme Valenssi en consultation aujourd'hui ! s'étonna le dentiste avant de comprendre que sa fille commençait à lui piquer ses patients.
La vie professionnelle d'Esther avait commencé ainsi. Les patients revenaient de plus en plus souvent et nombreux pour passer leurs commandes. Des paquets de biscuits parfumés aux gros gâteaux de fêtes en passant par des tartes, des cakes et des gâteaux de voyage, Esther ne s'arrêtait plus de pâtisser.
Au bout d'un an, ce n'était plus possible, la cuisine familiale était devenue trop étroite pour accueillir à la fois l'entreprise en pleine expansion de la jeune femme et les repas de la famille Schwartz. Sa mère aussi commençait à se plaindre.
— Esther je ne peux plus continuer à cuisiner pour cinq sur un coin de table, il y a du sucre dans mes plats et plus une seule cuillère en bois de disponible. Il va vraiment falloir que tu réfléchisses à trouver un mari qui aura une cuisine suffisamment grande pour t'accueillir.
Cette phrase fit mouche dans l'esprit d'Esther : elle ne quitterait pas la maison familiale la bague au doigt mais le fouet à la main ! Elle serait pâtissière. Les commandes de ses clients lui avait permis d'amasser une somme tout à fait respectueuse, suffisante pour envisager de trouver un local où elle pourrait battre des œufs et du sucre en paix. Elle enferma donc ses affaires et ses ustensiles dans des malles, plaça ses affaires de voyage dans une valise et se rendit dans le bassin d'Arcachon. Elle avait gardé un souvenir formidable d'un été au bord de mer avec sa famille et souhaitait envisager sa nouvelle vie en respirant les embruns qui avaient eu de plus le mérite de calmer ses crises d'asthme.
Quatre jours plus tard elle tombait sur une petite boutique en front de mer qui allait devenir la plus grande histoire d'amour de sa vie. Elle signa le bail aussitôt et installa son salon de thé devant les vagues. Le concept était simple on pouvait prendre une boisson chaude ou fraîche et l'accompagner d'un morceau de gâteau ou de biscuits en regardant la mer.
Le succès fut très vite au rendez-vous. Les promeneurs et les touristes marquaient systématiquement l'arrêt, les locaux prirent l'habitude de venir chercher leurs commandes de desserts.
Esther était heureuse. Elle ne s'occupait plus que de pâtisser et de servir les gens venus se détendre en regardant les marées. Avec le temps, elle avait développé son affaire en proposant pour le déjeuner de quoi manger sur le pouce avec quelques sandwichs et tourtes et peu à peu les clients se convertirent également aux talents salés de la jeune femme.
Quelques mois plus tard, un commercial en costume sombre poussa la porte du salon de thé et proposa à la propriétaire de découvrir les différents chocolats produits par la société pour laquelle il travaillait. Esther prépara un thé blanc et ferma le salon de thé pour écouter Georges, puisque c'était son nom, lui parler de cacao.
La porte du petit restaurant ne rouvrit que le surlendemain et Georges démissionna aussitôt. On se mit alors à murmurer en ville que depuis qu'Esther était tombée amoureuse, son chocolat chaud méritait autant le détour que ses petites douceurs.
Georges devint ainsi le second grand amour d'Esther, de leur union naquit une gamme délicate de petites bouchées au chocolat et le cacao pris peu à peu ses lettres de noblesses dans les pâtisseries maison. Si le couple n'eut pas d'enfants, leur salon de thé et leurs neveux suffirent à les occuper et les rendre heureux pendant de nombreuses années. La boutique n'avait du fait plus jamais fermé depuis l'arrivée de Georges dans la vie d'Esther.
Salomé réprima une grosse boule dans sa gorge à la pensée de la dernière fois que le salon était resté clôt. Un matin Georges s'était mis à tousser et six mois plus tard Esther laissa la pancarte « Fermeture pour deuil incommensurable » pendant deux semaines consécutives. Les bouchées au chocolat n'eurent plus jamais eu le même fondant après cela et Esther ne reçut plus les commerciaux qui travaillaient pour une chocolaterie.
Après avoir roulé une bonne partie de la nuit, Salomé gara sa voiture sur le petit parking derrière le salon de thé. Elle traîna sa valise dans l'allée des chèvrefeuilles, sortit le trousseau de clefs reçu par courrier et ouvrit la porte qui menait à l'appartement. Elle emprunta l'escalier étroit qui aurait dû sentir bon l'odeur des fourneaux juste en dessous même à cette heure tardive et son cœur se serra davantage. La serrure n'était pas fermée à clef, elle entra dans le vestibule et posa son manteau et son écharpe sur les crochets prévus à cet effet dans le mur comme à son habitude. Elle entra dans le salon et découvrit sur le canapé un homme emmitouflé dans le peignoir orange de Georges qui dormait.
Fatiguée par son voyage de nuit, Salomé ne le réveilla pas et préféra aller dans la cuisine à la recherche d'un petit en-cas sucré. Elle remplit la bouilloire au robinet et la mit à chauffer sur la gazinière, Esther avait toujours été réfractaire aux bouilloires électriques, prétextant que l'eau n'arrivait jamais à la bonne température pour le thé. Salomé levait alors les yeux au ciel car elle était certaine que sa tante était surtout très attachée au charme désuet de l'objet. Alors qu'elle finissait de préparer la théière sur la grande table en bois, Salomé fut intriguée par un plat recouvert d'un torchon, en soulevant le linge elle découvrit des petits biscuits qui sentaient bon le beurre frais.
Elle s'assit à la table de la cuisine comme lorsqu'elle était petite fille, se servit une grande tasse de thé dont la vapeur embua les verres de ses lunettes et prit un gâteau.
Pendant qu'elle dégustait un deuxième petit gâteau en sirotant le thé encore brûlant, Salomé en profita pour étirer ses jambes et agripper ses doigts de pieds à la chaise d'à côté. Elle n'entendit pas les deux chattes siamoises se glisser en silence dans la cuisine. Esther avait adopté Agrippine et Messaline quinze ans plus tôt après le décès de Georges. Les deux animaux étaient de remarquables petits félins aux yeux saphir et à la robe macchiato. Ronronnantes et câlines, il n'en demeurait pas moins que c'était là deux redoutables voleuses de nourriture en tous genre : Agrippine avait un penchant particulier pour les œufs crus, Messaline attaquait les gâteaux dès leur sortie du four.
Elles venaient très certainement profiter du sommeil de l'homme en peignoir pour récupérer leur taxe sur les sablés. Agrippine entreprit une diversion et sauta sur les genoux de Salomé pour quémander des caresses qu'elle obtint aussitôt. La jeune femme connaissait les talents particuliers des deux chattes et eut le réflexe de tirer le torchon sur les petits biscuits avant de s'assoupir sur la chaise. Petite fille cela lui arrivait bien souvent après une journée entière à préparer des gâteaux avec Esther et à courir sur la plage, elle s'endormait souvent le nez dans sa tisane et se rendait à peine compte lorsque Georges la portait jusqu'à son lit.
Les retrouvailles avec la cuisine de sa tante et la fatigue liée à la route eurent vite raison de sa vigilance, le ronronnement hypnotique des deux petites créatures en boule sur ses genoux achevèrent le travail et elle s'endormit le biscuit dans la main.
Les deux sœurs siamoises étaient sur le point de s'emparer de la gourmandise abandonnée lorsque deux bras puissants soulevèrent Salomé de sa chaise. Elle rêvait de ses vacances de gamine et dans son demi-sommeil imaginait que Georges la couchait encore une fois toute habillée.
Ingrédients
125g de beurre ½ sel
80g de sucre
1 œuf
130g de farine
80g de poudre d'amandes
½ cuillère à café de levure chimique
8 carrés de chocolats noir (facultatif)
Tour de main
§ Faire ramollir le beurre sans le faire fondre
§ Mélanger le sucre avec le beurre en battant le temps d'une jolie chanson
§ Ajouter progressivement le reste des ingrédients
§ Si vous réalisez cette recette avec une personne qui vous est chère, demandez-lui de hacher le chocolat en tous petits morceaux. Ajouter ces pépites à la pâte.
§ Faire un boudin de pâte et le rouler dans du film étirable
§ Placer 30 minutes au frais
§ Préchauffer le four à 180°C
§ Couper de petites rondelles d'1cm d'épaisseur environ et enfourner pour 10 minutes
§ Déguster tiède avec une boisson chaude votre choix en pensant à quelqu'un que vous portez dans votre cœur
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