5 - Leila
Le dernier cours de la journée m'a redonné de la motivation pour rejoindre les rangs des militaires. Ce débat de français a été exceptionnel !
Je passe ma carte pour ouvrir les tourniquets blindés qui nous servent de portails, le sourire au lèvre. Je sors sur la place devant le lycée et je cherche des yeux Elena et Mao, ils finissaient une heure avant moi. Ils m'ont dit qu'ils iraient goûter quelque part et qu'ils viendraient me voir à la sortie.
Puis j'entends un cri, il n'y en a qu'une seule qui crie comme ça. Et c'est Elena. Cette dernière se dirige vers moi, Mao sur les talons. Une fois arrivée à ma hauteur, elle me tend un sachet bordeaux avec un slogan dessus. Elle sourit et dit :
– Je t'ai pris un pain au chocolat, la moche !
– Oh ça me fait hyper plaisir venant de toi, beauté, réponds-je en levant les yeux au ciel, un petit sourire aux lèvres.
Elena tire la langue.
– Si t'en veux pas je le reprends, lance-t-elle.
Je secoue la tête puis le prend et croque dedans. Mao nous quitte pour rejoindre le bus et je vais chez Elena, mes parents ne sont pas chez moi, je rentrerai plus tard.
Après deux heures passées à parler et rigoler, je décide de rentrer, mais c'est aussi et surtout que ma mère m'envoie un message, qui me paraît transmettre de l'énervement... Elle est rentrée et pas moi... Oups.
Je dis au revoir à Elena, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et me mets en route pour la maison. Elena n'habite pas tout à côté.
Je lance l'album d'Angèle, si y'en a une qui me comprend, c'est bien elle. Je ne peux m'empêcher de chanter à tue-tête lorsque Balance ton quoi passe. Les passants se retournent sur leur chemin mais je m'en fiche. J'aime tellement cette chanson et pas seulement pour la musique, mais aussi et surtout pour le message qu'elle véhicule. J'aimerais bien que mon père le comprenne...
Les minutes passent, les messages de ma mère se font de plus en plus fréquents. Je croise des groupe de mon lycée buvant et fumant qui me crient :
– Il est où ton voile ?
Je les ignore et passe mon chemin.
Une fois arrivée à mon portillon, je jette un regard noir en direction de la maison d'Alexandre, c'est à cause de lui tout ça. C'est lui qui a commencé à m'embêter. Je traverse le chemin me séparant de la porte d'entrée, entre à l'intérieur. Ma mère est en train de préparer à manger, elle me jette un regard qui veut dire que je vais mourir sans tarder mais que j'ignore quand même. Mon père et mon frère, quant à eux, sont affalés sur le canap'.
Je me déchausse et vais les rejoindre. Ma mère s'approche de moi et commence à me sermonner :
– Leila ! Tu aurais pu me prévenir ! Non mais ne pas rentrer déjà tu n'es pas autorisée, mais en plus ne pas...
– Chuuut chérie, le président parle ! coupe mon père.
Instantanément, tous les regards se braquent sur la télévision et après une vue des champs, un homme, notre président, apparaît sur l'écran. Ses yeux verts nous fixent, comme s'ils essayaient de deviner nos arrière-pensées. Quand les dernières notes de la marseillaise s'estompent, sa voix grave envahit alors la pièce :
– Je sais que certains seront choqués, d'autres voudront se révolter. Mais toutes mes décisions, je les prends pour le bien du pays. Pour votre bien, chers Français et Françaises ! Après plusieurs démonstrations et recherches scientifiques, nous avons prouvé que les femmes n'ont pas leur place, n'ont pas la force physique et mentale, pour faire partie des corps de métier de force, nous commencerons pas interdire l'Armée en toute forme. Armée de l'air, de terre et la marine.
Les larmes me montent aux yeux, mon frère surpris ouvre grand la bouche, je lis aussi de la surprise dans les yeux marrons de ma mère. Tandis que mon père, lui, sourit faiblement. Le président reprend :
– Dès demain, toute femme pratiquant l'un de ces métiers sera licenciée, sinon l'employeur recevra une amende de trente millions d'euros. Je sais que certains vont vouloir manifester, me menacer. Mais avant de penser à votre bien personnel, pensez au bien du pays. Comme une partie des femmes n'occupera plus ces postes au sein du pays, le chômage va donc être réduit. Et les salaires de ces métiers vont, eux, augmenter. N'est-ce pas ça que vous aviez demandé ?
Sans pouvoir en entendre plus, je crie :
– Oui, on voulait un meilleur salaire, mais pas en interdisant aux femmes de travailler !
Bien évidemment, ma crise n'a servi à rien, puisque notre cher président n'a rien entendu et continue son discours bidon en assurant que c'est pour la bonne cause !
Je retiens les larmes qui me montent aux yeux et qui menacent de couler sur mes joues, je ne veux pas me montrer faible, pas devant mon père ! Je tourne le dos à l'écran et sors dehors, en claquant la porte d'entrée sur mon passage.
Là, je me mets à courir, je cours jusqu'à l'épuisement. Ce n'est qu'une fois le souffle court et les jambes en feu que je m'arrête. Autour de moi, il y a des arbres, plein d'arbres. Je suis sans doute dans un parc, je m'assois sur le premier banc qui vient. Il est en pierre, froid. Le ciel est sombre, même le soleil a décidé de m'abandonner.
Les larmes coulent toutes seules, je laisse faire, abandonnant toute colère. Je ne prends même pas la peine de les essuyer.
Peu après, vidée de toute mon énergie, je me rends compte de ce que j'ai fait. Je me suis cassée de chez moi sans dire où j'allais. Ma mère doit se faire un sang d'encre. Je cherche mon téléphone dans ma poche pour lui dire où je suis et que je vais rentrer. Mais je ne le trouve pas. A tous les coups, je l'ai laissé chez moi.
Je m'excuse en silence auprès de ma mère et décide de rentrer. Je ne sais pas quelle heure il est, mais d'après l'obscurité, il ne doit pas être très tôt. Alors je presse le pas, pour ne pas que les lampadaires s'éteignent en me laissant seule dans la rue et dans la nuit. J'observe chaque mouvement ou chaque bruit étrange, entre la fatigue, la colère et la tristesse, je deviens un peu parano.
En pensant à ça, un léger sourire se dessine sur mon visage jusqu'à ce que j'entende des bruits de pas juste derrière moi. Le faible pourcentage de joie disparaît immédiatement et est très vite remplacé par la peur. J'accélère de nouveau, ce qui revient presque à courir. Je rejoins enfin ma rue, mais ma maison est encore loin. J'aperçois la seule personne que je n'ai pas du tout envie de voir à l'heure actuelle... Alexandre. Mais les pas se refont entendre, alors je mets mes sentiments de côté et cours vers lui. Une fois à sa hauteur, à bout de souffle, je lui dis :
– Alex !! Enfin... Je... Je te cherchais depuis dix minutes.
Il me regarde bizarrement, je lui fais signe de regarder derrière moi. Il lève les yeux, puis me fait un "oui" de la tête. Alors il se met à côté de moi et répond :
– Ouais je sais... Ma mère m'a un peu retenu.
Les pas s'arrêtent alors, je souffle. Cette fois, ils reprennent mais dans le sens inverse. Une fois que les pas disparaissent à l'entrée de la rue, Alexandre se remet face à moi, me regarde et rentre chez lui. Je mets alors mes écouteurs et lance Ne fuis pas de 2th, traverse la rue et rentre chez moi.
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