25 - Leila

Je fouille dans ma trousse pour attraper une gomme, je ne tiens pas à garder l'adresse d'Alex inscrite sur mon cahier de français. Puis d'un coup le bruit ambiant de la classe se stoppe et la prof annonce :

– Aujourd'hui ce sera Leila Dasra et Alexandre Delisle.

Je relève la tête immédiatement et cherche la confirmation de ce que je viens d'entendre dans les yeux de la prof. Malheureusement, je l'ai.

Je me lève à la suite d' Alexandre et on se dirige tout les deux au tableau. Il insère la clé USB dans l'ordi de la prof et vient à mes côtés pour finalement commencer la présentation.

Une fois le diaporama lancé, je jette un coup d'œil circulaire à la classe. Sacha se retient de rire face à la non-aisance d'Alex, une fille sympa me lance un regard d'encouragement et un autre gars s'amuse à se balancer avec sa chaise. Je souffle et me lance :

– Bonjour, je suis Leila Dasra et avec mon camarade Alex Delisle, on va vous faire une présentation sur l'œuvre Sobibor de Jean Mol...

Un bruit sourd me coupe dans mon monologue. La classe tourne la tête vers l'origine du bruit. Le mec au fond de la classe qui jouait avec sa chaise vient de chuter. C'en est trop pour Sasha qui brise le silence en éclatant de rire, vite suivi du reste de la classe.

La prof intervient pour demander le retour du silence :

– C'est bon, on se calme. Je t'avais prévenu Julien de ne pas te balancer. Eva, accompagne notre casse-cou à l'infirmerie, s'il te plait.

Après un court silence, elle reprend.

– Vous pouvez continuer.

Je lui souris par politesse autant que pour masquer mon énervement.

– Bien, Jean Molla l'auteur de Sobibor est né le vingt huit décembre mille neuf cent cinquante huit. Il est enseignant de littérature...

On toque à la porte. Mme Labrousse me fait signe de la main de m'arrêter avant de se diriger vers la porte pour l'ouvrir. Alexandre me regarde d'un air de moqueur. Je souffle pour me calmer à nouveau. C'est un pion qui a toqué. Il entre et cherche un élève du regard avant de s'arrêter sur Sasha.

– Mister, dit-il. Tu n'aurais pas oublié de faire signer quelques absences et retards ?

Sasha, à peine remis de ses émotions, replonge dans un fou rire en voyant le regard meurtrier d'Alexandre.

La prof lève les yeux au ciel puis remercie le pion avant de le mettre dehors.

– C'est bon, c'est à nouveau à vous, lance-t-elle avec un regard compatissant à mon égard.

Je m'apprête à reprendre pour la deuxième fois mais je suis coupée dans mon élan par une nouvelle personne qui toque à la porte. Cette fois, c'est Eva qui entre et rejoint sa place en s'excusant du regard. Alexandre me fait un signe qu'il va prendre la relève, il a bien vu que je bouillonne de l'intérieur. Pendant que ce dernier fait son speech, je me contente d'indiquer les éléments sur le diaporama.

Soudain, un autre bruit retentit. Personne ne toque à la porte : c'est un oiseau qui vient de s'écraser contre une fenêtre. Alex et moi nous jetons un regard avant d'éclater de rire. Décidément, ce n'est pas notre jour.

La moitié de la classe, ainsi que la professeure, se précipitent à la fenêtre pour voir l'oiseau. Ils le contemplent glisser sur la vitre dans un bruit très désagréable. Pauvre bête.

Une fois le calme enfin retrouvé, et l'exposé bientôt arrivé à son terme, la pluie décide de rejoindre la partie. Un vent violent pousse les gouttes à s'écraser bruyamment contre la vitre. On échange un regard complice avec Alex avant de sourire.

Pour couronner cette présentation ratée, un élève décide d'improviser un goûter en sortant un paquet de bonbons. Tandis que le silence plane dans la classe, il lance :

– Hé, j'ai mangé un LGBT !

Cette remarque lui vaut un regard assassin de ma part mais le fou rire du reste de la classe. Voyant l'euphorie générale, il continue et en distribue à ceux qui en veulent. Il en lance même un à Alex qui est au tableau. Ce dernier l'attrape au vol. Il me le montre fièrement, tout sourire. Je comprends maintenant : ce sont les miami pic, les bonbons en forme de drapeau de toutes les couleurs.

Alex a à peine fini de l'avaler que lui aussi annonce :

– Hop, j'ai graille un LGBT.

Avant de partir en fou rire avec la classe.

Seuls la prof, Sasha et moi restons silencieux. D'ailleurs, ce dernier jette un regard meurtrier à son meilleur pote. Je ne comprends pas, c'est pourtant pas le dernier à rire pour ce genre de chose d'habitude.

La prof se lève derrière et souffle avant d'élever la voix pour annoncer :

– Arrêtez avec cette blague de mauvais goût, et finissons d'écouter vos camarades.

Après la mille et unième interruption, Alexandre et moi reprenons à nouveau notre fabuleux exposé. Finalement, le hasard fait bien les choses, je remercie silencieusement toutes ces pauses obligatoires, vu la qualité médiocre de notre travail. Enfin, je suis avec Alex, ce n'est pas étonnant.

Malgré l'acharnement de Mme Labrousse, ses espoirs sont vains pour ramener le calme dans la classe. Les chuchotements envahissent la salle et les téléphones portables sont de sortie.

La prof, plus qu'agacée, reprend la place centrale de la classe et crie :

– Ça n'a pas encore sonné !

Ces mots sont à peine prononcés que la sonnerie retentit dans toutes les enceintes du lycée. Là, tout le monde se lève, les chaises raclent rapidement le sol carrelé de la classe. Alexandre et moi disparaissons donc derrière ce bruit. On s'échange un regard mi-amusé, mi-soulagé et nous nous séparons dans la foule de lycéens pressés de fuir cette salle.

Je détache ma clé USB. Puis attrape mon sac et mes quelques affaires avant de me précipiter vers les couloirs délabrés du lycée. Je cherche du regard les deux zigotos qui me servent d'amis avant de sortir de ma poche mon téléphone. Au bout de quelques secondes, je reçois une notification Snapchat d'Elena :

« On t'attend à la cafet' blg »

Je ne prends même pas le temps de répondre et me précipite pour descendre les étages qui me séparent de la cantine. Je dévale les escaliers si vite que je manque de tomber deux ou trois fois.

Je finis par les rejoindre. Leur regard en dit long : ils veulent mon ressenti sur l'exposé.

– Cette présentation ?... On a eu une putain de chance, je vous jure. Parce que c'était pas gagné.

L'ambiance se détend direct. Les deux me regardent d'un air insistant pour que je continue mon histoire.

Je prends grande inspiration avant de me lancer dans le récit de cet exposé improbable.

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