19 - Leila

Je sors de l'heure d'espagnol un peu fatiguée. Commencer par un cours de langue le matin, ça élimine toute l'énergie récupérée pendant la nuit. J'allume mon téléphone et vais sur mon emploi du temps pour regarder la prochaine salle. Trop bien, on a français. Je m'arrête à mon casier pour récupérer les affaires nécessaires à cette matière et me dirige à la salle.

Une fois que la seconde sonnerie retentit dans les couloirs, la prof nous ouvre la porte. On s'installe à nos places respectives, je sors mes affaires et m'aperçois que le cours commence mais qu'Alexandre n'est toujours pas là. Je balaye d'un coup d'œil la classe et voit pourtant une majorité de sa bande, même Sasha est là.

Au bout de cinq minutes de cours, on toque à la porte et la professeure va ouvrir.

Quel boulet.

Alexandre apparaît dans l'encadrement de la porte et se confond en excuses avant de venir s'asseoir tout essoufflé. Je ne manque pas de me moquer de lui pendant qu'il s'installe. Il me jette un regard assassin en guise de réponse puis je reporte mon attention sur la prof quand cette dernière annonce :

– Vous allez devoir me présenter une œuvre contemporaine de votre choix sous forme d'exposé.

La classe commence à chuchoter son indignation, je me joins à eux dans ma tête. Elle fait signe de la main de se taire, tout le monde s'exécute.

– Vous ferez ce travail en groupe.

Nouveau brouhaha dans la classe ainsi que des regards s'échangent pour former les groupes. Mais Madame la prof de français coupe toute excitation en répliquant :

– J'ai déjà formé les groupes. Pour plus de simplicité, ce sera des duos donc avec votre voisin de table.

Je souffle, c'est mort. Je ne travaille pas avec Alexandre. Je lève immédiatement la main pour riposter mais elle me regarde, sourit et ajoute :

– Pas de changement possible, choisissez bien votre œuvre.

Je laisse retomber mon bras dans un bruit sourd quand il impacte la table. En fixant la date limite pour l'exposé, Alexandre dit :

– Crois-moi, travailler en ta compagnie m'enjaille tout autant que toi.

J'ignore sa remarque et demande d'une voix monotone :

– Une idée de livre ?

– Non, répond-il avant de se retourner vers Sasha.

– Le contraire aurait été étonnant...

Il ne répond pas à ma provocation et observe Sasha d'un air inquiet et pensif. Je n'y fais pas plus attention et réfléchis à un livre intéressant. Je lui en propose plusieurs :

– Pourquoi pas Lancer l'alerte de Jean Christophe Tixier ?

– Ça parle de quoi ?

– Euh d'écologie en gros.

– Non.

– Ou alors... Nos vies en l'air de Manon Fargetton.

– Le sujet ?

– Amour et suicide.

– Non.

– Pff... After de Anna Todd, dis-je en rigolant.

– De quoi ?

– De cul, c'est un porno écrit ! dis-je en exagérant.

– Parfait, s'exclame-t-il avec un sourire narquois.

– Alors là, même pas en rêve. Ce sera Sobibor de Jean Molla, et puis c'est tout.

Il souffle puis se retourne à nouveau vers Sasha.

La professeure vient à notre hauteur avec son cahier et nous regarde. Alexandre est toujours retourné. Cette dernière s'éclaircit la voix et dit :

– Mr Delisle, je ne sais pas ce qui vous accapare autant dans le fond de la classe mais pourriez-vous m'informer du choix de votre livre avec votre voisine de table ?

Il se retourne surpris de la voir à notre table. Je manque de m'étouffer en me retenant de rire à la tête qui tire.

– Euh... Oui, c'est Sobib... quelque chose comme ça.

Je le coupe et rectifie le tire :

– Ce sera Sobibor de Jean Molla, madame.

– Bien, je vous note, conclut-elle avant de retourner à son bureau.

Je plante mon regard plein de mépris dans les yeux bleus d'Alexandre et lance :

– Woaw, on voit à quel point tu es concerné par ce travail.

Ce dernier me fusille du regard et répond :

– Oui comme tu peux le voir, tu m'enverras la présentation une fois finie.

Avant que je puis dire quoi que ce soit de méchant, la prof tape des mains et annonce :

– Nous allons passer au cours maintenant, vous commencerez vos exposé plus tard.

Je sors mon cahier bleu de mon sac et me mets à écouter le cours, il m'insupporte. Je ne sais pas comment c'est possible que ce type d'énergumène ait un ami aussi fidèle et gentil que Sasha. Parce que c'est clairement le plus sympa du groupe.

D'ailleurs, en parlant de ce dernier, Alexandre vient à nouveau de se retourner vers lui. Je saute sur l'occasion pour le provoquer :

– Il te plaît ?

– Quoi, qui ça ?

– Bah le pape, débile.

Il me regarde d'un air mauvais. Je souffle et reprends :

– Mais non, je parle de Sasha. Il te plaît ?

Il rigole d'un air rassuré et répond :

– Pas du tout, c'est simplement mon meilleur ami.

– Et pourquoi t'arrêtes pas de te tourner vers lui, si c'est pas pour le mater ?

Son regard s'assombrit et il réplique d'une voix froide :

– Ce ne sont pas tes affaires.

– OK c'est bon, détends toi...

La prof nous fusille du regard, on parle trop fort à mon avis. Le reste du cours se passe dans le silence, enfin du moins entre Alexandre et moi. Je fixe l'horloge et regarde l'heure défiler. Le cours sur la conjugaison est très ennuyeux.

J'adresse une dernière réplique cinglante à Alexandre juste avant la fin du cours, pour terminer l'heure en beauté. Il faut dire qu'il a été assez pénible.

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