15 - Leila

Quand la sonnerie retentit dans les enceintes du couloir du lycée, je range précipitamment mes affaires et dépose la copie de notre contrôle sur le bureau de la professeure avant de sortir en trombe de la classe. Quelques minutes plus tard, j'entends la voix d'Alexandre crier :

– Alors la voilée, on est sous pression ?

Je souffle et me retourne pour lui rétorquer :

– Oui, car contrairement à toi, je l'ai réussi mon contrôle, boloss.

J'accélère ensuite et m'enfuis à l'extérieur. Dans un premier temps, je sais pas quoi faire alors je me laisse porter par la foule et vais vers le parking des bus. Là-bas, je retrouve Elena et Mao qui débattent sur leurs derniers cours de la journée. Je leur tiens compagnie même si je ne dis rien et ne réagis à aucune de leurs remarques.

Juste avant de partir vers son bus Elena, me demande d'une voix rassurante :

– Tout va bien, Leila ?

– Ouais ouais t'inquiète pas !

Elle fait un sourire compatissant et disparaît dans une foule de lycéens qui montent dans leur bus.

Une fois seule, je m'assois sur un banc face à la route. J'observe les derniers bus partir, les adolescents qui râlent car le leur est en retard. Je souris et fixe l'horizon, je suis perdue. Je sais pas ce que je veux, je sais pas quoi faire maintenant genre tout de suite. Sans les contrôler, les larmes coulent le long de mes joues. Je les essuie d'un coup à l'aide de ma manche.

J'attrape mes écouteurs, comme à mon habitude, je les branche et lance ma playlist Spotify. Une notifications vient me couper dans ma bulle de musique, je regarde qui peut bien commettre ce genre d'atrocités et lis :

« Votre abonnement dans la salle de sport Orange Bleue est bientôt expiré ! Venez vite profiter de ces derniers jours et peut être retenter l'aventure sportive ! »

Cette notif' m'a donné un but. Je dois aller faire du sport. C'est évident car c'est le seul moment où plus rien ne peut m'atteindre, quand je me dépasse. Motivée comme jamais, j'inscris l'adresse dans le GPS et envoie un message à Abriel pour lui demander s'il pourrait venir me récupérer dans quelques heures à la salle. Sa réponse positive ne se fait pas attendre. Je me dirige donc d'un pas décidé dans la direction de cette salle de sport.

Pendant le chemin, je marche sur le milieu de la chaussée. C'est insignifiant peut-être, mais je me sens libre. Avec Coup de Blues / Soleil des frères toulousains dans les oreilles, je me mets à chantonner. Je me fais rigoler toute seule. Mais je m'en fiche, il y a personne, pas une voiture, pas un cycliste ni un piéton. Je ne sais pas pourquoi, je ne me pose pas plus de question et profite de ce moment qui me paraît irréel et hors du temps.

Quelque temps plus tard, la vraie vie me rattrape. Un groupe de jeunes, de la vingtaine à vue d'œil, me relooke d'un mauvais œil, des "Lacoste TN", ça craint. Je les ignore et entre dans le bâtiment gris.

Shake It Off de Taylor Swift m'accueille dans le hall d'entrée. Sur ma droite, un couple se charrie derrière le comptoir. Je me retiens d'exploser de rire avant d'ajuster la bretelle de mon sac et de me diriger vers les vestiaires.

La tenue d'aujourd'hui n'était pas très recherchée pour ma part, je porte un gros pull beaucoup trop large comparé à mon corps et un legging. Donc j'enlève mon pull et mon t-shirt par la suite pour rester en brassière. J'ouvre un casier, le 107, et y mets mes affaires.

Pour la troisième fois de la journée, je branche mes écouteurs et lance ma musique. Je regarde toutes ces machines, je ne sais pas quoi faire. Je décide d'aller là ou le moins de gens s'y trouve, c'est-à-dire, la course. Donc c'est parti pour le tapis.

Plusieurs musiques défilent comme Galaxie de Maxenss, Don't Worry de Madcon feat Ray Dalton, Get down de Deluxe, On verra de Nekfeu et puis Je t'aime de Hatik.

Dans le reflet du miroir, je vois qu'un mec me fixe depuis sa machine. Il regarde une partie de mon corps qui ne met pas forcément à l'aise. Quand nos yeux se rencontrent, l'homme sourit, ce à quoi je réponds par un regard noir. Une vieille dame sur un tapis voisin entend mon souffle d'exaspération et me regarde de façon compréhensive.

Je décide de finir ma séance de sport. Enervée et révoltée, je prends mes affaires dans le casier rapidement, les tasse dans mon sac, flemme de remettre mon pull pour attendre Abriel. Avant de sortir je passe par l'accueil et la dame m'interpelle. Je me retourne et la regarde. Cette dernière me tend un sweat à fermeture avec la marque de la salle de sport dans le dos et me dit :

– Le cadeau des un an de l'ouverture de la salle.

Je souris puis l'enfile sans le fermer et sors du bâtiment avant d'appeller mon frère.

Du coin de l'œil, je remarque qu'un groupe de quatre adolescents me regarde puis se retourne pour parler entre eux. Ils font comme ça pendant tout l'appel. Sur les nerfs, je leur jette un regard empli de haine et les ignore en m'éloignant. Quand je m'assois sur un banc près de la route en attendant mon grand frère, j'entends un sifflement. Je n'y fais pas attention en pensant que quelqu'un appelle son chien. Puis je le réentends et me retourne, intriguée. Je vois un des mecs du groupe de tout à l'heure siffler à nouveau en me souriant d'un air malsain.

Je l'ignore et essaye de ne pas réagir en me disant que c'est seulement pour me provoquer. Je l'entends arriver vers moi et me lève brusquement puis pars en essayant d'être la plus normale possible. Je l'entends accélérer derrière moi. Ni une, ni deux, je me mets à courir puis d'un coup ses trois potes apparaissent face à moi. Je m'arrête, surprise et paniquée d'être piégée.

Là, je commence à vraiment flipper, je sais pas quoi faire. A cause de la peur et de la colère, les larmes me montent aux yeux. Je ne sais vraiment pas quoi faire, c'est la panique dans ma tête. Ils me veulent quoi à la fin ?

Je réfléchis à toute vitesse pour trouver un échappatoire en même temps qu'ils marchent vers moi. Je ne peux pas rentrer à nouveau dans la salle de sport, la porte est à l'autre bout et en face de moi il n'y a qu'une route. Personne ne me voit. J'ai vraiment peur et réfléchis comment je pourrais me défendre.

Soudain, le cri de mon frère brise le silence.

– Leilaaaaaa !

Je souffle rassuré.

Merci Abriel, encore une fois.

Je souris malgré les larmes qui coulent sur mes joues.

Quand il arrive à ma hauteur, le groupe de mecs indésirables à déjà fui. Il me prend dans ses bras pour me rassurer. Je pleure un moment, la peur et la panique redescendent mais la colère ne fait que plus m'envahir. Je décide d'ouvrir mon sac et d'attraper mon pull pour l'enfiler. On va éviter d'autres regards malfaisants.

On fait tout le chemin jusqu'à l'appartement dans le silence le plus total. Une fois la porte ouverte, Abriel le brise :

– Tout va bien, Leila ?

– Oui oui, t'inquiète, dis-je avec un sourire faux.

– T'es sûre, suite à...

– Oui, ça va, je vais prendre une douche !

Puis je coupe cette discussion plus que gênante en entrant dans l'appartement. Je m'enferme dans la salle de bain. Je me déshabille, m'observe dans le miroir un petit moment avant d'entrer dans la douche. J'augmente la température de l'eau au maximum. Je repense à la façon dont ces mecs m'ont regardée. On aurait dit qu'ils avaient... faim. Oui, c'est ça, je me suis sentie comme une proie, un vulgaire bout de viande. Ils m'ont vue comme de la viande.

En disant ça, j'ai des frissons dans le dos. Je finis ma douche, me sèche et me mets en pyjama. Je vais sur le lit et prends mon téléphone, je m'apprête à tout raconter à Mao et Elena mais je n'en ai même pas la force. La colère m'empêche aussi de ne rien faire alors je vais me balader sur Instagram. Au bout d'un moment, je clique sur mon compte et observe la bio. L'endroit que tout le monde regarde pour connaître quelqu'un.

J'y ajoute la phrase « 2022, j'sais pas ce qu'il te faut mais je suis plus qu'un animal », accompagnée d'un smiley doigt d'honneur pour bien exprimer la colère. Cette phrase d'Angele dans ma chanson favorite remise au goût du jour pour exprimer cette fin de journée horrible.

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