12 - Alexandre
"Ramenez-moi mon papier, j'passe pas l'été au quartier..."
C'est mort de PLK retentit dans l'enceinte de Maël. Nous sommes tous les dix posés au fond de la cour du lycée en écoutant de la musique, comme souvent.
Les filles sont encore en train de parler entre elles, de je ne sais quoi. Sûrement d'un futur copain de Laura, elle a quitté son mec juste avant les vacances. Mais cette situation me rappelle une semaine et demie plus tôt, quand elles parlaient des nouvelles mesures annoncées par le président. Je n'ai pas envie que le groupe soit encore scindé en deux...
Soudain, deux gars arrivent et s'adossent à un mur, pile en face de nous. Je ne sais pas s'ils nous ont vus, ils sont trop occupés à se regarder. D'ailleurs, ils se tiennent la main.
Gêné, je détourne le regard. Je n'ai pas de problème particulier avec les homosexuels, c'est juste que je ne suis pas habitué et je sais que les garçons, Mathis notamment, risque de faire une réflexion. J'espère simplement que Leila est loin d'ici, qu'elle ne puisse pas ouvrir sa bouche encore une fois pour me hurler dessus...
Quand l'un des deux mecs se penche vers l'autre pour l'embrasser, ça ne rate pas : sur le visage de Mathis apparaît une expression mi-amusée, mi-dégoûtée. Il lance :
– Eh les pédés ! On vous dérange pas j'espère ?
Aussitôt, les deux se tournent vers nous. Leurs mains se séparent ; on peut voir la peur sur leurs visages.
En plus, on dirait qu'ils sont en seconde. Ils ne vont jamais oser répliquer... Mathis est plutôt populaire au lycée.
En effet, ils baissent la tête et restent plantés là, sans savoir quoi faire.
– Allez-y, embrassez-vous ! renchérit Antonin avec un petit sourire. Qu'est-ce qu'il y a, vous n'osez pas ? On vous fait peur ?
Tout le groupe lâche un petit rire, sauf Sasha, Ava et Chloé qui restent de marbre. Je crois presque avoir vu Chloé jeter un regard noir aux garçons.
– Mais quelles tapettes ! s'exclame Noa.
Mathis éclate de rire. Il ouvre la bouche pour enchaîner mais Ava le coupe :
– C'est bon, laisse-les maintenant.
Mathis ouvre des yeux ronds. Il n'est pas habitué à ce que quiconque lui tienne tête. Surtout qu'Ava est la plus timide du groupe.
– Elle a raison, ils ne t'ont rien fait, poursuit Sasha.
Maël hoche légèrement la tête.
– Vous ne savez plus vous éclater ou quoi ? lancé-je en souriant.
Le regard de Sasha me fait refermer la bouche aussitôt.
Mathis lève les yeux au ciel puis soupire.
– Très bien. Je pensais pas que ça vous dérangerait autant... C'est pas méchant, je veux juste m'amuser un peu dans ce lycée merdique. Ce que vous pouvez être coincés !
Amelia s'approche de lui et sourit :
– Bien sûr, tu as raison. Mais regarde-les, les pauvres, ce n'est même plus marrant. Ils sont terrifiés. S'ils vont se plaindre au principal, ça n'amusera plus personne.
Ava acquiesce silencieusement.
– Bon, ça va, j'arrête. A bientôt les pédales ! ajoute-t-il en haussant la voix à l'intention des deux secondes.
Laura lève les yeux au ciel à son tour.
– Tu peux pas t'en empêcher hein, rit-elle.
Suite à ce petit incident, nous repartons dans des discussions futiles concernant les cours et la potentielle future copine de Noa. Quelques minutes plus tard, je me lève pour aller aux toilettes.
Je souris en pensant aux filles qui ne sont pas capables de se déplacer à moins de trois. Si je demandais à Sasha de m'accompagner pour aller pisser, je crois qu'il se poserait des questions.
J'ouvre la porte du bâtiment principal puis marche dans le couloir en direction des toilettes. C'est désert, tout le monde est dehors pour profiter du beau temps avant que l'hiver n'arrive.
Soudain, alors que je tourne à l'angle du couloir, je manque de percuter quelqu'un. Je m'apprête à râler quand je reconnais Prune.
– Alex ? demande-t-elle, les sourcils froncés.
– Comment tu vas ? demandé-je avec un sourire.
Prune sourit à son tour.
– Super. Enfin, pas tellement, mais disons que ça pourrait être pire, ajoute-t-elle avec un haussement d'épaules.
Je fais un léger signe de tête pour demander des explications.
– J'ai vu un groupe de terminales insulter deux pauvres secondes en train de s'embrasser juste parce qu'il sont gays. Le monde devient vraiment n'importe quoi... Je n'ai pas vu qui c'était, et puis de toute façon je ne suis pas sûre d'oser leur tenir tête, mais j'espère qu'ils ne recommenceront pas.
Aussitôt, je suis assailli de remords. Dit comme ça, ce que Mathis a fait a l'air vraiment horrible. Elle n'a pas tort. Mais je ne peux quand même pas lui avouer que ce groupe, j'en faisais partie... Je n'ai pas envie de voir la déception dans ses yeux quand elle me regarde.
D'ailleurs, elle me lance un regard interrogateur :
– Qu'est-ce qui se passe ? Tu les as vus aussi ?
– Non, non, rien, réponds-je avec empressement. C'est vrai que ça ne se fait pas.
– Ah ça, tu l'as dit ! enchaîne-t-elle.
On dirait qu'elle est repartie. Elle me fait rire.
Elle s'énerve contre tous les malheurs du monde pendant encore plusieurs minutes. Je dois avouer que je ne l'écoute que d'une oreille. Elle tient des propos semblables en tout point à ceux de Leila. Je ne sais pas pourquoi toutes les féministes me tombent dessus, cette année.
Pendant qu'elle parle, je la contemple des yeux à la tête. Il faut dire qu'elle est vraiment belle avec ses cheveux noirs, ses grands yeux bruns et ses courbes généreuses.
Soudain, elle s'interrompt et demande :
– Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?
– Toi.
– Et qu'est-ce qui t'intéresse tant sur moi ?
– Tout.
– Comment ça, tout ?
– Dis Prune, on t'a déjà dit que tu étais belle ?
Immédiatement, ses joues s'empourprent. Je souris. Je ne sais pas trop d'où sort cette phrase, mais c'est vrai qu'elle me plaît. Je me surprends moi-même.
– Pas que je sache, non, répond-elle d'une petite voix.
J'ouvre des yeux ronds.
– Comment c'est possible ?
– Arrête de te foutre de ma gueule, rétorque-t-elle vivement.
Pour une fois que j'étais sincère...
Prune se balance maintenant d'un pied sur l'autre, mal visiblement mal à l'aise.
Pourquoi les filles ont-elles si peu confiance en elles ?
– Tu as vu Leila récemment ? lance alors Prune.
Je soupire.
– Oui, toute la journée. Elle est dans ma classe, je te rappelle.
Prune a dû sentir que je n'étais pas ravi de parler de Leila, car elle répond :
– C'est bon, pas la peine de t'énerver. Elle est super sympa, je voulais juste savoir si tu savais où je peux la trouver. J'ai quelques trucs à lui demander par rapport aux manifestations.
– Comme tu as pu le constater, je ne l'apprécie pas particulièrement, donc je ne sais pas ce qu'elle fait de ses journées. Mais tu dois pouvoir la trouver dans leur endroit habituel, elle et ses amis bizarres.
– Alors, tu vois que tu sais ce qu'elle fait, finalement, me raille Prune.
Je souris.
– C'est juste que chaque fois que je passe par là-bas, je me prends une réflexion. Elle ne peut pas s'empêcher de me reprocher quelque chose.
– En même temps, tu n'es pas vraiment un petit ange, plaisante Prune.
Je souris.
Une vibration de mon téléphone me tire de la bulle que Prune avait installée. Sasha me demande ce que je fais. Je vois qu'il n'a pas renoncé à son humour habituel :
« Bon, tu fous quoi ? T'as la chiasse ou quoi ? Allez, ramène-toi, Mathis me gonfle »
– Je dois y aller, dis-je à Prune alors qu'elle s'approche de moi pour tenter d'obtenir une explication.
A ces mots, son expression se fait déçue.
– A plus tard alors, dit-elle avant de tourner les talons.
– A plus tard, répondis-je doucement.
Si je m'attendais à ça...
Je souris.
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