11 - Leila

Quand la dernière heure de la journée sonne, je m'empresse de ranger mes affaires et de sortir de la salle. Comme nous sommes mercredi, ça veut dire que j'ai toute l'aprem' pour moi. Je souris à cette idée. Mais avant, je rejoins Elena et Mao qui avaient cours à l'étage au-dessous du mien.

Quand je les retrouve, Mao et moi échangeons un regard complice. Elena nous crame et crie, comme à son habitude :

– Qu'est-ce que vous mijotez tous les deux ?!

Je souris et lui réponds :

– Meuf, aujourd'hui t'as 17 ans ! On te paye un tacos !

Je vois son regard s'illuminer, on sait qu'elle adore les tacos. Elle nous tanne tout le temps pour qu'on aille en manger un. D'un air surexcité, elle s'exclame :

– Vous êtes les meilleurs !

Puis elle sautille partout, ce qui nous fait rire. Tandis qu'on traverse la cour, plusieurs personnes que je ne connais pas nous arrêtent pour souhaiter un joyeux anniversaire à Elena. Surpris, Mao la regarde et lance :

– Mais en fait t'es grave populaire !

On rigole tous les trois à cette remarque. Mais notre euphorie retombe vite quand on voit la bande d'Alexandre attendre devant le tacos.

D'un coup Elena, s'avance et lance :

– Laissez passer bande de chacals, c'est mon anniversaire !

Et elle passe au milieu des autres en souriant.

Mao et moi éclatons de rire en voyant la tête d'Alexandre et ses potes. Même Sasha esquisse un sourire à la remarque d'Elena. Dix sept ans, ça lui réussit à ma meilleure amie, dis donc.

Une fois avec notre commande, on va se poser dans le parc habituel près du lycée. Pendant le repas, on n'arrête pas de rigoler. Bref, mon après midi commence sur une bonne note.

Je décide de prendre le bus de la ville pour rentrer chez moi. Mao et Elena m'accompagnent jusqu'à l'arrêt puis me laissent seule avec ma musique.

Le bus arrive, deux ou trois arrêts défilent. Plus qu'un avant chez moi, je regarde par la fenêtre et m'aperçois alors que le bâtiment en face de l'arrêt est une association qui indique : "AIDE AUX FEMMES BATTUES". Sans vraiment douter, j'abandonne mon idée de rentrer chez moi pour descendre et aller voir cette association.

Le bus me laisse seule face au bâtiment gris. Je prends mon courage, traverse la rue et pousse la porte.

A l'intérieur, ça sent beaucoup trop bon : sur une table à l'entrée se trouve un diffuseur d'odeur, l'odeur des fleurs des cerisiers emplit donc la pièce.

Une jeune fille au chignon défait arrive soudain vers moi en souriant. Je lui souris en retour. Une fois à ma hauteur, elle se présente d'une voix enjouée :

– Salut, je m'appelle Mathilde. Que viens-tu faire ici ?

– Bonjour, moi c'est Leila. Je ne sais pas vraiment mais j'aimerais bien... Je ne sais pas, découvrir l'assoc'.

Elle rigole avant de me faire un signe de main et finit par dire :

– Suis-moi, je vais te faire visiter les lieux.

Je la suis sans plus d'appréhension, je me suis sentie à l'aise dès que j'ai franchi la porte. En plus les gens ont l'air super chaleureux, certains d'entre eux me sourient quand je passe et les autres me saluent.

– Du coup, ici t'es dans une association qui aide la cause des femmes.

– Génial mais vous pouvez les aider comment ?

– En fait, avec tous les adhérents de l'assoc', qu'ils soient bénévoles ou employés, on mène des actions comme des cours d'autodéfense pour les femmes. Comme dans cette salle, conclue-t-elle en pointant une salle vitrée avec des tapis au sol.

Une dizaine de femmes en ligne face à une grande femme musclées semblent s'entraîner aux sports de combat. Je n'ai pas le temps d'en voir plus puisque Mathilde continue déjà sa visite.

Elle m'emmène vers des salles qui contiennent des canapés en rond ou de grandes tables de réunion. Je me tourne vers elle et l'interroge du regard. Mathilde sourit avant de répondre :

– Ce sont des lieux de discussion, ça aide les femmes et les enfants à témoigner de leurs agressions.

On continue notre petite balade, parce qu'à ce stade, c'est une balade pour moi, avant que ma guide ne soit stoppée par un homme. Un peu surprenant dans un milieu consacré principalement aux femmes mais ça fait plaisir de voir des hommes qui se soucient de la cause feministe. Que tous ne sont pas aussi réduits intellectuellement qu'Alexandre. Je me rapproche d'eux pour connaître la raison de cette entrevue. Mathilde m'explique rapidement :

– Je te présente Esteban, le chargé de communication, il s'occupe de la visibilité de l'assoc' sur les réseaux et sur le site Internet.

– Exact, et je lui parlais d'un événement auquel t'es invitée, qui est THE EVENT, my girl !

Mathilde rigole, je ne sais toujours pas de quel événement on parle... Esteban coupe vite mes interrogation puisqu'il ajoute :

– C'est le festival Brisons le Silence. Vive la parole libératrice ! N'hésite pas à ramener toute ta clique, rendez vous en novembre.

Puis il m'adresse un dernier clin d'œil avant de disparaître.

Mon téléphone me ramène à la réalité en sonnant, je le prends et regarde. Le nom de mon père s'affiche sur le haut de l'écran. Avant même de lever le regard, j'annonce :

– Je crois qu'il est temps pour moi de rentrer.

Elle me sourit chaleureusement, comme à son habitude, avant de dire :

– Je t'accompagne à la sortie.

Dans le bus sur le chemin du retour, je me remercie d'avoir écouté mon instinct et d'être entrée dans cette association. Mais cette petite expérience restera secrète, surtout auprès de mes parents.

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