Chapitre 2
Chapitre 2
Je me rappelle cette scène à l'aéroport, tel un cliché du cinéma, prête à quitter le dernier garçon qui m'avait fait me sentir amoureuse. Cela aurait pu être une rupture d'un commun accord de peur de vivre une relation à distance, mais j'ai préféré couper court à tout espoir. Dans ma tête le pont de Don't Blame Me se jouait en boucle. C'était la dernière fois que je le voyais et qu'il partait avec mon cœur.
Vous me demanderez peut-être qu'elles ont été mes dernières paroles pour lui. Si je l'ai supplié de rester, ou encore si je lui ai dit je t'aime. Cependant, je lui ai rendu mot pour mot ce qu'il m'avait dit la première fois que je l'ai vu : « échec et mat ».
La journée est déjà bien entamée. Je joue avec un crayon de bois alors que je corrige des lignes de calcul sur Excel. A la première heure d'ouverture, Monsieur Train est venu me déranger pour son problème de TVA dans le cadre de son achat de diverses parcelles de terrain à bâtir. J'ai pris le temps qu'il fallait pour effectuer mes recherches avec lui et pour contacter son notaire. J'ai perdu plus de temps que prévu, mais la satisfaction des clients m'est chère. Je me moque de quitter mon bureau tard le soir. Je ne dirais pas que je suis carriériste car j'ai déjà atteint le sommet. A la maison personne ne va me reprocher de passer le plus clair de mon temps au travail. Je n'ai de compte à rendre à personne désormais.
Aujourd'hui est le premier jour des déclarations d'impôt et le téléphone se cesse de sonner. Les questions les plus récurrentes sont sur la déclaration de plus-value immobilière et la déduction d'impôt pour les travaux de rénovation. Raphaël qui est dans le bureau face au mien planche sur sa première déclaration de revenus de l'année que je corrige une déclaration URSSAF qui m'a été soumise par un notre stagiaire.
- Orlane ?
- Mmh ?
- Ton dos, soupire mon associé.
Aussitôt je me redresse. J'ai une mauvaise position depuis toute petite du fait de ma taille et régulièrement, sans m'en rendre compte, j'ai le dos vouté et les épaules en avant.
- Tu as fini ? On va manger ?
- C'est bon, j'arrive, je lui réponds.
Nous avons pris l'habitude de manger à l'extérieur au moins une fois par semaine. Le plus souvent on mange ensemble dans son bureau. J'attrape mon trench et mon sac à main et le suit vers la sortie. Nous nous dirigeons à pieds vers le restaurant face au cabinet. Le temps commence à se réchauffer doucement, et je remarque qu'il ne porte pas son habituelle veste de costume. Il avait commencé à s'habiller en costume quand nous nous sommes associés. Cela me rappelle le temps où je l'accompagnais faire les magasins pour l'aider à choisir ses vestes et chemises. C'était l'époque où nous étions encore ensemble. De temps à autres, il me demande conseil pour un vêtement. Nous nous sommes séparés en bons termes et finalement, notre amitié à perdurer.
Mes talons claquent sur le parquet du restaurant. Un nouveau serveur nous indique une table au fond. Connaissant la carte par cœur, je demande un filet de poisson et Raphaël le menu du jour sans persil, il a horreur de ça.
- Comment s'est passé ton week-end, je demande.
- Je suis allée manger chez ma sœur, elle te passe le bonjour d'ailleurs. Et toi ?
- Les monstres sont partis hier en fin d'après-midi et j'ai passé ma soirée à faire le ménage. Je les adore mais qu'est ce qu'ils sont moralement épuisant du coup ce soir, je vais recharger mes batteries avec Hugo, on va au spa.
- Il n'est pas trop déçu de ne pas t'accompagner au mariage ?
- Il ne dit rien et évite d'aborder le sujet donc je pense que oui. Je te rappelle qu'il m'avait invité au mariage de sa cousine l'été dernier.
Le serveur arrive avec nos plats et nous commençons à manger. Quelques mèches tombent sur les yeux de Raphaël quand il se penche pour mettre sa fourchette à la bouche. Je n'ai aucun secret pour lui et c'est réciproquement pareil. Il connait tout de ma vie et de la relation que j'entretiens avec Hugo. Lui, me partage ses flirts sur les sites de rencontre qui ne vont pas plus loin qu'un rendez-vous physique autour d'un café. Depuis notre séparation nous avons comme une peur de l'engagement mais l'envie d'être toujours entourés.
- D'ailleurs, en parlant de mariage, comment vas-tu t'habiller ?
Aussitôt il retourne son portable, qui était posé écran contre table à côté de son verre, le déverrouille et me le tend. Je prends le smartphone entre les mains et regarde l'ensemble sur le mannequin.
- J'adore, je m'exclame.
- Je pensais mettre une petite composition de fleurs dans la poche rappelant la couleur de ta robe.
- C'est une bonne idée ça ! Je vais bientôt faire les essayages de la robe de mariée donc je te redis ça au plus tôt pour que tu puisses passer commande.
Je lui rends son téléphone qu'il verrouille et repose là où il était. Nous passons le reste du repas à parler travail et lui demande des nouvelles de Cassandra après sa chute et son arrêt de travail. Quand nous retournons finalement au bureau il n'a pas le temps de se poser qu'il enchaine avec un rendez-vous à l'extérieur tandis que je vais m'entretenir une bonne partie de mon après-midi avec un contrôleur de gestion.
Les heures passent et c'est la sonnerie de mon téléphone qui me fait lever les yeux de ma tablette. Le nom d'Hugo apparait.
- Allô ?
- Je suis devant ton travail.
- Okay, j'arrive, à tout de suite.
Je raccroche, enregistre mon travail et éteint mon poste. Je dis au revoir à Raphaël et aux derniers collaborateurs encore dans les locaux avant de filer.
J'ouvre son coffre pour y déposer mon sac avant de m'assoir dans la voiture. A peine la porte fermée qu'il se penche de mon côté mon m'embrasser. Je lui rends son baiser furtivement. Nous avons imposé une règle stricte, un baiser uniquement pour se dire bonjour, au revoir et pendant nos rapports. Dans une relation comme la nôtre, nous devons indiquer les limites de chacun pour un respect mutuel et surtout pour ne pas développer de sentiments pour l'autre.
- Comment vas-tu ?
- ça va, il me répond platoniquement.
- Comment s'est passé ta journée ?
- Horrible !
- Raconte, je quémande.
Il se met alors à déblatérer l'entièreté de sa journée passée sous les plus mauvais auspices. A sa place, je serais restée au lit. Quand il parle il a des mimiques avec ses mains, il ne peut pas s'empêcher de parler sans elles. Il n'y a pas si longtemps, je lui avais proposé d'apprendre la langue des signes et il ne m'avait pas l'air enchanté par l'idée mais je pense que je vais lui en reparler car il n'arrive pas à tenir en place quand il parle. Et ça pourrait être un plus pour sa profession.
Le trajet passe plus vite à l'écouter. Nous sommes désormais sur le parking alors qu'il se plaint encore et toujours de la même cliente aigrie qui vient tous les jours dans son magasin. Il ne peut pas se l'encadrer. Je rigole doucement à ses remarques alors que je descends de la voiture pour récupérer mon sac. Nous nous dirigeons vers l'entrée de la piscine.
Hugo annonce à l'accueil qu'il avait réservé le spa paie notre entrée. Nous franchissons le portique de sécurité et là, le chlore commence à me piquer les yeux. Nous nous dirigeons vers l'étage quand nous croisons un groupe venir vers nous pour sortir du complexe. Les hommes rigolent entre eux et l'un d'eux porte une casquette ce qui attire mon regard. J'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part. Je m'arrête pour le fixer.
- Orlane ?
Quand le groupe me dépasse, je peux apercevoir des taches de rousseur qui parsèment les bras de l'inconnu jusqu'à ses mains posées sur les épaules de l'homme devant lui. Il semble plus petit que moi.
- Ça va ?
Il tourne la tête et je ne peux plus voir son visage, hormis quelques mèches rousses qui dépassent de sa caquette.
- Orlane, tu m'écoutes ?
- Oui, excuse-moi tu disais ?
Je continue de fixer le dos de l'homme jusqu'à ce qu'il s'évapore de mon champ de vision.
- Ça va ?
- Pourquoi ça n'irait pas ?
- Tu es blanche, on dirait que tu as vu un fantôme.
- Je ne sais pas.
- Bon allez viens, on va aller transpirer et mettre un peu de rouge sur tes joues.
Il m'entoure les épaules de son bras et me force à avancer vers les escaliers. Intérieurement j'essaie de me souvenir où j'ai déjà pu croiser cet homme. J'en suis incapable pourtant je suis sûre que je l'ai déjà vu quelque part sans vraiment savoir où, ni quand.
- Tu dors à la maison ce soir.
- Ce n'était pas prévu, je rétorque.
- Je sais mais je te trouve bizarre, tu as besoin de te détendre.
- On va au spa je te rappelle.
- Oui, mais je pense que cela ne sera pas suffisant.
En haut des escaliers, je regarde en contrebas où le groupe disparait peu à peu et où leurs rires se font moins puissants.
Intérieurement je pense à lui mais cela c'est impossible car il vit désormais à l'étranger. Je secoue la tête pour m'enlever cette idée.
- Finalement, tu as raison, le spa ne sera pas suffisant.
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