"Ah oui, et pourquoi ? Si je veux rentrer chez moi avant minuit, alors j'en ai parfaitement le droit."

Je le bouscule volontairement et traverse la rue pour rejoindre le côté d'en face et regagner mon appartement qui se trouve à une dizaine de minutes à pieds. Je l'entends me courir après une fois de plus, et je lève les yeux au ciel.

"Ellyah... Vous ne devez pas rentrer chez vous."

Qu'est-ce qu'il peut être agaçant. Si je l'ignore, il me laissera peut-être. Prions.

"Ellyaaaaaaaaah !"

Je souffle bruyamment pour qu'il m'entende et presse le pas. J'aurai dû mettre un plus gros pull, la température ne me fait aucun cadeau. J'ai l'impression d'être au Pôle Nord.
Liam continue de me suivre en m'appelant, mais je ne me retourne pas, et surtout ne lui réponds pas.
De toute façon, que pourrait-il m'apporter ? De la chaleur, de l'amour, de la complicité ? Quel flot de conneries. Comme si l'amour existait.

"Ellyah, je vous en prie..."

Je me retourne brusquement et lui fais face. Il pile pour ne pas me foncer dedans et les yeux remplis de larmes, je lui crie :

"Quoi Liam ? Quoi ? Vous allez me dire que tout peut être réglé par une simple pincée de magie ? Que la vie est une sorte de puzzle, et que tant qu'il manque une pièce, tout est compliqué ? Quoi ? L'amour résout tout, c'est ça ? Vous allez me dire qu'avec un peu de volonté, on peut être heureux ? Mais.. Mais vous ne comprenez donc pas que je ne veux pas de votre aide, je ne veux pas d'un ami, je ne veux pas sortir de ma solitude, et encore moins passer toutes mes soirées avec vous dans les rues de Londres ! Tout ce que je veux, c'est rentrer chez moi et regarder Love Actually en me blottissant dans mes couvertures, parce que vous savez quoi ? L'amour et le bonheur n'existent que dans les comédies romantiques, et c'est comme ça, on n'y peut rien."

Je tourne les talons et m'enfuis sans lui laisser le temps de répondre. Je porte mes mains gelées par le froid jusqu'à mes joues et essuie les perles salées qui ont coulé de mes yeux. Je ne peux pas prétendre aimer sa compagnie, alors que tout ce dont en quoi il croit est l'exact opposé de ce que moi, je crois. Je sens une grande et forte main m'attraper le bras et me retourner contre mon gré. Liam m'attire à lui et me maintient contre son torse. Je me laisse faire, épuisée, et respire son odeur à plein poumons. Il me caresse les cheveux lentement et avec tendresse, puis me murmure :

"Ça va... Je ne sais pas quelles... épreuves vous avez subies pour en arriver à un tel point où vous ne croyez plus en rien, mais je suis là maintenant, Ellyah. Je vais vous aider."

Je ne réponds rien. Il a raison, je ne crois plus en rien. J'ai beau adorer la gaieté qui règne en cette période de fin d'année, j'ai beau adorer me plonger dans l'histoire de deux personnes qui vont tomber amoureux, j'ai beau adorer voir toutes ces petites filles qui se déguisent en princesses en rêvant du prince charmant, j'ai beau adorer voir les gens guérir de terribles maladies et retrouver leur famille... Je ne crois plus. La magie, l'amour, le bonheur, les miracles... Tout ça, c'est fini. N'importe quelle femme de mon âge y croit, n'importe quelle femme à peu près féminine y croit, mais pas moi.

"Pourquoi, Ellyah ? Pourquoi vous ne croyez plus ? me demande-t-il toujours en me caressant les cheveux."

Je soupire et attends quelques secondes avant de répondre en retenant mes larmes :

"Si j'ai retenu une seule chose de tout ce que j'ai vécu, c'est que la vie est une magnifique garce, et rien ne pourra changer ça, ni l'amour, ni les rires, ni la joie... Tout est toujours perdu d'avance."