"Il n'y a rien à dire sur moi.
- Oh, je vous en prie, il y a toujours quelque chose à dire. Tout le monde a une histoire à raconter."

Je baisse la tête et joue avec ma cuillère dans la tasse de mon chocolat. Si seulement il savait.

"Eh bien pas moi.
- C'est ce que vous croyez."

Il soupire et sort son téléphone de sa poche, qu'il déverrouille. Il navigue quelques secondes sur l'appareil, puis il me le tend le regard brillant. Je saisis le téléphone et fronce les sourcils en découvrant ce qu'il a affiché sur l'écran.

"Vous voyez cette femme ? C'était ma fiancée, Sophia.
- Elle est magnifique. Pourquoi "était", si ce n'est pas trop indiscret ? je lui demande, intriguée."

Il baisse la tête vers son chocolat chaud et se passe la langue sur ses lèvres gercées par le froid pour les humecter.

"Elle est morte il y a un an, renversée par un chauffard ivre. C'est là que j'ai commencé à venir sur ce pont.
- Je suis désolée, Liam.
- Je ne comprendrai jamais pourquoi les personnes qui n'y sont pour rien s'excusent, sourit-il."

Je lui rends son sourire, on termine notre chocolat chaud et au moment de se lever, il laisse un billet sur la table. Je lui attrape le bras et secoue la tête.

"Non, laissez-moi payer.
- C'est moi qui vous ai poussée à venir, et puis, quel genre d'homme je serai si je laissais une jeune femme payer ?"

Je rougis légèrement, sans savoir pourquoi. Sans doute parce que premièrement, personne n'avait jamais été aussi gentil avec moi, et deuxièmement parce que malgré tous les défauts que je possède, il s'est qualifié d'"ami". Heureusement que ma peau est encore rouge de froid, ou je serai sans doute passé pour la plus idiote des femmes.

Il passe encore une fois derrière mon dos et me pousse vers la sortie.

"Sortons."

Je ne réponds pas et nous sortons du café après avoir souhaité une bonne soirée et une bonne année au serveur.

Sans dire un mot, nous parcourons quelques mètres dans la rue recouverte de neige, et je finis par m'arrêter. Liam se tourne vers moi et m'interroge du regard.

"Je... Je vais rentrer, murmurais-je en évitant son regard.
- Non, je ne vous laisserai pas partir ce soir, réplique-t-il. C'est le nouvel an, Ellyah.
- Je ne vois pas ce qui différencie cette soirée d'une autre."

Il soupire et se met juste devant moi, à quelques centimètres à peine, tellement près que je peux sentir son souffle chaud s'écraser sur ma peau. Il plonge son regard dans le mien et déclare :

"Il faut croire que vous êtes coincée avec moi jusqu'à minuit.
- Minuit ? je l'interroge, les sourcils froncés.
- Minuit. C'est tout ce que je vous demande."

Nous continuons à marcher silencieusement dans les rues Londoniennes, et après quelques minutes, je tourne la tête vers lui et l'observe. Il est si beau... Je ne comprends pas pourquoi il perd son temps avec une fille comme moi le jour du nouvel an. En ce moment même, il pourrait être dans une soirée alcoolisée, la musique à fond dans les oreilles, entouré d'une dizaine de filles à côté de qui je ne fais pas le poids. Je reporte mon attention sur le sol avant qu'il n'ait le temps de s'apercevoir que je le contemple, et pose une question qui me trotte dans la tête depuis quelques minutes :

"Qu'y a-t-il à minuit ?"

Il sourit en coin en regardant le sol, et je fronce les sourcils, intriguée par sa réaction.

"Un nouveau jour se lève, Ellyah."