Chapitre 4

Lorsque nous arrivâmes dans le salon, Moïra et Lazarus interrompirent leur conversation et mon oncle se leva subitement.

- Quelque chose ne va pas ? l'interrogea Silver avant moi.

- À l'heure actuelle, c'est trop tôt pour se prononcer.

Face à nos airs perplexes, Lazarus s'avança vers moi.

- Tu as reçu un courrier Mia.

- Moi ? Mais qui pourrait bien m'envoyer du courrier ?

- Et surtout, qui est au courant de ta présence ici ? ajouta Silver.

- Un bon point pour le vampire, lança Eline. Cela veut-il dire que notre cachette est corrompue ?

- Comment oses-tu, jeune fille, insinuer une telle chose ? gronda Moïra. Je vous l'ai déjà dit : vous êtes en sécurité ici. Personne ne peut entrer sans mon consentement.

- Pardon, pardon, répondit Eline tout en levant les mains en signe de reddition.

- Non, cette lettre ne vient pas de n'importe qui, reprit alors Lazarus. J'ajouterais même qu'elle ne vient pas de n'importe où.

- Que veux-tu dire par là ?

Il me tendit l'enveloppe que je pris délicatement dans mes mains.

Le papier était lisse sous mon pouce et mon prénom y était écrit dans la plus belle calligraphie qu'il m'avait été donné de voir.

- Seul le destinataire peut accéder à son contenu, précisa Lazarus.

- Quel genre de magie peut faire ça ? demandai-je, intriguée, sans quitter le papier des yeux.

- Je ne connais qu'une magie aussi subtile et aussi fine pour ne pas être visible, expliqua Moïra. Celle des fées.

Je relevai aussitôt les yeux.

Bien sûr, l'existence des fées n'était pas un secret pour moi. J'avais appris leur existence par Dominique, l'homme qui avait enlevé Silver, lorsque j'étais allée le libérer.

Cependant, même si je les savais bien réelles, une partie de moi avait encore du mal à l'admettre.

Je baissai les yeux sur la lettre et l'observai plus longuement. Pourquoi vouloir me contacter ? Pourquoi moi ?

- Tu ne le sauras qu'en ouvrant cette lettre, me glissa Silver à l'oreille.

Et comment savait-il ce que j'étais en train de penser ?

Sans que je ne m'en rende vraiment compte, mes doigts commencèrent à ouvrir l'enveloppe et je sortis la lettre pour entreprendre la lecture :

Chère Mia,

par la présente, nous aimerions solliciter une rencontre entre vous et notre peuple.

Bien évidemment, vous pourrez venir accompagnée. Nous vous demanderons juste de nous prévenir en avance qui viendra avec vous.

Nous espérons que donnerez suite à notre invitation.

Vous pouvez nous laisser votre réponse sur ce papier et le donner ensuite à notre messager qui se chargera de nous la transmettre. De plus amples informations suivront en cas de réaction positive de votre part.

L'émissaire de Sa Majesté Enda, reine et protectrice du peuple des Fées.

- Alors, de quoi parle la lettre ? me pressa Mickaël.

- Ils veulent m'inviter à venir les rencontrer.

Je relevai la tête et remarquai que tout le monde m'observait avec de grands yeux, surpris par mes propos.

- Vous m'excuserez si je pose une question idiote, mais n'étant pas de votre univers et tout ça... c'est quelque chose d'habituel ? Se renseigna Eline.

- Pas le moins du monde, ma jolie, lui répondit Moïra. Je n'ai jamais entendu parler d'une personne qui ait été invitée à s'y rendre. Le royaume des fées est peut-être le seul endroit plus sécurisé que chez moi dont j'ai connaissance.

- Mais alors, que veulent-ils à Mia ?

- Le meilleur moyen reste encore d'y aller, non ? demandai-je à Lazarus.

- En effet. Mais il faut se montrer prudent. Comme l'a expliqué Moïra, ils n'ont pas pour habitude de faire venir n'importe qui chez eux. Cette invitation doit avoir un but bien précis. Si cela te convient, Mia, je souhaiterais pouvoir t'accompagner.

- Bien sûr. Je serais même soulagée que tu sois à mes côtés.

Je me tourne vers Silver, mais je n'ai pas le temps de lui poser la question qu'il me répond aussitôt :

- C'est évident que je viens aussi, Mia.

- Et nous alors ? On compte pour du beurre ?

- Non, mais Mickaël... intervint Eline. Premièrement, rappelle-moi : quel âge as-tu pour parler comme ça ? Et ensuite, c'est évident que Silver et Lazarus vont accompagner Mia. Qu'irions-nous faire là-bas ?

- Mais pleins de choses, justement ! Depuis le temps que j'entends parler du royaume des Fées, sans jamais avoir pu obtenir la moindre information. Je n'ai entendu que des rumeurs et crois-moi, elles sont toutes plus folles les unes que les autres.

- Mickaël.

Eline le regarda durement, les bras croisés sur sa poitrine.

- Eline ?

- Tu veux bien arrêter de te comporter comme un enfant capricieux et réfléchir deux secondes, s'il te plait ? C'est fou quand même de devoir t'expliquer ce genre de choses. Et c'est toi le vampire centenaire dans l'histoire ?

- Ça ne s'est pas calmé entre eux depuis New York ? s'enquit discrètement Lazarus.

- Oh, c'est bien moins pire qu'à New York. Mais ils ne peuvent pas passer une journée sans se chamailler, c'est plus fort qu'eux, répondis-je en haussant les épaules.

Il secoua la tête en ricanant. Eline et Mickaël ne savait pas se comporter autrement, au grand damne des gens vivant avec eux.

- Combien de temps pensais-tu rester ? l'interrogeai-je.

- Au moins deux ou trois semaines. Je pense que ça devrait être assez pour organiser une rencontre avec la reine des Fées.

Je relus la lettre que je tenais toujours dans mes mains et un détail me chiffonna.

- Ils font mention d'un messager, dans la lettre. Quelqu'un est-il venu vous la déposer ? Comment prendre contact avec lui pour la renvoyer ?

Lazarus laissa échapper un rire et me montra du doigt quelque chose auquel je n'avais pas encore fait attention depuis notre arrivée dans la pièce.

Posée sur le dossier d'une chaise, se tenait une perruche toute jaune. Malgré sa toute petite taille, et je n'aurais su expliquer comment, elle portait un air très solennel et précieux.

- C'est ça le messager ? demanda Mickaël qui avait suivi de loin la conversation entre Lazarus et moi.

Mais aussitôt sa phrase terminée, la perruche vola jusqu'à lui becqueta le bras.

- Aïe ! Mais c'est qu'elle m'a fait mal.

- À mon avis, elle n'a pas dû apprécier que tu la qualifies par « ça », répliqua Eline.

- On ne t'a pas demandé ton avis, lui répondit Mickaël en se frottant le bras.

La perruche se posa sur l'épaule d'Eline et frotte sa tête contre elle en signe d'affection. Celle-ci regarda Mickaël et lui lança un « tu vois » avant de se détourner de lui pour caresser l'oiseau.

- Et il va falloir que je reste tout seul avec cette créature maléfique ?

Nous levâmes tous les yeux au ciel en réponse à sa question et je m'adressai alors à notre hôte.

- Moïra, aurais-tu de quoi écrire ?

- Tu es une enchanteresse, non ? Utilise tes talents un petit peu, rétroqua cette dernière.

Je n'y pensais pas assez, mais il était vrai que je pouvais faire apparaître ce que je voulais, juste en y songeant. Autant exploiter ce don.

Une fraction de seconde plus tard, j'étais en train d'écrire une réponse sur la lettre que j'avais reçue :

Bonjour,

je vous remercie de m'avoir envoyé cette invitation et serais honorée de pouvoir venir vous rencontrer dans votre royaume.

Je viendrais accompagnée de mon o , Lazarus et de

Je m'arrête d'écrire un instant. C'était drôle, jusque-là, je n'avais jamais eu besoin de mettre des mots sur ma relation à Silver. Le qualifier de petit-ami me semblait si inapproprié tant il représentait plus à mes yeux. Mais comment appeler ce qu'il y avait entre nous ? Après quelques instants de réflexions, je décidai de ne pas trop me prendre la tête et notai toute simplement :

Je viendrais accompagnée de mon oncle, Lazarus et de mon compagnon, Silver.

J'attends vos directives.

Mia

Je regardai ma réponse qui me semblait correct. Je glissai ensuite le papier dans l'enveloppe et me dirigeai vers Eline, toujours en train de câliner la perruche. En me voyant approcher, celui-ci pencha la tête en me regardant, comme pour me poser une question.

- J'ai donné ma réponse. Serait-il possible pour vous de l'amener à son destinataire ?

C'était un peu étrange de s'adresser à un oiseau et encore plus de le vouvoyer, mais sur le moment, c'est ce qu'il me semblait le plus adapté à la situation.

Celui-ci, toujours sur l'épaule de mon amie, s'ébroua avant de s'envoler pour venir agripper l'enveloppe et essayer de partir, mais se retrouva vite arrêté par la porte d'entrée fermée. Eline accouru alors derrière lui pour la lui ouvrir et on l'entendit lui glisser un « à bientôt » avant de refermer la porte.

- À bientôt... On aura tout vu. Elle se met à parler aux oiseaux maintenant.

Je m'apprêtai à prendre la défense d'Eline quand je fus interrompue :

- Mickaël, tu peux arrêter s'il te plait ? intervint Silver.

Tout le monde se retourna vers lui, surpris de son intervention. Même son frère le regarda avec étonnement, sans piper un mot.

- Je vais finir par vous enfermer dans une pièce et vous ne pourrez en sortir que lorsque vous serez apte à avoir une conversation normale, sans toujours vous chercher des poux.

Je fixai Silver avec de grands yeux. Je n'avais pas l'habitude de le voir s'agacer, il était le membre de l'équipe qui passait sa vie à relativiser et qui laissait couler les chamailleries de Mickaël et Eline comme si ça ne l'importunait aucunement.

Un silence empli de perplexité régna encore plusieurs secondes dans le salon avant qu'un frappement à la porte ne nous sorte de notre stupeur.

Eline, qui est encore juste à côté, alla l'ouvrir et nous pûmes découvrir la même perruche qui venait de nous quitter, entrer dans la pièce, une enveloppe toujours dans ses griffes.

Elle se posa sur mon épaule et je pris le document qu'elle me tendait. En l'ouvrant, je pus y trouver une réponse sous la mienne :

Rendez-vous dans trois jours, sous l'arbre contenant le plus de perruches à Hyde Park, au moment du coucher du soleil.

J'étais complètement perdue... Comment la réponse avait-t-elle pu arriver aussi vite ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top