Chapitre 31

Une semaine s'était écoulée depuis que nous avions tous quitté le centre de recherches situé sur l'île de Saint Kilda. Silver n'avait pas été particulièrement ravi de découvrir que j'étais retournée chercher Loïse dans le centre sans l'avoir prévenu. Nous avions même failli nous disputer, mais il avait fini par me prendre dans ses bras en déclarant qu'il refusait qu'on se fâche alors qu'on venait tout juste de se retrouver.

Lorsque j'avais fini par retrouver Jess et Maddie, les filles ne m'avaient pas tout de suite reconnue. Elles ne m'avaient jamais rencontrée avant cette manipulation télépathique, il leur aura fallu attendre que des souvenirs refassent surface, tout comme pour Aaron, afin de se souvenir de moi.

Un jour, alors nous parlions en mangeant tous ensemble - Silver, Mike et Eline nous avaient rejoints - quand Maddie s'était mise à fixer Aaron avec de grands yeux, puis elle était devenue rouge comme une tomate.

Il lui prend quoi ?

Elle doit avoir un flash concernant Aaron. Peut-être vient-elle de se rappeler qu'elle avait un énorme crush sur lui. Et qu'elle passait son temps à le dénommer « Monsieur Aaron ».

Monsieur ?

Il n'avait pas eu besoin d'en dire plus pour que je sache ce qu'il en pensait. À l'époque, quand j'avais fait la connaissance de Maddie, j'étais encore en colère contre l'enchanteur et je trouvais ridicule qu'elle l'appelle ainsi.

Lazarus s'était absenté à plusieurs reprises, prétextant des rendez-vous urgents avec des contacts qui pourraient le renseigner sur la position de Dominique. Mais jusque-là, aucune piste n'avait abouti. J'étais obligée de ronger mon frein pour ne pas faire de bêtise, mais j'avais tellement envie de sortir de Camden et d'aller enquêter moi-même. Pourtant, j'étais bien obligée de reconnaître que mes amis avaient raisons lorsqu'ils m'avaient remarquer que ce serait la chose la plus stupide à faire. Selon les propos d'Eline. Et Mickaël. Pour une fois, ces deux-là étaient d'accord et ça devait être à mes dépends.

Mais cet après-midi-là, Aaron et moi avions reçu un message de la part de Lazarus, nous disant qu'il serait là pour vingt-deux heures et que la présence de tout le monde était nécéssaire.

- Que de mystères ! s'exclama Eline quand j'allais la prévenir. Tu crois qu'il a trouvé quelque chose ?

- Je n'en ai aucune idée. Et je me demande bien pourquoi ça ne pouvait pas attendre demain matin.

La journée, puis la soirée s'écoulèrent tranquillement, Aaron et moi-même continuions de passer du temps avec les enfants rescapés. Beaucoup étaient effrayés et faisaient des cauchemars la nuit. Il leur faudrait encore un moment avant de pouvoir passer à autre chose. La plupart n'avaient même plus de familles, Dominique en avait ainsi profité pour les enlever sans que personne ne se pose de questions quant à leur disparition. Je ne savais pas ce qu'ils allaient devenir, mais nous devions trouver une solution.

Après le dîner, nous nous retrouvâmes tous dans la cuisine de Moïra, attendant que mon oncle fasse son apparition. J'étais assez nerveuse et j'avais hâte de savoir pourquoi il nous avait demandé de tous nous rassembler. Se pouvait-il qu'il ait retrouvé Dominique ?

Quelques minutes avant l'heure du rendez-vous, des bruits de pas se firent entendre dans le couloir et nous tournâmes tous nos regards vers la porte. Celle s'entrouvrit et Lazarus entra, suivi de près par une silhouette encapuchonnée.

- Alors, pourquoi notre présence à tous est nécessaire ? demanda Aaron.

Mais il eut à peine fini sa question que l'inconnu baissa sa capuche et nous dévoila une longue chevelure blond platine entourant un visage dont les yeux bleu saphir nous fixaient intensément.

- Enda !

Eline se leva soudainement pour aller se jeter sur la reine du royaume des fées. Cette dernière lui ouvrit ses bras et l'enlaça avec joie.

- Mais tu fais quoi ici ? lui demande la vampire.

Depuis quand elle tutoie la reine et lui fait des câlins ?

Tu connais Eline, quelques mois avec elle et elle s'en est faite une amie.

Il était vrai qu'Eline, Mike et Lazarus avaient passé près de neuf mois dans le royaume, pendant que j'étais retenue prisonnière du centre de recherche. J'oubliai parfois cette histoire de temporalité différente. C'était un détail assez difficile à intégrer.

Je rejettai mon attention sur les deux jeunes femmes debout dans la cuisine, en train de rire.

Il y en a un qui n'est pas insensible au charme des fées.

Je n'étais pas sûre que Silver avait vraiment voulu me parler, il avait plus de difficultés à me bloquer ses pensées que moi. Je détournai mon regard pour comprendre ce qu'avait relevé Silver et mes yeux tombèrent sur Aaron. Ce dernier fixait la reine intensément. Je me pinçai les lèvres pour réprimer un sourire.

- Viens donc t'asseoir, proposa Eline à Enda. Vous auriez dû nous dire que tu serais là ce soir, on aurait gardé quelque chose à manger, préparé une chambre... Tu restes là, n'est-ce pas ?

La fée se met à rire et ce son cristallin retentit dans toute la pièce, fit écho sur les murs de pierres.

- Ne t'en fais pas pour moi, Eline, lui répondit-elle avec un sourire à faire pâlir une miss.

Elle s'assit en bout de table, près de moi, et enleva sa cape, dévoilant sa plastique parfaite, mise en valeur dans une tenue en cuir noir, sertie de broderies fleuries.

- Je n'étais pas tout à fait sûre de réussir à sortir de mon royaume, c'est pour cela que nous ne vous avons pas prévenu que je serais là ce soir, nous expliqua-t-elle alors.

Elle se tourna vers moi et prit ma main dans la sienne, dans une étreinte douce, mais ferme.

- Je suis contente de vous revoir.

- Moi de même, lui répondis-je. En revanche, je ne comprends pas vraiment ce que vous faites ici...

- J'avais demandé à Lazarus de me tenir au courant de la situation et il est passé me voir, il y a quelques jours pour vous. Quand j'ai appris que ce Dominique avait disparu et que vous le recherchiez, j'ai tout de suite voulu prendre part aux investigations. Et si je peux me charger de son cas le moment venu, je ne dis pas non.

Sa mère était morte à cause de lui, c'était vrai. Je pouvais comprendre son besoin de la venger, même si je n'étais pas persuadée que ce soit la meilleure solution.

- Si on le retrouve, intervint Eline.

- C'est chose faite, rétorqua la reine des fées avec un grand sourire.

- Comment ça ?

Mon oncle, qui était resté en retrait jusque-là, prit la parole.

- Comme l'a dit Enda, je lui avais promis de la tenir au courant de la situation. Quand je suis allé la voir, elle m'a proposé de m'accompagner. Nous avons pu mettre son charme féérique en action et soutirer des informations bien plus facilement que si j'étais tout seul.

- Sérieusement ? m'étonnai-je.

- J'aurais pu t'aider, intervint Silver. Tu sais que je peux en faire tout autant avec mon pouvoir.

- Je le sais, accorda-t-il. Mais la reine sait se montrer très persuasive quand elle le veut, et elle ne m'a pas trop laissé le choix... de plus, je me suis dit que tu préférerais rester avec Mia, maintenant que vous vous êtes retrouvés.

Enda gloussa doucement, tout en regardant autour d'elle et quand ses yeux tombèrent sur Aaron, elle se reprit aussitôt.

- Je ne vous connais pas, constata-t-elle.

L'enchanteur rougit instantanément.

- Je... je... vous... bafouilla-t-il.

- Vous devez être Aaron, c'est ça ? l'interrogea-t-elle avec un de ses fameux sourires. Il n'y a que vous ou Moïra que je n'ai pas encore rencontrés et vous avez plus une tête à vous appeler Aaron...

Celui-ci se mit à ricaner bêtement et je ne pus m'empêcher de rire en douce.

Je ne l'ai jamais vu comme ça. C'est son charme qui agit sur lui, tu crois ?

Aucune idée. En tout cas, je me régale !

Tu n'es pas possible...

- Je vois que vous avez pu finir la cérémonie, releva la reine.

- Oh. Euh... oui, je... c'est Lazarus qui vous l'a dit ?

Elle rit à nouveau et je me demandais comment elle faisait pour être toujours de si bonne humeur.

- Oui, mais même s'il ne l'avait pas fait, depuis le temps j'ai appris à reconnaître deux personnes qui communiquent par télépathie.

- Je vous ai dit, que ce n'est pas correct, votre truc de dialoguer dans votre tête alors qu'il y a des gens autour de vous, ronchonna Mickaël.

- Tu parles... tu crèves surtout d'envie de savoir ce qu'ils peuvent bien se dire, le chambra Eline.

- Et pas toi, peut-être ?

- Mais moi, je te rappelle que je peux entendre les pensées de tout le monde, mon chéri.

S'ensuivit un silence de quelques secondes avant qu'elle ne pousse un cri d'exclamation puis se mette à rire.

- Oui, je l'ai entendu. Et ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde !

- J'espère bien...

Il ne finit pas sa phrase, l'attrape par son tee-shirt pour la rapprocher de lui et l'embrassa sauvagement, aux yeux de tous.

- On peut m'expliquer en quoi communiquer par nos pensées lui semble indécent, alors qu'il se permet ce genre d'attitude en public... râla Silver à côté de moi.

Je ricanai et déposai un baiser sur sa joue.

- Vous ne vous sentez pas un peu seul ?

La fée s'était tournée vers Aaron pour s'adresser à lui et attendait visiblement une réponse, qui met un moment à arriver. J'avais oublié qu'elle avait tendance à poser toutes les questions qui lui passaient par la tête.

- C'est... euh... non, je n'ai pas vraiment le temps de m'ennuyer. Il y a tant de choses à faire ici.

- Vous accepteriez de me faire le tour du propriétaire ? Demain matin ?

- Je... oui ! Oui, bien sûr.

- Super ! Lazarus, savez-vous où je pourrais dormir ce soir ? Être loin de mon royaume me fatigue un peu et j'aurais bien besoin de me reposer.

- Bien entendu, laissez-moi trouver Moïra, c'est elle qui gère ce genre de choses, je ne sais pas trop comment se passe cette histoire d'agrandissement des locaux...

- Je viens avec vous ! Ça me fera déjà un peu découvrir les lieux.

Tout en se levant, elle se retourne vers nous et nous adresse un grand sourire.

- Je vous souhaite une belle fin de soirée. Mia, je suis vraiment heureuse de voir que vous allez bien et n'avez plus de doutes concernant Silver. Quant à vous, déclara-t-elle à Aaron, on se retrouve ici, demain matin ?

Une fois la reine partie, ce fut comme si une tornade de bonne humeur était passée dans la cuisine et s'en était allé aussi vite qu'elle était arrivée.

- C'est si cool qu'elle soit ici ! s'exclama Eline.

- Je ne savais pas qu'ils pouvaient sortir de leur royaume, releva Aaron.

Tout le monde se retourna pour le regarder et Eline fut la première à éclater de rire.

- Quoi ? s'inquiète-t-il.

- Rien. C'est juste très drôle de te voir perdre tous tes moyens devant une belle fée, ricana Mickaël.

- Mais pas du tout ! Je ne vois pas de quoi tu veux parler, s'insurgit-il en rougissant comme une tomate.

J'essuyai une larme qui coulai et essayai de reprendre ma respiration.

- Oh si. Je ne t'ai jamais vu comme ça, c'était très drôle à voir ! m'amusai-je.

- C'est vrai, même Mia ne t'a jamais fait perdre tes moyens comme ça, insista Eline.

L'espace d'un instant, les regards se tournèrent vers moi, mais je rigolai tellement, je n'arrivais pas à m'arrêter et tout le monde repartit de plus belle.

- C'est bon, j'ai compris, on ne tirera rien de vous, pesta Aaron en se mettant debout. Vous m'excuserez, je vais me coucher.

- Tu as raison, il vaut mieux être en forme, demain matin, si tu veux pouvoir servir de guide à une certaine fée, se moqua Mike.

Les rires reprirent de plus belle et Aaron quitta la pièce en secoua la tête. Quelques minutes plus tard, nous quittâmes tous la cuisine pour nous diriger vers nos chambres. Une fois dans la nôtre, Silver me prit dans ses bras.

- J'ai l'impression que cela fait une éternité que je n'ai pas entendu ton rire. Le vrai, plein de légèreté. Ça m'avait manqué... glissa-t-il à mon oreille entre deux baisers.

Quelque chose, auquel j'avais déjà pensé à plusieurs reprises sur les derniers jours, me revint à l'esprit.

- Dis-moi... avec notre lien, tu peux ressentir ce que j'éprouve ?

- C'est-à-dire ?

Je cherchai les mots pour mieux lui expliquer ma pensée.

-Quand je suis triste, tu le sens, toi aussi ?

Il ne me répondit pas tout de suite, m'observant intensément et je me perdais dans la contemplation de ses billes grises.

- Alors ? insistai-je.

- Si tu es triste, je suis aussi triste. Si tu es joyeuse, comme ce soir, je le suis aussi. Tes émotions influent sur les miennes, finit-il avec un haussement d'épaules.

- Mais...

- Oui ?

- Ce n'est pas juste. Tu n'as pas à la subir.

- Ce ne sera pas tout le temps comme ça, c'est juste une période.

- Et pourquoi tes émotions ne pourraient pas influencer sur les miennes, dans ce cas-là ?

- Je pense que pour le moment, ta tristesse est encore trop à vif et prend plus de place que ce que je peux ressentir. Et puis... honnêtement, en te sachant triste comme tu l'es, j'aurais bien du mal à me sentir joyeux, lien féérique ou pas.

Je me lovai dans ses bras, passant les miens autour de lui.

- Vu qu'on parle de légèreté, que dirais-tu de...

Je collai mon bassin au sien, dans une pose provocatrice et Silver réagit aussitôt. Il me prit dans ses bras et m'amena sur le lit à une vitesse inhumaine. Ma tête rebondit sur le matelas et j'éclatais de rire. Il avait très vite compris le message.

Silver se positionna au-dessus de moi, posa ses lèvres sur les miennes avec une infinie délicatesse et je fermai les yeux pour me délecter de ce contact. Je sentais, à travers notre lien, une foule de sensation et avais bien du mal à discerner lesquelles étaient les miennes des siennes. Ma respiration devint plus rapide, tandis que notre baiser se fit plus profond. Pour la première fois, depuis notre retour, depuis tout ce qui s'était passé, je ressentais l'envie de faire l'amour avec lui. Le besoin de nous sentir en communion plus que par nos pensées. Comme si, ça y est, je commençais à aller de l'avant, grâce aux soutiens de mes amis et de Silver.

Je me laissai complètement aller à ses caresses, ses doigts dessinaient des arabesques sur ma peau qui frissonnait de plaisir. Il m'aida à me déshabiller et mon corps se cambra quand il déposa ses lèvres sur mon ventre, puis remonta jusqu'à mes seins. Je glissai mes doigts dans ses cheveux, la respiration rauque et un bruit dans un coin de la chambre détourna mon attention.

- Loïse !

Je me redressai en riant et cachait ma poitrine à l'aide d'un bras.

- Ça te dirait d'aller faire un tour ?

En utilisant mes pouvoirs, je lui ouvris la porte et la poussait gentiment vers la sortie, sous ses braillements mécontents. Quand nous fûmes de nouveau seul, Silver me repoussa en arrière avec autorité et reprit possession de ma bouche.

On était où ?

Tu étais sur le point de me faire l'amour.

C'est un bon programme, ça.


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