Chapitre 25
Face au miroir de la salle de bain, je faisais apparaître différents vêtements, mais ne réussissait jamais à trouver quelque chose qui me plaise.
C'est ridicule, ce n'est pas un rencard.
Oui, mais tu veux qu'il le croie.
Je soupirai et glissai une main dans mes cheveux. J'étais désespérée et ne savait plus quoi faire.
Je suis curieux, tu as passé autant de temps à dénicher une tenue pour notre premier rendez-vous ?
Tu veux dire celui qui n'en était pas un ? Après que tu aies passé trente-huit jours sans m'adresser la parole ? Certainement pas, non.
Le rire de Silver retentit dans ma tête. S'il avait été en face de moi, je ne me serais pas gênée pour lui envoyer un seau d'eau.
Et puis bon. À l'époque j'évitais d'utiliser mes pouvoirs et je n'avais pas une garde-robe très fournie... donc je n'avais pas beaucoup de choix.
Oh, ne t'en fais pas. Ce petit jean te faisait un cul d'enfer. Je m'en souviens comme si c'était hier.
Mon reflet dans le miroir vira au rouge cramoisi. Il avait le don pour ce genre de sortie.
Tu n'as qu'à porter une évasée, avec un décolleté qui te mette en valeur. Et choisis-la en vert foncé. C'est une couleur qui te sied particulièrement bien, elle fait ressortir tes reflets auburn.
Depuis quand tu es un spécialiste de la mode, toi ?
Mia, Mia... il y a encore tant de choses que tu ne connais pas de moi.
Je vois ça.
Je fis apparaître une robe comme celle qu'il venait de me décrire et penchai la tête sur le côté pour m'observer attentivement.
Trois coups à ma porte interrompirent alors notre conversation télépathique. Je regardai l'heure et constatai qu'il était trop tôt pour l'arrivée du gourou de service. Quand j'ouvris la porte, Maddie et Jess se tenaient debout devant moi.
- Ouah ! Mais tu vas à un rendez-vous, habillée comme ça ?
Tu vois ? Je sais ce qui te rend belle.
Gnagnagna... Je préférerais me faire belle pour toi, pas pour ce tordu.
Je sais, mon cœur. Je sais.
Je tiquai à sa réplique. Nous n'avions jamais été du genre à nous donner des petits surnoms et c'était la première fois qu'il m'appelait comme cela. Mais je n'eus pas l'occasion de l'interroger à ce sujet, car les filles me sortirent une fois de plus de mes réflexions.
- Alors ? Quelque chose à nous dire ? s'enquit Jess.
- J'ai accepté de manger avec Aaron ce soir. Histoire de lui laisser une chance de s'expliquer.
- Mais c'est trop bien ! Pas vrai Maddie ?
La concernée rougit tout en regardant ses chaussures.
- Monsieur Aaron doit être content que tu aies changé d'avis.
- Arrête avec ces « Monsieur Aaron ». Je te jure, il n'en a pas besoin, relevai-je.
- Elle a raison. Tout le monde l'appelle par son prénom, tu es bien la seule de tout le centre à persister avec cette étiquette, confirma Jess.
Mais l'adolescente rougit encore plus, chose que je ne pensais pas possible et s'assit à côté de la cabane de Loïse pour jouer avec elle.
- En tout cas, tu es superbe avec cette robe, souligna Jess. Tu comptes faire quelque chose pour tes cheveux ?
- Ben... je n'ai pas pour habitude de faire quoique ce soit avec. J'oscille entre détaché et en queue de cheval quand je sais que je vais faire de l'exercice.
- Je peux te coiffer ?
Les yeux de la jeune fille brillaient d'excitation. Son enthousiasme était contagieux et je ne pouvais pas lui refuser ce plaisir.
- Si tu veux.
- Trop bien ! Assieds-toi là et fais-moi apparaître quelques pinces pour tenir tes cheveux, je m'occupe du reste !
Nous passâmes le quart d'heure suivant à papoter, tandis qu'elle s'affairait avec ma chevelure. Silver resta discret, mais il n'était pas bien loin, je pouvais le sentir sourire de l'autre côté de notre connexion, en entendant Jess s'exprimer avec ferveur.
Je comprends que tu ne veuilles pas laisser toutes ces personnes là-bas.
Il ne dit rien de plus, il n'attendait sûrement pas de réponse de ma part, mais son intervention me fit chaud au cœur. Je l'avais vu et senti se briser de l'intérieur lorsque les portes de l'ascenseur s'étaient refermées sur lui. L'espace d'un instant, j'avais failli lui demander de faire demi-tour pour m'enlever à cet endroit. Nous serions allés à l'autre bout du monde pour vivre heureux et cachés.
Mais je n'aurais jamais pu vivre avec moi-même en sachant ce qu'il se passait dans ce centre. Je ne pouvais pas laisser tous ces jeunes en ayant conscience que certains mouraient dans la plus grande ignorance.
- Mia, je crois que c'est pour toi ! gloussa Jess.
Perdue dans mes réflexions, je n'avais même pas entendu qu'on avait toqué. D'un geste de la main, je déverrouillai les serrures et ouvrit la porte tout en me levant. Aaron se tenait dans l'encadrement, un sourire timide aux lèvres.
Ça me gonfle d'avance,
C'est ton idée, pas la mienne.
Gnagnagna.
Ça, c'est de la répartie.
Je m'apprêtais à sortir de la chambre, Loïse sur mes pas, mais je m'arrêtai et me retournia vers Maddie.
- Ça te dirait de la prendre avec toi, ce soir ?
Envie d'être tranquille ?
C'est surtout qu'elle a déjà mordu Aaron à sang. Si je veux lui faire croire que tout va bien, il ne vaut mieux pas qu'elle recommence.
Il éclate de rire et c'était décidément un son dont je ne me lasserai jamais.
J'aime définitivement beaucoup ce petit animal.
- On y va ? me proposa l'enchanteur.
Je le suivis dans le couloir et compris que nous nous dirigeons vers l'ascenseur. Il me laisse passer pour entrer en première, puis sortit un badge de sa poche et appuya sur le bouton onze. J'en fis aussitôt part à Silver.
Il ne dort pas au même étage que vous ?
Je le découvre comme toi.
Eline te passe le bonjour au fait.
Oh, ils sont enfin sortis de de leur chambre ?
Enfin, oui. Et pour répondre à notre question : elle a appris à ériger une barrière mentale dans sa tête en s'imaginant qu'il y avait un mur qui l'entourait.
Il faudra qu'on teste ça.
- Merci de me laisser une chance, Mia.
Oups. J'étais plongée dans ma conversation avec Silver et j'en avais presque oublié la présence d'Aaron. Je devais me concentrer, je n'allais pas réussir à lui faire croire que tout allait bien de cette façon.
- Je... de rien, bafouillai-je.
- Non. C'est important pour moi de pouvoir avoir ta confiance. Tu es importante pour moi, précisa-t-il.
Et blablabla...
Tu ne m'aides pas beaucoup Silver...
- Je... voyons comment se déroule cette soirée, d'accord ? éludai-je avec un demi-sourire.
- Avec plaisir.
Les portes s'ouvrirent et il me laissa à nouveau passer devant lui.
- On est où ici ? demandai-je, plus pour combler le silence qu'autre chose.
- Mes appartements.
Mes appartements. Non, mais il ne se sent plus pisser ce petit arrogant.
Silver, tu ne m'aides vraiment pas.
Pardon, mais j'ai réellement du mal à me contenir. On parle du mec qui a enlevé la femme que j'aime et dont les sbires ont failli tuer Eline.
Je sais, Silver. Je ne le porte pas dans mon cœur non plus. Mais si tu continues à déblatérer comme ça, je vais avoir du mal à me détendre et lui faire croire que je cède à ses avances. Tu m'as carrément conseillé sur la manière de m'habiller tout à l'heure et maintenant tu n'arrêtes pas de le critiquer, je ne te suis pas.
Il n'était pas face à toi, avant. À présent je suis énervé par sa présence.
Je le sentis se retirer légèrement de mes pensées et je décidai alors de me concentrer sur ce qu'il se passait avec Aaron et non pas dans ma tête. Autrement, je n'allais pas m'en sortir ce soir-là.
Dans le couloir, plusieurs hommes, habillés de treillis noirs ; des couteaux et des pistolets attachés aux pantalons, montaient la garde. Tout en passant devant eux, je les regardai d'un œil peu rassuré.
- Ne t'en fais pas. Tu ne crains rien quand tu es avec moi.
- Mais pourquoi sont-ils là ? demandai-je.
- Rien qui ne te concerne directement.
Cette réponse ne me plaisait pas. Mais j'allais devoir faire avec pour le moment. Arrivés devant une porte, Aaron sortit son badge, activa le système d'ouverture et me fit signe d'entrer avant lui. À l'intérieur, tout était lumineux et moderne. Son logement était gigantesque.
- Ça te plait ? s'enquit-il, tout en refermant derrière lui.
- C'est... grand.
- C'est assez immense, je dois le reconnaître. À New York, mon appartement était plus petit.
- D'ailleurs, Aaron, où sommes-nous ?
Je vis dans ses yeux qu'il hésitait à me répondre, mais il secoua la tête.
- Je ne peux pas te le dire. Pas pour l'instant.
- Et pourquoi pas maintenant ? m'étonnai-je.
- Parce que Dominique ne te fait pas confiance et il faut d'abord qu'il soit sûr de toi avant de pouvoir te révéler certaines choses.
À l'entente de ce prénom, tout mon corps se raidit. Comment pouvait-il travailler avec cet homme après tout ce qu'il s'était passé ?
- Tu ne l'apprécies pas, je sais, mais...
- Tu as tort, l'interrompis-je, ce n'est pas que je ne l'apprécie pas, je le déteste.
Il poussa un soupir et décida de passer à autre chose.
- Je peux te servir quelque chose à boire ? Un verre de vin ?
- Pourquoi pas, lui répondis-je en haussant les épaules.
Il se dirigea vers une cuisine américaine spacieuse et je le suivis, ne sachant pas trop quoi faire d'autre.
- Blanc, rouge, rosé ?
- Euh... je ne sais pas vraiment. Comme tu veux.
Pendant qu'il s'affairait à ouvrir une bouteille, je me retournai et observai un peu mieux les lieux. Un grand canapé d'angle couleur crème trônait au milieu du salon et une immense télévision était accrochée au mur.
- Le repas sera prêt dans dix minutes, m'annonça-t-il en me tendant mon verre.
- Tu cuisines ? m'étonnai-je.
- Bien sûr. Il y a plein de choses que tu ne connais pas de moi, fit-il remarquer.
Hé, ho ! C'est ma réplique à moi, ça !
L'intervention de Silver me fit rire malgré moi et Aaron prit ça pour lui.
- Tout comme il y a plein de choses que je ne connais pas de toi, Mia. Et je meurs d'envie d'en découvrir plus.
Gênée par ses paroles et ne sachant pas quoi répondre, je vidai mon verre d'un trait.
Le reste de la soirée se poursuivit devant le repas, Aaron évitant la plupart de mes questions et la deuxième voix dans ma tête se faisant une joie de critiquer tout ce qu'il disait. Aaron s'enquit de mon bien être là-bas et je ne pus me retenir de lever les yeux au ciel.
- Si tu tenais vraiment à ce que j'aille bien, je ne serais pas maintenue enfermée dans ces lieux, lui lançai-je.
Un point pour Mia, un !
- Si tu te décidais à me faire confiance et de rester de ton plein gré, je pourrais te montrer tout ce qu'il y a de bien à faire ici.
Je l'observai attentivement et je n'arrivai pas à croire que ce soit bien Aaron devant moi. Comment pouvait-il tenir de tels propos ? Lui qui était auparavant avocat pour aider les êtres surnaturels, aujourd'hui il les exploitait et participait à la mort de certains d'entre eux. Je ne comprenais pas ce qu'il s'était passé.
Je m'apprêtai à lui répondre, mais on frappa à la porte de son appartement.
- Excuse-moi, je dois aller ouvrir.
Dehors, un des gardes armés jusqu'aux dents requerrait son attention. Je décidai de mettre mon nouveau pouvoir à l'action, mais ça ne se passa pas aussi facilement que je l'aurais voulu.
- Il... soucis... bureaux...
- Vous... pas... débrouiller ?
Visiblement, je ne maîtrisais pas encore ce don aussi bien que je le pensais. Je percevais un mot sur deux, si ce n'était sur quatre...
Au bout de quelques instants, il revint vers moi, l'air embarrassé.
- Je suis navré Mia. Je vais devoir écourter la soirée, on a besoin de moi ailleurs.
- Ce n'est pas grave, ne t'en fais pas. Je suis épuisée de toutes les façons, je ne vais pas tarder à dormir, lui répondis-je avec un sourire.
- Un de mes hommes va te reconduire jusqu'à ta chambre, m'expliqua-t-il.
Monsieur ne peut même pas faire l'effort de te raccompagner ? C'est qu'il doit se passer quelque chose de sacrément intéressant quelque part...
Comme tu dis...
Dans le couloir, je me sentis soudainement mal à l'aise, entourée de toutes ces brutes pleines de testostérones, tandis que je déambulais dans ma petite robe verte. Je décidai de revenir à ma tenue habituelle, à savoir un jean, des baskets et un pull à capuche. Une fois changée, le poids des regards sur moi se fit encore plus fort.
Pas sûr que d'utiliser tes pouvoirs comme ça soit la meilleure idée.
Je ne me sentais pas bien dans cette robe.
Je pense que tu étais plus discrète dans ta robe qu'à changer de tenue grâce à tes dons devant des êtres humains.
Il marquait un point. Je devais vraiment apprendre à penser plus loin que le bout de mon nez.
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