Chapitre 23
Silver
Arrivé chez Moïra, je retrouvai Lazarus et Eline en train de discuter ensemble dans le salon. J'eus à peine posé un pied dans la pièce que les deux se retournèrent et qu'Eline se jeta sur moi.
- Silver ! Où est Mia ? Elle n'est pas avec toi ?
- C'est... Elle est restée là-bas.
- Quoi ? Comment ça elle est restée là-bas ? paniqua-t-elle.
Sa voix monta dans les aigus et ses yeux prirent une couleur rouge sang. Le bébé vampire n'était pas content.
- Calme-toi Eline, s'il te plaît.
Je pris ses mains dans les miennes, l'amenai vers le canapé et la forçait à s'asseoir.
- Mia va bien. D'accord ? Je l'ai vue, je l'ai tenue dans mes bras et j'ai pu parler avec elle. Elle va bien, répétai-je.
- Mais pourquoi tu ne l'as pas ramenée, alors ?
Ses grands yeux verts me sondaient et je devinai qu'elle luttait pour ne pas s'immiscer dans ma tête.
- J'avoue ne pas comprendre non plus, intervint Lazarus. Pourquoi n'est-elle pas là, avec toi ?
- C'est compliqué. Elle est effectivement retenue dans un centre dans lequel se trouvent d'autres enchanteurs, des enfants pour la plupart. Depuis qu'elle est là-bas, elle a acquis deux nouveaux pouvoirs.
- Vraiment ? s'étonna Eline.
Je leur expliquai alors ce qu'avait ressentie Mia lors de son arrivée, l'apparition de la fouine, son ouïe surdéveloppée et les pouvoirs des personnes disparues.
- Mais comment as-tu pu t'en aller sans elle ? s'aagaça Eline.
- Je ne suis pas reparti sans rien faire... commençai-je à expliquer.
- Oh !
Eline resta bouche bée. OK, combien parions-nous qu'elle avait lu dans mes pensées ?
- Il va vraiment falloir arrêter de faire ça, m'agaçai-je. On va devoir établir des limites là.
- Désolée. Je ne maîtrise pas toujours ce truc quand mes émotions prennent le dessus.
- Une petite explication pour ceux incapable de lire dans les pensées ? intervint Mike en nous rejoignant. Mia n'est pas là ?
- Elle est restée là-bas, en mode James Bond pour enquêter sur des morts mystérieuses et ces deux-là ont fini la cérémonie, leurs âmes sont liées à jamais.
Elle finit sa phrase en tapant dans ses mains, pleine d'excitation. Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel.
En me tournant vers l'enchanteur, je le découvris étonné.
- Je lui ai dit que c'était la seule solution pour moi d'accepter de repartir sans elle.
- Et elle a dit oui ? Je veux dire... Elle était assez chamboulée après notre premier voyage au royaume des fées.
Dis-lui que j'ai compris avoir paniqué pour rien. C'est évident qu'un foutu charme féérique n'a rien à voir dans notre histoire d'amour.
Un sourire prit place sur mon visage. Quand elle décidait d'apparaître ainsi dans ma tête, c'était la sensation la plus merveilleuse qui soit. Ses pensées étaient comme une douce caresse contre les miennes. Toute en volupté, comme elle.
- Vous pouvez parler par télépathie ! Ça marche ! cria Eline.
- Toi, il faut vraiment que tu arrêtes de t'immiscer dans mon crâne, m'exaspérai-je.
- Oh, pas besoin d'aller dedans pour comprendre qu'elle t'a parlé. Le sourire que tu affiches, sorti de nulle part, suffit à comprendre ce qu'il se passe.
- Elle a raison, frangin ! se moqua Mike dans son coin.
Je suis ravie d'apprendre que tu arbores un sourire quand tu penses à moi.
Toi, tu ne perds rien pour attendre. Quand tu seras sortie de là-bas, je t'enfermerais dans une chambre pendant plusieurs jours et je te ferais payer ton impertinence.
J'ai hâte.
Tu ne sais pas ce qui t'attend.
Grrr. J'ai peur.
Je ne pus m'empêcher de rire devant son audace.
- Bon, on n'a pas la chance de pouvoir participer à votre petite discussion en privée, est-ce qu'on peut savoir ce qui te fait rire comme ça ? intervint Mike.
- Je ne préfère pas, non.
- Et comment elle fait pour entendre ce qu'on dit ? Ça vous a transformé en une sorte de talkie-walkie géants ? m'interrogea Eline.
- Je n'en sais rien...
C'est assez étrange en fait, j'entends leur discussion comme si c'était un écho lointain dans ma tête. Ce n'est pas aussi clair que tes pensées, mais je peux quand même comprendre ce qu'ils disent.
- Donc, il y a des morts là-bas ? s'enquit Lazarus.
Deux depuis mon arrivée.
Je me fis le messager de Mia, à chaque réponse de sa part.
- Et personne ne se pose des questions ? demanda encore Lazarus.
Non, on se croirait en plein milieu d'une secte, tout le monde est content d'être ici. On me fait même comprendre que je devrais arrêter de poser autant de questions et me satisfaire de la situation, comme les autres.
Lazarus ne répondit rien et sembla réfléchir. Il avait très envie de poser une question, je pouvais le sentir, mais il n'osait pas.
- Et Aaron, dans tout ça ? interrogea Mike, avachi dans un canapé et un verre de sang à la main.
Je vis sur le visage de l'enchanteur le soulagement de ne pas avoir dû le demander lui-même.
- Je ne comprends pas. Ça ne lui ressemble pas.
Lazarus se leva et fit les cent pas dans le salon, les mains dans le dos, puis s'arrêta.
- D'ailleurs, a-t-il expliqué ce qui s'est passé ? Comment... pourquoi il est...
Vivant ? Apparemment, il n'était pas mort au moment où je me suis téléportée avec toi. Et Dominique, ce cher psychopathe, lui aurait sauvé la vie. Pourquoi ? Je ne sais pas. Depuis, j'ai le droit à un Aaron atteint du syndrome de Stockholm. Il est flippant.
À ce point ?
Je n'eus pas de réponse de son côté, et je ressentis comme une gêne venant d'elle.
Mia ? Tu me caches quoi ?
Rien. Tout va bien. Je ne préfère pas t'en dévoiler plus ou tu pourrais décider de débarquer ici, tous crocs dehors.
Tu te rends compte qu'en m'affirmant ça, tu me donnes envie de débarquer là-bas, « tous crocs dehors » ?
Je ne dirais rien de plus, n'insiste pas. Et laisse-moi encore un peu de temps avant de revenir, s'il te plaît.
- Donc, comment ça se passe ? commenta mon frère. On la laisse faire sa petite enquête de son côté ? On ne fait rien du nôtre ?
À vrai dire, j'ai réfléchi un peu depuis que tu es reparti.
Tu te décides à rentrer ?
Non. Pas encore, je te l'ai déjà dit.
Tu ne peux pas m'en vouloir d'insister.
De son côté de sa connexion, je sentis comme une brise de mélancolie. Je la savais malheureuse de cette situation. Évidemment. J'avais bien conscience aussi que son parcours - avoir été enfermée chez elle presque toute sa vie, à cause de ses pouvoirs - faisait qu'aujourd'hui, elle se sentait obligée de venir en aide à ces enchanteurs.
Non, je ne t'en veux pas... et je ne te remercierais jamais assez de me faire confiance comme tu le fais.
Quelle est ton idée, alors ?
Et bien, je me disais que pour faire sortir tout le monde d'ici, on pourrait tout faire péter ?
- Attends... quoi ? hoquetai-je
J'étais si surpris par les propos de Mia, que je m'étais exprimé à haute voix.
Eline, Mike et Lazarus m'observaient avec de grands yeux, ne comprenant pas ma réaction.
- Elle voudrait, je la cite « tout faire péter ».
- Quoi ?
Mes trois compagnons se redressèrent comme un seul homme et furent tout aussi abasourdis que moi.
Figure-toi que je ne suis pas le seul à être surpris.
Écoute, je ne veux pas parler trop tôt. Mais tout le monde est si conciliant ici, je me demande sérieusement s'ils ne seraient pas sous influence.
Ils seraient drogués ?
Ou peut-être quelqu'un les maîtrise-t-ils grâce à un pouvoir ? Franchement, ça expliquerait bien des choses. Même pour Aaron.
Je demande alors à Lazarus s'il trouve une telle chose envisageable.
- Ce n'est pas impossible. C'est même une très bonne idée.
Merci.
Je peux la sentir fière d'elle, telle une petite fille qui a marqué un bon point.
On est entre le quatorzième et le quinzième étage. Je pense que les autres étages doivent être occupés aussi, mais je ne sais pas ce qu'il y a là-bas. D'ailleurs, ça doit être étrange un immeuble en plein milieu d'une île abandonnée, non ?
Ce n'est pas un immeuble, Mia. Vous êtes en sous-sol.
Ah.
J'expliquai aux autres où elle se trouvait et que le seul moyen d'accès était un ascenseur pour lequel il fallait absolument un badge.
- Et comment tu as fait pour l'utiliser ? me demanda Eline.
- J'ai dû attendre quatre jours avant qu'un type ne vienne et que je puisse l'influencer à m'amener jusqu'à elle.
- Quatre jours ? Tu avais pris du sang avec toi ? s'étonna Mike.
- Pas vraiment, non. Je n'avais pas prévu de rester aussi longtemps sur une île abandonnée avec personne aux alentours.
- Mais comment tu as fait, alors ?
- Mia.
Mike me lança un regard lourd de sous-entendus. Il savait à quel point boire le sang d'un humain était un acte très intime et combien il pouvait être difficile de s'arrêter à temps. J'avais d'ailleurs cru ne jamais y arriver. Heureusement, Mia était intervenue grâce à ses pouvoirs. Le goût de son sang dans ma bouche... J'étais un vampire depuis si longtemps, je pouvais me retrouver dans une pièce pleine d'humains sans soucis. Je n'allais pas sourciller si l'un d'entre eux s'écorche et que du sang s'échappait de la coupure. J'avais appris à avoir un contrôle de moi-même depuis le temps. Mais avoir passé quatre jours sans boire une seule goutte... sans ses pouvoirs, je l'aurais sûrement vidée. Le sang d'une personne contenait une trace de sa personnalité, de qui elle était. Quand j'avais goûté Mia, c'était comme si je n'avais jamais rien mangé ou bu d'aussi bon de toute ma vie.
Je suis ravie d'apprendre que j'ai bon goût.
Cette histoire de lire absolument toutes les pensées n'étaient peut-être pas la meilleure idée qu'il soit.
- Et ben... vous aurez franchi tous les paliers vous deux, releva Mike.
- Tu veux qu'on parle du dernier vampire que tu as transformé ? Et de votre relation ? rétorquai-je.
- On peut ne pas parler de moi comme si je n'étais pas là ? Merci ! intervint Eline. Donc, on va aller tout faire péter ?
- Comment ça « on » ? Toi tu restes ici, grogna Mike.
- Qu'une chose soit bien claire : il est hors de question pour moi de rester ici, pendant que vous allez vous amuser et libérer Mia.
- Nous amuser ? Depuis quand tout faire péter est amusant ? s'impatienta mon frère.
- Depuis que nous sommes des vampires et qu'on ne peut pas nous tuer comme ça ! À mon avis, ils ne s'attendent pas à ce que trois vampires débarquent pour faire la fête.
- Ainsi qu'un enchanteur maîtrisant le feu.
- Et une vieille sorcière.
Nous nous retournâmes tous vers la porte d'entrée.
- Mon Dieu, Moïra. Si je n'étais pas déjà morte, j'aurais fait une crise cardiaque, fulmina Eline. Depuis quand tu te tiens là ?
- Assez longtemps pour savoir que je ne vais pas vous laisser partir tout seul. S'il faut tout faire péter, comme vous dites les jeunes, je ne serai pas de trop. Croyez-moi.
- Mais et Camden ? Je croyais que tu ne pouvais pas laisser ton clan tout seul ?
- On ne va pas partir maintenant, n'est-ce pas ? Donc j'ai le temps de préparer mon départ comme il faut.
Je sentis une vague d'excitation monter en moi. Mia à l'air d'entendre tout ça.
Je ne te connaissais pas friande de chair fraîche.
Oh, ce n'est pas mon truc. Mais si on touche à des enfants innocents, ça en devient une affaire personnelle. Rien ne va ici. Laissez-moi quelques jours. Je veux essayer de me renseigner un peu plus sur ce qui se trame dans ces lieux et je te préviendrai dès que vous pouvez venir.
Ne prends pas de risques inutiles, c'est tout ce que je te demande.
Ne t'en fais pas.
Une douce caresse prit part en moi et me communiqua toute sa tendresse. Peut-être était-ce quand même une bonne idée. J'aimais la sentir en moi de cette façon.
Par contre, je vais devoir faire un truc et ça ne va pas trop te plaire. Si en plus, tu peux entendre tout ce qui se passe de mon côté, comme j'ai pu le faire pour toi, ça va encore moins te plaire.
C'est-à-dire ?
Je ne vois qu'une solution d'en apprendre davantage : Aaron.
Et pourquoi ça ne va pas me plaire, exactement ?
Parce qu'il est très insistant depuis mon arrivée et que si je lui fais croire que je cède à ses avances, il pourrait peut-être s'ouvrir et me parler de ce lieu.
Tu as raison, ça ne me plait pas du tout.
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