Tout en marchant dans le couloir, un sourire niais sur le visage, je sentis une présence en moi. Pas comme une intrusion, au contraire. J'avais l'impression, pour la première fois depuis longtemps de me sentir complète. À vrai dire, je me sentais vraiment bien, comme je ne l'avais plus été depuis le jour où Silver avait été enlevé. Lorsque j'avais fait apparaître cette marque qui nous liait tous les deux. Je ne m'en étais pas rendue compte jusque-là, mais je réalisais que la cérémonie n'étant pas finie, il me manquait quelque chose.

Je sentis Silver chercher notre connexion de son côté. Je ne pus m'empêcher de rire toute seule, car même s'il n'était pas là, je l'imaginai en train de fourrer son nez dans mes cheveux et passer ses lèvres dans mon cou, tel qu'il aimait le faire, et cette douce caresse me fit frissonner tout le corps.

Silver ?

Je ne savais pas vraiment comment marchait cette connexion entre nous, me suffisait-il de l'appeler pour qu'il me réponde ?

Centrale d'appel, je vous écoute.

Je pouffai de rire et les quelques personnes autour de moi se retournèrent en me fixant bizarrement. J'allais devoir me montrer méfiante, je ne voulais pas qu'on me croie folle.

Attends, je vais dans ma chambre, on pourra avoir une conversation normale.

Conversation normale, dis-tu ?

Tu vois très bien ce que je veux dire...

Ne lève pas les yeux au ciel, Mia. Ce n'est pas bien, tu le sais.

Comment peux-tu savoir ça, alors que tu n'es même pas là ?

Je ne te connais pas par cœur, je n'aurais pas cette prétention, quoique, j'ai l'éternité devant moi pour y arriver.

Je rougis à cette pensée. L'éternité ensemble. Une fois que je serais sortie d'ici, tout serait possible. Nous serions ensemble, à jamais.

Arrivée devant ma chambre, je me dépêchai d'ouvrir la porte et de me faufiler à l'intérieur, prenant garde à bien enclencher tous les verrous. Loïse s'était faufilée dans mon pull, un peu plus tôt et en ressortit avec un petit paquet dans les mains.

Mince, Silver, tu as oublié un truc.

Toi ? Je sais.

Mais non, idiot. Un petit paquet.

Alors, ouvre-le. Il est pour toi.

Moi ?

Oui, toi. C'est un cadeau d'Enda.

Curieuse, je défis le papier. À l'intérieur se trouvait une couronne de branches d'olivier.

Elle m'a dit que tu saurais quoi en faire.

Mon cœur se serra à la vue de ce présent. La dernière fois que je l'avais essayée, mon esprit était embué par le doute et la tristesse. Je me demandai si cette fois-ci, la couronne me servirait à quelque chose.

La posant sur ma tête, je sentis une énergie affluer en moi. Elle se faufile dans mes veines, se calquant sur les de mon cœur. Je n'avais pas ressenti ça, la dernière fois. J'avais senti de lents battements, mais pas cette force qui courrait dans mon corps.

Ne sachant pas trop quoi faire avec pour le moment, et je n'avais pas trop envie de me blesser ou de créer une autre catastrophe, je décidai de l'enlever de ma tête et de la ranger dans un endroit sécurisé. Je fis apparaître un mini coffre, dans lequel je la glissai et une fois ce dernier fermé, je le fis glisser sous mon lit grâce à mes pouvoirs.

Comment va tout le monde ?

Je n'eus pas de réponse de la part de Silver, mais je ressentis comme une pointe de stress venant de sa part. Pouvions-nous aussi ressentir les émotions de l'autre grâce à ce lien ?

Je voulais t'en parler en rentrant, ensemble. Je n'aime pas t'annoncer ça comme ça, mais je n'ai pas trop le choix.

Quoi ? Qu'il y a-t-il ?

Un sentiment de panique croissait en moi.

Eline...

Cette fois-ci, j'avais vraiment peur.

Quoi, Eline ? Oh, mon Dieu, que lui est-il arrivé ?

Allons droit au but. Eline... est une vampire.

Je ne sus pas quoi répondre à cela. Quelle était la bonne réaction quand on apprenait que sa meilleure amie était un vampire ?

Mia ?

Je sentis la présence de Silver me chercher, doucement, comme une caresse réconfortante.

Je suis toujours là.

J'inspirai profondément et me laissai tomber sur mon lit. Loïse accouru pour se blottir contre moi et je caressai distraitement son pelage du bout de mes doigts.

Comment est-ce arrivé ?

Même si je ne parlais pas à voix haute, je savais l'avoir demandé tout doucement. Toute l'euphorie éprouvée d'avoir revu Silver et de savoir que dorénavant je ne serais plus toute seule dans ce centre... tout était retombé.

Quand tu as été enlevé par Aaron...

Ce petit enfoiré.

Tu m'arraches les mots de la bouche, rit-il amèrement. Je suis heureux de voir que l'on partage la même opinion. Bref, Mike et moi sommes arrivés juste . S'en est suivi une bataille contre ses sbires. L'un d'entre eux n'a pas hésité à poignarder Eline.

Un cri s'échappa de ma bouche et je la recouvris de mes deux mains. Ce n'était pas possible.

Elle perdait son sang sur le bitume, il n'y avait rien à faire. Elle a alors demandé à Mike de la transformer.

Wow.

Plusieurs minutes s'écouleèrnt sans que l'un de nous deux ne prononce un mot. J'avais besoin d'intégrer cette information et Silver, je l'en remerciais, l'avait compris. Puis, ce fut mon tour d'aller à sa recherche.

Et... comment ça va ? Je veux dire, comment elle prend le fait d'être un vampire ?

Oh, je crois que ça va très bien maintenant. Mike prend bien soin d'elle, c'est le grand amour entre les deux.

Tu veux dire ?

Qu'ils sont ensemble ? Vu leur façon de se jeter l'un sur l'autre et de s'embrasser goulûment, sans gêne aucune pour les autres, oui, ils sont ensemble.

Putain de bordel de merde.

De l'autre côté de notre lien, Silver éclata de rire.

Je ne t'ai jamais entendu dire autant de gros mots, Mia. Même quand je t'ai appris pour Eline.

Ben... C'était plus probable qu'elle devienne une vampire, que ces deux-là finissent en couple.

Ce n'est pas faux.

Mince alors. Eline est une vampire et elle et Mike ont arrêté d'être dans le déni.

Je te l'accorde, ça fait beaucoup à ingérer.

Dans le ton de sa voix, je pouvais imaginer son sourire. Celui qui faisait remonter ses pommettes et chavirer mon cœur à chaque fois.

Au fait, je suis où ?

En Écosse. Plus précisément sur l'île de Saint Kilda.

L'Écosse. Au moins, maintenant, je pouvais me situer. C'était une horrible sensation que de ne pas savoir où l'on était sur Terre. Juste avoir conscience d'être quelque part, mais rien de plus.

Quelques minutes s'écoulèrent sans que l'on n'échange le moindre mot. Pourtant, je savais que Silver était toujours connecté à moi. C'était étrange comme cela me semblait naturel.

Ça me tue de t'avoir laissée là-bas, Mia. Une partie de moi a envie de me foutre des gifles et de faire demi-tour pour t'arracher de cet endroit.

N'en fais rien pour le moment, s'il te plaît. Je sais à quel point ça te coûte, je le ressens, mais je me sens responsable pour tous ces jeunes. Je ne peux pas partir comme ça et les laisser tous seuls. Des enfants meurent et personnes ne fait rien pour eux.

Une vague de douceur entoura mon cœur et je ressentis comme une douce caresse en réponse à mes paroles.

Je t'entends, Mia. Et dès que je serais avec Lazarus, nous essaierons de t'aider le plus possible, même de loin.

Merci.

Mais promets-moi une chose. Si jamais ça devient dangereux pour toi, dis-le-moi tout de suite. Je viendrais te chercher aussitôt. Car si j'apprends qu'on t'a fait du mal, Mia, je te jure que je ne réponds plus de rien. Je ne sais déjà pas comment j'ai fait pour ne pas tout retourner afin de retrouver Aaron et de lui faire sa fête.

Tu as peut-être été un peu distrait...

C'est vrai.

C'était... étrange.

Je n'eus pas besoin de préciser de quoi je parlais. Silver savait que je faisais référence à quand il avait bu mon sang.

Mais en bien ! Je ne me suis jamais sentie aussi proche de toi. Enfin, avant d'avoir finalisé cette cérémonie. Maintenant, c'est fou, mais je sens constamment ta présence en moi. Et j'aime ça. Je sens tout mon corps réagrt à ta présence et presque ronronner de plaisir à l'idée que ce soit tout le temps ainsi.

Je vois ce que tu veux dire. Cela faisait des décennies que je n'entendais même plus mon cœur battre. Je m'y suis habitué à la longue. Mais maintenant, tu es partout en moi et je me sens presque... en vie.

Ma respiration se fait plus rapide en entendant ces mots.

Il y une chose dont je suis sûre, Mia : je ne laisserai personne te faire du mal. Celui qui osera même essayer, je lui arracherai la tête de mes propres mains. J'ai erré, pendant je ne sais combien de temps, à me demander quel était le but de continuer à « vivre » alors que je n'étais plus vivant à proprement dit. Je me laissais porter par le sablier de la vie, sans conviction quant à la nécessité de mon existence. Je devenais cynique et aigri. J'étais renfermé sur moi-même, je ne voyais pas l'intérêt de m'ouvrir aux autres, car ils allaient tous mourir un jour ou l'autre. Et puis tu es apparue. Avec ton sac sur le dos et ta carte à la main, perdue dans les rues de la ville. Je t'ai vue et si j'avais été encore en vie, mon cœur aurait cessé de battre aussitôt. Tu étais la plus belle chose que je n'ai jamais vue sur cette Terre. L'autre con de Mathis est arrivé, tu l'as remis à sa place et je suis tombé amoureux de ton répondant. Au fond de moi, je pense que j'ai tout de suite su que je t'aimerais jusqu'à mon dernier jour sur cette Terre. Mais j'avais peur. J'avais érigé une muraille autour de moi. Et toi, Mia, tu as su faire tomber tous les murs qui m'entouraient, petit à petit. Avec ton sourire, ta douceur, ton répondant, ta fierté, ton entêtement... Tu ne le sais pas, mais tu m'as sauvé. Avant toi, je naviguais à l'aveugle, sans savoir où j'allais. Tu es arrivée, et tel un phare dans la nuit noire, tu m'as montré que la vie était belle et qu'elle valait la peine d'être vécue, à tes côtés. Alors, si tu ne veux pas qu'il y ait un carnage, tu as intérêt à faire attention à toi et me dire quand je peux revenir te chercher. Parce que je tuerais quiconque s'en prend à toi. Quand bien même tu n'as pas besoin de moi pour te défendre.

Des larmes perlaient au bord de mes yeux et je les essuyai dans un rire étouffé.

Je... je ne sais pas quoi dire.

Ne dis rien.

On toqua alors à ma porte et j'entendis la voix de Jess m'appeler. Ce devait être l'heure d'aller manger, je n'ai pas vu le temps passer.

Je dois y aller. Je ne suis pas sûre de gérer cet aspect télépathie, tout en parlant à d'autres personnes en même temps.

Ne t'en fais pas.

Une autre caresse se répandit en moi.

Reviens-moi vite.