Chapitre 17

Silver

Une fois passés sous l'arbre à perruches dans Hyde Park, nous découvrîmes qu'un moyen de transport nous attendait déjà. J'aurais préféré pouvoir y aller en usant de notre vitesse, mais Eline ne maîtrisait pas encore ses pouvoirs et Lazarus n'aurait pas été capable de nous suivre. Aussi, j'étais obligé de prendre mon mal en patience.

- C'est incroyable, tout est si beau, plein de couleurs, plein de vie... commenta Eline pendant le trajet.

J'avais du mal à acquiescer. Depuis qu'on m'avait enlevé Mia, tout me semblait plus fade et sans intérêt. J'avais donc beaucoup de difficultés à m'extasier sur le royaume des fées avec elle et mon frère.

Quand nous fûmes enfin arrivés au palais, la reine nous attendait devant la grande entrée.

- Entrez, entrez. Je suis réellement navrée de vous revoir dans ces conditions, soupira-t-elle.

- C'est un honneur de faire votre connaissance, votre majesté, bredouilla Eline tout en faisant une révérence qui ne ressemblait pas à grand-chose.

Mike, en grand chevalier qu'il était, éclate de rire à cette vision.

- Quoi ? se récria la jeune vampire, moi au moins, je dis bonjour à la personne qui nous accueille !

- Nul besoin de faire la courbette pour moi. Vous êtes mes invités, en tant qu'amis. Et les amis n'ont pas à se prosterner devant leur allié.

- Merci beaucoup de nous accueillir aussi vite, reine Enda, enchaîna Lazarus.

- Tutut ! Appelez-moi Enda, pas de reine devant, s'il vous plait. Et cela vaut pour tout le monde, précisa-t-elle en nous souriant. Suivez-moi, je vais vous montrer les chambres où vous pourrez séjourner.

- Je ne resterais pas, déclarai-je alors. Maintenant que je sais tout le monde en sécurité, je vais retourner dans notre monde et chercher Mia.

- Bien sûr, me répondit Enda, prenant une mine triste. Vous pouvez revenir quand vous le souhaitez, mon royaume vous est grand ouvert. Et soyez assuré que vos amis sont à l'abri ici.

- Merci.

Je me retournai vers Eline, qui semblait chercher comment se contenir dans ce nouvel univers.

- Allez, viens là, suggérai-je en ouvrant mes bras.

D'abord étonnée, elle s'empressa ensuite de me faire un câlin.

- Prends soin de toi, Eline. Rappelle-toi qu'ici, vingt-quatre heures correspondent à une heure chez nous. J'essaierais de revenir vous voir le plus possible, mais pour vous, le temps passera beaucoup plus vite que pour moi. Alors pas d'inquiétude, d'accord ?

Tout contre moi, elle acquiesça silencieusement.

- Profites-en pour te familiariser avec ta nouvelle condition. Je veux voir des progrès la prochaine fois que je serais là.

Nouveau hochement de tête contre mon épaule.

- Et pas besoin de te dire de ne pas te laisser faire par l'autre énergumène. Je sais que tu es pleine de ressource, finis-je en m'écartant d'elle.

- L'autre énergumène te ferait dire que tu peux aller te faire voir, Silver, clama Mickaël.

- Tu sais que je t'aime, plaisantai-je.

Mon frère réduisit la distance qui nous séparait et m'enlaça à son tour.

- Retrouve-là, m'intima-t-il. Mais surtout, fais attention à toi.

Je me retournai vers Lazarus et nous nous serrâmes la main. On ne pouvait pas dire que notre relation était assez amicale pour nous confondre dans des embrassades.

- J'aurais aimé t'accompagner. Mais je sais que tu seras plus rapide et plus efficace sans moi. Surtout avec ton pouvoir, ajouta-t-il avec un sourire. Pour ma part, je vais continuer les recherches que j'avais commencées ici. J'ai confiance en toi, je sais que tu finiras par nous la ramener. Et souviens-toi que grâce à votre marque, tant que tu es en vie, elle l'est aussi.

La reine des fées, qui était restée en retrait jusque-là, intervint soudainement :

- Une marque ? Quel genre de marque ?

- Au début de l'année, Silver s'est fait enlever lui aussi, sous les yeux de Mia, expliqua l'enchanteur. Elle nous a raconté que sur le moment, et nous ne savons pas vraiment comment, un rayon bleu s'est échappé d'elle pour aller le toucher lui. Nous avons découvert par la suite qu'ils avaient la même marque, au même endroit. Une médium que nous connaissons nous a alors appris qu'ils sont dorénavant liés par celle-ci.

- Est-ce que je peux voir cette marque ? s'enquit Enda.

Intrigué face à ce soudain intérêt, je fis passer mon tee-shirt par-dessus ma tête et me retrouvai torse nu devant tout le monde. Je n'étais pas pudique, loin de là, mais se retrouver dans une telle situation, avec la souveraine du peuple des fées qui observait ma poitrine, je ne l'aurais jamais imaginé.

- Incroyable.

Elle passa alors ses doigts sur les lignes, et accessoirement sur mon corps et je réprimai un frisson.

- Ce n'est pas n'importe quelle marque, reprit-elle. Elle fait partie d'un rituel féerique pour relier deux êtres. Tant que vous êtes en vie, Mia ne peut pas mourir, certes, mais ce n'est pas tout.

- Comment ça ? m'étonnai-je.

- Si j'avais su que vous aviez cette marque la dernière fois que vous êtes venus, j'aurais pu rassurer votre compagne quant à la nature de vos sentiments. Seules deux personnes qui s'aiment d'un amour pur et sincère peuvent faire apparaître ce signe.

Même si j'étais déjà certain de la nature de mes sentiments pour Mia, entendre cela de la part de la reine me fit un bien fou.

- Et encore plus, j'aurais pu vous aider à finaliser le rituel et retrouver Mia se serait avéré bien plus facile.

- Comment cela ?

- Et bien, une fois que le processus est terminé, vous êtes unis à jamais. C'est un peu comme un mariage chez les humains. Grâce à cela, vous deux âmes sont reliées l'une à l'autre et vous pouvez communiquer entre vous sans que personne ne le sache.

- Par télépathie ? interrogea Lazarus.

- Ça s'y apparente, oui. Vraiment, quel dommage, se désola-t-elle.

Je réfléchis tout en enfilant mon tee-shirt.

- Et que faut-il faire pour le finir ce rituel ?

- Et bien, il faut relier les poignets avec des branches d'oliviers tressés et manger les olives qui se trouvent dessus. Rien de bien compliqué, le plus dur est de faire apparaître ce signe, expliqua-t-elle en montrant le mien du doigt. Mais dans votre cas, ce qui s'avère ardu, c'est que pour le moment, vous êtes tout seul.

- J'imagine qu'il faut absolument que ce soit des arbres d'ici ?

- Effectivement. Et ils doivent être tressés d'une manière bien spécifique, autrement ça ne fonctionnerait pas.

Je me pince l'arête du nez entre deux doigts.

- Pour le moment, ça ne m'est pas vraiment utile...

- Je suis vraiment désolée.

Je relevai la tête et regardai mes compagnons.

- Je vais y aller. Prenez soin de vous.

Et sans plus attendre, je m'en allais, courant vers l'arbre qui me raménerait dans mon monde et celui de Mia.

*

Jour 12 depuis la disparition de Mia.

J'observais l'homme assis au bar, en train de boire un verre. Un costume taillé sur mesure, des cheveux lissés en arrière, une barbe bien entretenue et une chevalière à la main droite. On m'avait indiqué que ce type avait des renseignements pour moi. Je regardai une dernière fois tout autour de moi, en essayant d'assimiler un maximum de détails. Ce serait plus facile de récolter des informations en étant dans sa tête.

Je m'approchai de lui et fis mine de commander quelque chose au barman.

- Un whisky, s'il vous plait.

- On the rock ?

- Non, juste le whisky, précisai-je.

- C'est agréable de voir un jeune comme vous, savoir apprécier un bon alcool à sa juste valeur, intervint ma cible sur ma gauche.

« Jeune ». Si tu savais, mon gars, j'ai bien le double de ton âge...

- Merci. Silver, me présentai-je en lui tendant la main.

L'homme me regarda puis la serra dans la sienne.

- Alonzo.

Il n'avait pas fini de prononcer son prénom que nous étions déjà dans son esprit.

- Des enfants disparaissent régulièrement. Tous des enchanteurs. Qu'advient-il d'eux ?

- Ils sont amenés dans la zone RES3.

- RES3 ? répétai-je, étonné.

- Pour « Recherches sur Êtres Surnaturels » et troisième mise en place depuis le début des recherches.

- On y fait quoi ?

- Des études sur les enchanteurs. On essaie de comprendre comment marchent leurs pouvoirs et pourquoi ils en ont. Des scientifiques travaillent sur leur ADN pour essayer d'isoler un gène qui en serait la cause.

La suite du travail dont parlait Dominique lorsque Mia était venue me secourir...

- Où se trouve cette zone RES3 ?

- Peu de personnes le savent.

- Mais encore ? m'impatientai-je.

- Elle se trouve au nord de l'Écosse, c'est tout ce que je sais, précisa-t-il en haussant les épaules.

- Vous n'avez aucun autre renseignement ? Aucune idée de comment retrouver cette zone ?

- Non.

Je poussai un soupir d'agacement et me redressai.

- Très bien. Cette discussion n'a jamais eu lieu et lorsque je serais parti d'ici, vous ne m'aurez jamais vu de votre vie. Suis-je bien clair ?

- Bien sûr.

Quelques secondes plus tard, nous fûmes de retour dans la réalité. Je laissai un billet de dix livres sterling sur le comptoir et me dirigeai vers la sortie.

Jour 14.

De retour dans Hyde Park, je me dépêchai de traverser le passage qui m'amenait au royaume des fées. Cette fois-ci, étant seul, je pus me rendre au palais en courant.

Contrairement à la dernière fois où j'étais venu tout seul, je ne me précipitai pas à l'intérieur et attendis sagement qu'on vienne me chercher.

Je suivais un des domestiques qui me guidait à travers les couloirs et en entrant dans une des nombreuses salles du palace, j'aperçus mes amis, tous réunis autour d'une table.

- Votre Majesté, vous avez un...

Le pauvre n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il se fit bousculer par une tornade qui me sauta dessus.

- Silver ! Tu es là !

Sous le choc, je reculai de quelques pas avant de refermer mes bras autour de mon amie.

- Eline. Je vois que tu as retrouvé ta bonne humeur.

Elle se détacha de moi et m'assena un coup sur l'épaule.

- Tu m'étonnes. Ça fait bientôt neuf mois qu'on est là.

- Neuf ?

Je fis un calcul rapide dans ma tête et réalisai que je les ai quittés il y avait onze jours. À raison d'une journée pour chaque heure qui s'était écoulée pour moi, on arrivait vite à ce résultat.

- Comment vas-tu ? m'enquis-je.

- Beaucoup mieux ! Enda m'a aidé à maîtriser mon pouvoir. Je ne suis plus obligée de subir les pensées de tout le monde, à tout de bout de champs !

- Tu m'en vois ravie, plaisantai-je.

Mickaël s'approcha de moi et m'enlace à son tour.

- Ça fait vraiment du bien de te voir, frangin.

Je lui rendis son accolade et me retournai vers Lazarus qui s'avançait vers nous.

- Des nouvelles ? me questionna-t-il.

- Je pense qu'elle est retenue dans un centre de recherche qu'ils appellent RES3 pour « Recherche sur Êtres Surnaturels » troisième du nom.

- Tu sais où ça se trouve ? m'interrogea Eline.

- J'espérais que Lazarus pourrait m'aider sur ce point. Tout ce que j'ai pu tirer comme information, c'est que cet endroit doit être au nord de l'Écosse. Mais je n'en sais pas plus.

- Le nord de l'Écosse, dis-tu ?

L'enchanteur se plongea quelques instants dans ses réflexions.

- Quelque chose que tu voudrais partager avec nous ?

- Lors de mes recherches, quand on s'est rencontré, le nom d'une île Écossaise revenait souvent. Je n'y ai pas prêté attention plus que ça, étant donné qu'elle a été abandonnée en 1930.

- Pourquoi ? s'étonna Eline.

- Les conditions de vie y seraient difficiles, répondit-il. Mais maintenant que j'y pense, ce serait un endroit idéal pour y cacher un centre de recherches, loin de tous.

- Tu te souviens du nom ?

- Saint-Kilda, me répondit-il.

J'allais pouvoir me rendre sur cette île le plus vite possible. J'étais capable de retourner sur mon passage, s'il le fallait, mais je comptais bien retrouver la femme que j'aimais.

- Non, monsieur, tu ne vas pas partir comme ça !

Je tournai la tête vers Eline, interloqué.

- Viens-tu de lire dans mes pensées ?

- Oui. À quand date la dernière fois que tu t'es nourri convenablement ?

- Eline, ne commence pas, soupirai-je. Je dois partir.

- Si tu restes une journée ici, cela ne changera pas grand-chose à tes recherches. Là-bas, une heure se sera écoulée, je te rappelle. Alors tu vas venir avec moi, poser tes jolies petites fesses sur ce canapé et on va t'amener de quoi te sustenter.

- « Jolies petites fesses », je ne te permets pas de parler comme ça de qui que ce soit en dehors de moi, rétorqua Mickaël en l'embrassant à pleine bouche.

La jeune vampire referma ses bras et se colla lascivement contre lui.

- On est actuellement dans une phase passionnelle, me chuchota Lazarus.

- Une phase ?

- On alterne régulièrement entre la passion et l'exécration.

Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel. Décidément, il y avait des choses qui ne changeaient pas.

- Viens, allons nous installer, j'ai fait quelques découvertes dans mes recherches qui devraient t'intéresser.

Je suivis l'enchanteur pour aller m'asseoir dans un canapé. Mes amis avaient raison, cela faisait une dizaine de jours que je ne m'étais pas posé, cela n'allait pas me faire de mal de m'arrêter une journée avant de repartir.

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