Chapitre 14
Silver
Eline ne maîtrisant pas encore ses nouvelles caractéristiques vampiriques, nous nous déplaçâmes en métro pour aller jusqu'à Chinatown. La Northern Line était pleine à craquer et toutes ces odeurs qui se mélangaient ne devaient pas aider notre amie à garder la tête froide. En plus de toutes les pensées qu'elle devait entendre. Je n'aurais pas aimé être à sa place, ce devait être un véritable calvaire à vivre.
Debout dans la rame de métro, les wagons tanguaient sous l'effet de la vitesse et la proximité des corps se faisait de plus en plus oppressante. Je me retournai pour regarder Eline et Mickaël, afin de vérifier que tout allait bien. Plantés sur leurs deux pieds et se tenant par la main, la jeune vampire gardait ses yeux hermétiquement fermés.
Mais, alors que jusque-là, le trajet ne se passait pas trop mal, Eline se retourna brusquement vers l'homme qui se tenait derrière elle.
- Pardon ? Je peux savoir de quel droit vous vous permettez de penser une chose aussi ignoble ?
- Que... quoi ?
Le type semblait complètement perdu. Et pour cause, il ne savait pas qu'elle venait de lire dans ses pensées, bien malgré elle. Il ne comprenait donc pas ce qu'elle lui reprochait
- Parce que vous pensez vraiment que c'est avec des idées aussi répugnantes que vous allez charmer une fille ? Mais quel porc !
- Non, mais ça ne va pas ? Il faudrait voir à te calmer ma grande !
Comme dans un film au ralenti, je vis Eline lâcher la main de mon frère pour se jeter sur l'individu face à elle. Avant que l'on ne puisse faire quoique ce soit, elle le plaqua contre les portes du wagon, plus menaçante que jamais. J'eu tout juste le temps de voir la peur se dessiner sur le visage de ce pauvre type - et de sentir une odeur âcre d'ammoniaque, signifiant qu'il s'était uriné dessus - que les battants du train s'ouvrirent. Mike attrapa Eline par la main et la tira en dehors.
- C'est notre arrêt, merci !
Tout en se dirigeant vers la sortie, mon frère continua de la tirer par la main.
- Aie, Mike, tu me fais mal !
- Absolument pas ! Je sais de source sûre que tu ne ressens rien.
- Bon... c'est vrai. Mais calme-toi, s'il te plaît. Tu n'as pas besoin de me traîner comme ça derrière toi. Comme si j'étais...
- Comme si tu étais quoi ? lui demanda-t-il en s'arrêtant brusquement face à elle.
- Comme si j'étais une enfant, rétorqua-t-elle.
- Mais tu es une enfant, Eline !
- Non, je ne suis pas une enfant !
- Si les portes ne s'étaient pas ouvertes au bon moment, tu te serais jetée sur lui, devant tout le monde !
- Tu n'as pas entendu ses pensées, c'est facile de jouer les mecs pacifistes !
- Et à quoi a-t-il bien pu penser pour choquer la prude petite Eline ?
Cette dernière se pencha alors à son oreille pour lui dire quelque chose et aussitôt, Mike redressa la tête, le regard assassin.
- Bon, les enfants, on va arrêter les bêtises ici et on va continuer notre mission, s'il vous plait, les interrompis-je.
Je les pris tous les deux par le bras et nous dirigeâmes vers la sortie.
- Je vous rappelle qu'on doit encore trouver ce bar et faire en sorte qu'Eline puisse finaliser sa transformation sans faire un carnage. Je pense qu'il y a plus important que de vous prouver je ne sais quoi l'un à l'autre.
Pour toute réponse, j'obtenus un grognement de leur part.
- Bien. On y va.
En sortant sur Leicester Square, la foule de touristes nous accueillis.
- Tu sais où on doit aller ? s'enquit Mike.
- Moïra m'a noté l'adresse, lui expliquai-je en lui montrant le papier.
En suivant les informations qu'elle avait ajoutées, nous arrivâmes vite devant une porte sans indications, coincée entre deux restaurants dont les vitrines exposaient des canards déplumés et des employés en train de préparer des raviolis. Avant de toquer, j'interrompis mon geste et me tournai vers Eline.
- Prête ?
- Ai-je le choix ?
- Plus vraiment, lui répondit Mike.
- Alors, allons-y.
Ma main n'eut pas le temps de se poser sur le bois de la porte qu'une lucarne s'entrouvrit.
- Bienvenue dans notre bar à jus, que puis-je vous servir ?
La dernière indication de Moïra fit enfin sens :
- Un jus d'orange sanguine.
La porte s'ouvrit alors, nous laissant découvrir une petite entrée et des escaliers qui descendait vers la pénombre. Je jetai un dernier coup d'œil à Eline et mon frère, avant de m'enfoncer dans le noir.
Plus j'avançai, et plus les basses d'une musique qui se voulait hypnotique se firent entendre. Arrivé devant une autre porte, celle-ci s'ouvrit à moi, me permettant d'entrer dans la pièce principale.
Les lumières étaient tamisées, la musique assourdissante. Des canapés étaient installés un peu partout et dessus, des hommes, des femmes, des vampires, se mélangeaient les uns aux autres. Il y avait même un bar, dans un coin de la salle. Sûrement pour les consommations des humains. En me tournant vers Eline pour voir comment elle se sentait, j'eu l'impression qu'elle allait tourner de l'œil. Les mains sur ses tempes, elle semblait souffrir grandement.
- Eline, ça va aller ? m'inquiétai-je.
- Il y a beaucoup trop de voix. Je n'arrive même plus à entendre mes propres pensées...
- On va essayer de ressortir d'ici le plus vite possible, tenta de la rassurer Mickaël. Silver, tu pourrais demander à quelqu'un s'ils ont des salles un peu plus... privées ?
- Tout à fait, je reviens de suite.
Je me dirigeai vers le bar et m'adressai au serveur :
- Salut, est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir un endroit un peu plus discret, si tu vois ce que je veux dire ? lui demandai-je tout en faisant glisser quelques billets dans sa direction.
Ce dernier observa la liasse, hocha la tête tout en prenant l'argent qu'il mit dans sa poche et me fit signe de le suivre. Mike, qui m'observait de loin, me rejoignit avec Eline et nous emboitâmes le pas du barman pour nous retrouver dans une petite salle.
- On vous envoie quelqu'un pour s'occuper de vous.
Quand nous nous retrouvâmes tous seuls, la porte fermée, la musique semblait distante et je vis les épaules d'Eline se relâcher.
- La musique en moins, c'est toujours ça. Et oui, je vais bien, pas besoin de me reposer la question, ajouta-t-elle, agacée, avant de se reprendre. Même si je vous remercie tous les deux de vous inquiéter et de vous occuper de moi comme ça.
Nous acquiesçâmes tous deux en silence. Pas besoin de parler de toutes les façons, elle pouvait lire dans nos pensées désormais.
La porte s'ouvrit sur un homme et une fille. Ceux-ci entrèrent dans la pièce et se dirigèrent vers nous. Tous les deux habillés de noir, l'un portait juste un pantalon tandis que l'autre était vêtue d'une robe qui ne laissait pas beaucoup de mystère.
- Bonjour, nous sommes là pour vous servir, se présenta le garçon.
- Avez-vous une préférence ? finit la demoiselle.
Mickaël regarda Eline et l'interrogea du regard, mais celle-ci semblait plus perdue qu'autre chose. Mon frère se dirigea alors vers le jeune homme, tout en tenant Eline par la main.
- Silver, au cas où, on peut compter sur toi ?
- Évidemment.
Il prit la main du jeune inconscient et l'approcha de ses lèvres, tous crocs dehors. Quand il plongea ses canines dans son poignet, un hoquet de surprise retentit. Mais ce ne fut pas Eline. Bien au contraire, elle semblait fascinée par la vision qui s'offrait à elle et ses dents s'étaient déjà allongées.
- À toi l'honneur, l'enjoignit Mike. Vas-y doucement et surtout, essaie de ne pas perdre le contrôle.
Notre amie opina de la tête et porta à son tour le poignet, dont des gouttes de sang perlaient et s'écrasaient sur le sol, à sa bouche.
- Ne désirez-vous pas vous nourrir également ?
Je me retournai vers la voix qui m'interpellait.
- Non merci, je ne suis pas intéressé.
- Pourtant, un beau vampire comme vous, vous êtes sûr que vous ne voulez rien ?
Tout en disant cela, elle sort un canif de sa poche et se fit une entaille sur la paume de la main. Tout de suite, un beau liquide rouge apparut, attirant mon regard. Hypnotisant.
- Ce serait dommage de ne pas en profiter, non ? ajouta-t-elle tout en léchant le sang du bout de sa langue.
Il me fallut tout mon sang froid pour ne pas me jeter sur elle. Après avoir vidé l'autre enfoiré dans la rue, l'appel du sang qui palpitait dans les veines de la personne en face de moi se faisait oppressant. Je n'ai qu'une envie, celle de céder à cet instinct primaire que j'exécrais et faire ce pour quoi j'étais fait. Boire son sang. Jusqu'à la dernière goutte. Boire ce liquide qui la maintenait en vie et lui permettait de se mouvoir autour de moi, aguicheuse et séductrice. Elle s'approcha de moi, me poussa du bout du doigt pour me faire asseoir dans un fauteuil, puis s'installa sur mes genoux. Elle commença à soulever mon tee-shirt et fit glisser ses mains douces et chaudes sur mon ventre. Elle colla son corps au mien et grimpa sur mes genoux. Pourquoi ne voulais-je pas me laisser aller, déjà ?
- Joli tatouage, ça représente quoi ?
Je n'avais pas de tatouage.
Mia.
C'était notre marque, à tous les deux. Qu'étais-je en train de faire ? Je repris mes esprits et lui pris la main, la persuadai en utilisant mes pouvoirs que je n'avais besoin de rien et qu'elle pouvait aller chercher un autre client.
Puis, je m'approchai d'Eline et Mike, tous les deux en train de boire à un poignet de l'humain qui s'offrait à eux. Je m'approchai de mon frère et lui touchai l'épaule pour me rappeler à lui. Il releva aussitôt sa tête et sembla reprendre conscience du lieu où nous nous trouvions et pourquoi nous étions ici.
- Eline, il faut qu'on y aille, lui intima-t-il.
Mais elle ne s'arrêta pas et garda férocement le bras dans sa bouche, tout en poussant un grognement.
- Tu me grognes, maintenant ? On réglera ça plus tard, crois-moi, lui lança-t-il avec un sourire duquel s'écoule quelques gouttes du précieux liquide qu'il buvait encore quelques minutes plus tôt. Silver, aide là, s'il te plaît.
Je m'approchai alors de mon amie et lui touchai une épaule, me retrouvant aussitôt dans sa tête.
- Que se passe-t-il ?
- Nous sommes dans ta tête, Eline.
- Ma... ?
Elle regarda tout autour d'elle, mais il n'y avait rien, tout était blanc.
- Pas de voyages à travers le monde, cette fois-ci ? m'interrogea-t-elle avec un sourire.
- Je viens de faire appel à tout mon self-contrôle pour ne pas attaquer l'inconsciente qui s'offrait à moi sans vergogne, je n'ai pas trop envie d'utiliser mon imagination à créer un décor, là tout de suite. Tu m'excuseras. Il faut que tu reprennes le contrôle sur toi, Eline. Je pourrais t'obliger à le faire, mais ce serait bien que tu y arrives par toi-même. Est-ce que tu penses que tu vas y arriver ?
- Je vais essayer.
- Très bien. On revient dans notre réalité ?
- Allons-y.
Une fraction de seconde plus tard, nous fûmes à nouveau dans cette pièce du bar à vampires. Eline était toujours en train de boire, sans s'arrêter.
- Eline, écoute-moi, commençai-je, il faut que tu t'arrêtes. Essaie de te concentre sur ma voix. Tu as bu bien plus qu'il n'en faut. Le processus va pouvoir se finir, maintenant. On doit rentrer chez Moïra maintenant.
Mais elle resta butée et ne voulut pas lâcher sa proie.
- Eline, s'il te plaît.
Mike s'approcha doucement d'elle.
- Il faut vraiment que tu le lâches. Sinon, ce qui va arriver risque de ne pas te plaire.
Il réussit à capter son attention, car toujours sans relâcher sa prise, Eline releva les yeux et l'observa.
- Si tu continues, dans pas longtemps, nous allons avoir un cadavre sur le dos, puis un nouveau vampire. Et j'ai déjà bien assez à faire avec toi que de devoir m'occuper de quelqu'un d'autre.
Il réduit la distance entre eux et doucement, lui caressa la joue. Elle ferma alors les yeux et relâcha soudainement le garçon qui s'écroula par terre.
- Mon Dieu... Il est ?
- Non, on peut encore entendre son cœur battre, il ne va pas mourir. Mais on ferait mieux de ne pas traîner ici. On rentre au refuge.
Alors que je m'apprêtai à sortir de la pièce, Mike se pencha sur Eline et l'embrassa sur la bouche.
- Je suis super fière de toi. Tu n'as pas idée, déclara-t-il.
Du revers de son pouce, il essuya une goutte de sang qui coulait de ses lèvres et je détournai la tête pour leur laisser un peu d'intimité.
Le trajet du retour se déroula sans encombre. Eline, ayant pu étancher sa soif, se montra bien moins encline à se jeter sur le premier malotru rencontré et rapidement, nous fûmes de retour au repaire, où Lazarus nous attendait.
- Tout s'est bien passé ?
- Autant que possible, lui répondis-je en me laissant tomber dans un canapé.
- J'ai une bonne nouvelle, en tout cas : la reine Enda m'a déjà répondu et elle nous fait savoir que les portes de son royaume nous sont grandes ouvertes. Nous pouvons y aller dès que vous êtes prêts.
- Déjà ? Mais comment as-tu pu lui envoyer une lettre aussi rapidement ? On a dû s'absenter une heure trente, à tout casser ! m'étonnai-je.
- Quand vous êtes rentrés avec Mia, elle m'avait expliqué comment faire pour la joindre rapidement en cas de besoin.
- C'est une chance. Je propose qu'on ne traîne pas trop, alors.
J'allais prévenir Mike et Eline que nous pouvions partir.
Me concernant, j'allais veiller à ce qu'ils soient bien installés, puis je comptais repartir pour essayer de retrouver Mia. Quoiqu'il m'en coûte, j'allais la retrouver.
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