Chapitre 12

Quelque chose de froid et humide se promenait sur mon visage. C'était une sensation très désagréable. Quand j'ouvris les yeux, deux petites billes bleues me fixaient intensément et sous l'effet de la surprise, je ne pus m'empêcher de pousser un cri.

- J'avais oublié ta présence, soupirai-je.

Se dressant sur ses pattes arrière, la fouine pencha la tête sur le côté et me regarda d'un air mécontent.

- Pardon, je ne voulais certainement pas te faire de la peine. Je dois juste m'habituer à toi.

Je tendis la main pour lui caresser la tête et cette dernière l'agrippa de ses petites pattes et y frotta son museau.

- Tu es bien trop mignonne !

Pendant qu'elle s'amusait avec mes doigts, je ne pus m'empêcher de l'observer en réfléchissant. Pourquoi l'avais-je fait apparaître ? Comment ? Avait-elle un lien avec cette sensation de chaleur que j'avais éprouvée dans l'infirmerie ? Cela ne m'était jamais arrivé, aussi je ne savais pas comment interpréter les symptômes. Finalement, je décidai d'aller prendre une douche.

- Tu restes ici ? demandai-je au petit animal.

Celle-ci se redressa, opina de la tête, puis grimpa sur le bureau depuis lequel elle commença à jouer avec un crayon.

Une fois dans la salle de bain, je réalisai qu'il n'y avait pas de verrou sur la porte. Sceptique, je décidai de faire apparaître un lourd coffre qui rendait impossible son ouverture.

- On n'est jamais trop prudent, me fis-je la réflexion.

Après avoir passé un temps déraisonnable à laisser l'eau chaude couler sur mon corps, je sortis de la cabine. Alors que je nouai une serviette autour de ma poitrine, j'entendis un cri qui provenait de ma chambre. Je me dépêchai de faire disparaitre le coffre qui bloquai la porte et ouvrit celle-ci en trombe.

Dans l'autre pièce, la jeune fille qui m'avait précédemment amené mon repas se tenait collée contre un mur, les mains sur la bouche et des yeux larmoyants. Quand je regardai ce qui lui faisait aussi peur, je me rendis compte que ma petite fouine était debout sur le bureau, un crayon dans la main en guise d'épée et qu'elle la menaçait avec.

À cette vision, tout à fait grotesque, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire.

- Tu ne penses pas être un brin mélodramatique ? demandai-je à la boule de poils, tout en m'approchant d'elle.

Je m'avançai vers la table pour lui arracher le crayon et le remis à sa place. Celle-ci en profita pour me grimper dessus et s'installa sur mon épaule.

- Je suis désolée. Elle n'est pas méchante, juste...

Je tournai la tête pour la regarder et m'arrêtai en plein milieu de ma phrase. Juste quoi ? Je n'eus pas le temps de trouver le mot correspondant que je fus sortie de mes pensées.

- Je vous ai amené de quoi vous changer.

Je regardai les vêtements que la jeune fille voulait me donner, bras tendus et le regard toujours dirigé vers le sol. Ils étaient beiges. Tout était beige. Tout comme l'uniforme qu'elle portait sur elle.

- C'est hors de question que je porte ce truc.

- Ce sont les ordres. Tout le monde doit porter les mêmes habits, me répondit-elle du bout des lèvres.

- C'est ce qu'on verra.

Je la déchargeai de son fardeau, que j'expédiai en dehors de la chambre avec la télékinésie et fis apparaître une nouvelle tenue sur moi : un jean droit, un pull à capuche et une paire de baskets. On ne me forcera pas à porter des habits dont je n'avais pas envie.

- Comment tu t'appelles ? demandai-je à l'adolescente qui se tenait encore face à moi.

- Ma... Maddie, madame.

- Houla ! Pas de madame avec moi. Je ne suis pas si vieille que ça ! m'esclaffai-je. Appelle-moi Mia.

Je m'approchai d'elle et la regardai un peu plus attentivement. Elle semblait si craintive qu'elle évitait de croiser mon regard depuis tout à l'heure. Que lui avait-on pour qu'elle manque à ce point de confiance en elle ?

- Dis-moi, Maddie, quelle est ta couleur préférée ?

- Pourquoi ?

Un soupçon de panique transparut dans sa voix, mais je ne voulais pas lui faire de mal, au contraire.

- Tu n'as rien à craindre de moi. À vrai dire, je tiens à m'excuser pour mon attitude. Je n'ai pas été très avenante, mais je venais de passer une très mauvaise journée.

Maddie acquiesça en silence. Voyant qu'elle ne voulait toujours pas me répondre, je pris délicatement une de ses mains dans les miennes. Sur le moment, elle eut un mouvement de recul, mais quand je réitérai que je ne lui voulais aucun mal, elle se laissa faire docilement. J'utilisai alors mes pouvoirs pour faire apparaître un bracelet dont chaque pierre était d'une couleur différente.

- Si tu me dis qu'elle est ta couleur favorite, je pourrais le personnaliser à ton goût, précisai-je.

Lentement, elle releva la tête et me fixa avec de grands yeux ébahis.

- Le violet, murmura-telle.

Ne sachant quelle teinte de violet elle aimait exactement, je décidai de changer les billes de sorte qu'elles soient alternativement foncées et claires.

- On ne devrait pas avoir à ressembler à tout le monde, lui expliquai-je en souriant. Comme ça, tu as ta petite particularité que les autres n'ont pas.

- Merci.

Elle abaissa aussitôt la manche de sa veste de sorte qu'elle couvre son nouveau bracelet. J'imaginais qu'elle allait devoir le cacher. Mais au moins, elle n'avait pas refusé mon présent.

- Maddie, est-ce qu'il y a des livres, ici ? l'interpellai-je alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce.

Pour toute réponse, l'adolescente hocha la tête vivement.

- Pourrais-tu m'en amener quelques-uns ? Je te laisse choisir.

Lorsque la porte se referma derrière elle, je me tournai vers le petit mammifère et éclatait de rire devant la scène qui s'offrait à moi : une petite paire de fesses poilues serties d'une queue touffue dépassaient d'une manche de tee-shirt toujours posé sur la table et la fouine semblait avoir du mal à en ressortir.

- On ne va pas s'en sortir si tu commences déjà à effrayer les gens et à faire des bêtises à tout va... soupirai-je en l'aidant à se dépêtrer.

Une fois sortie de son calvaire, la fouine fila en courant à l'autre bout de la pièce.

- Je ne risque pas de m'ennuyer avec toi... et je me demande bien pourquoi tu es apparue comme ça et pourquoi , me demandai-je à voix haute.

Je l'observai faire sa toilette méticuleusement. Elle commença par ses pattes avant, puis frotta son petit ventre, ébouriffa sa queue et lissa ses moustaches.

- Il faudrait que je te trouve un prénom, murmurai-je pour moi-même.

Instantanément, ma nouvelle amie se releva et courru dans la salle de bain qui était restée ouverte. Elle grimpa le long du lavabo et me montra le robinet.

- Tu as soif ?

Mais elle secoua énergiquement la tête et continua de me montrer la robinetterie, puis se désigna, recommençant l'aller-retour à plusieurs reprises.

- Oh ! Tu veux essayer de me faire comprendre ton nom ?

Les petits cris hystériques qui me répondirent me laissèrent penser que j'avais bien compris ses intentions. Mais comment cela se faisait-il que cette petite bête ait déjà un prénom si c'était moi qui l'avais créée ?

- Bon, réfléchissons... est-ce que ça commence par un o ? Un ro ? Ou lo ?

Nouveaux petits cris aigus.

- Lo ? D'accord. Il y a encore quelque chose après ?

La fouine se mit à mimer une corde qu'elle tirait.

- Corde ? Locorde ?

J'eus le droit à des yeux levés au ciel.

- Écoute, quitte à être un animal magique, tu aurais au moins pu parler. On n'en serait pas là, relevai-je.

Haussement d'épaules. Puis elle reprit son mime en poussant des petits cris qui, à s'y méprendre, ressemblent à une personne qui dirait « oh, hisse ».

- Ah ! Hisse ? Lo-hisse ? Loïse !

L'animal sauta de joie et me grimpa dessus pour se nicher dans mon cou.

- Enchantée, Loïse. Ça ne me dit toujours pas pourquoi tu es là, mais ça, je ne pense pas que tu me le diras.

Je retournai dans la chambre et m'assis au milieu de la pièce. Loïse se faufila entre mes jambes et regarda tout autour d'elle, singeant parfaitement ma posture.

- Pour commencer, je pense que l'on a bien le droit à un peu d'intimité, ici.

Je fis alors apparaître une serrure sur la porte. Loïse s'agita entre mes jambes et me la montra de ses petites pattes.

- Tu as raison, on n'est jamais trop prudent. Mettons-en plusieurs.

Aussitôt, apparurent deux autres verrous qui vinrent compléter la panoplie.

- Et maintenant, que dirais-tu d'avoir de quoi t'amuser un peu ? Je n'ai jamais eu d'animal avant toi, mais je sens que tu vas vite tout mettre sens dessus dessous sinon...

Se faisant, je fis apparaître, dans un coin de la pièce, une petite cabane. J'y ajoutai quelques branches auxquelles des lianes se suspendaient et un hamac.

- Ça te plait ?

Loïse ouvrit grands ses bras, en poussant ce qui devenait ses habituels petits cris.

- Plus grand ?

Hochement de tête de la part du petit mammifère. Après avoir agrandi le tout, Loïse courut se jeter dans le hamac et se laisse balancer, tout en poussant des petits soupirs d'extase.

Je me tournai vers mon lit et décidai d'y ajouter des oreillers, pleins d'oreillers, ainsi qu'un gros plaid bien moelleux. J'avais comme l'impression que sortir d'ici allait s'avérer compliqué, mais je n'avais pas besoin d'avoir le sentiment de dormir dans une cellule de prison pour autant.

J'étais allongée sur mon lit, à regarder Loïse qui s'amusait comme une folle dans sa nouvelle cabane, lorsque quelqu'un tenta d'entrer dans la chambre. Je me levai aussitôt et allai ouvrir la porte. Maddie se tenait face à moi, avec une pile de livres dans les mains. Je la fis entrer et laissai échapper un rire lorsqu'elle manqua de faire tomber les ouvrages qu'elle m'apportait, la bouche grande ouverte sous l'effet de la surprise. Je fis voyager les bouquins jusqu'au bureau et me retournai vers elle.

- Le réagencement te plaît-il ?

- On nous a dit que vous étiez très puissante, mais c'est quand même surprenant, me répondit-elle.

- Qui est ce « on » ?

- Monsieur Aaron.

Allons bon... Je levai les yeux au ciel en entendant ses paroles.

- Il se fait appeler « Monsieur » Aaron, maintenant ?

- Oh, non ! C'est moi qui l'appelle comme ça, se dépêche-t-elle de préciser en rougissant.

- Tu ne devrais pas. Cela lui donne plus d'importance qu'il n'en a. Et je pense qu'il n'a pas besoin de se sentir aussi important actuellement.

- Vous le connaissez ?

- Je t'en supplie, tutoie-moi. Entre le « madame » de tout à l'heure et ça, j'ai l'impression de prendre dix ans d'un coup.

- Tu le connais ? reprit-elle timidement.

- Et bien, je pensais le connaître. Mais je ne suis plus tout à fait sûre que ce soit le cas. Comment est-il, ici ? Est-ce qu'il est gentil avec toi ? Avec les autres ? Si j'ai bien compris, tu n'es pas seule dans cet endroit ?

- Oh, monsieur Aaron est très gentil, avec tout le monde. Nous l'aimons tous beaucoup.

Quand je vis ses joues rougir encore plus, je me fis la réflexion qu'elle devait même plus que bien l'aimer.

- Tu sais quoi, Maddie ? J'ai bien envie de me dégourdir un peu les jambes. Et si tu me faisais visiter ?

- Avec plaisir, me répondit-elle avec un sourire timide.

- Loïse, on y va !

Aussitôt, la petite fouine sauta du hamac dans lequel elle était toujours et se glissa dans la poche avant de mon pull.

Mon ventre se rappela à moi dans un gargouillement tonitruant et je me retournai vers Maddie :

- Si ça ne te dérange pas, je commencerais bien par manger quelque chose !

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