Chapitre 27

Le lendemain, la journée s'étira lentement. Nous avions décidé de nous rendre à l'immeuble un peu avant la sortie des bureaux. Mieux valait agir quand il y aurait le moins de monde possible dans le bâtiment, on ne savait pas comment allait se passer la mission sauvetage. Tout ce que je savais, c'est que j'en ressortirai avec Silver ou je n'en ressortirai pas.

- Mia, ma poule ?

Je me tournai vers Eline et lui souris. Nous n'avions pas vraiment eu le temps de parler la veille. J'étais épuisée et, après avoir englouti mon repas, j'étais directement allée me coucher.

- Mia... Je suis... Je suis désolée, éclata-t-elle en sanglots. Je n'aurais jamais dû te proposer de sortir en profitant de ton nouveau pouvoir.

Je m'approchai de mon amie et la pris dans mes bras.

- Eline, j'étais tout à fait consciente du danger. J'aurais tout aussi bien pu refuser et je ne l'ai pas fait, relevai-je.

- Mais j'ai tellement insisté... Oh, Mia, je ne sais pas comment tu pourras me pardonner un jour.

Je m'écartai d'elle et la regardai droit dans les yeux.

- Eline, s'il y a quelqu'un à qui j'en veux ici, c'est à moi. S'il y a quelqu'un à qui j'ai du mal à pardonner, c'est à moi. Arrête de te flageller pour ça. J'ai accepté ta proposition en toute et je savais ce que je faisais, d'accord ?

Elle acquiesça doucement tout en reniflant et en s'essuyant le nez du revers de sa manche.

- Est-ce que tu penses que vous allez y arriver ? s'enquit-elle doucement.

Je regardai mon amie et me tâtai à lui dire ce que je pensai vraiment. Mais elle était déjà bien en peine et je ne voulais pas la faire souffrir plus que ça.

- Oui, Eline, je suis sûre que tout va bien se passer et que nous allons rentrer ce soir avec Silver.

Un nouveau hochement de tête de sa part, une grimace de gêne et avant que les sanglots ne reviennent, je la pris brusquement dans mes bras et la serrai fort.

- Eline, je t'en supplie, ne te fustige pas pour ce qui est arrivé. J'ai besoin que tu passes à autre chose. Je t'aime et tout va bien aller, d'accord ?

- D'accord, me répondit-elle tout en me serrant dans ses bras à son tour.

*

- Il est seize heures trente. Mia, Aaron, vous allez pouvoir vous rendre sur place.

Alors que tout le monde semblait tourner en rond dans l'appartement, je me trouvais étrangement très sereine. Les battements de mon cœur étaient réguliers et je ne sentais aucune nervosité prendre le dessus. J'aurais dû trouver cela étrange, mais non. Je m'étais entraînée durement ces derniers jours et je savais que je n'avais pas le choix. Il s'agissait de Silver et il était hors de question que j'échoue.

Lazarus s'approcha de moi et posa ses deux mains sur chacune de mes épaules.

- Mia, nous avons tous conscience de l'importance de cette mission à tes yeux, mais s'il te plaît, ne fais rien d'irréfléchi, insista-t-il une dernière fois.

J'aurais aimé pouvoir le lui promettre, mais quelque chose au fond de moi savait que je ferai ce qu'il faudrait pour retrouver Silver. Je me contentai alors de hocher la tête tout en regardant mes chaussures.

Avant de partir, je repris une dernière fois Eline dans mes bras, puis Mickaël.

- Fais attention à toi, me glissa ce dernier à l'oreille, juste avant de relâcher son étreinte.

- Je voulais m'excuser, Mike, murmurai-je.

- De quoi ?

- De ne pas avoir été plus présente pour toi, alors que c'est de ton frère dont il s'agit. Je... Je suis désolée, me répétai-je.

- Arrête de dire des bêtises et va le chercher, veux-tu ? me morigéna-t-il avec un clin d'œil.

J'acquiesçai fermement, résolue à ne pas revenir seule.

- On y va ? demandé-je à Aaron en m'orientant vers la porte de l'entrée.

Je ne voulais plus rester dans cet appartement. Je commençai à étouffer, je devais sortir, me diriger vers Silver et le retrouver.

*

Je regardai ma montre : dix-huit heures et trois minutes. La femme que j'avais choisie n'allait plus tarder à sortir. Elle s'était montrée plutôt ponctuelle sur les derniers jours et je n'aurais vraiment pas eu de chance si ce n'était pas le cas ce soir-là.

Alors que je jetai un nouveau coup d'œil à ma montre, dissimulée derrière un échafaudage, je reconnus soudainement la silhouette, que je guettai avec impatience depuis tout à l'heure, se diriger vers nous.

- Prête ? me demanda Aaron

Je ne répondis pas, trop concentrée.

Enfin, on y est.

Quand la jeune femme passa à mes côtés, sans faire attention à moi, j'attendis qu'elle ait fait quelques mètres avant de prendre son apparence. Aaron, qui avait vu passer son homme quelques minutes plus tôt, se métamorphosa lui aussi. Il me jeta un regard en biais et s'avance d'un pas assuré en direction de l'immeuble dans lequel était retenu Silver.

Comme convenu, je lui laissai un peu d'avance, avant de le suivre.

Une fois à l'intérieur, je me dirigeai vers les escaliers. D'après Lazarus, Silver était retenu dans les sous-sols.

Je n'avais même pas besoin de prendre sur moi pour essayer d'avoir l'air sereine : j'étais d'un calme olympien. À plusieurs reprises, je croisai des personnes qui m'adressaient un bonjour de la tête pour me saluer. Alors que j'étais presque arrivée vers la porte qui me mènerait aux étages inférieurs, quelqu'un me fit de grands signes et accourut vers moi.

- Sidney, ça tombe bien, ça fait plusieurs jours que j'essaie de te croiser, mais que je ne te vois jamais !

Je regardai l'homme qui se tenait face à moi : d'une taille moyenne, peut-être même plus petit que moi, un teint cireux, une calvitie qu'il tentait de cacher en rabattant ses cheveux sur le côté, des yeux mornes et un embonpoint qui pointait le bout de son nez...

- Tu n'as pas répondu au SMS que je t'ai envoyé l'autre jour. Tu l'as bien reçu, dis ? s'enquit-il.

J'essayai de réfléchir à toute vitesse. J'empruntai déjà l'apparence de cette femme, je ne voulais pas lui causer des tracas.

- Ton SMS ? lui demandai-je en prenant un air étonné.

- Oui, celui où je te propose d'aller boire un verre après le travail, un de ces soirs, insista-t-il.

Si elle n'avait pas répondu à son SMS, j'imaginai que c'était parce qu'elle n'était pas intéressée. Difficile de lui en vouloir.

- Écoute, euh...

- Martin, me répond-il avec un sourire encourageant.

- Martin, je ne suis pas vraiment intéressée. Ce n'est pas contre toi, mais j'ai beaucoup de travail en ce moment et je ne peux pas me permettre d'être déconcentrée. J'ai tout juste le temps de dormir la nuit, alors aller boire un verre ? C'est de la folie ! tentai-je de plaisanter.

Martin prit d'abord un air contrit, avant de sourire à nouveau.

- Je comprends, ne t'en fais pas ! C'est un vrai monde de requins et tu fais bien de te concentrer sur ton travail. Si un jour tu as envie de te changer les idées, n'hésite pas, ça me fera très plaisir.

- Merci, Martin, lui répondis-je avec un sourire.

Il me fit un petit signe de la main puis se dirigea vers les portes d'entrée.

Je soufflai un bon coup. Cela aurait pu très mal tourner, mais il me semblait que je m'en étais plutôt bien sortie. Je me remis à marcher en direction des escaliers, tout en espérant que cette fois-ci, plus personne ne viendrait m'adresser la parole.

Une fois devant la porte, je l'ouvris et me faufilai à l'intérieur de la cage d'escalier. Aaron, qui m'attendait de l'autre côté et avait repris son apparence, me regarde avec un air interrogateur.

- Tu en as mis du temps pour arriver. Tout va bien ? s'enquit-il.

- Oui, je suis juste tombée sur un admirateur, râlai-je.

Ses sourcils se froncèrent d'incompréhension et je ne peux m'empêcher de rire en voyant sa tête.

- Pas mon admirateur. Celui de Sydney.

- Sydney ? répéta-t-il sans comprendre.

- Celle dont j'emprunte actuellement l'apparence. Ce Martin est visiblement épris d'elle, mais on dirait que la réciproque n'est pas vraie. J'ai réussi à m'en débarrasser sans faire de dégâts, expliquai-je.

- Bien.

Aaron me sourit et prit une grande inspiration, comme s'il s'apprêtait à me dire quelque chose, mais se reprit et expulsa tout l'air qu'il venait de prendre.

- On continue ? m'interrogea-t-il.

- On continue.

Je décidai de reprendre mon apparence. Quoiqu'il puisse arriver, il était désormais trop tard. Nous étions déjà dans la gueule du loup. Et j'aimais mieux encore me promener avec ma véritable apparence. J'en avais marre de me cacher.

- Tu nous éclairerais un peu, Mia ?

- Bien sûr.

Aussitôt, je fais apparaître une boule de feu qui flottait entre Aaron et moi.

- Et une lampe torche, tout simplement ? me demanda-t-il en riant.

- Trop banal. Nous sommes des enchanteurs, non ? plaisantai-je en haussant les épaules.

Ses yeux me fixèrent intensément et je pouvais voir les mouvements de la flamme s'y refléter.

- Je ne sais pas ce que tu es Mia, mais tu es plus qu'une simple enchanteresse, souffla-t-il Et quoiqu'il arrive, je suis plus qu'honoré d'avoir pu te connaître.

- Arrête un peu, on dirait qu'il va se passer quelque chose de grave, tentai-je d'alléger l'atmosphère.

Je passai devant lui en levant les yeux au ciel - tiens, cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé - et je commençai à descendre les marches des escaliers, la flamme que j'avais fait apparaître me suivant doucement.

Arrivés tout en bas, nous nous retrouvâmes face à une porte blindée.

- Heureusement que Mickaël m'a appris à crocheter une serrure grâce à la télékinésie, fis-je remarquer à Aaron en lui faisant un clin d'œil.

Ce dernier m'adressa un sourire et me fit un signe de tête vers la porte pour me dire de m'y mettre.

Évidemment, les verrous sur lesquels je m'étais entraînée n'étaient que de simples serrures de cadenas, de portes de chambres... jamais une porte blindée. Mais j'avais confiance en moi et mes capacités. Je n'avais de toute façon pas le choix. De l'autre côté, j'allais trouver Silver.

Je n'avais aucune idée du temps j'avais mis avant de réussir à faire en sorte que le mécanisme s'ouvre enfin, j'avais l'impression qu'une éternité s'était écoulée, mais peut-être n'avais-je mis que cinq minutes. Peu importe, nous pouvions enfin continuer.

Une fois l'obstacle franchi, nous arrivâmes dans un couloir sombre où se trouvaient des dizaines de portes de part et d'autre. Pour seule lumière, des veilleuses positionnées au-dessus de chaque cadre, tantôt rouges, tantôt vertes. Il n'y avait pas un bruit.

Je tournai la tête pour regarder Aaron et pus constater qu'il avait l'air aussi déterminé que moi.

Je fis alors un premier pas, puis un deuxième. Le plus silencieusement possible. On aurait dit qu'il n'y avait personne, mais je ne voulais pas attirer qui que ce soit en faisant du bruit.

À côté de chaque porte se trouvait un écran sur lequel on peut voir ce qu'il y avait à l'intérieur de la pièce. Automatiquement, sans se dire un mot, Aaron s'occupa du côté gauche du couloir, tandis que je me chargeao de la partie droite.

Après avoir dépassé plusieurs portes, j'entendis Aaron m'appeller en chuchotant :

- Mia ! Je l'ai trouvé, il est derrière celle-ci.

Mon cœur cessa de battre quelques instants.

Silver.

Nous l'avions retrouvé.

Je me dirigeai vers Aaron et posai la main sur la poignée de la porte. Je l'abaissai et aussitôt, cette dernière s'ouvrit.

Au milieu de la pièce, attaché sur un lit d'hôpital, se trouvait Silver.

Mes jambes me portèrent vers lui, sans que je ne sache vraiment comment.

- Mia.

Je n'entendais presque pas la voix d'Aaron qui m'appelait.

- Mia, écoute-moi, insista-t-il.

Je priss le visage de Silver dans mes mains et essayai de le réveiller. C'était étrange, il n'avait jamais dormi. Pourquoi était-il endormi ?

- Silver, réveille-toi. Je suis là. Je suis venue te chercher.

- Mia, s'il te plaît. Il y a quelque chose de louche, nota Aaron. C'était trop facile. La porte était ouverte, il n'y a personne pour le surveiller, ce n'est pas normal.

Mais je ne l'écoutai déjà plus, car les yeux de Silver s'entrouvrirent.

- Mi... Mia ? C'est vraiment toi ? souffla-t-il.

-C'est moi, confirmai-je. Je suis là, maintenant. Tout va bien se passer. Je vais te détacher et nous allons te sortir d'ici.

Des larmes commencèrent à couler sur mes joues. Des larmes de soulagement.

Silver était là, nous l'avions trouvé et nous allions pouvoir rentrer avec lui.

J'étais en train d'essayer de détacher les lanières qui le retenaient prisonnier, lorsque j'entendis soudainement un bruit sourd, puis une voix que je ne connaissais pas s'adresser à moi.

- Tiens, tiens, tiens. La petite souris est tombée dans le piège.

Je me retournai vivement et pus apercevoir Aaron, tombé à terre et, à ses côtés, un homme qui se tenait debout.

Mon sang se figea aussitôt à sa vue. Je n'aurais su dire pourquoi, mais je ressentais un grand malaise en sa présence.

- Qui êtes-vous ? Et que lui avez-vous fait ? lui demandai-je en regardant mon ami qui était étendu par terre.

- Oh, trois fois rien. Juste une petite décharge électrique assez puissante pour lui faire perdre connaissance.

L'homme se dirigea vers un bureau, prit une chaise et s'asssit dessus. Même s'il avait l'air bien entretenu, il devait avoir dans les soixante ans. Ses cheveux étaient noir de jais et taillés très court. Pas un cheveu gris. Les avait-il teint ?

Ce n'est pas le moment de penser à ça, Mia.

Sa peau était claire et une barbe couvrait tout le bas de son visage. Il était habillé d'un simple jean, d'un tee-shirt blanc et d'une veste en cuir, mais sa prestance affirme qu'il n'était pas n'importe qui.

- Vous ne m'avez toujours pas dit qui vous êtes, notai-je.

- Assieds-toi, Mia.

- Je n'ai pas d'ordre à recevoir de vous. Pour la dernière fois, qui êtes-vous ?

- Soit.

Je fixai l'homme intensément et attendis une réponse de sa part. Il me sourit puis avant de reprendre.

- Je m'appelle Dominique et je suis celui qu'on peut désigner comme ton créateur.

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