Chapitre 21

Lazarus nous accueillit dans son appartement qui se trouvait être un immense loft, au dernier étage d'un immeuble.

- Entrez donc. Je suis soulagé de vous voir ici, nous invita-t-il en ouvrant la porte.

- Merci de nous recevoir aussi rapidement. Vous êtes sûr qu'on ne vous dérangera pas ? lui demandai-je timidement.

- Mia, la question ne se pose même pas. Vous êtes les bienvenus chez moi et vous pourrez rester aussi longtemps qu'il le faudra, m'assura-t-il.

- Merci...

- Je vais vous montrer vos chambres. Vous pourrez dormir un peu et nous nous verrons demain matin pour parler de la situation ensemble.

Tout notre petit groupe acquiesça et se laissa guider par Lazarus à travers son appartement.

Silver et moi partagions une chambre, tandis qu'Eline et Mickaël avaient chacun la leur.

Je pris mon amie dans mes bras et la serra fort contre moi.

- On est en sécurité ici, tu peux dormir tranquillement.

- Merci, ma poule, murmura-t-elle.

Je déposai un baiser sur sa joue puis rejoignis Silver dans notre chambre. Ce dernier était déjà allongé sur le lit, les bras croisés derrière la tête. J'enlevai mes chaussures et grimpai dessus pour me glisser tout contre lui.

- Je suis désolée, Silver, soufflai-je.

Il tourna la tête et me lança un regard interrogateur.

- Désolée de quoi, Mia ?

- De tout ça, soupirai-je. Vous êtes tous obligés de quitter votre vie pour venir jusqu'ici, à cause de moi. Je ne voulais pas vous mettre dans une telle situation. Je ne sais même pas pourquoi on se retrouve à devoir fuir. Quand je vois dans quel état de frustration ça me met, je me dis que ça doit être pire pour vous.

Il m'embrassa, comme pour me faire taire.

- Mia, arrête de te poser autant de questions. Je te suivrais jusqu'à l'autre bout du monde s'il le fallait. Je t'aime et je ne peux plus imaginer ma vie sans toi à mes côtés. Alors peu importe ce qu'il se passe ou même pourquoi, je serai là, avec toi, jusqu'au bout.

Je restai sans voix face à sa déclaration et mes yeux se perlèrent de larmes.

- Je ne sais décidément pas ce que j'ai fait pour te mériter, Silver...

- Détrompe-toi, Mia. C'est moi qui suis en droit de me poser la question. Maintenant, viens dans mes bras et essaie de dormir un peu.

J'essuyai mes larmes du revers de ma manche et me blottis un peu plus dans ses bras. Malgré tout le stress et mes angoisses, le sommeil ne tarda pas à arriver.

Quand j'ouvris les yeux, j'avais l'horrible sensation que je ne les avais fermés que quelques secondes, alors qu'il n'en était rien. Dehors, le soleil est déjà haut dans le ciel.

- Bonjour, ma petite marmotte.

- Marmotte ? Je n'ai pourtant pas l'impression d'avoir beaucoup dormi, bougonnai-je.

Silver rit et m'embrassa sur le front.

- Viens, tout le monde est réveillé et Eline n'a pas l'air partie pour te laisser grand-chose à manger.

Le grondement sonore de mon ventre répondit à ma place. Silver éclata de rire et me tendit une main pour m'aider à me relever.

Arrivés dans le salon, nous retrouvâmes Lazarus, Eline, Mickaël et un homme qui m'était étranger : blond, plutôt jeune, j'aurais dit pas loin de la trentaine. Habillé de façon classe, mais décontractée : un jean foncé et une chemise aux manches relevées dévoilant ses avant-bras. Il était en pleine conversation avec mes amis.

- Bonjour, Mia. J'espère que tu as pu te reposer ? s'inquiéta Lazarus.

- Oui. Merci pour votre accueil, lui souris-je.

- Inutile de me remercier.

Il se tourna vers le garçon que je ne connaissais pas et lui fit signe de s'approcher.

- Mia, je te présente Aaron.

Celui-ci me tendit une main avec un grand sourire chaleureux.

- Aaron est en quelque sorte mon bras droit dans cette ville. C'est lui qui gère la caste quand je ne suis pas là et c'est lui qui va t'aider à t'entraîner les prochaines semaines.

Je me retournai vivement vers Lazarus, étonnée.

- Mais pourquoi pas vous ?

- Je dois m'absenter. Il faut que j'essaie de trouver de nouvelles informations concernant ces hommes qui te cherchent. Je sens que je vais bientôt trouver. Ce n'est plus qu'une question de temps maintenant. Et de bonnes rencontres. C'est pourquoi j'ai demandé à Aaron de t'aider avec tes pouvoirs. Il est très doué. En fait, il était même l'enchanteur le plus doué que je connaissais. Enfin, avant de te rencontrer.

- Oh, il ne faut pas exagérer, je ne suis pas encore capable de les maîtriser convenablement, rougis-je.

- Lazarus m'a expliqué ce dont tu es capable Mia et c'est vraiment formidable, intervint Aaron. Normalement, un enchanteur n'est capable de maîtriser qu'une seule forme d'enchantement. Mais toi, il semblerait que tu en maîtrises déjà deux. C'est du jamais-vu.

Mes chaussures me semblèrent soudainement très intéressantes et je les fixai intensément. Silver, qui ressenti mon malaise, me prit par la main et m'emmena à la table où Eline était en train d'engouffrer son petit-déjeuner, avant de retourner discuter avec son frère et Lazarus.

- Mia, ma poule, bien dormi ? s'enquit-elle avec un franc sourire.

- J'aurais pu dormir encore un peu, lui avouai-je en m'asseyant en face d'elle.

- Tu veux un café pour te réveiller ? Il y a aussi du jus de fruits, du pain frais, des viennoiseries, de la confiture... On a le choix ! rit-elle.

- Je devrais trouver mon bonheur, merci.

J'observai Eline en train de manger son petit-déjeuner et je ne pus m'empêcher d'être amusée.

- Tu m'as l'air de bien bonne humeur pour quelqu'un qui a dû tout quitter du jour au lendemain, fis-je remarquer

- Tu insinues quoi ? me demanda-t-elle la bouche pleine.

- Je ne sais pas. J'aurais pensé que tu serais plus déboussolée que ça ce matin.

Elle avala ce qu'elle avait dans la bouche et haussa des épaules.

- Tu sais, je suis surtout heureuse de ne pas avoir été mise de côté sous prétexte que je ne suis qu'une humaine et de pouvoir être avec vous.

Alors que j'allais lui répondre, Aaron s'approche de nous et posa une main sur mon épaule.

- Mia, j'aimerais que nous allions commencer ton entraînement dès maintenant, si cela te convient ?

Je restai figée dans mon mouvement et tournai la tête vers lui.

- Euh... comment ça ? Là, maintenant ?

- Oui. Je dois absolument m'absenter cet après-midi et j'aimerais beaucoup voir ce dont tu es capable, de mes propres yeux, avant de partir, m'expliqua-t-il.

- Eh bien, allons-y, j'imagine.

J'attrapai un croissant et me levai de table pour suivre Aaron dans l'appartement. En passant devant Lazarus et les deux frères, je m'arrêtai pour m'adresser à Silver :

- Tu nous accompagnes ?

- Si c'est ce que tu désires.

J'acquiesçai vivement. C'était exactement ce dont j'avais besoin. Je savais que je me sentirais plus sereine en sa présence.

D'un hochement de tête, il salua Lazarus et Mickaël puis glissa sa main dans la mienne. Je m'accrochai à sa paume, soulagée de ne pas me retrouver seul avec cet homme que je ne connaissais pas.

Aaron nous emmena au sous-sol de l'immeuble et s'arrêta devant une porte blindée. À côté, se trouvait un boîtier qu'il ouvrit à l'aide d'une clé et qui révéla un écran sur lequel il pose sa main. Au bout de quelques secondes, elle se déverrouilla et il nous fit signe de passer devant lui.

Une fois à l'intérieur, celle-ci se referma lourdement derrière nous.

- Une serrure à empreinte digitale ? questionna Silver, curieux.

Aaron sourit et se dirigea vers le fond de la pièce où il alluma les lumières.

- C'était sa fonction initiale, mais Lazarus l'a légèrement modifiée.

- C'est-à-dire ? demandai-je, intriguée.

- Le capteur ne va pas se concentrer sur les empreintes digitales, mais sur l'aura des êtres surnaturels. Lazarus l'a configurée de sorte que la porte ne s'ouvre qu'à certaines de ces personnes.

J'en fus impressionnée. Je ne savais pas qu'on pouvait détourner l'usage de la technologie à des fins mystiques.

- Bien, Mia. Je te propose de commencer en me montrant ce que tu sais faire.

Silver m'embrassa et s'installa dans un coin de la salle.

- Eh bien... pour le moment j'arrive à déplacer des objets par la pensée. C'est ce que je maîtrise le mieux. Avant que Lazarus n'enlève le verrou que j'avais, je pouvais faire apparaître des choses. Un peu n'importe quoi, du moment que j'y pensais. Cela me demandait quelques instants de concentration, mais j'y arrivais toujours. Maintenant que ce verrou n'est plus là, j'ai l'impression de ne plus connaître mes pouvoirs. Je dois à nouveau les apprivoiser, c'est très étrange comme sensation.

Aaron hocha la tête et m'encouragea, d'un sourire, à continuer.

- Avant, dès que je fermais mes poings, ce que j'avais créé disparaissait aussitôt. Mais nous avons découvert avec Lazarus que je pouvais passer outre et continuer à utiliser mes pouvoirs, même en fermant les mains. Pour le moment je me suis surtout entraînée à faire apparaître des bulles de savon et à les garder intactes, même en serrant les poings.

- Est-ce que c'est tout ce que tu as fait pour le moment ? m'interrogea-t-il. Tu n'as pas utilisé tes pouvoirs d'une autre manière, quelle qu'elle soit ?

Je réfléchis quelques secondes, puis une pensée me vint à l'esprit.

- À vrai dire, si. Hier, quand nous avons fui l'appartement de Silver et Mike, j'ai fait exploser les pneus de la voiture des hommes qui nous suivaient.

- Tu as fait ça toute seule ? me demanda Aaron, intrigué.

- Oui. Mike m'a dit de penser que c'étaient de grosses bulles de savon, j'ai fermé les yeux et les pneus ont explosé.

- Merveilleux.

Il se dirige alors vers un placard intégré dans un mur et en ouvrit les portes. À l'intérieur, je pus y voir tout un arsenal. Des armes de toutes sortes y étaient rangées. On se serait cru dans la Batcave. Il hésita quelques secondes puis attrapa un jeu de couteaux. Il les posa ensuite sur une table et se retourna vers moi.

- Puisque tu maîtrises le plus la télékinésie, nous allons commencer par ça aujourd'hui.

J'eus peur de comprendre ce qu'il s'apprêtait à me dire et je n'étais pas sûre que ça me plaise.

- Je vais me positionner à quelques mètres de toi et envoyer des couteaux dans ta direction. J'aimerais que tu utilises tes pouvoirs pour les détourner.

Et voilà. Ça ne me plaisait pas, je l'avais dit. Je sentis Silver se tendre à l'autre bout de la pièce ce qui n'aida pas à faire passer cette tension prenant possession de mon ventre. Je lui lançai un regard et hochai la tête pour lui signifier que tout allait bien. Il ne se détendit pas pour autant, mais je compris qu'il resterait à sa place.

Je me détournai pour refaire face à Aaron, lorsque j'aperçu un couteau qui m'arriva dessus à une vitesse fulgurante. J'écarquillai les yeux et commençai à paniquer, quand l'arme dévia de son chemin et se planta dans un mur sur ma gauche.

- C'est toi qui as fait ça ? demandai-je, le cœur battant.

- Fait quoi ? me répondit Aaron, amusé.

- Déporter le couteau comme ça, au dernier moment.

- Non. Je n'ai rien fait, Mia. C'est toi qui as fait ça toute seule, m'annonça-t-il.

- Mais... Je n'ai pas eu le temps de réagir.

- Je voulais justement vérifier quelque chose.

- En essayant de me tuer ? rétorquai-je, en levant la voix.

- Je savais que le couteau n'atteindrait pas sa cible, sourit-il.

- Comment ?

- Je le savais, répondit-il en haussant les épaules.

- Je ne suis pas sûre d'aimer tes méthodes. Lazarus n'aurait jamais pris un tel risque, clamai-je en secouant la tête.

J'entendis Silver grogner de loin, comme en acquiescement à ce que je venais de dire.

- Avec tout le respect que je dois à Lazarus, je trouve qu'il ménage parfois trop ses élèves. Et si je peux me permettre, on dirait bien que des personnes malintentionnées te recherchent. Tu as peu de temps devant toi et tu n'as pas vraiment le luxe d'apprendre par la méthode douce. Ma stratégie ne te plaît peut-être pas maintenant, mais je te fais la promesse qu'elle te permettra de faire des progrès très rapidement.

Je le regardai dans les yeux et essayai de réfléchir à toute vitesse. Quelque chose au fond de moi me disait que je pouvais le croire. Et puis, Lazarus ne lui aurait pas demandé de s'occuper de moi s'il n'était pas digne de confiance.

- D'accord, je veux bien te laisser une chance.

- C'est tout ce que je demande. Maintenant, on se met au travail ?

*

Quelques heures plus tard, en remontant dans le loft de Lazarus, j'étais épuisée. Aaron ne m'avait pas laissé un seul instant de répit. Silver m'emmena dans la salle de bain afin de m'aider à nettoyer les quelques plaies que je m'étais faites quand j'avais trop tardé à dévier les couteaux.

Je m'assis sur le bord de la baignoire et le laissai s'occuper de moi. Je le suivis des yeux, tandis qu'il cherchait une trousse de secours en ouvrant les différents tiroirs, puis se lavait les mains avant de revenir vers moi.

- Je n'aime pas ses méthodes, bougonnai-je.

- J'avais compris, me répond-il en souriant.

- Parce que tu les aimes, toi ?

- Pas le moins du monde. Mais je dois reconnaître que grâce à lui, tu as déjà fait des progrès, juste en une matinée. Alors, imagine quel sera le résultat sur plusieurs semaines.

Je restai silencieuse, portant mon attention sur les soins que me prodiguait Silver avec des gestes tendres.

Il avait raison. Je savais qu'il a raison.

- J'ai toujours raison, Mia, me taquina-t-il.

- Ah, parce que tu lis dans les pensées, maintenant ? m'étonnai-je.

- Non, me répond-il en riant. Mais je commence à bien te connaître et à savoir ce que tu rumines comme ça. Là, tu étais en train de peser le pour et le contre et de te dire que j'avais raison.

Je lui lançai un regard noir.

- T'es vraiment pas drôle comme mec. On te l'a déjà dit ?

Silver se penche pour m'embrasser puis m'aide à me relever.

- Je crois que tout le monde nous attend pour manger, tu viens ?

Je passai devant lui en faisant une grimace et reçus une claque sur mes fesses au moment de sortir dans le couloir, ce qui réussit à me décrocher un sourire.

Une fois à table, Lazarus prit des nouvelles de la séance d'entraînement du matin auprès d'Aaron puis se tourna vers moi.

- Je suis ravi d'apprendre que tout s'est bien passé, Mia.

Je ne savais pas si je pouvais en dire autant de mon côté, mais je me contentai juste de hocher la tête. Je n'avais pas envie de faire de la peine à Lazarus, pas après tout ce qu'il faisait pour moi, pour nous.

- C'est bien que nous soyons réunis tous ensemble avant que je ne m'absente, reprit-il. Au vu de votre fuite hier de Hillsborough, je ne pense pas que vous ayez été suivis. En revanche, les hostilités sont ouvertes. Nos ennemis, peu importe qui ils sont, savent maintenant que nous sommes méfiants. Aussi, quand bien même je sais que c'est beaucoup vous demander, j'aimerais vraiment que vous ne sortiez pas de cet appartement pour l'instant.

Je tournai la tête pour observer mes amis et je vis que la nouvelle leur fit le même choc qu'à moi.

- Croyez-moi, mieux vaut prévenir que guérir. Ces personnes en ont après Mia, restez en sécurité chez moi. Faites comme chez vous, insista-t-il, mon appartement est grand et je vous accueille avec plaisir. C'est un honneur, et un devoir, de protéger Mia. Mais il ne faut pas faire d'erreur et je pense sérieusement qu'aller vous promener dans les rues de New York en serait une.

- Super, railla Eline, c'est la première fois que je viens dans la ville qui ne dort jamais et je ne vais même pas pouvoir en profiter.

J'étais encore sous le choc. Interdiction de sortir de l'appartement. Les battements de mon cœur accélérèrent et ma respiration se fit aussi plus rapide. Ça recommençait.

Ça.

Recommençait.

Silver, assis à mes côtés, se pencha de sorte que je sois la seule à l'entendre quand il me parla.

- Mia, ce n'est pas pareil cette fois-ci. Tu as tes amis et tu m'as moi. Tu n'es pas enfermée toute seule, tenta-t-il de me rassurer.

Du revers de ma manche, j'essuyai une larme qui menaçait de couler et pris une grande respiration.

Ça recommençait.

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