— Viens sur le lit avec moi, tu me donnes le tournis.

Me réfugier dans les bras d'Asmodée : la proposition est tentante. Toutefois, avant de goûter ses baisers, j'ai besoin de dire adieu à chaque objet de ma chambre.

— Tu te souviens quand j'ai reçu ce secrétaire ? Après s'être ébattus sur la tablette, on a essayé tous les tiroirs.

Nous échangeons un sourire nostalgique. Asmo s'allonge sur le côté, appuyé sur un coude.

— Je pensais garder la chambre afin de te fournir un point de chute rassurant chaque fois que tu reviendras. Je m'assurerai qu'il y ait toujours un nouveau meuble où l'on puisse faire l'amour.

Songeur, je caresse le bois rouge de mon lit à baldaquin.

— Lui aussi va me manquer. Et ses draps en soie.

— N'exagère pas, se moque Asmo, tu vas loger dans les hôtels les plus luxueux de la planète. D'ailleurs, quelles villes vas-tu visiter ?

— Les capitales de la mode, pour commencer. J'y trouverai peut-être une nouvelle vocation.

— Où sont tes bagages, au fait ?

L'idée improbable que je parte sans vêtements creuse une ride perplexe entre les sourcils d'Asmo. Je le rassure avec un petit rire.

— J'ai déjà tout envoyé à Paris. Franchement, tu me vois porter des valises ?

Je m'assois enfin sur le lit en face de lui, lissant mon pantalon marin pour ne pas le froisser.

— Quand j'aurai besoin d'une pause, je chercherai notre crique, celle où on s'est endormis anges et réveillés démons.

Asmo saisit ma main et la porte à ses lèvres pour l'embrasser.

— Je chercherai avec toi. Mes succubes et incubes travaillent maintenant avec Athéna à l'accueil des damnés. Je ne vais pas crouler sous le travail.

— Accompagne-moi, alors !

— J'ai promis de souvent te rejoindre dans tes voyages, tempère Asmo. Mais j'ai aussi envie de voir ce que va devenir l'Enfer. Être le démon de la luxure me plaît. La luxure, c'est proche de l'amour. En fait, je suis encore un ange, au fond.

Une sensation de gâchis mêlé d'espoir naissant me broie le cœur.

— Des anges, nous le sommes tous un peu, tu ne crois pas ?