Je reconnais avec joie la déesse qui m'accueille à l'entrée du local. Même sans casque, Athéna a fière allure dans sa robe dorée brodée de chouettes noires. Cette présence familière apaise mon anxiété.

— Comment vas-tu depuis la Guerre de Troie ? Étrange de te retrouver animatrice d'un groupe de parole. Je pensais que la raison t'intéressait plus que les émotions.

— Explorer les émotions permet d'atteindre la raison, donc ce rôle me convient bien. Mais assez parlé de moi ! Bienvenue, Lucifer ! J'espère que tu trouveras du réconfort parmi nous.

Athéna passe son bras sous le mien et me guide vers un cercle de trônes. Elle me souffle à l'oreille :

— Tu verras, l'ambiance est informelle. Ton corset rouge est splendide, mais tu peux venir avec une tenue plus confortable.

Je souris. Je ne me sens jamais autant à l'aise que dans des vêtements élégants. Je m'installe et détaille les divinités présentes. Je reconnais Odin grâce à sa barbe grise négligée et au cache-œil qui lui barre la moitié du visage. Hadès ouvre grand les yeux en m'apercevant. Je ne suis pas le seul dirigeant des enfers à traverser une mauvaise passe, on dirait. Et sous ces plumes défraîchies ? Serait-ce... Quetzalcóatl ? Toutefois, le dernier participant est celui qui m'ébahit le plus. Bonté divine ! Satan, ici ? Il me lance un regard neutre.

Athéna agite une cloche pour marquer le début de la séance.

— Aujourd'hui, suite des messages. Je rappelle que s'il le désire, chacun peut apporter un objet lié à une personne source de rancœurs, et s'adresser à elle devant nous.

— C'est mon tour ! s'impose Odin en brandissant une affiche de film.

Un acteur à la mode y campe son fils Thor. Odin fustige la notoriété de son rejeton alors que lui sombre dans l'oubli. Sans compter que son héritier refuse de l'associer à son succès hollywoodien.

— De toute façon, ce film est pourri, ricane Satan.

La discussion suit son cours, mais mes pensées dérivent. J'ai des comptes à régler moi aussi. Et une emprise de laquelle me libérer.