13 | FLEUR FAIT DES SIENNES & LA CHÈVRE FAIT BÊÊÊ
𝐷𝑒𝑙𝑝ℎ𝑖𝑛𝑒 𝑀𝑒𝑟𝑐𝑖𝑒𝑟
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IL ÉTAIT NON LOIN DE 22H30 LORSQUE LES ALPHAPABÊTES SE DÉCIDÈRENT ENFIN À JOUER SUR SCÈNE.
— Qu'est-ce que t'as sur les bras, Cél' ? demanda Delphine alors qu'elle se plaçait sur son tabouret.
Les bras de sa meilleures amie étaient recouverts de petites entailles de toutes sortes, allant de la griffure superflue à celle plus profonde. Delphine ignorait parfaitement ce qu'il s'était passé derrière la haie entre elle et Barnabé mais visiblement, ils ne s'étaient guère ennuyés.
— Des blessures de guerre causées par une personne qui n'a absolument aucun scrupule à me flanquer la peur de ma vie, répondit Céleste en coulant un regard agacé vers Barnabé.
Le brun était installé un peu plus loin et pianotait sur son clavier sous le regard apaisé et émerveillé de Fleur. Cél' faisait comme si elle ne voyait rien et se concentrait sur la liste des chansons souhaitées par Fleur, mais Delphine n'était pas dupe : elle fulminait de rage intérieurement. Il ne fallut guère plus de temps à la métisse pour remettre tous les morceaux dans l'ordre : Fleur qui collait Barnabé depuis le début de la soirée, Céleste qui était restée dans son coin au lieu d'aller danser. S'ils s'étaient cachés tous les deux derrière la haie ce n'était guère pour s'adonner aux doux plaisirs de la chair mais plutôt pour discuter.
Et visiblement, ils les avaient interrompus au moment où Céleste piquait une énième crise de jalousie.
— Vous êtes prêts ? s'enquit Aloïs depuis le bord de la terrasse.
Une main posée sur l'interrupteur contrôlant les lumières extérieures et autres guirlandes lumineuses, le rouquin attendait le feu vert de ses camarades pour tout éteindre. La musique était censée se couper lorsque les premières notes de guitare débuteraient et Delphine priait réellement pour que rien de désastreux n'arrive — il fallait dire qu'elle ne s'était pas encore tout à fait remise de l'épisode des frelons.
— Plus que prêt ! s'écria Élie non loin de Delphine.
Le Tahitien ne tenait plus en place et sautillait comme un enfant ayant une envie pressante. La sangle de sa guitare passée autour de son cou contrastait fortement avec le t-shirt blanc du jeune homme, lequel paraissait presque fluorescent à la lumière des projecteurs. Un large sourire barrait les lèvres du garçon et on aurait pu croire qu'il s'était entièrement remis de sa rupture avec Laure. Néanmoins Delphine n'était pas dupe : Élie était juste bien trop joyeux pour y penser.
Alors Aloïs s'exécuta à la demande du Tahitien et les lumières disparurent, englouties par l'immensité de la nuit. Des protestations s'élevèrent depuis la pelouse des Guibon et dans la piscine, les nageurs avaient cessé de s'éclabousser. Les seuls éclats lumineux qui persistaient étaient braqués sur Delphine et ses amis, lesquels avaient transformé la terrasse en scène improvisée. Céleste s'avança au bord de cette dernière, un large sourire au bord des lèvres et déclara, son microphone en main :
— Avant de commencer, je voudrais tous que vous souhaitiez un joyeux anniversaire à Fleur ici présente ! Que vous la remerciez pour cette fabuleuse soirée qu'elle a spécialement organisé pour vous ce soir !
Fleur, qui était toujours collée aux basques de Barnabé, parut surprise lorsqu'une symphonie chaotique de "joyeux anniversaire" s'éleva dans sa direction, et encore plus lorsque Céleste passa un bras autour de ses épaules l'entraînant loin de son petit ami. Delphine ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en la voyant agir ainsi : comme si une gamine pouvait attirer l'attention de Barnabé alors que tous — sauf Cél' apparemment — savaient combien il était dingue de la brune.
— Et maintenant, je vous présente les Alphapabêtes, notre groupe de musique ! Profitez bien de la soirée et n'hésitez surtout pas à chanter vous aussi ! acheva Céleste en remontant sur la terrasse après avoir lâché la reine de la fête.
Des applaudissements résonnèrent aux oreilles de Delphine, alors que cette dernière tournait la première page du livre de partitions, qu'avait confectionné Aloïs spécialement pour l'occasion. Elle découvrit avec horreur ce que contenait cette dernière mais se laissa tout de même emporter car après tout, elle n'avait guère le choix. Ils n'avaient guère le choix s'ils voulaient être engagés par le maire pour la fête du village : ils devaient réaliser les moindres caprices de Fleur.
Et cela n'allait pas être sans déplaire à Céleste.
Les premières notes de Pookie d'Aya Nakamura tintèrent bientôt aux oreilles de Delphine alors que les adolescentes postées au premier rang s'étaient mises à hurler de joie — et ce n'était guère un euphémisme. Elle qui préférait largement écouter les Beach Boys ou tout autre groupe de ces années, elle allait être servie.
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Ils avaient enchaîné plusieurs chansons depuis le début de leur concert improvisé, toutes plus insupportables les unes que les autres selon Delphine, avant que l'entracte n'arrive et qu'ils puissent se reposer. Céleste venait de s'enfiler une bouteille entière d'eau minérale tant sa gorge était sèche à force de s'être égosillée sur presque toutes les chansons d'Aya, celles des Jonas Brothers — Sucker avait suscité beaucoup d'intérêts d'autant plus que Barnabé avait tiré la chansonnette en plus de Céleste — et même de Kendji Girac — Delphine avait failli exploser de rire en écoutant son amie s'égosiller sur Andalouse.
— Mon dieu, j'ai cru qu'on allait jamais y arriver, se plaignit Barnabé en s'asseyant sur l'une des baffles, tenant lui aussi une bouteille d'eau en main.
— Heureusement que toutes les chansons pep's sont passées, ajouta Élie en se massant les poignets, mes doigts commençaient à lâcher vers la fin du dernier morceau. Qu'est-ce qu'il nous reste maintenant ?
Céleste attrapa le classeur d'Aloïs mais ce dernier la devança — il fallait croire qu'il avait appris le programme par cœur.
— Les chansons romantiques, renseigna le rouquin en triturant le bas de son t-shirt.
— On danse encore des slows à quinze ans ? s'étonna Barnabé et Aloïs haussa les épaules.
Il n'avait pas plus tôt fini de poser la question que Fleur avait surgi à ses côtés, un large sourire au bord des lèvres, témoin qu'elle préparait un mauvais coup. Un rictus se forma sur le visage de Cél' lorsqu'elle l'aperçut et Delphine soupira face au comportement de sa meilleure amie.
— Oui, surtout lorsqu'on veut rendre jalouses ses copines, ajouta Fleur en coulant un regard empli de sous-entendus au brun. D'ailleurs, pour mon anniversaire, je veux que tu danses avec moi !
— Qu...?! s'insurgea Céleste avant de se taire, réalisant que se mettre à dos la fille du maire n'était pas très bon pour les affaires.
Barnabé quant à lui était tout aussi interdit que les autres membres du groupe. La bouche entrouverte, il cherchait un moyen de se dérober malgré les regards que lui jetaient ses amis. Delphino, bien que cela allait être douloureux à voir pour Cél', était d'avis à ce que Barn' accepte la requête de Fleur, histoire d'avoir la paix. Aussi ne chercha-t-elle pas à comprendre davantage et déclara :
— Ce serait un honneur pour lui de danser avec toi. T'en fais pas Barn', on peut très bien s'en sortir sans toi.
Vu l'expression terrifié que lui lançait le brun, Delphine sut qu'il n'allait pas la louper la prochaine fois. Fleur, elle, rayonnait comme si on lui avait annoncé qu'on lui offrait un poney et déjà entraînait-elle son cavalier sur la piste de danse. Néanmoins, elle prit soin de se retourner vers Cél' et lui glissa à l'oreille — assez fort pour que Delphine puisse l'entendre de là où elle se trouvait.
— Si tu me laisses passer le restant de la soirée avec ton copain, je promets de dire à mon père que votre groupe est trop cool. Et si jamais tu respectes pas ce marché, vous n'aurez plus aucune chance de vous présenter à cette fête débile. Marché conclu ? s'enquit Fleur d'une voix guillerette en tendant une main vers la brune au large chapeau.
Et alors que Delphine s'attendait à ce que Céleste refuse catégoriquement un accord de la sorte, cette dernière serra la main que lui offrait la fille du maire, non sans amertume.
— Ça marche. Mais je t'interdis de le forcer à faire quoique ce soit.
— Je peux rien te promettre, désolée. Ah et au fait, tu peux chanter la chanson du Roi Lion, tu sais, L'amour brille sous les étoiles ?
Céleste accepta à contrecœur alors que Fleur rattrapait Barnabé, qui l'attendait sans grande conviction sur la piste de danse. Quelques couples s'étaient formés en prévision de la ballade romantique et certains même se bécoquaient alors que la musique n'avait pas encore commencé. Aloïs avait de nouveau éteint les lumières, sous les ordres de Céleste et s'était également précipité au clavier afin de remplacer Barnabé — heureusement que le rouquin était un touche à tout et savait jouer de n'importe quel instrument en cas de besoin.
— L'amour brille sous les étoiles, d'une étrange lumière, débuta Céleste avec professionnalisme.
Toutefois ses jambes tremblaient légèrement alors qu'elle tentait de fixer un autre point que Barnabé. Delphine avait beau savoir qu'il ne se passerait rien entre lui et Fleur, elle ne pouvait tout de même s'empêcher de trouver les agissements de Fleur plus que mesquin. Elle qui dansait, collée à Barnabé — qui, il fallait l'avouer était plutôt beau garçon malgré les goûts de Delphine —, savait pertinemment le mal qu'elle causait à Céleste.
Delphine observa l'adolescente l'espace d'un instant et soupira lorsque cette dernière posa sa tête sur le torse du brun. La voix de Céleste chancela à cet instant précis, ravalant une larme de rage. Cela ne pouvait plus continuer ainsi, Fleur ne pouvait pas s'amuser davantage à torturer délibérément Cél'. Voyons, elle valait tout de même mieux que cela ! Delphine avait beau croire que Fleur était en pleine crise d'adolescence et cherchait à repousser les limites de tout et de n'importe quoi, mais de là à faire du chantage à son amie, c'en était trop !
— Sa lumière éclaire à l'infini, un sublime espoir, acheva avec peine Céleste, ravalant toute la rage qui consummait son âme.
Elle bouillonait, telle une bombe elle menaçait d'exploser et de déverser sa rage sur cette gamine fauteuse de troubles qui au fond, était sans doute rien de plus qu'une ado en quête de reconnaissance. En outre, ses iris grisonnantes brillaient de mille feux alors que ses amies la jalousaient d'avoir dansé avec un "grand". Elle n'avait cependant toujours pas lâché Barnabé, bien que la musique se fût arrêtée et papillonait des yeux, espérant attendrir le brun.
Malheureusement pour elle, Fleur n'eut guère la chance de poursuivre son stratagème plus longtemps, car une chèvre débarqua en plein milieu de la piste de danse, semant la panique sur son passage.
— Bêêê ! fit la chèvre.
Puis elle donna un coup de sabot dans les parties intimes d'un ado.
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