11 | ROMAIN SE REPENT & BARNABÉ HARCELÉ

𝐶𝑒́𝑙𝑒𝑠𝑡𝑒 𝐺𝑎𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟

Si Céleste avait de l'expérience dans la surveillance d'enfants de treize ans, cela n'était nullement le cas lorsque le morveux à garder était une morveuse de quinze ans aux airs de princesse en carton. Certes, Fleur avait l'air d'être en pleine crise d'adolescence, avec sa frange irrégulière et ses cheveux blonds aussi longs que ceux de Raiponce. Certes, elle était visiblement toute retournée à l'idée d'avoir la maison pour elle tout seule et de pouvoir crâner auprès de ses amis. Certes, elle était plutôt mignonne et avait même complimenté Céleste sur son fard à paupières.

Toutefois, ce n'était pas une raison non plus pour draguer ouvertement Barnabé, même si ce dernier lui avait avoué qu'il avait déjà une copine - Céleste encore en plus.

De ce fait, la brunette bouillonnait intérieurement depuis que la soirée avait débuté, une heure auparavant. Elle ne pouvait s'empêcher d'observer Fleur et ses airs de Beyoncé à trois balles se pavaner devant son copain. Céleste savait pourtant que Barnabé ne pouvait être intéressé par une gamine dans ce genre, qu'il aimait Céleste et qu'ils allaient même prendre un appartement tous les deux l'année prochaine.

C'était plus fort qu'elle cependant, il fallait qu'elle s'invente mille et uns scénarios tous plus affreux les uns que les autres. Céleste était jalouse, terriblement jalouse par moment : ce qui était à elle n'était à personne d'autre un point c'est tout. Elle savait que cette philosophie de vie ne rendait la cohabitation avec autrui que plus accablante mais elle ne pouvait faire autrement : c'était comme si son cerveau était programmé pour réagir ainsi à chaque fois que quelqu'un venait interférer dans les fabuleuses équations que formaient ses relations.

Voilà pourquoi elle avait tant de mal avec Élie, car selon elle, en devenant ami avec sa propre meilleure amie, Élie s'était en quelque sorte emparé de Delphine, qui n'avait désormais plus autant de temps à concentrer à Céleste. Voilà pourquoi elle en voulait tant à Montdesbois, à cette famille Snapp qui pourtant avait l'air gentille - quoique Noé n'était vraiment pas sa tasse de thé -. Elle les suspectait d'avoir fait leur son propre père, de lui avoir arrachée une partie de son être.

C'était son papa, déjà qu'il était difficile pour elle de le partager avec son frère de sang, l'imaginer en compagnie d'une autre famille que la sienne était tout simplement impensable.

Et si Barnabé partait un jour, si jamais leur amitié ne survivait pas à leur rupture, Céleste serait condamnée à errer sans but, rongée par les milliers de spéculations créées par son cerveau.

La musique sortant des baffles était plutôt forte ce qui rendait les conversations plus que difficiles. Les Alphapabêtes devaient jouer une fois que tous les invités seraient présents, c'est-à-dire aux alentours de vingt-deux heure. Aussi pendant ce temps-là, les cinq bacheliers profitaient de la soirée dans leur coin, une bouteille de bière à la main - plusieurs collégiens en avaient ramené clandestinement dans leurs sacs de couchage, en plus d'une ou deux bouteilles de vodka et de rhum. Fleur n'avait pas lâché Barnabé d'une semelle, l'admirant fumer une énième cigarette d'un air pincé, le tout sous le regard agacé de sa bien-aimée.

Aloïs était tombé sur deux de ses amis de l'aumônerie avec qui il paraissait ressasser de désopilants souvenirs - du moins, c'est ce que Céleste supposait en le voyant rire à gorge déployée. Delphine et Élie, quant à eux, avaient préféré animer la soi-disant piste de danse et s'amusaient comme des petits fous avec des ados trois ans plus jeunes qu'eux. Il n'y avait que Céleste qui ne s'était pas mêlée à la foule de futurs lycéens tout transpirant, préférant demeurer à l'écart avec un verre d'eau dans la main - l'alcool avait très vite tendance à altérer ses cordes vocales et elle en avait plus que besoin ce soir.

Céleste n'était guère une fille des plus sociables, préférant attendre qu'on vienne lui parler. Ce n'était pas tant le fait qu'elle était timide, loin de la même, mais plutôt car ce n'était pas dans ses habitudes d'agir ainsi. Elle n'était pas douée pour faire ami-ami avec le premier venu, à rire sans gêne ou encore à prendre dans ses bras quelqu'un qu'elle venait à peine de rencontrer. Non, Céleste était plutôt du style à demeurer en retrait et sourire par moment aux personnes qui croisaient son regard, sans pour autant se déplacer et entamer une longue discussion avec elles.

- Tout va bien, Céleste ? demanda une voix éraillée non loin de son oreille.

Céleste, qui était assise sur une des chaises de bar de la cuisine d'été des Guibon, fut surprise de constater la présence du fils des propriétaires. La brunette connaissait plus ou moins Romain, pour l'avoir côtoyé à plusieurs reprises lorsqu'elle était en cinquième et lui en sixième. C'était un garçon plutôt sympathique, tant que les relations restaient amicales bien entendues. Romain était connue pour être le plus beau parleur de tout Saint-Lac, le type qui collectionnait les conquêtes et qui les larguait peu après les avoir embrassées.

Céleste n'était plus autant ami avec le jeune homme pour cette raison-ci. Non pas qu'il ait usé de cette technique sur elle - elle ne l'aurait jamais permis d'ailleurs - mais parce qu'il avait brisé le cœur de Delphine en troisième - peu de temps avant que cette dernière ne se rende compte qu'elle trouvait les filles beaucoup plus attirantes que les garçons sans cervelle. Céleste n'avait jamais pu lui pardonner tout le mal qu'il avait fait à la métisse à cette époque, aussi c'était avec un air pincé qu'elle l'avait accueilli plus tôt dans la journée.

Mais à la clarté du soir les reproches de Céleste avaient tendance à s'estomper, avalées par le voile obscur s'étirant le long de la vallée. Alors elle adressa un sourire à Romain lorsque ce dernier grimpa sur la chaise située à côté d'elle, tenant dans sa main une bouteille dont la substance qu'elle contenait avait l'air plus que douteuse. Néanmoins, Céleste ne releva pas, ne souhaitant pas une fois de plus passer pour la rabat-joie.

- Comme sur des roulettes, répondit - hurla plutôt - la brune en se penchant vers Romain. Je n'aurais jamais pensé que tu serais ici ce soir.

- Figure-toi que moi non plus. J'avais un plan avec des potes de Montdesbois mais ils ont annulé à la dernière minute et dès que ma mère l'a su, elle m'a forcé à venir surveiller la soirée de ma soeur, expliqua Romain en soupirant. Si elle était vraiment aussi stressée que ce qu'elle laissait paraître et entendre, elle aurait chaperonné Fleur elle-même.

- Au moins elle te fait confiance, elle, rétorqua Céleste en jetant un coup d'œil en direction de Delphine, toujours sur le gazon à se trémousser.

La pique que venait de lancer la brune n'échappa pas au fils du maire dont la mine se renfrogna quelque peu. Romain se tourna à son tour vers la métisse aux yeux d'ébène, les lèvres pincées, sentant le regard accusateur de Céleste se poser sur lui.

- Écoute, je voulais m'excuser tu sais, genre vraiment. Je sais que j'ai pas été très réglo avec Delphine quand on était au collège et je sais combien tu m'as détesté après ça, mais c'est du passé non ? On peut pas aller de l'avant et arrêter de ressasser encore et toujours la même histoire ? Je suis désolé Céleste, Delphine méritait pas que je joue avec ses sentiments de cette façon mais j'étais con à cette époque.

- C'est pas auprès de moi que tu dois venir te repentir, Romain, l'arrêta la brunette après avoir bu une gorgée d'eau. C'est pas avec moi que t'as merdé comme un vulgaire dégonflé, c'est pas moi qui suis sortie avec le plus grand crétin de tout Saint-Lac sans que jamais ce dernier ne soit venu me demander pardon pour ce qu'il avait fait, même trois ans après.

- Certes, mais je tenais quand même à m'excuser auprès de toi en premier lieu, parce que je me suis senti mal d'avoir détruit notre amitié en jouant avec les sentiments de ta meilleure amie. Je pensais pas que ça allait autant t'affecter, que t'en viendrais jusqu'à ne plus me parler du tout, argumenta Romain en posant une main sur l'épaule de sa voisine. Tu comptais beaucoup pour moi à une époque et je regrette sincèrement d'avoir autant baissé dans ton estime.

Céleste détailla le visage de Romain, parcourant ses fossettes prononcées de ses prunelles émeraudes. Une lueur sincère scintillait dans ses iris lunaires et Céleste dut bien avouer qu'il avait vraiment l'air d'avoir changé. Alors elle lui sourit, avec toutes ses dents et Romain aussi. Puis le garçon de dix-sept ans se leva du tabouret sur lequel il était installé, disparaissant bientôt au milieu des amis de sa sœur.

Céleste ne savait que trop penser de cette entrevue soudaine, mais elle décida qu'elle était plutôt contente que Romain se repentissent pour ses actes antérieurs. Maintenant, la jeune femme espérait simplement qu'il ne manquerait pas de s'excuser auprès de Delphine, la fille dont il avait un jour fait si méchamment tourner la tête que cette dernière avait juré de ne plus jamais tomber amoureuse. Engagement qu'elle avait rapidement brisé en rencontrant Aurore Norrand au lycée.

Quelques invités chahutaient dorénavant dans la piscine des Guibon, se baignant tout habillés ou en sous-vêtements. Céleste grimaça lorsqu'un d'eux baissa en partie son pantalon sous l'eau, montrant uniquement ses fesses peu alléchantes à ses camarades situés à la surface. Mon dieu, mais sa bande de terminale n'était-elle pas beaucoup plus matures qu'eux lorsqu'ils avaient leur âge ? Si, forcément que si : Céleste aurait eu cette image gravée dans sa rétine à vie si elle l'avait déjà aperçu.

- Psst...! chuchota soudainement quelqu'un.

Fronçant les sourcils, Céleste se retourna sur le qui-vive et ses yeux se posèrent sur la haie parfaitement taillée de la villa. Croyant avoir rêvé, la brune haussa les épaules et but une nouvelle gorgée d'eau. Cependant, le bruit fut réitéré quelques secondes plus tard et Céleste aurait mis sa main à couper qu'il provenait de derrière la haie. N'y tenant plus, la bachelière sauta de sa chaise de bar et se rapprocha doucement de la masse sombre qui encerclait le jardin des Guibon.

Une main sortit brusquement des broussailles, agrippant le t-shirt trop large de Céleste. La jeune fille voulut crier mais c'était avant qu'elle ne bascule en avant au beau milieu de la haie. Les branches basses écorchaient ses bras alors qu'elle chutait dans ce qui semblait être un trou assez large pour qu'on puisse s'y cacher. Ses mains rencontrèrent une surface ductile et c'était avec dégoût qu'elle se rendit compte qu'elle avait plongé un doigt dans la bouche de la personne tapie derrière les feuillages. Elle réprima un cri écœuré et ouvrit le yeux. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvrit qu'il s'agissait de...

- Barnabé ?

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