04 | DEUX SALTIMBANQUES & UN MAIRE PEU EMBALLÉ

𝐵𝑎𝑟𝑛𝑎𝑏𝑒́ 𝐵𝑙𝑎𝑛𝑐ℎ𝑎𝑟𝑑


LA MAIRIE DE SAINT-LAC N'AVAIT JAMAIS ÉTÉ AUTANT ANIMÉE AVANT CE JOUR. Et Barnabé et ses amis étaient loin d'être les plus bruyants.

- Tu crois vraiment qu'ils vont prendre tous ces gens ? demanda Aloïs, assis à côté du brun aux mèches rebelles.

- Franchement, dès qu'ils vont entendre parler de notre projet, les gars du comité des fêtes seront obligés de reconnaître le vrai talent des Alphapabêtes, le rassura le jeune homme en esquissant un sourire en coin.

Bien évidement, il se serait bien gardé de lui révéler qu'il avait brûlé un cierge la veille au soir, juste histoire d'augmenter leurs chances. Car si jusqu'à présent les Alphapabêtes s'étaient essentiellement produits devant leurs camarades de classe lors du bal de fin d'année, faire partie intégrante de l'animation de la fête du village était quelque chose de tout nouveau pour les cinq membres du groupe.

Les Alphapabêtes, ce n'était à la base qu'un simple passe-temps sans lendemain, un club qui regroupait cinq amoureux de la musique partageant divers talents. Certains se connaissaient depuis leurs premières couches - comme Aloïs et Barnabé dont les parents étaient amis depuis leur adolescence -, tandis que d'autres venaient tout juste de s'y greffer - c'était le cas d'Élie, qu'ils avaient connu au lycée et qui s'était vite révélé être un guitariste talentueux. Et puis de fil en aiguille leur groupe de musique s'était formé, avec son petit lot de drames à côté.

Pour ce qui était du nom, le choix avait paru évident : les Alphapabêtes. C'était un jeu de mot avec les termes alphabet et bête - ce qu'ils n'étaient pas. Souvent, leurs camarades leur demandaient quel était le rapport avec l'alphabet, ce à quoi ils répondaient la plupart du temps en énumérant leurs prénoms. Aloïs, Barnabé, Céleste, Delphine et Élie, ou plus simplement, ABCDE. Et bien que certains pensaient que cette blague était de mauvais goût, la bande de musiciens chérissait ce nom sans précédent.

- C'est long non ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que ces maudits saltimbanques sont entrés dans le bureau du maire, se plaignit Céleste en soupirant, son chapeau dans les mains.

Delphine murmura qu'elle était d'accord avec elle, avant de retourner à la contemplation du cadre accroché face à elle. Il s'agissait d'un portrait du maire de Saint-Lac, Émeric Guibon. C'était un homme de corpulence plutôt forte, engoncé dans un costume bleu marine outrageusement petit. Avec ses mèches blondes et son sourire Colgate, il tenait plus du présentateur de télévision que du maire d'un coin paumé du genre de Saint-Lac.

Barnabé remarqua des traces de marqueurs effacées avec peine au niveau de son visage : probablement le fruit de petits malins aux neurones déficients.

- J'espère que ça va lui plaire, renchérit Élie en réajustant le col de son sweat-shirt et Barnabé hocha la tête, symbolisant son accord.

La porte du bureau s'ouvrit quelques secondes plus tard et les quelques personnes présentent dans la salle d'attente, tournèrent brusquement la tête vers cette dernière. Deux trentenaires au look discutable s'extirpaient avec difficulté de la pièce, une moue contrariée peinte sur leurs visage mal rasés. Derrière eux, Monsieur Guibon tentait tant bien que mal de garder son calme ainsi que son air professionnel. Visiblement, l'entretien précédent n'avait pas l'air de s'être si bien passé que ça.

- Les Alphapabêtes ? appela le maire en rayant un nom sur la liste accrochée sur la porte.

Le petit groupe de jeunes se leva des chaises sur lesquelles il était assis et se dirigea de pied ferme vers le bureau de Monsieur Guibon. Le maire les accueillit avec un faible sourire, leur faisant signe d'entrer et bientôt, la bande fut serrée devant le bonhomme au sourire immaculé. Barnabé sentait une boule se former dans sa gorge à mesure que les secondes s'écoulaient. C'était peut-être à cause du regard insistant de Monsieur Guibon, ou encore de sa fâcheuse manie de triturer un trombone en les dévisageant les uns après les autres.

Il avait été convenu que ce serait Céleste qui prendrait la parole et louerait le talent indéniable de la bande. Après tout, c'était son idée de participer à la fête du village, les autres avaient juste suivi, plus ou moins emballés par l'idée de se produire devant des personnes n'ayant pas forcément leur âge ou encore les mêmes goûts musicaux qu'eux. De plus, en tant que chanteuse des Alphapabêtes, la brunette avait l'habitude de s'adresser à la foule, aussi Barnabé ne voyait pas pourquoi elle mettait autant de temps à se lancer.

Avait-elle peur de dire une sottise ? De s'emmêler dans ses paroles et de décevoir Monsieur Guibon à cause de son manque de tact ? Voyons, on parlait bien de Céleste tout de même ! La personne qui se rebellait à chaque injustice, même si cette dernière était on ne peut plus futile ! Ce n'était pas un type en chemise rose poudrée qui allait lui faire peur à la fin !

- Je vous écoute : que nous proposez-vous ? déclara le maire en se tournant vers une quadragénaire vêtue d'un tailleur strict, malgré la chaleur de cette fin juillet, qui se contenta d'attraper un calepin.

Elle était si discrète avec son carré roux que Barnabé ne l'aurait pas remarquée si Monsieur Guibon ne s'était pas adressé à elle. Et visiblement, le restant de la bande était du même avis que le brun.

- On aimerait bien organiser un petit concert sur la place, près de l'église, commença Céleste d'une voix timide, triturant encore et toujours son chapeau à large bord. Voyez-vous, nous sommes un groupe de musique formé depuis notre entrée au lycée, il y a presque trois ans de cela, et si je puis me permettre, on commence à se faire connaître aux alentours de Saint-Lac et de... Montdesbois, poursuivit-elle en prononçant avec une certaine amertume le dernier terme.

- Ah bon ? Pourtant il ne me semble pas avoir déjà entendu parlé de vous... Tu connaissais les Alphapabêtes, Claire ? demanda le maire à sa collègue.

- Absolument pas, mais à vrai dire cela fait un moment que mon fils n'est plus scolarisé là-bas, rétorqua la dénommée Claire en se pinçant les lèvres.

Ça partait si bien pourtant, pensa Barnabé en jetant un bref regard à Aloïs. Le rouquin semblait avoir du mal à respirer et son ami était sûr et certain qu'il transpirait abondamment dans son t-shirt rayé, tant il était stressé. De leur côté, Delphine et Céleste tentaient de dissimuler leur contrariété. À vrai dire, il n'y avait qu'Élie qui réussissait un tant soit peu à garder son calme et sa positivité - après tout, il venait de se faire larguer la veille au soir, une expérience beaucoup plus stressante et traumatisante que celle qu'ils étaient en train de vivre en ce moment.

- Oh c'est tout à fait normal, tenta de se rattraper Cél' en esquissant un de ses sourires dont elle seule avait le secret. Il faut dire que nous nous représentons essentiellement lors du bal de notre lycée, lors de soirée au bord du lac et plus récemment nous avons animé un mariage.

Les iris noisettes de Barnabé s'écarquillèrent suite à ces dernières paroles. Un mariage ? Voyons ils n'avaient jamais joué lors d'une cérémonie aussi officielle ! Céleste était carrément en train de mentir pour plaider leur cause et ce n'était même pas dans leur plan. Néanmoins, ce petit mensonge de rien du tout parut plaire au maire de Saint-Lac, qui étrangement, s'était avancé de quelques centimètres et paraissait beaucoup plus intéressé par l'offre des Alphapabêtes.

Même Claire, sa collègue, penchait la tête sur le côté tout en se pinçant à nouveau les lèvres, mais cette fois-ci avec un air tenant plus du "chapeau !" que du "mon dieu...".

- Et par tout hasard, seriez-vous tentés par l'animation d'un anniversaire ? proposa Monsieur Guibon alors que Claire prenait brièvement quelques notes. Voyez-vous, ma fille, Fleur, fête ses quinze ans après demain en compagnie de ses amis et elle ne cesse de me bassiner avec ses stupides chanteurs à la mode.

- On est capable de jouer de tout : vous n'avez qu'à nous fournir une liste des chansons qu'elle apprécie, et nous ferons en sorte qu'elle passe le meilleur anniversaire de sa vie, s'empressa de dire Céleste, reprenant soudainement confiance en elle.

L'angoisse que ressentait Barnabé jusqu'à présent paraissait avoir relâché son étreinte étouffante, lui permettant de respirer à nouveau. Il était soulagé de constater l'enthousiasme avec lequel le maire prenait la chose : si ça trouve, il allait même aller jusqu'à leur annoncer qu'il les engageait pour la fête de samedi soir. Aloïs aussi s'était détendu, de même que Delphine qui avait cessé de replacer inlassablement ses frisettes chocolatées.

- Dans ce cas, je vous engage ! Et puis cela me permettra de mieux vous observer et de décider si oui ou non, vous êtes dignes de jouer samedi, annonça le maire et Céleste ne put s'empêcher de sourire à pleines dents.

Le temps que Céleste échange ses coordonnées avec Monsieur Guibon afin de s'organiser pour le vendredi soir, le restant du groupe avait quitté la mairie d'un pas triomphant. Ils étaient tout sourire, surtout Élie qui voyait en cela une occasion pour éviter de penser à Laure pendant quelques heures. Même Aloïs, qui pourtant était souvent réticent à l'idée d'expérimenter de nouvelles choses, ne tenait plus en place tant il était heureux. Delphine ne cessait de jacasser à propos des reprises qu'ils pourraient jouer s'ils étaient engagés, tandis qu'ils descendaient les marches de pierre du bâtiment.

- Pense plutôt à vendredi Delphino, lui rappela Barnabé en sortant une cigarette de sa poche ainsi que son briquet. Car même si le maire avait l'air emballé, il va falloir qu'on assure sur ce coup-ci.

- Tu parles, ça ne devrait pas être compliqué de faire bouger une dizaine de collégiens ! objecta la métisse en levant les yeux au ciel. Tu leur mets un peu de Shawn Mendes et d'Aya Nakamura et le tour est joué.

Élie fit semblant de rendre ses tripes lorsque Delphine mentionna la chanteuse malienne, ce qui valut quelques ricanements de la part d'Aloïs. Les quatre amis restèrent debout pendant quelques minutes encore, à jaser de tout et de rien, en passant par la consommation de cigarettes de Barnabé jusqu'au coup de poing que Delphine voulait décrocher à Laure. La petite-amie du brun revint au moment où Aloïs se plaignait une énième fois de Katia, et lorsque Barnabé posa son regard sur sa dulcinée, il sut immédiatement que quelque chose ne s'était pas aussi bien passé que prévu.

- Les gars, le maire s'est trompé : l'anniv' de sa fille c'est pas vendredi, c'est demain.




Ohhhh mais qu'est-ce que je vois ?
Du drama en approche ???

Sinon, j'espère que ce chapitre vous aura plu et qu'il vous aura donné une meilleure vue d'ensemble sur les différents membres du groupe des Alphapabêtes.

N'hésitez pas à laisser votre avis en commentaire, à lâcher un pouce bleu (comme on dirait sur YouTube) et à revenir samedi prochain pour le nouveau chapitre.

Je vous promets des étincelles les gars !

Du coup, ça fait quatre semaines que j'ai commencé la publication de cette histoire et j'aimerais bien que vous me fassiez part de vos remarques, conseils et tout (du moins, si vous en avez).

Il faut dire qu'écrire plusieurs points de vue est quelque chose avec lequel j'ai un peu de mal, donc j'espère que je me débrouille pas trop mal tout de même. Dites-moi si jamais quelque chose ne va pas ou si vous avez des conseils pour que je m'améliore dans cette voie !

L'ambiance vous plaît-elle ? La trame de l'histoire vous emballe-t-elle ? Que pensez-vous des personnages jusqu'à présent ? De l'histoire dans sa globalité ?

Merci beaucoup à ceux qui prendront la peine de répondre et bonne continuation aux autres !

Je vais essayer de publier mon bilan de septembre d'ici deux semaines, et j'espère qu'il vous plaira !

En attendant je vous laisse !

capu ton cygne

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