Chapitre 25 : Izuku


À la base, j'ai préparé de quoi manger histoire de m'occuper les mains. Je ne suis pas certain que l'on avale quoique ce soit au vu de la merveilleuse conversation que l'on doit incontestablement avoir.

Je sais que Katsuki s'est franchement retenue plus tôt. Lui faire lâcher le morceau n'a pas été simple, d'autant plus qu'on est tous conscients qu'on doit vraiment mettre les choses à plat. J'ai reculé cette échéance aussi longtemps que je le pouvais, mais ce qui vient de se passer met clairement fin à cette période probatoire. C'est sans doute mieux de toute façon, je suis prêt à vivre avec la tête dans un seau d'eau si ça me permet de conserver cette entente telle qu'elle est, mais ce n'est pas le cas pour eux.

J'ai un peu pensé à tout ça. La situation m'embête, je ne veux pas leur causer du tort ! Très honnêtement c'est vraiment la première chose à laquelle j'ai pensé, je ne veux pas que l'un d'eux ressorte blessé d'une quelconque façon ou que le rêve de Katsuki se complique à cause de moi. J'ai beau faire le tour à ce sujet, c'est vraiment pour eux que je m'inquiète. J'ai déjà vécu des situations similaires bien qu'évidemment, pas à commune mesure, mais je m'en fiche. Je ne serais même pas partie de chez moi s'ils n'avaient pas insisté, qu'ils prennent autant de clichés d'un pov gars qui prends son ptit déj ou lit un livre s'ils le veulent.

Malgré tout, je consens qu'ils peuvent craindre pour moi. Après tout, on ne peut pas savoir qui traine réellement et je n'ai aucune envie de le savoir. Des petites mamies avides de potins, ça me va, mais la petite hirondelle cinglée de Katsuki est toujours dehors. Je n'ai pas peur d'elle et je sais qu'elle est malade, enfin si on peut dire. Je suis bien placé pour savoir qu'on s'habitue à tout, presque facilement même, et que le plus difficile est de justement revenir sur la bonne voie. Mes règles existent pour m'empêcher de retomber là-dedans, et même si j'ai effectivement éludé certaines d'entre elles pour eux, je ne pense pas être en danger. Rester chez eux ne me dérange pas outre mesure, après tout je m'y sens bien et Eijiro et Katsuki me traitent bien. J'ai accepté de les suivre pour les rassurer, mais je ne me sens pas oppresser. Je sais que si j'avais réellement refusé, ils n'auraient rien pu faire ni ne m'auraient forcé, bien que Katchan aurait peut-être tenté de me porter jusqu'à la voiture.

Quoiqu'il en soit, je viens de couper la conversation avec Mina, et l'ambiance est légèrement tendue. Katsuki sort tout de même trois mugs et commence doucement le service. Peut-être attend-il que je prenne la parole moi-même, mais je ne sais absolument pas par où commencer... Et quand la tasse de thé fumante atterrit devant mes yeux, je soupire, cherchant mes mots...

- Je suis amoureux de vous deux...

Cette phrase me coupe complètement le souffle ! Ces mots se bloquent dans ma tête, éclatant dans mon crâne, encore et encore. Je fixe la bouche de Eijiro qui vient à peine de se livrer, comme si ses lèvres pouvaient finalement revenir en arrière et ravaler toutes les lettres. Pourtant quand je remonte vers ses yeux, ce sont des prunelles déterminées qui me collent sur place...

- Je peux ne rien y faire à ce stade, je suis tout simplement amoureux. Je sais que tu veux pas de "plus" Izu, c'est pas grave ! J'accepte, il n'y a pas de soucis. Tout ce que je voudrais, c'est que tu me laisses t'aimer, c'est tout... J'ai pas besoin de plus, juste que tu le saches.

Je ne sais terriblement pas comment réagir. Mon estomac se tord, la panique prenant lentement possession de mon corps. Je sais que j'ai la bouche grande ouverte, car j'ai la langue sèche. Mais c'est un détail si dérisoire en comparaison à tout ce qui semble s'écrouler autour de moi. Ces mots me semblent affreusement glacials en dépit de leur signification. Ils n'ont plus du tout le même gout à mes yeux qu'ils ne les ont pour les autres, car la seule fois où je les aie entendues, et crues, ils m'ont plongé dans un cauchemar qui a duré trop longtemps...

- Tu n'as pas à changer quoique ce soit Izu, j'aime tout ça de toi ! Continue de danser, de draguer tout le monde comme tu le fais... Je veux juste pouvoir t'aimer... Pareil pour toi Kats' !

Je regrette presque instantanément d'avoir accepté de les suivre ici. Je crois même que je vais très vite rentrer dans mon cocon bien à moi et m'y planquer jusqu'à l'été... Un long frisson d'effroi me gèle les bras et je tente de cacher mon souffle erratique. J'ai l'impression que les choses m'échappent totalement et surtout, je ne peux rien y faire ! Mais la mention de Katchan me laisse une lueur d'espoir. Lui non plus ne doit pas être d'accord avec ces conneries ! Cependant il ne dit rien, laissant un long silence s'étirer et m'angoisser à souhait et il faut absolument que j'intervienne...

- Mais Eijiro je suis pas sure que... tentais-je *

- C'est pareil pour moi.

Les larmes envahissent complètement mes yeux, transformant les deux Alpha en ombre effrayante prête à me dévorer. Je me fiche bien de ce que peuvent balancer le connard de Manager ou les journaux, tant qu'on ne parle pas d'amour ou de marquage ! Je peux faire face de toutes les merdes ou les regards de connards prétentieux... D'ailleurs je préférais carrément être présentement entouré d'une foule de gens haineux que de mes deux amis... Je l'ai douloureusement appris, l'amour mène à l'enfer et c'est bel et bien là que j'ai l'impression de m'enliser...

Je veux juste rentrer chez moi...

- Je n'ai pas de mal à continuer sur la même lancée, moi aussi ça me convient. Lui donner un nom ne veut pas dire que tout doit changer ! Par contre je ne veux pas mentir non plus. J'ai des sentiments pour toi Izuku... Et Eijiro ? Je... Je viens de le comprendre, mais c'est pareil ! C'est complètement fou, on est ami depuis longtemps et je pensais que ça ne changerait jamais, mais je suis amoureux de toi aussi.

Je déglutis, toujours paumé et aveuglé par mes larmes, et je sais que j'ai fait un pas vers la porte. La fuite me semble terriblement la meilleure solution. Sérieusement ? Ils ne peuvent pas me balancer une chose pareille et penser que je vais bien sagement accepter tout ça ! C'est évident que ça inclut des changements.

- Ce n'est pas possible... Je ne veux pas vous perdre. Mais ça ?!

Les mots m'ont échappé et je crois que c'est la plus cruelle crainte qui me brule l'estomac parmi tout un tas d'autres maux. Je ne peux pas accepter leurs sentiments ! Je ne sais pas du tout quoi en faire... Moi, je ne peux absolument pas les aimer...

- Non... Ça va recommencer...

- Izuku, écoute-nous s'il te plait ! supplie Eijiro

- Vous...

- Stop ! Regarde-moi dans les yeux, tout va bien ! demande calmement Katsuki.

Je l'entends bien sûr et j'ai beau le sentir tout proche de moi, il ne me touche pas, me laissant l'approcher si je le souhaite. À travers mes yeux embués, je n'ai strictement aucune idée de leurs expressions, mais après tout, il est bon acteur.

Alors je prends le temps de scruter les phéromones et leur gout, cherchant leur traduction qui me vient trop facilement. Ce n'est pas qu'ils sont sereins ou calmes, c'est même tout le contraire. Eijiro bouillonne, son odeur semblant irradier tant il semble effrayer. Katsuki, quant à lui, bien au contraire de sa voix qui démontre un calme étonnant, me donne l'impression de cramer de l'intérieur. Son aura carbonise et me semblerait presque visible, même avec ma vision trouble.

Ils sont mortifiés !

- Vous avez peur de quoi ?

- De te perdre...

- Je ne sais pas quoi faire ! Je ne peux pas répondre à vos sentiments, c'est impossible pour moi ! Je ne peux pas faire ça... Je... Je n'ai même jamais envisagé que ça puisse arriver !

- Tu nous connais Izuku, on te dit la vérité. On ne te demande rien, juste... Laisse-nous être honnête !

- Mais ça ne peut pas fonctionner comme ça ! Comment ça pourrait ? Vous allez être blessé, non... C'est même trop tard...

- Laisse-nous gérer nos sentiments, et ne décident pas pour nous ! On est assez grand pour prendre soin de nos culs ! Ça ne change que dalle au plan initial, on vit cette relation le temps que ça dure, point !

J'ai beau entendre et comprendre, la peur me fige sur place et je n'arrive pas du tout à faire face à tout ça. Je voudrais bien pouvoir arrêter du temps, me blottir contre eux et pouvoir réfléchir calmement.

Devant moi, l'ombre floue de Katsuki bouge, respectant toujours mon espace vital, mais inconsciemment je me crispe malgré tout. Je remarque enfin Eijiro qui le rejoint et semble le serrer contre lui. Puis ils tendent leurs mains vers moi, me laissant encore le choix de ne pas la prendre si je ne le sens pas...

Et je ne le sens pas !

- Tu nous fais confiance Izuku ?

Mais j'ai tellement besoin d'eux...

- Oui.

Et le pas que je fais me donne l'impression de marcher dans le vide sans aucune ceinture de sécurité. Ou pour être honnête, la seule échappatoire semble être leur offre d'étreinte, mais justement, j'ai la ferme sensation que tout ceci est un piège. Un gouffre dans lequel je plonge et dont je ne me relèverais certainement pas.

- Je vous fais trop confiance...

C'est une horrible conclusion dans ma bouche, pourtant je poursuis mon ascension vers eux. Les deux mètres les plus douloureux de ma vie... Quand mes doigts touchent les leurs, je me sens happé directement juste au creux de leurs bras et je comprends qu'ils n'ont pas pu retenir ce geste. Ils me blottissent contre eux, relâchant des phéromones apaisantes en quantité industrielle.

- Qu'importe le nom que tous ces gens donneront à notre relation. Ça ne change pas ce qu'on est ! Fais-nous confiance, on ne te demandera jamais quelque chose que tu ne souhaites pas !

- Je ne veux pas être... J'ai peur du marquage, du mariage, de l'amour en général et même des lunettes de soleil...

- Alors on ne se marquera pas, on ne se mariera pas et je jetterais ma superbe paire de lunettes au prix indécent. Je ne veux pas que tu m'appartiennes Izuku, ce n'est pas grave ce que tu ne peux pas donner. Je veux juste pouvoir t'aimer, je n'attends rien de toi et je respecterais tes limites !

- Mais... et... enfin ce n'est pas possible que vous m'aimiez... Je ! Mais merde, regardez deux secondes les choses, je suis un gars qui refuse même de fonder une famille et qui danse à poil par plaisir de se montrer ! Qu'est-ce que vous pouvez bien vouloir foutre avec un gars comme moi ?! Ça rime à rien...

C'est horrible, car j'ai beau penser chaque mot dépréciateur me concernant, je reste absolument certain qu'ils ne me mentent pas ! Tout me l'indique, bien plus que leurs hormones qui me semblent toujours aussi limpides. Que ce soit leurs coeurs qui tapent presque trop bruyamment à leurs gestes d'une tendresse infinis...

- Vous m'aimez vraiment ? Tous les deux ?

- Ça fait quelque temps que j'ai compris ce que je ressentais pour vous deux... J'avais peur que... BOUM !

Les mots de Eijiro me semblent si réels ! De sa voix forte et remplie d'assurance, je reconnais complètement l'Alpha gaffeur et gourmand qui dit toujours ce qu'il pense.

- Je n'arrive pas à croire que tu l'as compris avant moi putain ! Tu es un abruti d'habitude !

- Chut, ne sois pas aussi méchant avec l'homme que tu aimes !

- Putain...

La chaleur de leur étreinte et leur querelle m'apaisent, et je me rends compte que c'est justement ce dont j'avais besoin. Ils m'ont pris dans leur bras et m'aident à me calmer pour que je puisse réfléchir.

- Quoiqu'il en soit Izuku, on fera comme tu veux ! Jamais on ne te fera du mal, j'espère que tu le sais !

- Ce n'est pas prêt d'arriver nerd, même si je le voulais, je pourrais pas...

Et c'est vrai, je le sens tellement à travers tout ! Ce que je sais d'eux, de notre relation et cette amitié qui a naturellement vu le jour...

Tout ce qu'il se passe avec eux n'a absolument rien à voir avec Seiji ! Je sais pourtant que j'ai réellement aimé cet homme et que lui aussi, avait obtenu ma confiance. J'ai cependant compris bien trop tard que c'était à sens unique.

À présent, je vis ce que je pourrais considérer comme la situation inverse ! Ils m'aiment, ils le disent avec tant de conviction et de douceur. Ce sont des sentiments réels à leurs yeux, qu'importe qu'ils soient vrais, ils y croient. Mais c'est franchement étrange de miser une quelconque relation avec moi !

- Je répète... Je suis un mec qui adore qu'on le mate totalement nu. Je suis même payé pour ça ! À quel moment ça finit en Happy End ? Sérieusement, on ne présente pas un homme pareil à sa famille, quelle horreur... Et je ne parle même pas de la réputation !

- Hey !

L'air vibre soudainement sur leurs phéromones qui s'offusquent de mes mots. Mon visage se fait happé par deux mains, toutes deux immenses, mais diamétralement différentes. Autant l'une est douce, mais ferme, autant l'autre est calleuse à souhait, mais tendre. Katsuki et Eijiro frottent mes yeux, me permettant enfin de les voir nettement, me plongeant donc instantanément dans leurs éclats de nuit ou de bronze.

- Tu es qui tu es, et je n'ai jamais eu honte ni ne le serais jamais, de la personne que tu es ! J'aime tout ça chez toi, même ta foutue peur quand on parle d'un "nous" me fait fondre et me donne envie de te montrer que c'est possible. Tu es juste... toi !

- Je ne t'aurais pas dessiné autrement. 'Fin, si j'imagine comment tu devrais être pour être parfait à mes yeux, je ne vois pas un truc à changer chez toi !

- Tu es putain de nulle en compliment abruti !

- Taits-toi Kats' tu gâches le mood !

- C'est toi qui ferais mieux de la fermer !

C'est donc la façon dont ils me voient. Évidemment, je comprends qu'ils voient aussi mes défauts, mais juste, ils les acceptent ! Je ne sais pas pourquoi, mais cela semble être le cas !

Mais quand bien même cela reste bien difficile à accepter. J'ai plutôt l'impression que c'est ce qu'ils croient, mais que tout s'effondrera a un moment ou un autre. Oui voilà, aujourd'hui ils acceptent tout ça, mais c'est temporaire. Lorsqu'ils voudront se poser, à ce moment-là je ne serais plus "le" choix.

- Alors ? Tu acceptes de nous laisser t'aimer ?

- À ton rythme le nerd, on fera jamais rien que tu ne veuilles pas.

- On veut juste garder ce qu'on a et pouvoir être honnête avec nous-mêmes

- On sait que tu bloques sur plein de trucs, et on respecte ça

- D'accord...

Je préférerais mille fois pouvoir y réfléchir pleinement, même si je sais que dans ce cas, je refuserais net ! Je sais que je fuirais la queue entre les jambes. Je sais aussi que je le devrais ! Pourtant...

- J'ai envie de vous croire...

La boule de soulagement qui me fonce dessus est incroyablement plus puissante que tout ce que j'aurais pu envisager. L'un comme l'autre, ils relâchent une pression dévorante qui devait les hanter depuis des heures, et à nouveau, leurs pouces me frottent la joue.

- Merci Izu... souffle Eijiro

Katsuki se penche vers moi et me vole un baiser léger, et très vite, la moitié de la bouche de Eijiro se joint à nous.

C'est un baiser un peu étrange, mais il est vrai qu'il sent divinement bon ! Le sentiment d'apaisement a clairement raison d'eux et ils semblent incapables de s'éloigner de moi ou même de l'autre d'ailleurs.

- Alors... ? On est un couple ?

- On dit couple quand y a trois personnes ?

- Aucune idée !

Les deux me regardent, espérant sans doute me faire participer au débat. Et il n'en est pas question !

- J'accepte de laisser tout le monde nous définir comme ils veulent et j'accepte que vous soyez amoureux de moi ! Le reste, ce n'est pas mon problème !

Je ne vais pas les encourager non plus !

- Je vais lire dans ma chambre, voir même dormir un peu ! Mais je garderais les yeux ouverts si vous me rejoignez !

- Tu ne manges pas ?

- Je vais juste embarquer de quoi me remplir l'estomac au lit...

Ils rient doucement sans chercher à me contredire ou négocier plus.

- Je vais appeler mon entraineur d'abord, je te rejoins juste après.

- Fais donc ça !

Katsuki lui claque les fesses tandis qu'il s'éloigne pour téléphoner, et il m'aide ensuite à tout mettre sur le plateau.

- Katsuki... ?

- Mmmh...

- Tu le penses ... ?

- De ?

- ... Moi ? Je... Tu as des sentiments, OK, mais tu envisagerais vraiment de...

Sans un mot, il s'approche plus prés, happant mon regard quelques secondes avant mes lèvres. Et il n'y a pas vraiment besoin de mot pour répondre à mes interrogations, chacun de ses gestes contient un message des plus précieux.

Il me dit "tu m'es précieux" d'un regard ou "tu me rends fou" en effleurant ma peau. Mais par-dessus tout, son baiser pèse un "Je t'aime" précieux, plus sincère que tout ce qu'il aurait pu dire !

Katsuki n'est pas un homme de mot. Qu'importe les rôles qu'il a joués à la perfection, en paradant des poésies, il n'est pas celui qui manie les discours nobles. Mais les actes ont beaucoup de valeurs à ses yeux, et il le rend parfaitement.

Alors je me laisse juste aller dans ses bras, acceptant cette déclaration telle qu'elle est et mes horreurs passées s'étouffent momentanément... 

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