Chapitre 15 : Chara
- Comment tu t'appelles ? chuchota la jeune fille.
Pourquoi ça t'intéresses au juste ?
- Cela fait pratiquement deux semaines que l'on se "connaît" mais je veux t'appeler autrement que "La voix".
Pas de réponses.
- Alors ?
Tu es supposée avoir peur de moi ! Je ne suis pas ton amie ! Pourquoi tu t'entêtes à vouloir sympathiser ?!
Morphée ne répondit pas. Il était vrai que cette voix essayait maintes et maintes fois de prendre le contrôle de son corps, cherchant à blesser la moindre personne à chaque occasion.
Il y avait des moments où la renarde se débarrassait aisément d'elle. D'autres moments où ça ne fonctionnait pas et elle se dépêchait de se faire trébucher ou de s'éloigner pour éviter un accident.
Les possessions ne duraient jamais plus de deux minutes. Ça demandait trop d'énergie magique et l'EXA devait souvent charger à une étoile puis se reposer juste après.
Elle avait une mission dont elle savait tout, au fond d'elle. Cependant, elle refusait de l'accepter.
Une chose était sûre : les conséquences seront terribles. Morphée ne laissera donc personne, et surtout pas cette voix, l'exécuter.
Ainsi, elle n'avait trouvé d'autres moyens que de la rallier à sa cause en se comportant amicalement.
...Ch4-r4.
- Ch4...r4 ? répéta la jeune fille à voix basse.
Parler avec la voix qui l'accompagnait partout lui donnait une migraine, surtout qu'elle ne cessait de sortir des commentaires ironiques sur sa situation. Pour rendre cela plus supportable, elle répondait de sa bouche et non par pensée.
Depuis quelques heures déja, elle restait allongée sur le lit sentant le ketchup, à regarder le plafond dans le noir. La chambre, lui paraissant d'abord étrange à cause de la tornade et du désordre (notamment la pile de chaussettes), lui était complètement familière à présent.
La fenêtre lui montrait une nuit obscure. Aucune étoile n'était visible sur ce plafond de pierre au-dessus d'eux.
Morphée se demandait encore comment la neige pouvait tomber. Le jour était provoqué par des cristaux incrustés dans les parois rocheuses, s'éteignant et s'allumant en fonction de l'heure.
Les flocons devaient être des résidus de ces cristaux ? Où était-ce de la pure magie ayant créé un microclimat ?
Cela faisait quatre jours qu'elle habitait chez les frères squelettes. Sans lui prêtait sa chambre, disant préférer dormir sur le canapé.
Pourtant, elle ne l'avait jamais vu roupiller sur le divan vert. Même lorsqu'elle allait boire un verre d'eau ou qu'elle devait faire ses besoins en pleine nuit, au rez-de-chaussée.
La porte de la salle de bain était cachée sous l'escalier et la renarde détestait descendre à l'aveugle le soir. Sa vision nocturne lui manquait mais elle n'osait pas allumer la lumière, de peur de réveiller Papyrus.
Déjà qu'elle dérangeait Sans et ce, certainement avec les craquements des marches, puisqu'il semblait la surveiller à chaque fois qu'elle se rendait au salon. Une drôle de lueur à l'apparence d'une flammèche bleue éclairait alors son orbite droite, jetant ses reflets sur les recoins de la pièce. Et cela ne faiblissait que lorsqu'elle regagnait sa porte.
Son intégration dans cette famille lui avait paru étrange et très précipitée, probablement à cause de Papyrus. Mais l'adolescente était reconnaissante qu'elle n'ait pas à coucher dehors, sachant qu'elle n'avait pas d'argent pour l'auberge ou pour s'acheter un lapin à la cannelle.
Elle aurait pu contrer le froid, mais le manque de nourriture...
- Ce n'est pas un joli nom, et pas facile à dire rapidement non plus, répondit finalement Morphée en secouant la tête.
Elle réfléchit un peu. Et une singulière impression la traversa. Les mots sortirent d'eux-mêmes.
- Chara.
C-Chara ?
- Chara se rapproche de Ch4-r4. Je trouve que ça te va mieux.
La voix, dorénavant appelée Chara, se tut.
Morphée sombra dans un sommeil cotonneux sans plus tarder, essayant de calmer l'angoise d'une nouvelle tentative de possession, qui grimpait à chaque heure s'écoulant.
*
Morphée s'était liée d'amitié avec tous les monstres de Snowdin. Sa générosité et sa joie enfantine enchantaient les cœurs tristes et vides d'espoir, des créatures enfermées depuis si longtemps.
La jeune adulte adorait les spaghettis de Papyrus. Ayant mangé pire que cela dans son passé, elle plaçait ce repas juste en-dessous de la tarte de Toriel. Sans avait d'ailleurs, apprécié son enthousiasme dès la première bouchée.
Le plus petit des squelettes gardait cependant, une certaine méfiance envers la renarde.
Quand il lui avait demandé des précisions sur la Surface, elle s'était contentée de sourire en répondant qu'elle n'avait jamais vraiment vu quoi que ce soit, étant "gardée en sécurité" par certains humains.
Sans avait bien compris qu'elle n'en dirait pas plus et garda le reste des interrogations au fond de son crâne, en particulier sur Frisk qu'elle paraissait connaître.
Bien que l'histoire soit partiellement vraie, Morphée avait cette culpabilisante sensation de mentir à ceux qui la traitaient si gentiment depuis sa tombée de la grotte. Elle regrettait de temps en temps, s'être enfuie des Ruines sur un coup de tête à cause d'un stupide cauchemar, coupant les ponts avec quiconque dedans.
Un cauchemar très réaliste. De toute façon, Chara avait mené ses pas jusqu'à la grande porte, alors que la fugitive avait tenté de se diriger au cœur des restes de bâtiments violets. Et puisque c'était l'unique route possible qui menait à la Capitale, il fallait bien s'y rendre.
Or... avait-elle réellement décidé de venir à Snowdin par elle-même ? Lui avait-on donné l'illusion qu'elle s'enfuyait, qu'elle dirigeait sa quête ? Certes, sa fuite du laboratoire avait été orchestrée, mais celle des Ruines ?
La renarde préféra secouer la tête et oublier ses préoccupations. Chara avait de nouveau pris le dessus il y a peu, donc elle ne risquait pas de recommencer avant un petit moment.
Tout à coup, une boule de neige lui frappa l'arrière de la tête et ses cheveux humides la firent frissonner. Se retournant, elle vit Monster Kid et une espèce de souris emmitouflée dans son manteau et une écharpe orange.
Un fin sourire étira ses lèvres et elle s'empressa de les rejoindre dans une bataille amicale acharnée.
Au son des rires, d'autres personnes vinrent aider Morphée tandis que d'autres se placèrent aux côtés des plus petits. La neige fusait dans tous les sens, les glissades étaient monnaie courante et le froid forçait le corps à bouger pour se réchauffer et éviter les projectiles.
Alors que la jeune fille commençait enfin à rire à gorge déployée, débarrassée de ses tracas ; une douleur fulgurante transcenda son être et elle mordit sa lèvre inférieure jusqu'au sang en étouffant un cri.
Sa grimace empira lorsque des flashs lui transpercèrent la tête et qu'un irritant visage rouge souriant s'imposa à elle.
Son corps fut pris de spasmes et ses tempes subirent la pire des migraines possibles, la forçant à porter inutilement les mains à celles-ci.
Soudainement exténuée par ce trop-plein de souffrance, Morphée se laissa tomber à genoux, les yeux révulsés, sous les cris affolés des habitants. Son front douloureux rencontra la douceur contradictoire de la neige. Sa vision s'obscurcit et des images trop floues, trop rapides défilèrent devant ses iris.
Tu as deux semaines avant que tout ne s'arrête !
Chara lui transmis cette phrase entrecoupée de hurlements incessants en arrière-plan, avant d'abruptement disjoindre toute communication, emportant le mal-être avec elle.
Cette voix lui balançait des informations dans son cerveau au point de la rendre malade, avant de se volatiliser sans laisser de trace ou d'explication ?
Morphée souffla, un peu agacée et se sentant mieux, même si elle était déboussolée. Des souvenirs venaient de lui revenir, elle le sentait mais... c'était comme hors de sa portée. Comme coincés derrière une porte fermée à double-tour.
Se redressant faiblement, elle s'empressa de rassurer Monster Kid agenouillé à côté d'elle, persuadé que sa boule l'avait blessée.
Une foule l'entourait, vérifiant son état alors qu'un Snowdrake parti quérir Papyrus, revenait avec ce dernier.
Le squelette faisait de grandes enjambées et il se dépêcha de lui demander si elle n'avait rien de casser, une fois arrivé à sa hauteur. Il tendit sa main gantée et l'aida à se remettre debout, bien que ses jambes soient légèrement flageolantes.
- RENARDE ? s'enquit son hôte en fronçant les arcades sourcilières.
Morphée ne put que le fixer dans les orbites, figée et comme absente.
Étrangement, toute cette attention lui faisait monter les larmes aux yeux. Son cœur avait encore du mal à accepter un quelconque sentiment de sympathie de la part d'autrui.
Un mélange de gratitude et de honte s'empara d'elle.
Elle ne fit que se taire lorsqu'à la vue de ses pupilles embuées, le Garde Royal la prit dans ses bras tel un petit enfant, pour la ramener à la maison tout en la consolant, comme Sans le faisait pour lui dans leur enfance.
La métamorphe hoqueta, le réconfort s'infiltrant en son âme.
Ah... Comme c'était étrange de considérer l'Underground comme son foyer, quand les monstres voulaient trouver le leur à cette Surface hostile.
*
- relax, pap. elle a juste fait un malaise vagal, rassura Sans.
- UN MALAISE QUOI ? questionna Papyrus, n'étant pas sûr d'avoir bien saisi le mot.
Morphée pencha la tête sur le côté en signe de confusion. Même si elle avait continué de lire à la bibliothèque, ce terme-là n'était jamais apparu.
- c'est un malaise où on peut perdre connaissance pendant quelques secondes, expliqua son frère en prenant la température de la renarde.
Celle-ci restait docilement sur le canapé, ne voulant pas aggraver son cas, gardant le thermomètre dans sa bouche.
Elle se sentait parfaitement bien pour la première fois depuis longtemps. Elle n'avait jamais réalisé à quel point Chara avait été intrusive, en vérité.
Sa disparition, qu'elle doutait éphémère, lui avait comme enlevé un poids du cœur et de l'esprit. Elle se sentait légère et sa tête ne subissait plus cette lourdeur désagréable, comme un parasite ayant décroché sa trompe de son cerveau.
Un signal sonore retentit, brisant sa petite bulle de bien-être.
- elle n'a pas de fièvre et n'a pas l'air malade, conclue le squelette en lisant le résultat sur la petite machine.
Il esquissa un sourire faux et fatigué.
Morphée fronça du museau en s'apercevant des cernes horriblement grandes et noires sous les orbites de Sans. Et cela ne pouvait signifier que deux choses.
Soit il dormait très mal sur le canapé.
Soit il restait éveillé toute la nuit durant, juste pour la surveiller. Et malheureusement, la jeune fille savait quelle était la bonne réponse.
Le pauvre détériorait sa santé pourtant meilleure que la sienne, à cause des soupçons qu'il lui portait. C'était de sa faute et à ce constat, le remord entortilla sa conscience. Et si elle l'avait remarqué, son frère ne tarderait pas non plus.
- POURQUOI EST-ELLE TOMBÉE, ALORS ? demanda Papyrus. POUR FAIRE UN MALAISE, IL DOIT Y AVOIR UNE RAISON, NON ?
Il se tourna vers Morphée, ses pupilles blanches exprimant une inquiétude sincère. Le cadet des squelettes gardait cette innocence enfantine mais depuis le départ de Frisk, l'aîné avait bien vu qu'il n'était plus aussi naïf qu'avant.
Comme si l'abandon de la septième humaine l'avait forcé à faire face à la réalité.
Et ça ne plaisait guère à Sans, qui avait tout fait pour l'en protéger.
- J'ai... Je... bredouilla l'adolescente en baissant la tête, une peur irrationnelle l'assaillant.
Règle numéro 2 pour EXA8 : L'EXA sera enfermée dans une cellule de décontamination lors de maladies chroniques ou de dysfonctionnement dans son système.
Non.
Papyrus n'était pas comme ça. Il n'était pas comme eux. Sans ne semblait peut-être pas l'aimer et la trouvait suspecte, mais il ne lui faisait pas de mal pour autant.
Elle ne devait pas être effrayée. Elle devait se montrer courageuse. Pour aller à la Capitale. Pour ses frères et sœurs dont les visages et les noms vacillaient en brume dans son esprit.
Immédiatement, une pensée s'immisça dans un flot tourbillonnant de phrases sens dessus dessous.
Avait-elle... vraiment des frères et sœurs ?
D'autres idées similaires s'en donnèrent à cœur joie en s'empilant les unes sur les autres. Sa poitrine l'oppressait au fur et à mesure qu'elles arrivaient.
Connaissait-elle réellement Frisk ? Même si c'était le seul prénom et la seule apparence dont elle se rappelait... ces souvenirs étaient-ils tous... factices, trafiqués ? Juste un moyen pour l'emmener quelque part sans douter une seule seconde de son but ? Peut-être que les sept autres tombés ici n'étaient même pas reliés de près ou de loin à elle !
Comment démêler le vrai du faux lorsque sa propre mémoire et sa personnalité se faisait retourner dans tous les sens par une voix sortie de nulle part ?!
- certains monstres se fatiguent lorsqu'ils n'ont pas mangé depuis longtemps. on appelle ça une hypoglycémie.
Cette phrase sortit la métamorphe de sa torpeur et elle expira d'un coup, ne s'étant pas rendu compte qu'elle avait retenu sa respiration. Elle releva la tête, surprise.
Sans lui fit un clin d'œil discret. Pourquoi l'aidait-il ? N'avait-il pas des ressentiments à son égard ?
Morphée ne put qu'entrer dans son jeu en hochant la tête afin de répondre à Papyrus, et accessoirement se sortir de ce mauvais pas.
- C'EST VRAI QU'UNDYNE MANGE SOUVENT POUR NE PAS EN FAIRE !
Ce n'était pas la première fois que cette Undyne était mentionnée dans la maisonnée ou le voisinage. Morphée n'avait pas encore eu l'occasion de la rencontrer, pourtant Papyrus paraissait passer beaucoup de son temps avec elle.
- DANS CE CAS, MOI, LE GRAND PAPYRUS, VAIS TE PRÉPARER MES MEILLEURES SPAGHETTIS !
Il s'empressa de se rendre à la cuisine pour se mettre aux fourneaux. C'est en voyant ce genre de geste sans aucune arrière-pensée, que Morphée savait qu'elle ne pourrait jamais faire du mal aux monstres.
Elle n'était pas dupe et même si elle voulait rester dans son déni, il fallait bien qu'elle affronte son terrible destin. Mais pas tout de suite. Elle ne voulait pas le faire tout de suite.
Un sursis de deux semaines avant que "tout ne s'arrête". C'était effrayant, ça n'annonçait rien de bon. Les possibilités d'interprétation étaient trop nombreuses.
Chara était aussi imprévisible qu'étonnamment douce. Elle l'appelait Morphée et non EXA8. Mais elle cherchait à décimer la population.
Et si la jeune fille n'était pas capable de protéger les autres de sa nature meurtrière ?
Il était sûr que Chara tentera chaque soir et chaque matin, à chaque moment de tristesse, de colère, de doute ou de solitude, de la persuader de tous les réduire en poussières.
Morphée était-elle seulement perçue comme une véritable personne par cette voix ?
- gamine.
- Oui ? répondit instinctivement l'interpelée en se tournant vers le plus petit des squelettes.
Celui-ci arborait une expression indéchiffrable. Ses orbites dénuées de ses pupilles figèrent la jeune fille sur place. Elle ne saurait dire s'il contenait sa fureur ou si son air grave soulignait son épuisement.
Il lui fit alors signe de le rejoindre dans sa chambre, avant de gravir les marches de l'escalier.
Alors, c'était pour ça qu'il avait mené Papyrus à sa cuisine.
Pour ne rien arranger, l'EXA sentait que Chara reprenait lentement place au sein de sa tête, l'étouffant d'une présence indésirable. Au moins, elle s'exécutait avec douceur, contrairement à tout à l'heure.
Soudainement, ses yeux s'écarquillèrent.
D'ailleurs, où était-elle partie ? Était-elle directement reliée au laboratoire par un système de communication à distance ?
Si c'était le cas, cela voulait simplement dire que Morphée était épiée et suivie chaque seconde, chaque minute. Chaque action et chaque parole devait être enregistrée, rapportée.
Et si Chara les aidait en la contrôlant... que pouvait-elle faire contre eux ?
Retenant ses larmes, elle se mordit l'intérieur de la joue et serra sa jupe de toutes ses forces pour ne pas trembler ou crier de désespoir. Parfois, elle regrettait amèrement d'avoir appris et lu autant de choses. Plus elle améliorait son intellect, plus elle en découvrait et plus elle se blessait.
L'ignorance l'aurait laissé dans un bonheur certes faux, mais elle n'aurait pas à souffrir ainsi.
Cependant, en savoir autant pouvait aussi être une bénédiction. Elle devait essayer de contrecarrer les plans de ces vils humains. Et ainsi protéger les monstres.
Soufflant un bon coup pour se calmer, Morphée se leva pour confronter Sans ; tandis que Papyrus chantonnait gaiement au son des casseroles et de l'eau bouillonnant.
Je pars juste deux heures et tu trouves le moyen de faire ami-ami avec le tas d'os ?
Morphée fronça les sourcils et ignora cette remarque qui proclamait le retour de cette compagnie indésirée. Ouvrant la porte, elle se dirigea vers le lit sous le regard inquisiteur de Sans. Elle s'assit et attendit qu'il parle le premier.
Ce qui ne tarda pas.
- je vais être franc avec toi, gamine. je ne te fais pas confiance.
Un douloureux sourire se forma sur les lèvres de la renarde et ses yeux picotèrent encore.
Bien sûr, elle le savait déjà. Mais le savoir était une chose tandis que le dire en était une autre. La sensation de milliers d'aiguilles lui transperçant le cœur ne la quittait pas depuis ces mots prononcés.
Elle ne lui en voulait absolument pas et tentait même de se raisonner pour empêcher la tristesse de se montrer au grand jour.
Après tout, un monstre étranger sortait de nulle part et logeait subitement chez eux. Si ça ne tenait qu'à Sans, elle n'aurait même pas passer le pas de la porte le premier jour. Il était déjà bien gentil de ne pas avoir contredit son frère...
Allait-il lui annoncer qu'elle devait quitter la maison le soir-même ?
Sans parut déconcerté par sa réaction, mais il continua sur sa lancée.
- tu caches beaucoup de choses mais j'imagine que je ne peux pas te blâmer pour ça... il se stoppa un bref instant comme s'il en avait trop dit. enfin, juste après que tu sois arrivée chez nous, la dame des ruines m'a fait promettre de veiller sur toi, termina-t-il. à croire que ça devient une habitude, murmura-t-il pour lui-même.
Le visage de Morphée s'illumina dès qu'elle comprit que Toriel pensait à elle. Voilà où partait Sans tous les soirs après le dîner pendant une heure ! Il parlait avec la Gardienne à travers cette grande porte et lui donnait même des nouvelles !
Ce joyeux comportement baissa la garde de Sans, considérant qu'il était trop tendu avec elle. De plus, il avait été dur et distant, instaurant une espèce de mépris envers elle. Pourtant, elle n'avait jamais cherché la moindre noise et se contentait d'être aimable avec lui. La culpabilité le rongeait.
- t'as passé pas mal de temps avec elle, apparemment. vu qu'elle te fait confiance, je pense que je pourrais essayer de le faire aussi, avoua-t-il à demi-mot en détournant le regard, légèrement gêné. mais tu dois répondre à mes questions, se reprit-il.
Morphée dissimula son appréhension du mieux qu'elle le put. S'il apprenait la vérité, il allait certainement la rejeter ou pire encore, se servir d'elle... n'est-ce pas ?
Non. Ce n'était pas ce qu'elle redoutait.
C'est dans ton intérêt que tu ne révèles rien.
Le vrai cauchemar était que Chara le tuerait par son biais. Bien qu'elle n'ait jamais rien tenté de tel pour l'instant, le lien qu'elle entretenait avec le laboratoire pouvait mettre le monstre en danger. Et sa menace renforçait cette impression.
- Je ne peux pas tout t'expliquer... Mais je vais essayer.
Morphée !
Elle serra les dents, ce cri de colère résonnant dans son cerveau. Si Chara pensait avoir le monopole sur ses décisions, elle allait lui montrer qu'elle ne se laisserait pas faire...
- ça me va.
Sans vint s'asseoir à côté d'elle sur le lit et entreprit d'écouter attentivement. Morphée avait cette étrange impression qu'elle pouvait lui faire confiance sur ce sujet-là.
Peut-être parce qu'elle voyait aussi qu'il cachait un douloureux passé derrière sa paresse, ses blagues et son attitude nonchalante.
C'est comme s'il ne se montrait sérieux et froid qu'avec elle.
- t'es quoi, au juste ? fut la première question de Sans.
Il rentrait dans le vif du sujet. Et si la question quoique sans tact, paraissait anodine, l'adulte se recroquevilla un peu, cherchant soigneusement ses mots. Il fallait tout résumer mais garder certaines choses secrètes, telle la voix furieuse pestant dans son esprit.
À la moindre erreur, tu le regretteras.
Morphée réprima un tremblement de frayeur.
- Je suis une EXA. Ça veut dire "EXpérience d'Âme". Les humains m'ont créée à partir de Magie et Détermination, de ce qu'ils disaient. J'ai grandi sous leur... protection, chuchota-t-elle alors que le dernier mot lui laissait un goût amer dans la bouche.
Le visage du squelette s'assombrit.
Faire des études sur les âmes était courant, même chez les monstres et elles n'étaient jamais sans conséquences désastreuses. Les Amalgamis en étaient la preuve et avaient subi les conséquences du même mélange qu'elle.
Sans se renfrogna un peu plus à cette constatation. Injecter de la Détermination dans un monstre menait à un résultat instable et pourtant, la voici vivante et bien constituée. Les humains auraient une meilleure connaissance sur les essences des âmes ?
Le squelette avait observé Morphée inlassablement pendant cinq jours. Il s'en sentait désormais coupable, mais il avait pu voir que son équilibre laissait à désirer, qu'elle se cognait souvent dans les murs ou les arbres, qu'elle rêvassait constamment...
Aussi, les évènements d'aujourd'hui prouvait qu'elle s'évanouissait sans raison.
Dans un sens, elle était instable. Pas physiquement mais plus en capacité. Son âme ne devait donc pas ressembler à grand-chose.
Celle des métamorphes, d'après les livres, ressemblaient à un cœur blanc à l'endroit. D'où leur disparition, la Magie des monstres ne supportant pas cette forme.
Si l'objectif des humains avait été de la recréer en Morphée, elle devait tout au plus, posséder la forme d'un cœur blanc sur le côté. Les pouvoirs étaient là, l'âme tenait mais il fallait passer par quelques complications.
C'était peut-être méchant de penser comme cela, mais ça le rassurait dans un sens qu'elle ne soit pas une expérience parfaite. Qui sait ce que ça pourrait engendrer sur son corps ou sur les autres ?
Ah, qu'il était mal placé pour penser ça !
- Ils disaient que j'étais spéciale. Que mon âme était l'avancée d'une longue et pénible recherche. Que j'étais différente des sept autres... qui ont tous fui. Je l'ai fait aussi. Et me voici, termina Morphée.
Mais avaient-ils vraiment fui ? Ou avaient-ils été envoyés ici-bas tout comme elle ? Avec les mêmes souvenirs faisant croire à des liens entre les différents EXAs ?
Toutefois, si la première avait délaissé ses affaires et que Morphée avait pu voir celles du deuxième au magasin, aucun doute que tous avaient atterri ici.
Quelle se souvienne exactement de chaque accessoire mais que toute information sur ses confrères soit volatile au point de ne voir que du brouillard...
Chara devait encore s'amuser à l'embrouiller à défaut de pouvoir l'empêcher de parler.
Elle devait les retrouver coûte que coûte pour enfin pouvoir comprendre sa propre mémoire.
- et tu cherches les sept autres exas parce que tu supposes qu'ils sont tombés ici ? comprit Sans.
Ses orbites vides fixaient le sol. Il n'était pas stupide. Les humains faisaient des machinations sur les âmes d'innocents et lorsqu'ils fuyaient, ils tombaient tous ici à intervalle quasiment régulière ? Quelque chose ne tournait pas rond.
D'un autre côté... ils n'avaient jamais blessé qui que ce soit. Même Frisk avait laissé Asgore en vie avant de partir on ne sait comment, ce qui intriguait toujours Alphys, trois ans après.
Le laboratoire devait se situer en contrebas du Mont Ebott, ou le plan de ces pauvres enfants étaient de se retrouver au même endroit pour commencer une nouvelle vie.
Un endroit de légende chez les humains, où des monstres créés de toute pièce rencontraient de véritables monstres en chair et en Magie. Évidemment que c'en était devenu leur rêve !
- J'ai retrouvé certaines choses, les autres sont forcément ici ! Les as-tu vu, récemment ?
Morphée avait les yeux remplis d'étoiles, mais il lui répondit d'un air grave, presque coupable :
- non. ça fait longtemps...
- Oh... fit-elle, dépitée alors que ses oreilles tombaient en signe de déception.
Sans demeura silencieux et un moment de tension se créa, quelque chose le turlupinant. Si Morphée était une métamorphe semi-ratée à la huitième tentative, cela voulait dire qu'il y en aura d'autres. L'expérience n'étant pas concluante, tout bon scientifique se doit de la recommencer.
Et les sept avant elle avaient été victimes des expériences horribles et auraient pu mourir sous le joug des humains. En arrivant ici, comblés d'espoir d'être enfin libres...
Les monstres et lui-même, leur avaient pris cette liberté pour enfin toucher la leur du bout des doigts...
- J'espère les trouver, fit sincèrement Morphée, coupant les réflexions du squelette tout en lui pinçant le cœur.
Depuis quelques minutes, Chara taraudait l'adolescente de remplir sa mission morbide en commençant par se débarrasser du "sac d'os".
La jeune fille l'ignorait superbement, prête à se cogner la tête dans le mur si elle sentait la moindre perte de contrôle de son corps.
Ses pensées l'amenèrent à se questionner sur la raison de la présence des monstres dans l'Underground.
Étaient-ils coincés par un quelconque obstacle ? Un éboulement ou même une crevasse ?
Papyrus avait mentionné une Barrière non brisée... Le laboratoire était-il également derrière tout ça ?
Avant qu'elle ne puisse prononcer la moindre syllabe, la voix contrariée de Papyrus s'éleva.
- SANS ? RENARDE ? OÙ ÊTES-VOUS ? NE ME DÎTES PAS QU'ILS SONT ALLÉS CHEZ GRILLBY ! ET MES MAGNIFIQUES PÂTES ?!
- on ferait mieux de descendre, je n'aimerais pas qu'il se fasse de vieux os, plaisanta Sans en faisant un clin d'œil.
Morphée esquissa un sourire, comprenant que ce comportement blagueur avec elle signifiait qu'il ferait des efforts pour la considérer comme une amie.
Il restera toujours une certaine méfiance à déraciner, mais elle ne pouvait en demander plus.
Elle savait très bien que cette distance persisterait jusqu'à ce qu'elle soit enfin libre pour pouvoir tout avouer.
Deux semaines, Morphée. Tu as deux semaines pour effectuer ta mission.
Mais peut-être... qu'elle sera à jamais emprisonnée...
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