Chapitre 14 : Nouvelles rencontres

La salle était plongée dans le noir et seul un carré d'herbe illuminé d'une lumière de provenance inconnue, était visible. Cela rappela clairement à Morphée sa première rencontre avec Flowey.

Ladite plante jaillit de la terre, la regardant avec ironie et mépris, tandis que Morphée demeurait pétrifiée, ne pouvant que le fixer avec terreur.

- Je t'ai longtemps observée, Morphée, commença-t-il, l'air malicieux. Si... naïve, innocente et puérile. Mais intéressante. Quelque chose cloche chez toi. Je découvrirai bien ce que c'est !

Morphée vit avec horreur le décor virer au noir complet. Son âme sortit brusquement, lui faisant presque mal. Étrangement, elle ne supportait pas de la sentir à l'extérieur de son corps.

Ses jambes tremblaient : son cauchemar encore trop récent lui revenait en mémoire.
Pourquoi cette impression que cela devait être réel sans l'être ?

Des lianes se rapprochèrent dangereusement de ses cœurs.

- Ton âme sera mienne !

Un rire tonitruant remplit la pièce alors que le carré d'herbe réapparaissait et que l'âme lui revenait.

Flowey avait disparu.

- Je te surveille.

Je te surveille.

Prise de panique, l'adolescente rassembla toutes ses forces pour bouger ses jambes, poursuivie par ce rire effrayant.
Elle se jeta sur une porte violette et l'ouvrit d'un coup, la claquant derrière elle avec ses deux mains.

Restant dans sa position, elle haletait, se courbant légèrement et essayant de calmer les battements de son cœur, les yeux fermés.
Lorsqu'elle les rouvrit, elle fut surprise de découvrir une brume blanche s'échapper de sa bouche à chacune de ses respirations.

Sa température qui avait augmentée, redescendit rapidement et elle grelotta. Ses mains étaient froides et ses pieds, gelés dans ses ballerines.

Regardant le sol, elle vit qu'il était blanc.
De plus en plus étonnée, elle se redressa et se retourna.

Une longue allée recouverte de blanc. Bordée d'arbres géants, démunis de feuilles sur leurs branches noires. Un vent glacé fit voleter ses cheveux bruns.
Des petites boules blanches devenant de l'eau à leur toucher, se posait sur ses vêtements, sa queue, ses oreilles, ses moustaches...

Partout.

Morphée ne sut dire pourquoi ce paysage la fascinait autant.
Examinant le blanc, elle chercha une quelconque définition, n'importe quel mot à lui donner.

- Neige.

Ce mot lui était familier, non pas parce qu'elle l'avait vu dans un livre (même si c'était le cas) mais cela lui rappelait... quelqu'un. Une ombre, une silhouette. Son CI tentait en vain de lui amener le souvenir mais il était comme... bloqué.

Secouant la tête pour chasser la migraine que cela lui procurait, elle entama sa marche.
Elle remarqua tout de même la caméra qui se trouvait "camouflée" dans un buisson.

Ce qui la fit avancer un peu plus vite, lui redonnant l'angoisse qui s'était estompée il y a peu.

Mais il faisait trop froid pour elle. Habituée à la chaleur des Ruines, le changement de température ne lui conférait pas vraiment un avantage.

- L'écharpe...

Elle enleva le sac de son dos et fouilla dedans. Elle fut surprise mais soulagée, d'y découvrir le couteau en plastique et le ruban rouge.

Au moins, elle ne les avait pas oubliés.

Prenant l'écharpe écarlate, elle l'enroula autour de son cou. Elle n'eut pas plus chaud mais mieux valait se couvrir le plus possible. Elle remit le sac sur son dos.
Soufflant sur ses mains, Morphée continua de marcher.

Le brouillard, bien que peu épais, l'empêchait de voir la route plus loin que quelques mètres.

Elle cassa une branche tombée sur le chemin. Le seul son de la forêt enneigée hormis ses pas.
La renarde ne s'y attarda pas plus longtemps.

Et enfin, elle les remarqua.
Ces bruits de pas suivant les siens. Lourds et paresseux.

Oppressants.

Se retournant, elle n'aperçut pourtant rien.
Néanmoins inquiète, elle resta sur ses gardes.

L'ambiance angoissante de cette forêt aux troncs noirs ne lui disaient rien qui vaille.
Cette désagréable sensation d'être suivie... que quelque chose cherchait à lui faire peur voire pire... c'était stressant.

Arrivant devant un étrange pont, elle frissonna.

Il semblait fait pour stopper un quelconque passant avec ses piliers. Mais ils étaient beaucoup trop larges et espacés.

L'analysant avec curiosité, elle songea à la possibilité que ce soit pour une créature gigantesque. Et ne notifia une présence étrangère dans son dos qu'à la dernière minute.

Crac.

Ses oreilles se dressèrent et s'orientèrent vers le bruit.

Les pas se rapprochaient d'elle !

Chaque craquèlement faisait battre son sang contre ses tempes plus fort encore, lui donnant la migraine. Sa respiration accélérait au fur et à mesure que l'appréhension grandissait au rythme de l'inconnu derrière.

Et soudain, à seulement une cinquantaine de centimètres d'elle, plus rien.
Un silence pesant envahit l'atmosphère, ne l'aidant pas à se calmer.

- tu ne sais pas saluer un nouvel ami ?

Cette soudaine voix grave lui fit dresser la queue et les oreilles. Son cœur fit un bond avant de repartir à toute allure.

Elle sentit ses poils rétrécir, ses oreilles rapetisser, son nez s'allonger et sa queue devenir de moins en moins lourde.

Cela eut pour effet de déconcerter la personne derrière elle, ce qui fut traduit par une légère hésitation dans son ton.

- tourne-toi... et serre-moi la main.

Pétrifiée, elle n'obéit pas. Elle tremblait, sentant le froid mordre un peu plus sous sa veste bleue.

- je t'ai parlée.

Se retournant d'un coup, elle serra la main qui lui était tendue en fermant les yeux.

Un étrange bruit s'en émana et elle toucha quelque chose de mou.
Ouvrant un œil, puis un autre, elle fixa la main qui tenait la sienne.

Des os.

- Ceci est un squelette humain.

C'était une voix douce et non pas rude comme celle de l'autre.

- Voici le tien. Il n'est pas très différent. Alors, ne dis pas que tu n'as rien d'humain. Tu as beaucoup plus que nous qui ne se limite pas à de vulgaires os.

Qui était-ce ?

- gamine ?

Sortant de ses pensées, elle releva timidement la tête.

- tu peux lâcher ma main ?

Elle regarda avec un air ahuri, le squelette qui lui faisait face. Il portait des chaussons... dehors ? Et n'était-ce pas censé être immobile ? Un humain pouvait-il retirer sa peau à sa mort et se réveiller ?
Le fixant dans les orbites avec ébahissement, il semblait la juger, s'amuser et gêné à la fois.

- j'imagine que le coup du coussin péteur n'a pas fonctionné cette fois. c'est pourtant un grand classique.

Lâchant mécaniquement sa main, elle remarqua également que sa couleur de pelage n'était plus la même.

- Eh ? fit-elle.

Elle examina ses mains.
Gris clair. Comme une souris.

L'adolescente ramena sa queue devant elle et remarqua qu'elle ressemblait plus à un ver de terre rose qu'à une touffe rousse. Touchant ses oreilles, elle les sentit rondes et petites. Ses moustaches étaient devenues plus longues aussi.

Le squelette était perplexe. Mais qu'est-ce qu'il avait encore trouvé ?

Finalement, elle reporta son attention sur lui, toujours en état de choc de découvrir que ses pouvoirs se manifestaient sans punition ou par besoin. Surtout sous cette forme qu'elle n'avait jamais expérimentée.

Elle avait atteint la forme d'une souris, symbole de sa surprise et de sa vulnérabilité.

- je suis sans. sans le squelette. et toi, qui es-tu et... qu'es-tu exactement ?

- EXA8... Euh ! Morphée ! Morphée... la renarde, l'humaine, le monstre ? se questionna-t-elle à haute voix.

Elle ne savait même plus qui ou ce qu'elle était. Entre ses souvenirs et cette voix dans sa tête qui insultait Sans à tout-va...

Celui-ci paraissait intéressé par sa personne.

- exa8 ? humaine ?

- C'est une longue histoire... soupira-t-elle en secouant la tête, faisant bien comprendre qu'elle ne voulait pas en parler.

Sans la trouvait très étrange. Il avait tout de suite noté son comportement d'enfant mêlé à une certaine aisance de langage adulte.
De plus... il n'avait jamais vu un monstre comme elle.

Elle venait de sortir des Ruines, c'était peut-être la fille de la dame qui y habitait ? Mais pourquoi s'apparenterait-elle aussi à un humain venant de la Surface ?

Elle serait tombée ? Il y aurait des monstres cachés là-haut ?

Il voulut lui poser la question mais une voix l'en empêcha.

- SANS ! OÙ ES-TU ?! ESPÈCE DE TAS D'OS PARESSEUX !

- Qui est-ce ? questionna la jeune fille en sursautant de peur face à ce cri puissant.

- mon frère, papyrus, répondit Sans en haussant négligemment les épaules, un sourire sur le visage.

Il passa le pont, suivi de la jeune adulte curieuse. Elle aussi avait eu des frères. Certains visages lui étaient flous voire invisibles mais une certaine nostalgie lui avait pris le cœur à l'énonciation de ce mot.

Un grand squelette surgit devant eux, l'air énervé. Il portait un drôle de costume et une écharpe rouge semblable à celle de Morphée. Contrairement à son frère, il portait de grosses bottes et des gants rouges. Ce qui est plus sensé pour marcher dans la neige.

- SANS ! ENFIN, MOI... SANS... QUI EST-CE ? C'EST UN HUMAIN ?

- Bonjour, je m'appelle Morphée, dit poliment la concernée.

- non, pap. c'est pas un humain. c'est...

Il regarda du coin de l'orbite celle qui commençait à en avoir assez de son apparence de souris et qui retrouvait son apparence de renarde sous les pupilles émerveillées de son frère.
C'est qu'il faisait meilleur sous des poils plus longs !

- une métamorphe.

- Métamorphe ? demanda Morphée.

- une créature qui change de morphologie. les monstres appellent ça des "métamorphes". en rapport avec la métamorphose.

- WOOHIE !! MAIS ILS N'ONT PAS TOUS DISPARUS ? fit innocemment Papyrus en se remémorant les livres d'histoires sur leurs ancêtres.

- faut croire que non.

- ALORS, C'EST GÉNIAL ! MÉTAMORPHE ! MOI, LE GRAND PAPYRUS, TE SOUHAITES LA BIENVENUE PARMI NOUS !

- Merci ?

Elle fut attrapée par la main et emmenée de force par le plus excité des deux nouveaux venus dans sa vie.

La situation la dépassait quelque peu. Autant de contact avec de nouvelles personnes recommençait à l'effrayer.

Pourtant, une certaine excitation la parcourait.

*

Le plus grand des frères traîna Morphée vers Snowdin tout en lui faisant résoudre divers puzzles. Même si elle avait eu le tournis avec les dalles de couleurs. Heureusement que c'était cassé.

Et l'assiette de spaghetti congelé avait soudainement disparu sous leurs yeux.
Morphée soupçonnait le petit squelette derrière eux. Après tout, si Toriel pouvait utiliser la magie, pourquoi pas eux ?
Elle bouda légèrement, sentant son ventre crier famine. Elle dut se nourrir de la part de tarte qu'elle voulait consommer plus tard.

Elle avait mangé bien pire que ce que l'on pouvait imaginer alors manger des pâtes glacées ne la dérangeait en aucun cas. Mais ce qui est fait, est fait...
Et le squelette aux chaussons roses remarqua que c'était bien la première fois que l'on regrettait de manger la cuisine de son frère !

Ils croisèrent énormément de chiens (et Morphée s'amusa à se transformer comme tel afin de jouer avec eux), de Snowdrake et de Ice Cap. Et même converser avec un bonhomme de neige lui avait plu.
D'après lui "un bout" de son corps avait pu voir la Surface et apparemment, il y vivait toujours. Peut-être que sa neige étant magique, il ne fondait pas ?

Quand la renarde demanda qui l'avait aidé à faire ça, elle écarquilla les yeux. La description correspondait donc Frisk était bel et bien descendue avant de sortir.
Cependant, elle avait toujours supposé qu'elle eût de nouveau disparu du laboratoire pour retourner vivre sous cette montagne.

Mais cela ne semblait pas être le cas et quand elle demanda à Sans s'il la connaissait, il eut l'air si sombre qu'elle n'insista pas sur le moment.
Sans, lui, avait compris à sa question qu'elle venait de la Surface sans aucun doute et il arbora un air soucieux jusqu'à leur arrivée en ville.

Où Papyrus se hâta de présenter la nouvelle venue à tout le monde alors qu'il ne la connaissait que depuis une heure. Il chantait à tout-va sa capacité incroyable à trouver et se faire des amis, sous les regards apeurés, amusés ou intrigués des passants.

Ils lançaient alors des sourires compatissants à l'adolescente le suivant, puisqu'il était surtout connu pour drainer l'énergie des autres et l'audition à force de crier, accaparer l'attention et s'agiter dans tous les sens.

Papyrus continuait de narrer des histoires, comme comment il avait été promu au poste de Garde Royal par le roi Asgore Dreemurr après que la septième humaine soit partie. Même si la chasse aux humains était terminée, il y avait des disputes et des révoltes à régler.
Néanmoins, de plus en plus de monstres ne pensaient même plus à retourner à la Surface.

Morphée écoutait attentivement, comprenant que si elle restait avec eux, elle pourrait avoir des renseignements sur ses frères et sœurs tombés ici-bas.
Même si certains souvenirs lui échappaient étrangement malgré son CI, elle savait combien de personnes elle devait trouver grâce au repère "la septième".
Les six autres devaient forcément se trouver ici car elle ne les avait jamais revus en haut.

- C'EST DOMMAGE. L'HUMAINE N'A PAS PU DÉTRUIRE LA BARRIÈRE.

- La Barrière ? répéta Morphée.

- WOOHIE ! LOUP GLACÉ ! JE DOIS TE PRÉSENTER LA RENARDE ! cria-t-il sans entendre la question.

Sans les suivait paresseusement, un léger sourire aux lèvres. Le départ de la précédente humaine avait affecté tout le monde, alors un regain d'enthousiaste n'était pas de refus.
Surtout pour lui. Même si quelque chose le chiffonnait à propos de cette fille.

Enfin, à peu près tout chez elle n'allait pas. Les métamorphes avaient disparu il y a des siècles, bien avant la guerre. Ce pouvoir absorbait trop d'énergie vitale pour l'âme d'un monstre. De plus, les détenteurs de ce don étaient réputés pour être violents, incontrôlables dans leurs instincts et sanguinaires dus à leurs personnalités animales, la plupart du temps carnivores.

Quelle était donc son âme pour qu'elle n'ait apparemment aucun problème à changer de forme ? Pas d'effets secondaires notoires, un comportement des plus doux...

Il y penserait plus tard. Quoiqu'il en soit, jusqu'à ce qu'il l'ait bien cernée, il fera en sorte qu'elle n'en sache pas plus sur leur monde ou la Barrière. Juste au cas où. Surtout qu'elle "chargeait" aux étoiles. Il y avait donc de quoi se méfier.

Morphée se présentait inlassablement tout en plaignant les portes des maisons et auberges qui subissaient les grands coups de Papyrus.

La bibliothèque retint son attention. Enfin, sur la faute puis les livres.

Ils n'y passèrent qu'en coup de vent, le Garde Royal étant trop impatient de lui montrer son nouveau chez-soi. La jeune fille sentait qu'elle était traitée comme un chien de compagnie mais c'était une impression plus joyeuse que ce qu'elle ressentait dans son laboratoire, qui donnait la sensation d'être un chien errant.

Papyrus n'avait pas de mauvaises intentions.

Il était trop innocent pour ça.

Même s'il fallait revoir le principe d'hospitalité. On ne kidnappe pas les gens, par exemple.

Mais encore une fois, alors qu'elle faisait face à cette maison enguirlandée, cette impression de manque de temps revint la tanner.

Et si ses cauchemars revenaient ? Si elle devait encore partir ? Tisser des liens pour les briser ensuite ne lui plaisait guère.

Passant le seuil de la porte après l'invitation des frères, un frisson parcourut son échine.

Pourquoi ce sentiment qu'un jour, tout prendrait fin ?

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