Chapitre 12 : Ce n'est qu'un cauchemar, n'est-ce pas...?
Il faisait sombre. Trop sombre pour distinguer quoi que ce soit. L'endroit avait une atmosphère lourde de tristesse, pesante de peur et froid comme la glace.
L'enfant s'appelant désormais Morphée, ne pouvait qu'avancer à tâtons. Les ténèbres semblaient vouloir l'engloutir, l'étouffer. Elle sentait qu'elle avait des difficultés à respirer et étrangement, elle n'entendait ni ne ressentait les battements de son cœur.
Elle avait l'impression de ne plus exister.
Comme si elle n'était que du vent, un esprit errant sans fin, à la recherche d'une chose introuvable sans même connaître ce que c'était.
Elle était inquiète et très mal à l'aise. L'endroit ne pouvait inspirer confiance : la peur tenaillait ses entrailles sans la lâcher, remontait lentement vers sa gorge, se transformant sûrement en panique.
Elle avançait de plus en plus vite, sans même s'en rendre compte.
Bientôt, la renarde courait.
Elle fuyait.
Quoi ?
Elle n'en savait rien.
Elle croyait voir le noir se jeter sur elle alors qu'il l'entourait encore et encore. Perdue, elle se stoppa net.
La jeune fille n'était pas essoufflée, sa respiration n'augmentait pas la cadence et ce fut avec étonnement mêlé de crainte qu'elle comprit.
Elle ne respirait pas.
Étonnant, n'est-ce pas ? Cette sensation d'être là sans exister. De vivre sans être.
Cette voix...
C'était elle. Celle qui l'accompagnait depuis son arrivée dans l'Underground.
Morphée frissonna, tremblante.
Son écho était tellement plus amplifié ici ! Elle semblait être partout et nulle part à la fois. Son timbre était effrayant, malsain, trop doux pour être vrai.
- Qu-Qu...
Elle ne réussit à sortir un quelconque mot censé de ses lèvres. Elle était paralysée, seule ses sens étaient ce qui maintenaient sa raison.
- Tu croyais pouvoir t'en sortir si facilement ? Pauvre idiote.
L'enfant sursauta. Elle sentait la frayeur grandir et la nausée l'envahir.
Elle ne reconnaissait que trop bien cette voix grave et mielleuse. Ce ton écœurant, ne sachant que dévoiler un exécrable personnage.
Pas lui, suppliait la jeune fille.
- Je sais ce que tu penses... Je t'entends, tu sais ? Je te surveille. Crois-moi, EXA8. Ton cauchemar ne fait que commencer. Tu sais ce que tu as faire et tu sais ce qui t'attends si tu ne le fais pas. N'oublie jamais cela, EXA8... Tu n'as aucun contrôle !
Lentement, le puzzle s'assemblait dans son esprit.
Un piège. Cela avait été un piège.
Tous ces entraînements à attaquer... n'étaient pas pour apprendre à se défendre.
C'était plus que ça, c'était plus CRUEL que cela !
On l'avait menée en bateau depuis sa naissance. On avait orchestré sa fuite, on avait dirigé ses pas vers la montagne, on la surveillait depuis là-haut.
On ne la lâcherait pas, elle ne serait en paix nulle part.
Brusquement, elle sentit une douleur fulgurante lui traverser la tête, la faisant hurler.
*
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouvait dans les Ruines sur le parterre de fleurs jaunes.
Que s'était-il passé ? Que faisait-elle là ?
Elle se leva d'un bond avant de s'arrêter dans son élan, prise d'un étrange vertige.
Quand les points noirs cessèrent de tournoyer, elle se figea.
Elle fixait, abasourdie, le corps encore couvert de pétales devant ses yeux écarquillés de stupeur.
- C'est...
C'était elle.
Morphée, poussée par l'adrénaline, se tâta le corps plus vite que quelqu'un cherchant à trouver un moustique.
Pourquoi se sentait-elle constituée ? Pourquoi ses sens étaient-ils en alerte ? Pourquoi son âme flottait-elle au-devant d'elle ?
Trop de questions l'assaillaient, elle en eut la migraine. La renarde commença alors à réfléchir en observant son propre corps.
À sa plus grande surprise, il remua.
Comment pouvait-il bouger si même sa conscience n'était pas dans son enveloppe charnelle ?
Bouche bée, elle n'osa pas faire un mouvement alors qu'elle se voyait se redresser sur ses jambes brunes sans en donner l'ordre. Ses vêtements étaient aussi pitoyables que lorsqu'elle avait rencontré Toriel.
Si elle ne s'observait pas en ce moment-même, comme on regarderait une vidéo de soi, elle pourrait dire que tout était normal et qu'elle avait juste rêvé de sa prochaine aventure.
Quelque chose la perturba cependant.
"Elle" ne se voyait pas.
Plus curieux encore, l'âme ne suivit pas son corps quand il débuta une démarche maladroite comme s'il venait de naître.
Morphée s'en rapprocha et l'analysa, prudente et intriguée à la fois. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un mauvais pressentiment.
Ses craintes se décuplèrent tandis qu'elle découvrait ses propres yeux.
Vides de vie.
Aucune présence d'expression, aucune émotion n'y passait même en éclair fugace.
Juste deux iris suivis d'un visage neutre donnant plus une sensation de malaise et d'insécurité qu'un sentiment de "je-m'en-foutisme".
Ses mouvements et gestes étaient mécaniques, comme contrôlés. L'on aurait cru un pantin désarticulé tenu par des ficelles.
Ce "jouet" avança vers la porte violette, seule et unique sortie.
Il ne s'arrêta pas pour l'examiner tout comme elle l'avait fait.
Poursuivie par cette impression qu'une chose n'allait pas, Morphée se suivit.
- Howdy ! Je suis Flowey ! Flowey la fl...! Q-Qu'est-ce que tu fais ?!
Morphée n'eut pas le temps de faire le moindre geste ou de crier le moindre son.
Son corps avait sauté, attaqué la fleur parlante et la déchiquetait en mille morceaux tel un animal enragé. Elle ressemblait à un véritable renard mort de faim, réclamant chair et sang.
Écœurée, apeurée et secouée de spasmes, Morphée ne pouvait décoller son regard de cet ignoble spectacle. Un liquide vert giclait de partout, des bouts de pétales voletaient dans tous les sens alors qu'une fine couche de poussière s'épaississait au sol.
- Bougez, bougez ! ordonnait Morphée à ses membres.
Mais ils ne lui obéissaient plus.
Le renard était couvert d'une substance gluante et verdâtre, ressemblant à s'y méprendre à du sang. Ce qui collait des grains de poussières et de restes de fleur sur son pelage et ses habits.
L'animal bondit par-dessus le carré d'herbe et la malheureuse victime qui ne ressemblait plus qu'à des lambeaux de plantes avant de franchir l'autre porte.
Bien que Flowey l'ait attaquée dans le passé, Morphée ne pouvait se résoudre à accepter sa mort.
Elle ne se résignait déjà pas au fait qu'elle le soit en cet instant précis ou que ses amis d'avant ait subi cet événement.
L'EXA réussit à faire un pas, puis deux, puis trois et enfin, titubant mais courant presque, elle se dépêcha de se rejoindre afin d'éviter que quelqu'un d'autre ne soit blessé.
Ses pas pesaient lourds, elle n'arrivait pas à accélérer. Sa frustration atteignait son summum avec cette sensation de marcher dans un marais jusqu'à mi-cuisse.
Elle tenta d'hurler en tendant la main vers le monstre qui s'élançait sur Froggit.
La bête lui mordit le cou. La seconde d'après, du sang se propulsait sur le sol et la bestiole.
Les cheveux de son corps ressemblaient à une féroce crinière, sa bouche bavait et un ruissellement écarlate en découlait.
Morphée criait enfin, aussi blessée que son ami dont la tête avait presque été arrachée. Comme si lui arracher les cordes vocales avait réveillé les siennes.
Elle sanglotait et voulait à tout prix atteindre les deux êtres.
Son corps partit remplir sa soif de meurtre en avançant à un rythme effréné, à quatre pattes.
Morphée s'agenouilla en pleurs, près de Froggit qui sembla la voir une seconde. Mais il disparut dans un nuage de poussières.
Il n'avait pas pu réaliser ce qui lui était arrivé.
Il est l'heure de se lever, Morphée.
Réveille-toi, Morphée ! Réveille-toi !
- Réveille-toi !
Morphée ouvrit les yeux d'un coup avant de soudainement se redresser dans son lit. La brusque présence de son cœur battant la chamade et sa respiration saccadée lui firent tourner la tête un moment. C'était comme violemment retrouver des habitudes oubliées.
Elle avait mal.
Au cœur, à la tête et dans l'âme. Elle haletait et transpirait à grosse gouttes.
Toriel s'empressa de la prendre dans ses bras.
- Calme-toi, mon enfant. Ce n'est rien. Ce n'est rien qu'un mauvais cauchemar, répétait Toriel assise sur son lit, lui murmurant ces paroles qui se voulaient rassurantes.
- T-Toriel ! s'écria Morphée en se nichant contre elle.
Elle ne pouvait s'empêcher de tousser et de pleurer. Les images de Froggit et Flowey mourant d'une manière atroce lui revenaient en mémoire, la blessant, l'effrayant. Elle avait peur.
Toriel réussit à la calmer légèrement en lui chantant une berceuse et disant que rien n'était vrai dans un rêve.
Morphée n'en fut pas pour autant tranquille.
Mais ce n'est qu'un cauchemar, n'est-ce pas...?
N'en sois pas si sûre.
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