Chapitre 1 : Course-poursuite

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Elle courait.

Sans s'arrêter.

Elle savait que si elle se stoppait ne serait-ce qu'une seule fois, elle ne pourrait jamais réussir à s'échapper.
Elle aurait épuisé toutes ses chances.

C'était sa seule et unique opportunité.
Il ne fallait pas la laisser passer.

Des faisceaux de lampes-torche et le phare éclairaient un peu son chemin.
Elle entendait des voix proférer des menaces contre elle et son existence et des chiens aboyer dans son dos, mais elle ne fit pas l'erreur de se retourner, connaissant sa trop grande facilité à rester tétanisée devant un quelconque danger.

Autant courir que d'attendre stupidement la mort ou la torture qu'on lui infligerait en punition d'avoir tenté de s'échapper.

Elle remarqua que les lumières bifurquaient dans une direction autre que celle qu'elle empruntait. Cependant, elle ne ralentit pas pour autant : il ne fallait jamais laisser le moindre avantage à son ennemi.
L'une des seules bonnes que lui avaient appris ces êtres cruels.

Elle atteignit finalement un grillage de barbelés.
Paniquée, elle tenta de trouver la sortie qu'elle avait repérée le matin même pendant sa promenade hebdomadaire. Elle longea rapidement la clôture qui la retenait prisonnière en ces lieux malsains.

Comme il faisait nuit noire, que les étoiles étaient cachées par de gros nuages et que le phare était loin et tourné dans la direction opposée, elle ne voyait pas assez le grillage pour débusquer son issue. De plus, la veille, ils lui avaient retiré sa vision nyctalope.

Le temps lui était compté.
Dans quelques minutes, les chiens retrouveront sa trace dès qu'ils sentiront de nouveau son odeur étrange.
Elle avait réussi à la diminuer, mais elle ne pouvait plus la contenir sous le coup de l'adrénaline.

Sans vraiment prendre le temps de réfléchir, elle attrapa les barbelés. Elle sentit alors les petits piques de métal entrer, s'enfoncer dans sa peau fragilisée et un liquide chaud s'échapper de ses paumes et de ses doigts.
Sans s'en préoccuper davantage, elle continua rapidement d'avancer en tâtonnant les fils de fer. Y laissant au passage quelques poils, morceaux de chair et gouttes de sang.

Enfin, elle trouva le bout de clôture cassée. La seule faille du système de haute sécurité de cet endroit.
Certainement fait par sa prédécesseuse.

Elle se baissa et atteignit l'emplacement où la fente était le plus espacée.
Elle s'accroupit, écarta vivement les bords, faisant fi de la souffrance que cela lui causait et essaya tant bien que mal de passer au travers à quatre pattes.

Il aurait été plus efficace d'utiliser ses pouvoirs afin d'obtenir une autre apparence d'animal nocturne, faire un saut de plus de trois mètres ou voire voler, mais elle ne les contrôlait pas très bien en état d'anxiété.
Même pas du tout, d'ailleurs.
C'était récent. Encore nouveau pour elle.

Elle réussit à passer sa tête, ses épaules et sa taille sans trop d'égratignures. Mais sa jupe et sa queue touffue se coincèrent dans le fer, bloquant une de ses jambes de l'autre côté.
Elle s'empressa de s'asseoir et tira de toutes ses maigres forces.

Impossible de dégager ni ses vêtements, ni sa fourrure !

Avec tout le désespoir du monde, elle se débattit comme un beau diable, malgré la douleur lancinante parcourant sa queue déchirée par les barbelés.
Elle s'aperçut alors avec horreur que les chiens accouraient droit vers elle, guidés par leurs maîtres et leurs lampes, attirés par la senteur cuivre du sang et ses hoquets.

Pleurant de rage, de frayeur et de supplice, elle s'agita violemment, se leva à-demi et tira le tissu avec acharnement.

Plus que quelques mètres avant qu'ils ne l'atteignent et qu'elle ne retourne en enfer.

Alors qu'elle perdait espoir, sa jupe craqua. Elle tomba en arrière et recula précipitamment du grillage, avant que la mâchoire d'un énorme bouledogue ne se referme sur son mollet.
Sans prendre le temps de reprendre son souffle, elle se leva et courut vers la montagne.

Celle dont on ne revenait jamais, pour une obscure raison que l'on ne lui avait jamais révélée.

Le Mont Ebott.

- Et pourtant Frisk... Tu en étais revenue...

*

La fugitive s'arrêta un instant, s'appuyant contre le tronc d'un sapin. Elle sentait ses poils tomber par petits tas et du sang couler de son visage dû à la branche épineuse qu'elle s'était prise de plein fouet. Sa queue était aussi en très mauvais état. Un liquide écarlate y gouttait également.

- Je dois faire peine à voir...

Bien qu'elle ne prenne plus soin d'elle, elle savait parfaitement combien son accoutrement pouvait être humiliant.

Elle reprit sa course.

Elle savait que ses poursuivants ne la lâcheraient pas aussi facilement.
Comme ils n'avaient pas lâché Frisk.

Rien que de penser à la pauvre petite fille de dix ans, presque onze qu'elle avait connue et considérée comme sa grande sœur, elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.

La respiration saccadée, les poumons en feu, elle courait toujours aussi vite qu'elle le pouvait vers la montagne.
De temps en temps, elle s'octroyait une petite pause de quelques secondes avant de reprendre son rythme effréné, toujours sanglotant.

Alors qu'elle croyait être hors d'atteinte de ses ravisseurs, elle entendit des cris et des vociférations.

Les chiens avaient retrouvé sa trace !
Certainement à cause des poils arrachés et du sang tombé à terre.

Apeurée et agacée à la fois, elle ne fit pas attention aux obstacles se trouvant sur son passage.
Une ronce la griffa au visage et une branche coupée lui entailla le bras.

Elle trébucha et se releva tout de suite mais dans sa précipitation, elle marcha sur sa jupe et retomba au sol où son ventre frappa une grosse pierre.

Le souffle coupé, elle cracha quelques gouttes de liquide au goût métallique.
Les voix et les aboiements se faisaient de plus en plus distincts.

- Oh non ! articula-t-elle faiblement.

S'enfuir ! Il fallait de nouveau s'enfuir !

Talonnée par ses ennemis, elle s'enfonçait de plus en plus profondément dans la forêt.
Elle n'en voyait pas le bout.

*

Quand elle sortit avec soulagement des bois, les pentes rocheuses du Mont Ebott apparurent devant elle.

Mon Dieu ! Pourquoi fallait-il que ce soit si raide ?

Ni une ni deux, elle se propulsa sur une pierre et commença à escalader.

Pourquoi s'enfuir là-haut ? Elle ne savait pas.
Par instinct ? Comme une petite voix qui vous guidait quand vous vous égariez.

Au fur et à mesure de son ascension, les cailloux roulaient sous ses pieds, menaçant de l'entraîner vers le bas.
Et avec l'obscurité, cela n'arrangeait rien.

Elle n'en était même pas à la moitié de son escalade quand les lampes-torches se braquèrent sur elle. Les chiens gueulaient à qui mieux mieux au pied de la paroi.
Elle faillit lâcher prise plusieurs fois tellement elle tremblait.

Soudain, la roche sur laquelle elle était posée, céda. Son corps se retrouva balloté au-dessus du vide, accroché par la seule force de ses bras.
Effarée, la vue troublée par l'effort et les larmes, elle tentait vainement de remonter, grattant ses talons contre la pierre jusqu'à trouver un renfoncement assez grand pour y mettre son pied.
Quand elle sentit qu'elle y était suffisamment ancrée, elle resta dans sa position pour se calmer un peu et reposer ses bras.

Cela ne servait à rien de grimper plus haut, si c'était pour tomber par manque d'attention.
De toute manière, ils ne pouvaient plus la suivre.

Les secondes passèrent lentement, telles des minutes, telles des heures. Et quand sa vue revint peu à peu à la normale, elle ne put s'empêcher de regarder en bas.

Grave erreur lorsque l'on a plus que le simple vertige.

S'il n'y avait pas eu les lumières qui éclairaient la fin de la forêt et les chiens de chasse, elle ne se retiendrait pas de s'évanouir et n'aurait pas une désagréable sensation de déjà-vu.

- Je ne peux pas ! C'est trop haut ! hurlait-elle.

Elle se trouvait assise en plein milieu d'une poutre, à dix mètres du sol.
Enfin... plutôt au-dessus d'une piscine.

Ce n'était pas la première fois qu'ils lui faisaient passer ce test. Mais elle en avait une peur bleue.

Elle aurait dû être créée sans émotions ou sentiments pourtant. Comme Frisk ou de son véritable nom, EXA7.
Mais il y avait dû avoir une erreur dans leurs programmes.
Et elle avait développé une peur irrationnelle du vide.

Même si elle n'était qu'à une courte distance du plancher des vaches, comme deux mètres, elle paniquait.
Mais ça... ils s'en fichaient royalement.

C'était ça.

Ils se prenaient pour leurs maîtres. Ils les maintenaient en vie.

Non.

Ils les gardaient opérationnels.

Pour eux... ils n'étaient sûrement pas des êtres vivants.
Juste des choses.
Des outils que l'on remplacera lorsqu'ils seront usés.

- Je m'en contrefiche, EXA8 ! Ou tu atteins l'autre côté en moins de cinq minutes ou tu reçois la punition !

Elle regarda en bas et sa vue se troubla de larmes de peur. Elle était aussi bien déstabilisée par la menace que par la situation mais...
Elle ne pouvait pas continuer...

- Je ne peux pas... Je ne peux pas...

Elle restait là, à répéter cette phrase jusqu'à ce qu'ils la fassent descendre d'eux-mêmes.

- Tu vas regretter de ne pas m'avoir obéi.

Ce maudit souvenir lui revint brutalement, lui faisant reprendre douloureusement ses esprits.
Son corps s'ankylosait à cause de ses bras, toujours en train de supporter son poids quoiqu'elle ait un pied "sur terre".

- Il faut... que... je bouge...

Malgré sa terreur qui la tétanisait et les fourmis dans ses membres, elle força sur ses mains, se surélevant petit à petit.
Elle s'efforçait de ne pas abandonner.

Elle grimpait toujours plus haut, la peur au ventre.
Au bout de quelques minutes qui lui parurent une éternité, les lumières et les hurlements de ses poursuivants ne l'attinrent plus.

Elle sentait des choses brumeuses autour d'elle. La montagne était-elle plus haute que ce qu'elle croyait, pour dépasser les nuages ou être à leur hauteur ?

Non.
C'était le brouillard qui s'était levé.

Le vent soufflait fort à cette altitude et elle avait du mal à se maintenir accrochée, avec les violentes bourrasques qui la faisaient chanceler.

Tout à coup, elle rata sa prise alors qu'elle voulait continuer à escalader et bascula en avant.
Elle ferma les yeux, redoutant la rencontre avec la paroi qu'elle se prit de plein fouet.

*

Lorsqu'elle les rouvrit, elle était face contre terre dans une grotte éclairée par des choses blanches et phosphorescentes.
Des papillons et des lucioles.
Le sol était jonché de plantes grimpantes.

Elle regarda autour d'elle et se leva. Elle pressentait qu'au moins ici, elle était en sécurité.

- C'est beau...

En vérité, elle n'avait jamais vu le monde extérieur autre que la décharge et admirer le paysage en pleine course-poursuite la nuit était tout bonnement impossible.

Les insectes, alertés par leur nouvelle congénère, formèrent une nuée dansante et commencèrent à voltiger autour d'elle comme pour lui souhaiter la bienvenue.
Ils la considéraient comme l'une des leurs.

Elle fut subjuguée par le spectacle que lui offraient ces petites bêtes. Elle sourit pour les remercier de leur accueil et décida d'aller explorer son nouvel abri.

Qui sait ? Peut-être devra-t-elle y vivre pendant un petit moment.
Dans ce cas-là, il valait mieux s'assurer qu'il y ait bien de l'eau et de la nourriture dans les environs.

Pendant son exploration, elle ne cessait de tourner la tête de droite à gauche, de haut en bas et vice-versa, pour observer ce qui l'entourait.

- C'est drôle ces rochers qui descendent ou montent en pics partout !

Elle ne savait pas ce qu'étaient des stalactites ou des stalagmites. Les noms exacts des insectes qui la suivaient depuis son arrivée lui étaient aussi inconnus.

En bref, elle était ignorante.
Mais pas bête.

Et puis, ils ne lui avaient rien appris sur ce qui se trouvait en dehors de sa prison.
Elle ne savait même pas qu'il existait d'autres endroits : son monde s'était limité aux barbelés.
Maintenant qu'elle les avait franchis, elle se croyait unique.

Ce qui était vrai mais dans un tout autre sens.

Elle croyait que les hommes qui l'avaient créée étaient les seuls humains dans tout l'Univers. Elle ne savait pas qu'il en existait d'autres et des filles aussi.
Après tout, elle n'avait jamais vu de femmes dans l'enceinte de sa prison.
Certes, elle en était une comme Frisk et quelques autres EXAs ; mais elles n'étaient pas vraiment humaines d'après eux.

Et elle, elle en avait la forme et encore !

Quel humain aurait des yeux, des oreilles, une queue ou la texture de peau d'animal sur soi depuis sa création ?
Aucun.

Même si elle ne connaissait pas beaucoup de choses comme comment un humain se multiplie, elle avait appris l'anatomie de ces êtres vivants et une chose était sûre ! Elle ne leur ressemblait pas réellement, voire pas du tout.

*

Distraite par toutes les nouvelles choses qu'elle découvrait, elle vit qu'elle était entrée dans une plus grande caverne encore avec une énorme ouverture à sa voûte, laissant passer la lumière de l'aube qui se levait ; mais ne remarqua pas la racine au sol, un peu plus surélevée que les autres et le trou béant qui se trouvaient devant elle.

Ce qui devait arriver, arriva.
Elle se prit le pied dans la plante et trébucha.

Avec effroi, elle s'aperçut qu'elle se précipitait droit dans la crevasse et à coup sûr, vers une mort certaine.

Elle chercha inutilement à s'agripper à quelque chose mais ses mains ne rencontrèrent que du vide.
Tétanisée, elle ne hurla pas, ne poussa pas un cri.

Elle tombait dans l'obscurité.

Encore.

Et encore.

Elle tombait sans fin.

Vraiment...

Mourir de cette manière alors qu'elle avait réussi à s'échapper de ses bourreaux sans cœur...

C'était stupide.

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