Chapitre 2

Je me retrouve avec mes parents dans le bureau du directeur de l'Académie Nevermore. La pièce possède une grande bibliothèque adossée au mur de gauche, tandis qu'une cheminée se trouve encastrée dans le mur de droite, des fauteuils et une table basse se trouvant devant l'âtre. Mes parents et moi sommes assis sur des chaises et faisons face au directeur – un homme grand d'une cinquantaine d'année, aux cheveux gris coupés court et à la barbe taillée – installé à son bureau.

- Bonjour, je suis Quintus, le directeur de l'Académie Nevermore. Avant d'accepter Nico dans cette école, j'aimerais mettre certaines choses au clair.

Il se tourne vers moi et me lance un regard sévère.

- Au moindre débordement, que ce soit tentative de meurtre ou blessure injustifiée et démesurée sur n'importe quelle personne de cette école, tu seras renvoyé. De plus, tu devras suivre assidument les séances chez le psy que l'assistante sociale a recommandées, ou tu seras aussi sanctionné.

Ah oui, ces séances de thérapie... J'estime que je n'en ai pas besoin, mais d'après l'opinion publique et judiciaire, je suis sujet à des « excès de colère, parfois à tendance meurtrière » que j'aurais du mal à maîtriser. Quelle blague !

- Est-ce qu'on est d'accord ?

Le directeur me regarde avec insistance, et je sens que mes parents en font de même. Je soupire.

- C'est d'accord.

- Parfait ! Dans ce cas, bienvenue à Nevermore ! Suivez-moi, je vais vous emmener à la chambre de Nico.

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- C'est ici !

Quintus ouvre la porte et un sentiment d'horreur m'envahit.

- Que quelqu'un me crève les yeux...

Les murs de la moitié gauche de la pièce sont peints en blanc, du moins d'après ce que je peux en voir du peu de surface murale encore visible. Ils sont tapissés de haut en bas par des objets en tout genre : posters de groupes de musique, photos, étagères soutenant des livres ainsi que des CD et des goodies – qui sont presque plus nombreux que les livres – une guirlande lumineuse qui longe le mur de ce côté-ci de la chambre... et plein d'autres décorations en tout genre. Le lit est recouvert par des draps aux couleurs jaune et bleu et par quelques peluches. Même les vitraux de la grande fenêtre circulaire au fond de la chambre ont été peints dans des tons jaune et orange, rappelant un soleil miniature.

Quant à mon colocataire, que dire... Il est aussi lumineux que sa chambre. Il est légèrement plus grand que moi et doit avoir dans les 15/16 ans. Il a la peau bronzé d'un surfer, des cheveux blonds bouclés qui semblent s'illuminer sous les rayons du soleil et des yeux bleus. Il porte un sweat à capuche bleu sous sa veste d'uniforme violette et noire de l'Académie ainsi qu'un bermuda noir comme bas d'uniforme. Lorsqu'il nous voit entrer, il se lève de son bureau, un sourire chaleureux sur le visage, et se dirige vers nous.

- C'est très... vivant, lance mon père.

Je jette un regard à mon nouveau camarade de chambre se rapprochant de nous.

- Un peu trop même.

Quintus prend la parole :

- Will, je te présente ton nouveau camarade de chambre, Nico.

- Salut ! Enchanté de faire ta connaissance !

Je le toise du regard.

- J'aimerais pouvoir en dire autant.

Il semble déconcerté et un petit sourire en coin m'échappe. Je n'aime pas quand des personnes sont trop amicales envers moi, surtout quand on vient de se rencontrer, alors j'ai tendance à les rembarrer pour les rebuter. Mais la tête qu'il a tirée et ce changement brusque d'expression étaient plutôt drôles.

Quintus s'adresse à moi :

- Ton uniforme se trouve sur ton lit. Une fois que tu te seras changé, on te fera faire le tour de l'école. J'espère que vous vous entendrez bien et qu'aucun problème ne sera causé.

Il hausse un sourcil dans ma direction. Je soupire. Qu'est-ce qu'il m'agace...

- C'est bon, j'ai compris.

- Bien. Alors on va vous laisser faire connaissance. Will, tu pourras lui faire visiter l'Académie s'il te plaît ?

- Bien sûr !

- Merci. Pendant ce temps, je réglerai quelques détails avec les parents de Nico.

Ma mère prend la parole :

- D'ailleurs en parlant d'uniforme, vous avez pu en préparer un spécial pour Nico ? Il est allergique aux couleurs.

- Oui ne vous en faites pas, il a été fini à temps.

Je vois Will me regarder avec un mélange d'étonnement et d'intérêt.

- C'est vrai ? Je ne savais pas que cette allergie existait ! Ça te fait quoi ?

- Ça me donne de l'urticaire et ma chair se détache de mes os.

Il fait une grimace.

- Pas cool ça...

Il sort un calepin avec un crayon de la poche de son bermuda et se met à écrire.

- Tu permets que je te pose des questions pour en savoir plus ?

Sérieusement ? C'est quoi son délire ?

Le directeur se râcle la gorge.

- Hum, Will ? Peut-être que tu pourrais faire ça plus tard, après avoir montré l'école à Nico ?

- Oh, oui, désolé...

Will affiche un sourire gêné et range son petit carnet.

Les adultes s'en vont et je mets mon uniforme entièrement noir. Je suis ensuite Will qui me fais visiter l'Académie Nevermore. Il m'explique que celle-ci est une école mais aussi une sorte de refuge pour les jeunes Marginaux qui n'arrivent pas à se faire une place dans la société. Ça peut être des créatures, des personnes avec des dons ou juste des gens tordus... Bref, c'est l'endroit le plus sûr pour toutes les personnes considérées comme des monstres ou comme étant « bizarres » par la société et par les Normis. Même si je ne sais pas trop en quoi mon nouveau colocataire est « bizarre » et quel sorte de Marginal il peut bien être. Après tout, il a l'air d'être l'archétype de la personne considérée comme « normale » et « parfaite » par la société : beau, souriant, sociable et aimable. Même si ça n'est évidemment pas mon avis ; il est tout ce que je peux trouver d'insupportable chez une personne. Ne parlons même pas de son aura rayonnante qui l'entoure à chaque instant. Je vais devoir porter des lunettes de soleil près de lui pour ne pas que mes yeux brûlent. Ou je finirai par le tuer, je ne sais pas encore...

En faisant le tour de Nevermore, je m'aperçois que l'école est bien plus grande que ce que je pensais. Et plutôt cool je dois l'avouer. Les bâtiments ont un côté manoir hantée et la forêt qui l'entoure a l'air lugubre et sombre – tout ce que j'aime. L'école est délimitée par un lac avec un cours d'eau d'un côté, la forêt d'un autre, et un haut mur en pierre avec un portail en fer forgé d'un troisième côté, marquant l'entrée du domaine de l'Académie.

Pendant la visite, Will fait que de s'arrêter pour saluer des amis à lui et pour me présenter, les autres élèves me regardant de travers. Génial, ça commence bien... Je n'ai encore rien fait pourtant !

Après ça, je rejoins ma famille devant la porte principale de l'école.

- Nous te contacterons la semaine prochaine via ton crâne de cristal pour savoir comment se sera passée cette première semaine, d'accord ? me dit ma mère.

- OK.

Elle me caresse la joue.

- Ne pars pas défaitiste et laisse une chance à cette école. Je suis sûre que tu finiras par t'y intégrer, et peut-être même par te faire des amis.

Je ne réponds rien. Je n'ai jamais réussi à me faire des amis, les autres me trouvant trop « bizarre » et « glauque ». Et il faut admettre qu'avec le temps, ça a fini par m'être égal. Au contraire, plus je me tiens loin des gens, mieux je me porte.

Bianca s'approche de moi et me sers dans ses bras. Je finis par m'écarter.

- OK ça suffit, pas de câlin de plus de deux secondes.

Elle lève les mains en rigolant.

- D'accord, d'accord.

Ma sœur me sourit.

- Tu vas me manquer, fratellino.

- Toi aussi.

Puis vient le tour de mon père, tandis que ma mère et ma sœur rejoignent la voiture.

- Évite de dépasser les bornes cette fois-ci, c'est tout ce que je te demande.

- Mh.

C'est TOUT ce que tu me demandes, bah voyons... Le silence s'installe, où mon père semble hésiter à ajouter quelque chose. Puis il finit par dire en me regardant dans les yeux :

- Si tu as des questions sur certaines choses que tu ne comprends pas et que tu as besoin de conseils, tu peux me demander, tu sais ?

Son regard devient lourd de sens et je pense savoir de quoi il veut parler, mais je fais mine de rien.

- Je ne vois pas pourquoi j'aurais besoin d'aide venant de toi, mais c'est entendu.

Je tourne les talons et franchis la porte de l'école. Je ne vois pas comment il a pu être au courant, mais si c'est bien de ÇA dont il parlait, alors je vais devoir me renseigner de mon côté. C'est peut-être quelque chose d'héréditaire. Quoi qu'il en soit, je préfère le garder pour moi pour l'instant et n'en parler à personne, encore moins à mon père.

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