Leo était rentré et le temps s'était calmé. Le trajet n'avait duré que quelques minutes, mais désormais, chaque seconde qui passait était comme des heures aux yeux de Leo.

L'ennui.

L'improvisation.

Deux choses de la vie quotidienne qu'il avait pourtant oubliées. Il ne savait que faire de ce temps libre qu'il ne désirait pas mais qu'il était pourtant bien obligé d'accepter, quoi qu'il en soit. Pour lui, son avenir était déjà tracé d'avance, mais voilà qu'il ne savait pas ce qu'il allait advenir de sa vie professionnelle et de lui-même, comme si quelqu'un avait coupé le fil conducteur de son existence. Il détestait ce sentiment d'incertitude plus que tout au monde mais c'était inexorable : quoi qu'il fasse, il ne retrouverait pas son travail. Et cela était pour lui inacceptable, car c'était ce qu'il avait de plus cher en ce monde. Il se retrouvait de nouveau à la case départ ; tout ce qu'il avait construit à la sueur de son front n'était plus, il n'avait plus rien, plus rien qui ne vaille la peine de savourer la vie.

Mais heureusement subsistait une étincelle au milieu de toute cette noirceur :

L'affaire non-résolue du meurtre du Comte de Brighthall.

Cette affaire sur laquelle il était tombé par pur hasard était alors devenue ce qu'il y avait de plus important pour lui, c'était la seule petite chose qui lui restait. Au fond de lui, il espérait que cette enquête n'avance qu'à pas lents, afin de faire durer le plus possible ce dernier petit bout de plaisir. Mais en même temps, il se disait que, s'il avait beaucoup de chance, il pourrait aller dénoncer le ou les coupables au commissariat une fois qu'il aurait résolu cette énigme, et par la même occasion tenter de les convaincre de lui donner une seconde chance. Il savait qu'il n'y avait presque pas d'espoir, mais il gardait cette pensée dans un coin de sa tête. Il n'avait plus rien à perdre, donc tenter le coup ne serait pas quelque chose d'aberrant.

          Mais avant d'essayer quoi que ce soit, il lui fallait résoudre l'affaire, ce qui ne serait pas une tâche aisée : sans laboratoire à sa portée, il ne pourrait pas demander l'analyse d'une pièce à conviction ou d'un échantillon suspect qu'il trouverait. Revenir sur les lieux n'était donc pas la priorité : il fallait réfléchir et entrer en contact avec des personnes qui connaissaient le Comte de Brighthall. Leo espérait qu'elles soient encore en vie et même si elles avaient certainement dû être interrogées 9 ans auparavant, qu'elles se souviendraient de quelques détails, peut-être... Il restait une dernière solution : se prendre au jeu d'Alex. Leo avait l'impression qu'il savait des choses que lui ignorait, mais dans tous les cas, il refuserait sûrement de les lui donner... L'ancien inspecteur jouerait donc à l'ignorant, chose qu'il détestait faire mais qui parfois pouvait s'avérer utile.