METSÄ- 13

Taehyung se redressa comme un ressort, d'un bond qui n'avait rien ni de naturel ni d'élégant - contrairement à la démarche de Yoongi-sama; soudainement debout au milieu de la plaine.

À l'endroit où il était précédemment allongé, l'herbe formait un drôle de creux, tassée selon la forme de son corps. Il avait autrefois appris que les chiens tassaient le gazon de cette façon avant de dormir, pour se protéger du vent mordant des plaines; et, pour être honnête, il se comportait en cet instant comme une bête sauvage apeurée, fuyant l'homme à l'origine de sa malédiction.
Les membres raides, il s'éloigna à pas rapides.
Il lui semblait presque que l'air s'était chargé d'une tension lourde à l'arrivée du maître.

Il dû s'arrêter brusquement, comme saisit au col par une main invisible.
Si, la première fois que ce genre d'événement s'était produit, la force l'écrasait, l'étouffait violemment, elle semblait cette fois plus conciliante, plus amène. Ce n'était plus une tornade qui lui giflait le visage, mais une brise, tiède, qui lui caressait le cou, léchant sa peau d'une façon quasiment doucereuse. Le regard de Yoongi-sama lui brûlait la nuque.

Le jeune garçon, droit comme un i, brava l'étreinte invisible et se retourna, fixant celui qui venait troubler sa quiétude.
L'homme à la peau si pâle dardât son regard dans le sien, cette moue, qui insupportait tant Taehyung, de nouveau plaquée sur son somptueux et gracile visage.
Les pans de son kimono étaient agités par le vent qui le talonnait toujours, qui s'enroulait constamment autour de lui. Son ombrelle à la main, planté dans les herbes hautes, il semblait venir tout droit de l'atelier de Rodin. Il se tenait fier, ainsi, souverain du sanctuaire, captant divinement la lumière du soleil.
L'herbe, à ses alentours, semblait plus vertes que partout ailleurs.
Yongi-sama était détenteur d'une beauté presque sacrée. Une beauté quasiment irréelle, certes, mais trompeuse.

Son regard longea le corps ankylosé du citadin, remontant de ses orteils nus, ses pieds terreux, aux épis indomptables sur sa tête. Il s'attarda une poignée de secondes sur le kimono que portait Taehyung. L'étincelle de contentement dans ses yeux disparût aussi vite qu'elle n'apparût, laissant place à un rictus écœuré à l'encontre du jeune garçon. Puis, la voix chuchota à son oreille, s'élevant sans même qu'il n'ouvre la bouche;

«- Puisque tu es vêtu comme un souillon, retourne dans le premier jardin. Là, tu verras Jeongguk, que tu aideras à lessiver les sols. Une fois ton travail achevé, tu rejoindras Jimin pour le seconder. Il devrait être en train de s'occuper du linge.»

Les cajoleries de la brise s'évanouirent aussi vite qu'elles n'étaient apparues. Et, alors que Taehyung tournait les talons, obéissant, il entendit distinctement le garçon aux cheveux bariolés, qui cette fois parlait véritablement, ajouter qu'il «ferait mieux d'arranger cette tenue indécente», et la peur de voir sa peine rallongée empêcha le citadin de lever les yeux au ciel de dépit, si bien qu'il attrapa les pans du kimono pour les serrer contre sa poitrine.

-
Le citadin s'acharnait à nettoyer le sol comme un forcené, les deux mains crispées contre la brosse en bois qu'on lui avait attribué. Ses genoux le brûlait, à force de frotter contre le bois des allées extérieures qui entouraient le temple et donnaient sur le jardin, dont il devait s'occuper. En soupirant, il s'assit sur le sol détrempé, jetant un coup d'œil vers l'arrière. Une large traînée humide le précédait. Le bois s'était assombri là où il l'avait frotté. Il avait peu avancé, à vrai dire, et cette vue le découragea quelque peu.
Le couloir s'étalait, encore et encore, et Taehyung n'en voyait la fin, comme si une force inconnue s'amusait à étirer le passage étroit, comme un fil de fromage fondu, afin de l'empêcher de terminer sa tâche éreintante.
Jeongguk l'avait laissé, un peu plut tôt, après lui avoir mit entre les mains un seau de métal polit par le temps rempli d'eau savonneuse et une brosse aux poils rêches. À présent, le noiraud arrachait les mauvaises herbes qui poussaient en touffe fournies, bordant la coulée d'eau claire qui sillonnait les jardins.
Taehyung remonta ses manches. Sa tenue n'était pas des plus adaptée, et il enviait son camarade, dont le haut en lin brut semblait bien plus léger, et plus sobre. Jimin aurait mieux fait de lui apporter un kimono plus simple, songea-t-il, épongeant son front.

L'ambiance feutrée qui régnait dans les jardins était apaisante, malgré tout. Le soleil commençait à peine à décliner, ses rayons rougeoyaient presque, et l'air moite était chargé de l'odeur légère d'une soirée d'été. Il faisait encore bien chaud, cependant, et travailler sous cette température était ardu.

Et, alors qu'il se remettait à s'agiter, les mains douloureuses et fripées à force de les plonger dans l'eau, on glissa sous son nez des fleurs de cosmos, rassemblées en un bouquet de différentes nuances de rose. Il remonta la tête, leur odeur sucrée enflant dans l'air un instant, alors que Jimin les apportait à son nez, serrant fermement les nombreuses tiges entre ses mains. Il avait glissé une des fleurs, blanche cette fois, derrière son oreille. Il semblait baigner dans le soleil, ses cheveux de feu étincelant littéralement sous les rayons.

«- Viens avec moi, Taehyung, tu as suffisamment travaillé pour aujourd'hui; murmura-t-il, ses yeux plissés en croissant de lune. En guise de réponse Taehyung pointa vaguement une direction du doigt, vers laquelle le rouquin tourna la tête.

Yoongi s'était assit contre le tronc noueux et épais d'un des arbres qui leur faisait face, à quelques mètres de distance. Il avait replié son ombrelle, à présent posée à ses côtés. Le maître du sanctuaire s'était installé sur une natte de bambou, les jambes croisées, comme s'il méditait en position du lotus. À cette distance, il était difficile de le discerner parfaitement, néanmoins il semblait à  Taehyung que ses yeux étaient entrouverts. Peut-être méditait-il réellement, après tout?

«- Il ne remarquera pas ton absence. Pas lorsqu'il est dans cet état. Ses yeux pétillaient d'admiration pour son maître. Regarde comme c'est beau! »

Les cerisiers ne devaient pas être en fleur, à cette période; et pourtant, il lui semblait voir tourbillonner lentement les pétales pâles de l'arbre autour du jeune garçon aux cheveux si étranges. Le soleil, qui tapait si fort sur Jeongguk, dont la peau était autant halée que celle des paysans travaillant dans les rizières et qui fascinaient tant Taehyung, ne traversait pas le feuillage clairsemé des sakuras en pleine floraison. Depuis quand était-il assit ici? L'avait-il observé travailler? L'homme semblait si calme, ainsi. Le bijou qui pendait à son oreille s'agitait, brillant d'un éclat verdâtre, seul mouvement détectable. Même ses paupières restaient délibérément closes, immobiles. Le châtain était pourtant persuadé qu'il ne s'était pas posté ici, juste face à lui, pour rien. Mais après tout, il lui avait demandé d'aider Jimin, après avoir finit de nettoyer le sol, et cette tâche interminable pouvait bien être remise au lendemain.
Il jeta un dernier coup d'œil vers Yoongi avant d'attraper la main que lui tendait le rouquin, qui lui coinça une des fleurs dans ses cheveux désordonnés.

«- Voilà! On est assortis, comme ça!» s'écria le garçon-renard, un grand sourire sur ses lèvres pleines, l'entraînant avec lui.
Et son sourire sembla s'étirer plus encore lorsque Taehyung pouffa, sa main agrippant celle qui le tirait, ses pieds mouillés dérapant sur le sol alors qu'il courait avec Jimin, dont le rire éclatât, cristallin, résonnant entre les murs du temples.

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