METSÄ- 09
Taehyung suivait Jimin, son guide improvisé dont la silhouette gracile se découpait sur les cloisons de papier. De vieilles lampes à huile, posées régulièrement le long du dédale de pièces et de couloirs relativement semblables, brûlaient en crépitant, éclairant faiblement le temple, qui paraissait décidément bien plus imposant de l'intérieur.
Chacun de leurs pas faisait grincer le parquet, et seuls les gémissements du bois ne troublaient le mutisme morbide régnant dans les ruines. Ruines qui, étrangement, semblaient avoir été préservées de l'effet destructeur du temps et des intempéries.
Les parquets moulus étaient lustrés, et les murs avaient conservé leurs jolies couleurs vives d'antan. Peut-être était-ce aussi ce contraste saisissant qui le rendait si mal à l'aise? Taehyung était comme projeté quelques siècles auparavant. Il se sentait non pas comme un souverain en sa demeure, mais plutôt comme un esclave condamné à se sacrifier pour divertir un maître cruel, qui se délecterai de la mort d'un pauvre humain, créature faible devant le péché, trop curieux. Il n'exagérait qu'à peine!
Enfin, le rouquin s'arrêta devant une jolie porte coulissante rouge, dont les fresques, peintes sur le papier, semblaient presque danser sous la faible lueur de la flamme.
Le jeune garçon frissonna, les poils des bras hérissés. L'orage secouait le temple, et quelques vifs éclairs zébraient brièvement le ciel.
Taehyung ne haïssait pas spécialement ce temps orageux, mais le déluge et la pénombre créaient une ambiance particulièrement macabre.
Il essuya ses mains moites sur son pantalon, déglutissant difficilement alors que Jimin lui adressait un frêle sourire, les mains jointes, psalmodiant une courte prière inintelligible. Alors, la voix cassante du jeune homme aux cheveux verts perça le silence, résonnant entre les murs.
«- Amène le moi, ordonna-t-il. Une fois que nous aurons fini de discuter, tu l'emmènera dans sa chambre, puis tu iras aider Jeongguk en cuisine.
- Bien, maître. Le garçon-renard se courba, appuya légèrement, du plat de la main, contre le dos de Taehyung, l'incitant à s'avancer, et, toujours incliné, recula à petits pas. Bonne chance, chuchota-t-il, montrant son poing fermé au citadin. Une fois que le rouquin fut suffisamment loin, la paroi coulissa. Un souffle glacé, et pourtant moite, frappa ses joues tandis qu'il s'avançait doucement dans la salle.
- Viens-là. »
De lourds volutes d'encens enfumaient la pièce, faiblement éclairée par une ribambelle de lanternes traditionnelles rouges. Les bougies, dont la cire brûlante s'écoulait lentement, s'écrasant quelques fois au sol en un ploc sonore, diffusaient une chaude lumière. Les rayons orangeâtres tapaient contre les murs décorés de feuille d'or. Debout devant l'imposant autel, celui qui faisait figure d'autorité dans le sanctuaire l'attendait, les mains sagement, élégamment, jointes sur l'obi¹ de son kimono. Ainsi entouré, il rayonnait, sa peau blanche semblant encore plus pâle.
Rêvait-il?
Taehyung fit deux pas en avant.
«- Peux-tu me dire ce que tu fais ici? Pourquoi es-tu revenu, toi qui t'étais enfui si lâchement lors de notre précédente rencontre... cherchais-tu à piller mon temple? »
Un vent glacé s'éleva brusquement. Le phénomène était similaire à celui du jardin, où le vent l'avait malmené jusqu'à ce que le garçon mentholé ne l'épargne. Cette fois, les rafales frappèrent violemment son corps chétif, recroquevillé pour se protéger au mieux, le faisant tanguer de gauche à droite, d'avant en arrière, le réduisant en un ridicule pantin. Soudain, une violente bourrasque le projeta sur ses genoux.
Alors seulement, il osa parler.
«- En foulant de tes pieds le sol de ces "ruines", tu as profané mon sanctuaire.
- Je n'ai rien fait!
- Vraiment? Si tu n'avais réellement rien fait, tu ne serais pas agenouillé ici, hm? Toute offense mérite compensation, humain. Ses talons claquèrent contre le sol, et les sandales de l'homme aux cheveux bleus entrèrent dans le champ de vision de Taehyung. Un doigt sous son menton le contraint à relever la tête. Une moue complaisante froissant son visage aux traits fins, le maître du temple le fixait à travers ses cils. Imprime bien cette phrase dans ton petit crâne vide, ce sera la première leçon que tu tirera de ta peine.
Le jeune garçon blêmit, son visage se décomposant à une vitesse folle alors que ses pensées se bousculaient dans son crâne. Son cœur tambourinait comme un forcené contre sa poitrine, et une sueur froide lui gela le dos. Courbant les épaules, comme si Atlas lui avait apposé tout le poids du monde, il balbutia faiblement.
- Ma peine?
Moqueur, l'homme s'éloigna, repoussant la mèche de cheveux bleutés qui obstruait sa vue.
- Et bien, que ne comprends-tu pas dans ma phrase? Tu ne croyais tout de même pas que de bêtes excuses ne me suffirait, n'est-ce pas? »
Taehyung ricana nerveusement, se redressant, les muscles raides, dardant son regard fébrile sur l'autre. Celui qui se faisait appeler maître le fixait dédaigneusement, les pans de son kimono ondulant sous l'effet de sa démarche gracieuse. On aurait presque dit qu'il dansait, tant la façon dont il se mouvait était fluide et élégante. Peut-être même dansait-il réellement, vu le sourire enjoué étirant ses lèvres gourmandes. Alors qu'il se tenait dos au citadin, s'amusant à frôler la flamme d'une des bougies de la pulpe de son doigt, sa voix tonna, couvrant les grondements de l'orage.
«- Maintenant que j'y réfléchi à nouveau, la punition que je t'avais choisie n'était pas vraiment divertissante, et je viens d'avoir une bien meilleure idée. Tu n'as pas l'air d'être un mauvais garçon, après tout...
Alors que Taehyung soupirait de soulagement, l'homme claqua des mains, enthousiaste.
Ainsi que Jimin et Jeongguk, tu serviras le temple aussi longtemps que je le souhaiterai!
- Jamais! Le garçon ne parvint à refréner son cri. Jamais, au grand jamais, il ne deviendrait l'esclave de cette créature. Il se releva, les jambes flageolantes. Il voulait s'enfuir, ouvrir la lourde porte du temple et ne jamais y retourner, mais ces jambes refusaient de le porter.
Alors, il ne put qu'observer le garçon à la peau pâle s'approcher de lui, une colère froide déformant les traits de son visage crispé, son index lui effleurant la joue moite d'un voile de transpiration froide.
- Es-tu sûr de toi, misérable humain? susurra-t-il, presque tendrement, fixant Taehyung droit dans les yeux, son index accusateur cette fois pointé sur son torse, son ongle s'y enfonçant douloureusement. Les lèvres du châtain étaient comme scellées. Non, voulais-t-il lui hurler. Non! J'accepte mon sort!
Tu ne dis rien? Reprit-il, un sourire aussi éclatant que cruel sur la bouche. Alors tu seras maudit. Aucune des faibles créatures comme toi ne se souviendra de ton existence. À partir de maintenant, à cause de ta curiosité, tu n'es qu'un prénom entre tous, une vague sensation, une couleur fanée. La sentence tombait. Lourde, perfide; et un poids tomba dans l'estomac de Taehyung, comme s'il avait avalé une pierre, alors qu'elle résonnait entre les murs de la pièce.
Tu n'es plus rien, Taehyung. Et que tu le veuilles ou non, seuls ceux peuplant ce temple, à présent, ne connaissent ton existence.
Tu es condamné à rester ici, errer parmi les murs de ce sanctuaire en exauçant chacun de mes vœux. Et ce, jusqu'à ce que je décide de conjurer le mauvais sort. »
L'homme, en un claquement de doigts, s'éclipsa, laissant derrière lui le jeune garçon dévasté. Brusquement, il s'écroula au sol, une vive douleur, comme une brûlure au fer rouge, traversant sa poitrine. Il sanglota, prostré contre le parquet par la souffrance. C'était comme si sa peau se ratatinait, se couvrait de cloques, comme si un millier d'aiguilles incandescentes se fichaient dans son organisme, là, juste au niveau de son cœur.
Alors, il baissa les yeux vers son torse, tirant sur son col comme un forcené, et vit une large marque noire, semblable à un sceau ancien, s'imprimer sur sa peau.
¹obi: ceinture large servant à maintenir les pans des tenues traditionnelles japonaises.
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