Partie 35
Plus Al se rapprochait, plus la vision d'Eddy nu et pathétique l'attendrissait. Il dut s'appuyer légèrement au tronc d'un bouleau. Putain, je ne vais pas m'effondrer, je ne lui ferai pas se plaisir. Il réussit à se ressaisir et à avancer d'une allure normale. Eddy le vit enfin ; ses yeux exprimèrent une joie non feinte, pas le triomphe qu'Al appréhendait. Al résista à l'envie de courir se blottir dans ses bras. Il franchit la distance qui le séparait de Merinvale, puis s'immobilisa à quelques pouces de lui. Pendant tout ce temps, le regard sombre n'avait pas lâché le regard vert. Al espérait transmettre un message clair. Je t'aime, mais fais gaffe ! Eddy capta-t-il l'avertissement ? En tout cas, il ne tenta pas un geste en direction du jeune homme. L'échange muet dura une poignée de secondes, jusqu'à ce qu'Al balance un :
« Sale lopette !
— Petit pédé à la manque ! »
Leurs yeux demeuraient aimantés ; les mains d'Al fourmillaient du désir de toucher Merinvale. Lisser du bout des doigts les poils mouillés des bras, du torse, ceux au-dessous du nombril, prolongés par un fouillis doré. Pas la peine de voir son sexe pour comprendre qu'Eddy bandait. La crispation de ses mâchoires, le pli accentué des commissures de ses lèvres le trahissaient. Al lui-même sentait se dessiner sous son short une amorce d'érection.
« Alors, tu es venu, dit Eddy, la voix enrouée.
— Oui. J'ai eu tort ?
— À ton avis ? »
Dans un même élan, ils se ruèrent l'un sur l'autre. Eddy reçut dans la poitrine un impact à couper le souffle tandis qu'une tête venait heurter la sienne. Il riva sa bouche à celle d'Al avec une sorte de voracité. Quand sa langue voulut forcer la barrière des lèvres, le jeune homme résista. Leurs dents s'entrechoquèrent. Leur étreinte s'apparentait plus à un furieux corps-à-corps qu'à des effusions amoureuses. Chacun se lança à l'assaut du corps de l'autre, leurs mains respectives n'en finirent pas de pétrir, de pincer avec une jubilation méchante. Eddy avait saisi les fesses d'Al et les pétrissait durement à travers le short. De son côté, Al avait glissé les doigts dans son entrejambe et lui malaxait les bourses. Absorbés par eux-mêmes, ils ne sentaient pas la pluie qui transformait le tee shirt d'Al en chiffon et les cheveux longs de Merinvale en algues flottantes. Les deux hommes firent un instant du surplace avant qu'une forte poussée ne propulse Eddy en arrière. Déséquilibré, il tomba à la renverse, entraînant Al dans sa chute. Tous deux roulèrent sur l'herbe humide, bras et jambes enchevêtrés.
« Tu te repentiras de m'avoir mis à terre, dit Eddy, mimant la colère. J'ai été champion de boxe à Eton.
— Il y a combien de temps ? »
Pour toute réponse, Eddy mordit les tétons d'Al à travers le coton mouillé. Le jeune homme réagit en pressant son sexe contre le ventre de Merinvale. Les deux triques entrèrent en contact à travers la toile du short. Au comble de l'excitation, Eddy aventura une main. Ses doigts se crispèrent sur la verge longue et étroite dont il gardait un souvenir ému. Le méat suintait légèrement. Les quelques gouttes recueillies l'enivrèrent. Offrir à Al une fellation grandiose, avant de l'étendre sur la mousse et de le mettre. Si tu peux, lui souffla au creux de l'oreille une vilaine petite voix. Tenir le rôle passif de la petite fiote, comme l'appelait tendrement Gerry, n'avait-il pas amoindri sa virilité ? Une angoisse irrépressible l'envahit.
Al ne comprit pas qu'Eddy lâche son sexe et désincarcère ses jambes des siennes.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
— Je veux que ce soit toi."
Merinvale se mit à quatre pattes sur le sol boueux, présentant un dos d'une ligne parfaite et des fesses pommées. Al fixa le cul qui avait alimenté ses branlettes solitaires de cette dernière année. Il avait imaginé un autre scénario de retrouvailles. Eddy le prenant et lui, défaillant sous les coups de boutoir de son amant. Mais si Eddy voulait inverser les rôles, il n'allait pas le contrarier. Il baissa son short et orienta son sexe entre les deux lobes. Il s'apprêtait à se couler dans la brèche large et accueillante lorsqu'Eddy se retourna.
À quel moment avait-il réagi et repris les rênes ? Peut-être en devinant les hésitations d'Al. La crainte du jeune homme de ne pas se montrer à la hauteur avait chassé du même coup ses propres peurs. Un jour, il lui expliquerait. Le Black Lizard, Gerry, la perte progressive des commandes. Plus tard, pas maintenant.
Ses mains s'arrimaient aux hanches de son amant dont le mouvement de balancier l'affolait. Était-ce l'effet lubrifiant de l'eau ? Son dard glissait, telle une anguille, dans le conduit si serré. Fait exprès pour moi, avait-il pensé la première fois. À l'époque, il n'était pas conscient de sa chance. Cette fois, il ne la laisserait pas filer. Tout en pilonnant l'anus d'Al, il envisageait un avenir radieux. Bénis soient Felicity et Archie ! Il avait été injuste avec eux, particulièrement envers son vieux pote. Quant à son grand-père, il s'efforcerait de s'en rapprocher et de se montrer digne de leur lignée.
L'orgasmed'Eddy éclata à l'instant où retentissaient les dernières cymbales du tonnerre.Un gémissement discret lui apprit qu'Al venait lui aussi de jouir. La pluieavait cessé de se déverser sur les deux corps enchâssés l'un dans l'autre et uncoin de ciel bleu trouait les nuages. Eddy fut le premier à se relever. Iltendit la main à Al pour l'aider à se mettre debout. Voyant le jeune homme grelotter, il lui ôta son tee shirt et lui frictionna le torse avec énergie.
« Ma mère faisait ça quand je rentrais trempé de l'école. Avant de se barrer, ajouta-t-il avec une pointe d'amertume.
— Rassure-toi, je ne me barrerai pas. Chez les Merinvale et les Lyme, on se marie pour la vie.
— Sans déconner ?
— Ai-je l'air de plaisanter ? Mon grand-père sera fou de joie. »
Les yeux d'Al pétillèrent de malice.
« En somme, tu m'épouses pour lui faire plaisir ?
— Aussi. »
Eddy interrompit ses massages pour dévorer la chair tiède du cou. De là, ses lèvres remontèrent, allèrent goûter celles d'Al qui, cette fois, ne se déroba pas. Il se souvenait d'avoir éprouvé pareil sentiment de plénitude lors de leur premier baiser. À l'époque, il n'avait pas voulu l'admettre. Il suggéra, après avoir repris son souffle :
« Que dirais-tu d'une revanche? La chambre nuptiale des Lyme me paraît tout indiquée. Après séchage, bien entendu.
Al approuva d'un sourire et ils quittèrent le petit bois la main dans la main.
C'étaitune de ces magnifiques journées d'octobre, courante en Angleterre. Le soleilchangeait en or les feuillages roux des bouleaux. Bientôt, cette paruretomberait et formerait sur le sol une bouillie noirâtre et détrempée. Enattendant, elle servait de cadre idéal à la réception en l'honneur des nouveauxmariés : juste la famille, les intimes et des voisins des Lyme. Une façon pourEddy de prendre ses distances avec ses relations londoniennes. Deux heuresauparavant, Albert Brackmear et lui avaient unis leur destin à la mairie deGrimley. L'alliance flambant neuve à leurs annulaires respectifs l'attestait.La chevalière en argent arborée fièrement par Al symbolisait le pardon accordéà Eddy. Il l'avait glissée à son majeur le soir de l'orage et la portait audîner. En voyant le bijou, lord Lyme avait compris. Le cœur du vieillard avaitbondi de joie. La bonne nouvelle effaçait la tristesse du départ de ses troisinvités. Ils demeuraient en famille : un concept qui lui était cher. Peului importait le sexe du futur compagnon de son petit-fils. Homme ou femme,seul comptait le bonheur d'Edwin. Et si Al pouvait le lui assurer, il renonçait volontiers à la perspective de voir des arrière-petits-fils grandir à Lyme Hall.
Sur ce point-ci, il se trompait. Sous le dais de la chambre où les Lyme consommaient leur mariage depuis des générations, Eddy et Al avaient évoqué le sujet. Eddy était allongé sur le jeune homme. Le sexe d'Al présentait une imperceptible bandaison qui lui permettait de se maintenir dans l'anus de Merinvale.
« Je pense à ton grand-père, avait-il dit soudain. »
S'arrachant à son état de grâce, Eddy, avait plaisanté :
« Tu n'aimerais pas qu'il soit à ma place, quand même ?
— C'est malin. Non, je me disais : « Au fond de lui, il serait plus heureux si tu épousais une femme et en avais des enfants. »
Lui dirait-il pour Felicity ? Non, même les couples les plus soudés ont leurs petits secrets.
« Si ça te tracasse, nous pourrons adopter, la loi anglaise le permet. Une chance d'être né à une époque plus tolérante. »
Le membre d'Al avait durci, comme s'il s'apprêtait à lui faire cet héritier qu'il avait rêvé d'avoir avec Felicity.
« Oui. Un garçon et une fille, ce serait chouette. Je vois bien Shauna en marraine de l'un des deux. »
Eddy avait pesé davantage sur le corps de son amant, son dos moulé aux pectoraux bien dessinés, ses jambes reposant sur les jambes bronzées dont il avait admiré la détente dans le bois. Ce geste avait eu pour effet d'ancrer plus profondément dans son pertuis le sexe du garçon.
« Tul'aimes beaucoup hein ? avait-il soufflé. J'ai cru longtemps que tu en pinçais pour elle. »
Al avait ri à s'en étouffer.
« Quelle blague ! Mon unique amour, c'est toi. Et si on entamait tout de suite les démarches ? »
Au tour d'Eddy de s'esclaffer :
« Ne mets pas la charrue avant les boeufs. D'abord les bans, puis le certificat de mariage. En plus, tu es trop jeune, tu dois te réaliser avant de pouponner.
— Trop jeune, moi ? s'était indigné Al. Je ne vais pas te laisser dire ça. »
D'une poussée vigoureuse, il avait enfoncé sa queue dans le fion d'Eddy, jusqu'à la garde, et entamé un mouvement de va et vient d'une redoutable puissance. Envolées ses réticences premières ! La certitude d'être aimé pour de bon l'avait débarrassé de ses inhibitions. Malgré ce troisième round imprévu, ils n'avaient pas eu une minute de retard au repas du soir
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