Partie 30

Les appartements de l'aile nord étaient plus clairs et moins austères que ceux occupés par lord Lyme et ses autres hôtes. Le vieil homme avait choisi pour son petit-fils ses couleurs favorites : le gris et le bleu, et du merisier pour les meubles. Plus de ces foutus lits à baldaquin dont Archie avait toujours peur de recevoir le dais sur la tête. Il cessa de fixer cet endroit ô combien critique pour se concentrer sur le manuscrit posé sur la table de chevet.

« Le livre de notre hôte, je suppose, dit-il, histoire de meubler le silence installé entre Felicity et lui

— Oui, il est correctement mis en page ; ce petit Al a fait du bon boulot

— Il va se retrouver sans job. Auriez-vous par hasard un poste de stagiaire ? »

Une manière de se racheter. L'an dernier, il aurait pu retourner dans le Worcestershire, s'enquérir du sort d'Al et lui éviter d'aller dans ce foyer. Au lieu de ça, il s'était conduit en sale égoïste.

 « Hélas non, répondit Felicity ; mes moyens sont limités.

— Épousez Eddy et vous n'aurez plus de tracas financiers.

— Merci de cette suggestion. Me croyez-vous prête à me vendre pour faire tourner ma Maison d'Editions ? »

La jeune femme s'était raidie, elle s'exprimait d'une voix glaciale. 

« N... non, bredouilla Archie, rouge de confusion.

Elle se rapprocha de lui. Avec des talons, elle le dépassait, ce qui renforça son sentiment d'être dominé. « En réalité, tu as peur de moi ; alors, tu essaies de me fourguer à ton ami, dit-elle d'un ton légèrement radouci. »

Le tutoiement avait provoqué chez Archie une montée d'adrénaline. Il parvint tout juste à protester :

« C'est faux. Je songe à votre intérêt.

— Plutôt à ta tranquillité d'esprit, menteur. »

Il frémit, agité par une tempête d'émotions diverses. Les mains de Felicity s'attaquaient déjà à ses boutons de chemise, puis vint le tour du pantalon dont la braguette fut ouverte par des doigts experts. Inutile d'espérer dissimuler l'attraction que la jeune femme lui inspirait ; l'état de son sexe ne laissait aucun doute. Au lieu de s'en emparer, Felicity parcourut le torse d'Archie en de lentes caresses circulaires. Il se crispa, honteux de sa poitrine creuse, parsemée de rares touffes de poils.

« Détendez-vous, souffla Felicity, et embrassez-moi. »

C'était davantage un ordre qu'une prière. Archie, comme statufié, fixa ces lèvres féminines entrouvertes. Elle inclina son visage vers le sien. Embrasser une femme était pour lui une expérience inédite il craignait de mal s'y prendre et par-dessus tout, d'être dégoûté. Mais – miracle félicitien – ses appréhensions s'envolèrent quand la langue de la jeune femme, délicieusement intrusive, pénétra dans sa bouche. Elle embrasse aussi bien que Stephen, se dit-il, chaviré. Pourquoi comparait-il sans arrêt son ex à Felicity ? Parce qu'il trouvait à ces deux êtres une certaine ressemblance ? Même cheveux courts et noirs, même corps longiligne. Après avoir mélangé leur salive, ils se séparèrent, hors d'haleine. Felicity n'avait cessé de pétrir les épaules d'Archie. Quant à lui, il n'osait pas palper ce corps si tentant, en particulier ce cul que la position de Felicity lui dérobait. Déshabiller la jeune femme, comme elle-même l'avait fait, la pousser vers le lit, la caresser, s'engloutir entre ses fesses... autant d'étapes insurmontables. Elle dut le comprendre car elle se laissa choir sur le parquet et, s'agenouilla devant Archie.

« Non, gémit-il, écartant les deux mains avides qui après avoir descendu son caleçon, s'étaient emparé de son gland.

— Laissez-moi prendre les commandes, Archie. »

N'était-ce pas ce qu'elle avait fait l'autre matin ? Le guider, lui donner l'impulsion. Au fond, il préférait. Jouer à l'hétéro, au mâle dominant, très peu pour lui. Felicity commença à le branler avec une douceur bien éloignée de la rudesse de Stephen. Les cuisses d'Archie s'écartèrent d'instinct. Mais le faire gicler entre ses phalanges n'était apparemment pas le but de la jeune femme. Elle approcha ses lèvres de la hampe dressée qu'elle agaça de la pointe de la langue. Archie se décida à poser les mains à plat sur le dessus du crâne, pareil au plumage lisse d'un corbeau. Felicity choisit ce moment pour gober son membre en entier. Sa langue vint à l'appui de ses lèvres, se chargeant de salive pour faciliter le coulissage. Archie gémit et accentua sa pression sur la tête brune. La théorie selon laquelle les femmes suçaient moins bien que les mecs en prenait un coup. Ou alors, Felicity était un homme en dépit de son chromosome X. Le frottement d'ongles pointus sur ses couilles démentait cette hypothèse. À l'instant où il allait se déverser dans la bouche de Felicity, celle-ci rejeta la tête en arrière. Les jets crémeux aspergèrent sa figure. Lâchant les testicules qu'elle avait continué à peloter, l'éditrice étala le foutre sur son front, ses joues et son menton. Devant l'ébahissement d'Archie, elle expliqua avec un naturel confondant :

« Le sperme est souverain pour la peau. Il vaut tous les produits de beauté. »

Archie n'osa pas lui demander si elle s'en servait de masque à chaque pipe ou occasionnellement. L'enduit laiteux tranchant sur le cou bronzé, composait à la jeune femme un masque de clown blanc, mais Archie n'avait pas envie de rire. Il attendait la suite, le cœur battant et les couilles vides. Que méditait Felicity ? À tout hasard, il esquissa le geste de remettre son caleçon en place. Le « non » ferme de l'éditrice l'en dissuada.

« Vous ne voulez pas que je continue à m'occuper de vous ? susurra-t-elle en se relevant. »

Il secoua la tête et se laissa conduire vers le lit. Felicity ouvrit l'un des tiroirs de la table de nuit – un meuble ravissant – et en retira un objet long et nervuré. Archie identifia immédiatement celui-ci comme un gode anal. Ainsi, voilà son instrument de domination, se dit-il avec un mélange d'amusement et de crainte. Au « Vous aimez ? » de Felicity, il répondit : « Je l'ignore, je n'ai jamais expérimenté.

— Vraiment ? Vos amants n'avaient pas beaucoup d'imagination.

— Il faut croire.

— Alors, partant ? »

Elle s'exprimait comme si elle était certaine de son approbation : fascinant. D'autre part, la vue de ses fesses plates n'allait-elle pas la rebuter ? Elle devait être habituée à sodomiser de beaux mecs. Entre hommes, les critères étaient différents. Archie effleura le gode d'un doigt prudent. Ses torsades lui parurent douces au toucher, telle de la vraie peau. « Avec le lubrifiant, vous n'aurez pas mal, le rassura Felicity. Je vous le promets. »


Elle avait tenu parole. Elle maniait l'engin d'une main sûre, au point que ses premières appréhensions dissipées, Archie avait eu l'impression d'être enfilé par un mec. Le fait de tourner le dos à Felicity entretenait l'illusion. Les légères vibrations de l'engin et le frottement des spirales contre les parois de son anus lui envoyaient dans le bas du corps des salves de plaisir. Un ultime passage avait propulsé Archie vers la jouissance. Il était retombé en avant, la tête dans l'oreiller tandis que le gode quittait son derrière. Felicity s'allongea sur lui, le buste écrasé contre son dos et le ventre soudé à ses reins. Archie se rétracta sous ce contact. 

« Qu'y a-t-il ? s'inquiéta-t-elle.

— Rien. »

Ilcraignait de lui avouer sa détestation de son propre corps. Elle ne pouvaitqu'être dégoûtée par ces os saillants, cette chair blafarde. Petit à petit, ilse détendit grâce à la chaleur de cette peau épousant la sienne à travers le mince rempart de tissu. Ils demeurèrent muets de longues minutes, puis la jeune femme lui chuchota à l'oreille : 

« Vous avez aimé, au moins ?

— Oh ! oui ! Et vous ? enchaîna-t-il, un peu stupidement.

— J'adore. Cet objet est magique ; il me permet de satisfaire mes pulsions profondes. Certains hommes détestent, d'autres aiment. Quelques femmes aussi.

— Vous avez une sexualité...très éclectique. »

Cette particularité le chiffonnait un peu. D'autre part, elle était une composante de la personnalité de Felicity, et Felicity lui plaisait.

« On peut le dire, approuva-t-elle avec un petit rire. Et je préfère de beaucoup un orgasme anal à un vaginal, vous avez pu le constater.

Oui. Ce soir, je regrette de ne pouvoir vous le procurer. »

Son sexe écrasé sur le drap ne donnait en effet aucun signe de réveil. Il rabattit ses bras à l'arrière afin de flatter la croupe de Felicity. Bien que celle-ci soit nue sous l'étoffe, rien ne se passa. Archie la caressait en esthète, incapable de bander.

« Aucune importance, lança Felicity avec désinvolture. Ce soir vous était entièrement dédié. Et je peux m'occuper de moi comme une grande fille. »

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