Partie 2
On toquait à la porte. Al, arraché à sa branlette du soir, referma sa braguette en quatrième vitesse. Il se masturbait à la fois pour meubler sa solitude et pour calmer les flambées de testostérone normales à son âge. Son père, Peter Brackmear devait être au café du village, à picoler. Le départ de sa femme avait fait de lui une loque. Al en était réduit à s'occuper seul de leurs trois vaches, du poulailler et du jardin dont ils tiraient leur subsistance. Les coups se firent plus insistants. Le jeune homme hésitait à répondre. Qui pouvait bien débarquer à une heure pareille ? L'endroit était paumé, on n'y voyait jamais un chat et les Brackmear ne recevaient aucune visite à part celle du facteur.
Al décrocha la carabine avec laquelle son paternel trucidait les lapins et entrouvrit la porte prudemment. Deux mecs trempés comme des rats apparurent dans l'encadrement. « Nous sommes tombés en panne de batterie à l'intersection des deux routes, dit l'un. Auriez-vous une chambre ? Nous vous paierons, bien entendu.
— Je ne sais pas si je peux. Mon père est absent et...
À la vue de l'arme dans la main du garçon, le premier mec avait légèrement reculé, mais le second, peu impressionné, prit pied d'autorité dans le vestibule. Une flaque d'eau se forma aussitôt sur le carrelage.
— Je suis Eddy Merinvale, fit-il avec hauteur, pas un bandit de grands chemins. Et je n'ai pas l'intention de passer la nuit dehors.
— C'est bon, vous pouvez dormir dans l'étable.
Une expression d'horreur se peignit sur le visage ruisselant. Ses cheveux plaqués au crâne donnaient à ce Merinvale un air d'otarie échouée. « Dans l'étable ? Vous vous fichez de nous ? Je n'ai pas une tête à roupiller en compagnie de ruminants.
— Désolé, je n'ai rien d'autre à vous offrir.
— Ce sera très bien, dit le premier mec qui paraissait plus sympa. Au moins, nous y serons au sec.
Il entraîna son compagnon à sa suite et Al referma la porte auquel il donna trois tours de clé.
Eddy avait failli pénétrer de force dans la baraque.Après, il aurait réquisitionné la première chambre venue. Mais il était crevéet n'avait qu'une envie : s'étendre sur un lit quelconque. Demain matin,ce gamin outrecuidant verrait de quel bois il se chauffait. La nuit futpénible. Les ronflements sonores d'Archibald, joints aux beuglements des vacheset au tintement de leurs cloches ne favorisaient pas un sommeil paisible.L'odeur forte de bouse et de suint offensait ses narines délicates. Quant à sacouche improvisée, elle piquait de partout. Enlever ses fringues mouilléesn'avait pas été une si bonne idée, finalement. La paille lui piquait ledoset les fesses. Il finit tout de même par s'endormir. Soudain, une sensationd'humidité au niveau de l'entrejambe l'éveilla à demi. Il avait pourtant passél'âge des éjaculations nocturnes. Une langue râpeuse promenée sur son sexele fit sursauter. Un souffle chaud enveloppait ses testicules. Ce vieil Archieétait-il à ce point en manque pour s'attaquer à son vieux pote ? Entreeux, les choses avaient toujours été claires : chacun vivait ses aventuresséparément. D'ailleurs, Tutbury ne l'inspirait pas. En véritable esthète, Eddyaimait les garçons style pâtre grec, pas les grands sifflets maigres aux traitstaillés à la serpe. Il s'apprêtait à engueuler ce connard quand, ouvrant lesyeux, il se trouva nez à nez avec... une vache dont le museau humide fourrageaitentre ses cuisses. « Putain ! » rugit-il en se rejetant enarrière. Il craignait d'avoir dérangé Archie mais l'autre continuait sesborborygmes. Eddy rassembla ses frusques qui entre-temps avaient séché et lesenfila. Les premières lueurs de l'aube filtraient sous la porte disjointe. Toutplutôt que de rester dans ce trou puant avec ce bovin obsédé et ce ronfleur.
Al était un lève-tôt, autant par nature que par nécessité. Le sarclage, les œufs à recueillir et la traite des vaches lui incombaient. La vue du jardin esquinté par la pluie le désola. Les salades étaient foutues, aucune chance de les fourguer au marché local. Une partie de leur revenu du mois envolé ! Al demeura sur place, accablé.
« Hep ! Mon garçon ! fit une voix derrière lui ».
Al se retourna et reconnut le zigoto de la veille. Il ne ressemblait plus à un rat crevé. Ses cheveux bouclés brillaient dans le soleil et ses yeux d'un vert émeraude vous transperçaient de part en part. Al ne put que se taire et rougir.
Sa réaction n'avait pas échappé à Eddy. Lui-même était impressionné. Sous l'éclairage faiblard du hall, le garçon lui avait paru banal : un morveux malappris. Il était prêt à lui rentrer dans le lard, mais devant tant de beauté, son attitude changea radicalement. De taille moyenne, le teint mat, les cheveux noir de jais, un nez ciselé, des yeux couleur d'or liquide sous une frange épaisse de cils sombres, ce jeune homme était une pure merveille. Un simple tee shirt blanc ras sous lesquels les tétons foncés ressortaient en transparence moulait son torse bien fait. Le jean ajusté dévoilait une anatomie disons...attractive. « S'il avait la bonne idée de se retourner, pensa Eddy, je verrais son cul qui est sûrement à l'image du reste. » Des fourmillements familiers naissaient dans son boxer. Archie ne s'était pas trompé, ce trou de campagne recelait des trésors insoupçonnés.
— Excusez-moi pour hier, dit le jeune homme. L'habitude de vivre en ermite...
— Vous êtes tout excusé. Votre méfiance était bien naturelle, monsieur...
— Albert. Tout le monde m'appelle Al.
Au « Je ne suis pas tout le monde », qui lui venait aux lèvres, Eddy préféra un : « eh bien ! je vous appellerai Albert » explicite. Le jeune homme s'empourpra de plus belle.
— Vous êtes matinal, observa Eddy aimablement.
— Il le faut ; je dois m'occuper de tout ici.
— À votre âge ? Vous n'avez pas parlé d'un père ?
— Si, répondit Al avec réticence, mais il n'est....pas bien en ce moment.
Eddy le sentait sur ses gardes. Manifestement, ce gosse était livré à lui-même. Il décida de ne pas partir avant de l'avoir passé à la casserole. Peu importait l'endroit, même cette putain d'étable ferait l'affaire. Des pas crissèrent sur le gravier de l'allée : Archie. « Hello ! fit celui-ci. Vous avez fait connaissance, on dirait.
— Oui. Albert, voici mon alter ego, Archibald Tutbury. Depuis nos cent coups à Oxford, nous formons une paire inséparable.
Eddy s'efforçait de rassurer le garçon qu'il devinait sur la défensive. Pour achever de le mettre en confiance, il lui dédia un sourire lumineux et franc. Al baissa les yeux. Depuis ses quatorze ou quinze ans, il avait déjà eu des avances non déguisées de la part de deux ou trois hommes, mais il avait fui ces gros nazes comme la peste. Aujourd'hui, il en allait différemment. Ce Merinvale était si élégant, si plein de classe que ses réserves fondaient. S'il l'avait touché, Al n'aurait pas protesté, bien au contraire. Il mourait d'envie de poser sa bouche sur les lèvres charnues et bien ourlées. La voix de celui qu'Eddy appelait Archie le sortit de ses fantasmes : « J'ai dormi comme un loir : l'air sain de la campagne.
— Tant mieux dit Al. J'avais des remords de vous avoir expédié à l'étable.
— Coucher à la dure a du bon de temps en temps, dit Eddy qui n'en pensait pas un mot.
— Hélas, les meilleures choses ont une fin, conclut Archie. Nous devons nous remettre en route. Votre père pourrait-il nous dépanner ?
Eddy lança à son ami un regard noir. Quel crétin, cet Archie ! Heureusement, Al annonça :
— La batterie de son vieux clou est aussi à plat, ça l'oblige à prendre le scooter.
— Nous allons téléphoner au garage le plus proche, dit Archie.
— Ce sera le mieux. En attendant, venez partager mon petit déjeuner.
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