-Chapitre 35-
— Hyung ? Ohé, hyung ?!
— Euh, oui ?
— Tu m'écoutes pas !
— Si, si... je t'écoute, assura Taehyung.
— Ah oui ? Et qu'est-ce que je viens de dire ? demanda Jungkook de façon un peu condescendante.
Taehyung laissa son regard glisser sur le sol du couloir où déambulaient déjà des centaines d'étudiants qui n'avaient pas une minute à perdre dans l'avenir qui s'offrait à eux.
— Tu vois ! Tu n'écoutes pas ! cracha-t-il.
— Désolé... mais je suis fatigué, je n'ai pas beaucoup dormi et j-
Jungkook s'arrêta et lui lança un regard plein de sous-entendus.
— Pourquoi ça ? T'es sorti ? T'étais avec qui ? J'croyais que tu voulais rentrer pour être avec Félix ?!
— Mais c'est le cas... soupira Taehyung harassé de se sentir une nouvelle fois agressé.
— C'est le cas de quoi, que tu es sorti ?
— Non ! J'étais avec Félix et j'ai passé une bonne partie de la nuit à réviser... c'est tout, j-
Taehyung fut coupé dans son élan par un rire coincé et moqueur qui s'échappa de la gorge de son sunbae.
— T'as besoin de réviser ? Toi ? Sérieusement ?! insinua Jungkook.
— Il le faut, c'est importa-
— À d'autres, hyung ! Te fous pas de moi !
— Mais qu'est-ce que j'ai fait à la fin ?! s'indigna Taehyung.
Jungkook poussa sa langue contre sa joue et soupira.
— Parce que tu demandes en plus ?!
— Hey !! Félicitations, Taehyung !
Jimin venait d'interrompre le duo dans leur dispute et Jungkook gesticula de façon nerveuse. Il semblait en colère, prêt à exploser, tandis que Taehyung ne le quittait pas des yeux, ne comprenant pas ce qui se tramait ce matin. Il avait été si heureux de se lever et de faire le chemin jusqu'ici. Son cœur sautait gaiement dans sa poitrine malgré le temps mitigé et ça uniquement parce qu'il savait qu'il allait retrouver Jungkook. L'optique d'une journée avec lui rendait Taehyung heureux. Mais voilà que de nouveau et comme c'était souvent le cas, Jungkook était de mauvaise humeur. Il était même en colère contre lui sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Taehyung aurait souhaité que les choses soient plus simples. Ici, tout était compliqué, les Terriens étaient compliqués. Ils ne se rendaient pas compte de la chance qu'ils avaient de vivre, d'avoir toutes ces choses extraordinaires qui n'existaient pas sur Métrarth. À croire qu'ils ne se rendaient même plus compte de ce dont ils bénéficiaient chaque jour.
— Félicitation... ? Mais de quoi ? demanda-t-il à Jimin.
— Attends, rigola-t-il, t'es pas au courant ? Jungkook, tu lui as rien dit ?!
— J'pensais qu'il avait vu... mais c'est encore plus désobligeant qu'il l'ignore.
— Mais de quoi ?! se mit à crier Taehyung au milieu du couloir.
Jungkook lui livra un regard dur et froid. Parce qu'hier, il l'avait vu, devant lui sur la liste. Alors que lui n'était que quatrième, Taehyung était largement en tête, bien devant lui.
— T'es le premier de la promo, hyung... tu m'as devancé... félicitations, rétorqua Jungkook avec amertume, le regard dur et froid.
— Ouiiiii, le petit Taehyungie a fait ses preuves !! s'amusa Jimin en ébouriffant ses cheveux.
Jungkook lui lança un regard mauvais puis s'éloigna au fond du couloir, les mains dans les poches de son pantalon. Les yeux gris du Métrarthien s'emplirent de larmes. Il avait prévu une si belle journée. Il était si heureux de retrouver Jungkook... et maintenant, il semblait ressentir une si profonde colère envers lui.
Pourquoi est-ce qu'ils ne pouvaient pas simplement se tenir la main en souriant ? Taehyung voulait ressentir encore toutes ces choses qui s'animaient en lui lorsque Jungkook le touchait ou l'embrassait. Mais c'était mal parti. Est-ce qu'il aurait ne serait-ce qu'envie à nouveau de l'embrasser ?
— C'est rien... le rassura Jimin en passant son bras autour de ses épaules. Jungkookie est un peu lunaire.
— Lunaire ?
— Ouais... il a ses humeurs, ça va, ça vient... faut pas s'offusquer pour si peu, il reviendra, t'en fais pas.
— Hmm...
— Alors, t'es un surdoué ?
— Non... pas vraiment.
— Ah si. Pour avoir battu Jungkook, c'est que tu es vraiment très bon, crois-moi... depuis l'an dernier, il est premier de sa promo à chaque fois, et ça malgré l'accident. Il a réussi à maintenir ses notes et il ne fait qu'exceller dans tous les domaines. Mais c'est tout de même étrange que cette fois, il ne soit pas deuxième...
— Il n'est pas second ?! s'affola Taehyung.
— Non. Il est quatrième... et à mon avis, ça lui a foutu un sacré coup.
Le regard de Taehyung s'agrandit et il ouvrit la bouche de stupeur.
— Hey, c'est rien tu sais, y'a pas à en faire un drame, il va cartonner aux prochains partiels... le rassura Jimin. C'est p'tet toi qui l'a décontenancé avec ton regard si profond, plaisanta-t-il.
— Non, tu ne comprends pas... souffla Taehyung.
— Quoi ?
— Il doit être dans les trois premiers pour garder l'appartement... sinon, il doit le rendre.
**
Les mains de Jungkook tremblaient sans qu'il ne parvienne à les arrêter. Il avait beau masser l'intérieur de sa paume du bout de ses doigts et souffler par la bouche en fermant les yeux, il n'y avait qu'un amas de larmes de frustration et de colère qui s'accumulait dans ses cils. Mais aucune amélioration quant à la sensation d'oppression qui étouffait sa cage thoracique. Ce fut encore pire lorsque Taehyung tira la chaise à ses côtés et s'assit pour assister au cours qui menaçait de commencer d'une minute à l'autre.
— Jungkook... souffla-t-il doucement en posant sa main sur son avant-bras.
Jungkook l'ôta aussitôt, refusant tout contact.
— Je ne comprends pas... ce que j'ai fait pour que tu sois aussi fâché contre moi...
— Tu ne comprends pas... tu ne comprends jamais rien.
Un pincement agita le cœur de Taehyung qui arqua les sourcils vers le bas. Jamais il n'avait souffert de cette façon. La souffrance prenait des formes bien différentes. Lorsque vous étiez petit et que vous égratigniez votre genou, la souffrance s'emparait de vous. Mais aujourd'hui, celle-ci était différente. Elle n'était pas physique et de surcroit, elle était pire. Il ne comprenait jamais rien. C'est comme ça que Jungkook le voyait : inutile et complètement stupide.
Il n'était même pas capable de comprendre ce qu'essayait de lui transmettre son Terrien de référence. Est-ce que les autres Métrarthiens avaient autant de mal, eux aussi ? Taehyung pensait qu'ils étaient bien tous les deux. Noël avait été magique et le baiser qui s'en était suivi l'avait totalement chamboulé. Puis de nouveau à la fête, Jungkook s'était montré plutôt tendre et affectueux. Il l'avait embrassé à nouveau et puis ce matin subitement, tout prenait un autre tournant et il en aurait presque eu envie de pleurer. Il voulait retrouver l'étreinte chaude et rassurante de Jungkook. Il voulait encore l'embrasser et vivre des moments avec lui de tendresse et d'amitié et il refusait que tout s'arrête si subitement.
Il pivota son regard sur le profil de Jungkook. Ses longs cils noirs étaient gorgés de larmes. Son nez était rouge et sa lèvre inférieure tremblait.
— C'est pas après toi que j'suis en colère... c'est après moi.
— Bien ! Un peu de silence s'il vous plait... je me doute que les vacances vous ont requinqués, mais j'aimerais qu'on se concentre... certains m'ont énormément déçu... j'vais rendre les copies des partiels... et croyez-moi, il va falloir mettre les bouchées doubles pour rattraper vos lacunes... souffla le professeur en jetant un regard à Jungkook.
Celui-ci fit gigoter nerveusement sa jambe en attendant sa copie pendant que l'homme passait dans les rangs de l'amphithéâtre. Taehyung voulait demander à Jungkook ce qu'il entendait par « je suis en colère contre moi », mais ce n'était vraiment pas le moment. Sa gorge le serrait et son cœur battait à tout rompre. Le professeur s'arrêta et remarqua qu'il se mordait la lèvre.
— Ne soyez pas si angoissé, monsieur Kim... vous êtes de loin, notre meilleur élément... affirma-t-il en lui tendant sa copie. Vous remportez le meilleur score de toute l'université... quant à vous... monsieur Jeon... je suis attristé de constater que vous avez fini par lâcher prise... souffla-t-il en posant la copie de Jungkook devant lui.
Sa note était bien moins bonne que celle de Taehyung. Mauvaise même. Et on pouvait dire qu'il n'avait jamais été aussi mauvais depuis son entrée à l'université. Sentant l'angoisse prendre possession de lui et incapable de gérer davantage la pression, il attrapa son devoir et se leva d'un bond, son sac à dos dans l'autre main et dévala les escaliers.
— Monsieur Jeon !!! l'arrêta le professeur.
Mais Jungkook poursuivit sa route et claqua la porte derrière lui. Taehyung hésita un moment en se mordant la lèvre, les yeux brillants, son regard fixant la porte de l'amphithéâtre. Pourquoi restait-il dans cette salle ? Ce n'était même pas sa planète. Encore moins son université ou encore sa vie. Ce qui importait plus que tout, c'était Jungkook et en ce moment, il avait besoin de lui. Il se leva à son tour et descendit calmement les marches, hélé par l'homme qui vociféra dans la grande salle.
— C'est un défilé ?! Monsieur Kim !! Merci de regagner votre place !!!
Taehyung se retourna et regarda le professeur qui semblait courroucé de son insolence.
— Je suis désolé... monsieur. Je ne peux pas rester. Mon ami a besoin de moi.
— C'est ça... courez rejoindre votre petit-ami ! Mais ce n'est pas lui qui passera le diplôme à votre place ! Ni qui payera vos factures dans vingt ans, monsieur Kim ! Pensez à cela !
Dans vingt ans... que sera devenue la Terre, dans vingt ans ? Il ne serait plus là, lui. Ni plus personne d'ailleurs. Lorsque la Cleansing Comet les aura tous anéantis, que sera devenue la Terre, sur laquelle il marche, sur laquelle il vit aujourd'hui et sur laquelle il embrasse Jungkook ? Tous... ce professeur, Jungkook, Jimin, Yoongi, Namjoon, Jin, Hoseok, Wonyoung aussi... que seront-ils devenus ? Est-ce qu'ils seront... morts ?
Il ressentit un douloureux pincement dans sa poitrine. Cette planète était celle sur laquelle il avait rencontré ce garçon qui occupait toutes ses pensées. Alors il était hors de question qu'il la laisse disparaitre aussi facilement.
Il ne répondit pas et traversa jusqu'à la porte, ignorant les menaces et les remontrances du professeur à son encontre. Si vous pensiez que Taehyung allait courir derrière Jungkook, c'était mal le connaitre. Il se rendit au secrétariat et posa ses longues mains sur le bureau de bois foncé tout en hauteur. Puis il attendit que la petite femme à lunette ait terminé de taper sur son ordinateur, de ses ongles vernis de rouge pour s'occuper de lui.
— Je peux vous aider, jeune homme ?
— Oui... euh... je voudrais me désister.
— Vous désister ? Mais de quoi ?
— Du classement des partiels.
La femme le regarda par-dessus ses lunettes et laissa échapper un petit rire moqueur.
— Mais enfin, ce n'est pas possible.
— Mais si c'est moi qui le demande ?
— Que croyez-vous ? toisa-t-elle. Que vous pouvez intervenir ? Ce sont des résultats nationaux...
Taehyung arqua les sourcils vers le bas en réfléchissant, puis tenta de nouveau :
— Et si je donne mes notes à un ami ? On peut intervertir nos dossiers ?!
La femme se leva et ôta ses lunettes pour le regarder, choquée de son attitude.
— Jeune homme... ce que vous demandez là... c'est de la fraude ! Je peux être radiée et vous, renvoyé ! De quelle planète venez-vous pour imaginer que de telles choses puissent avoir lieu au sein de l'université ?!
Le garçon aux yeux gris se sentit frustré. Encore une nouvelle émotion à découvrir. Il lâcha calmement :
— D'une planète où il n'est pas interdit ou mal vu de vouloir aider quelqu'un qu'on aime.
Sans la saluer, il fit volteface et bifurqua vers le bâtiment renfermant l'immense bibliothèque. Au calme, il se posa sur une des tables et emprunta à nouveau un livre sur les péchés capitaux. En déambulant, il tomba sur un ouvrage de gestion des émotions qu'il emprunta et s'installa pour consulter les livres. Il en avait assez de ne jamais rien comprendre, comme disait Jungkook. C'était si épuisant de tenter de saisir les émotions de chaque personne qu'il croisait. Si éreintant...
Il ouvrit un des livres et se rendit à la page qui l'intriguait le plus :
La colère.
Ça, il connaissait. Trop bien, même. Jungkook en était rempli. L'un des livres parlait d'une frustration qui s'accumulait, de regrets, ou encore de sentiments enfouis en soi et refoulés qui faisait naître un sentiment de colère. Alors Jungkook devait extérioriser pour éviter de transformer ça en colère. Il était aussi inscrit que du sport ou une activité pouvait aider à canaliser cette colère, il devait à tout prix lui en parler. Il pourrait l'accompagner faire du sport, ou à réaliser quelque chose qui l'aiderait à aller mieux.
L'envie.
Taehyung s'arrêta sur l'explication qu'il ne saisissait pas entièrement.
Désignée comme vice, elle souligne plus particulièrement la convoitise ou émotion éprouvée par celui qui désire intensément posséder le bien d'autrui.
Est-ce qu'il s'agirait là de jalousie ? Lorsqu'il était avec Félix, il avait le sentiment que Jungkook était envieux des moments qu'il passait avec son meilleur ami. À moins que ça n'ait aucun rapport. Il leva le nez de ses livres et se demanda s'il était possible d'aider Jungkook sur ce point-là aussi, lorsque ses yeux tombèrent sur un autre péché qui attira son attention :
La Luxure.
Plaisir sexuel recherché pour lui-même. Goût immodéré, recherche et pratique des plaisirs sexuels, considérés comme immoraux.
Les yeux gris fixèrent ces quelques mots. Taehyung se rendait compte que chaque Terrien était en réalité accablé par les péchés. Même lui, qui était arrivé il y a peu, ressentait une partie, pour ne pas dire tout, de ces vices interdits. Alors comment faisait-on pour s'en sortir ? Pour arriver à gérer un flot d'émotions si grand, qu'on se sentait dépassé ?
Le sexe, il n'y connaissait rien. Il avait appris il y a peu comment les enfants étaient créés et en quoi consistait réellement de consommer. Le principe même de l'être humain était de perpétuer la vie, alors à quoi servait ces pratiques sexuelles qu'il avait vues la dernière fois sur cette vidéo, si aucune conception d'enfant n'en était le but ?
Il fronça les sourcils, et sortit son téléphone de sa poche pour se rendre sur internet et y effectuer quelques recherches. Mais un message s'afficha en haut de la page : des résultats ont été bloqués en raison d'un paramètre activé ayant pour but de protéger les mineurs. C'était quoi ça encore ?! Il soupira et se leva ranger les livres avant de tirer son sac en bandoulière et de sortir du bâtiment.
— Ah, salut Taehyung !
Il releva le nez pour tomber sur Wonyoung qui montait les marches. Elle était vêtue d'une jupette beige ainsi que de bottes noires. Par-dessus, un grand trench marron clair ainsi qu'une épaisse et longe écharpe couleur crème et sur sa tête, un béret qui paraissait vraiment doux, de couleur marron. Ses cheveux étaient bouclés et tombaient dans son dos alors que ses joues étaient d'une jolie couleur rose poudrée. On aurait dit une poupée.
— Bonjour...
— Tu partais ? demanda-t-elle.
— Euh oui... j'dois rejoindre Jungkook.
— Ah... le garçon que tu avais perdu à la fête, souffla-t-elle.
— Oui.
— Bon... tant pis pour moi... est-ce qu'il y aurait un moment où il te serait possible de partager un café ou un chocolat avec moi ?
Ses yeux brillants d'espoir détaillaient avec ferveur le visage de Taehyung qui lui sourit timidement en retour.
— Eh bien...
— S'il te plaiiit... supplia-t-elle en s'accrochant timidement à la manche de son manteau.
— Oui, d'accord. Demain midi ?
— D'accord ! Rendez-vous à quatorze heures, ici même !
— Très bien, je serai là.
— Merci, Taehyung... sourit-elle.
Elle lui fit un petit signe de main et il s'éloigna sur l'allée encore mouillée de pluie. Il passa les grilles et sortit son téléphone pour appeler Jungkook. Il ignorait s'il avait quitté le campus ou s'il était rentré chez lui. Mais au bout de cinq sonneries, le téléphone le bascula sur la messagerie. Et au bout de six appels, tous identiques, Taehyung raccrocha et descendit l'avenue en direction du métro.
Une fois arrivé devant la porte de l'appartement il toqua timidement et attendit quelques instants sans que personne ne réponde. Il réitéra son geste, cette fois un peu plus fort. Mais de nouveau, aucune réponse. Il cala son dos contre la porte et essaya une nouvelle fois de rappeler Jungkook. Sauf que la sonnerie de son portable venait de l'intérieur, ce qui signifiait qu'il était bien chez lui. Taehyung frappa plus vigoureusement, sa voix grave résonnant dans le couloir :
— Jungkook, c'est moi... ouvre.
Mais la porte resta définitivement close. Il soupira. Il détestait faire ça, parce qu'il n'était pas chez lui et que même s'il connaissait le code, il trouvait ça très déplacé de rentrer chez quelqu'un sans son autorisation. Néanmoins, il fallait vraiment qu'il voie Jungkook et qu'il lui parle. Il tapa donc le code à quatre chiffres qui déverrouilla la porte. Timidement, il entra dans l'appartement, cherchant de ses yeux gris la silhouette de Jungkook.
Les rideaux avaient été tirés et un bordel sans nom était éparpillé un peu partout. Il y avait des boites vides de gâteaux, des chaussures et des vêtements qui trainaient çà et là, et il avisa une boule de couette sur le canapé-lit encore défait. Visiblement, Jungkook avait dormi là la veille et n'avait pas regagné sa chambre. Taehyung se déchaussa et ôta son manteau qu'il posa sur l'un des fauteuils, puis s'approcha doucement de la boule de couvertures sans savoir si son sunbae était endormi ou non. Il monta à genoux sur le lit et s'avança avec délicatesse, puis posa sa main sur les cheveux de Jungkook qui dépassaient. Il plongea sa main entre ses mèches brunes et caressa son crâne en s'allongeant à ses côtés.
— Jungkook... c'est moi.
— Je sais... répondit une petite voix.
— Est-ce que ça va ?
— Non.
— Tu veux en parler ?
Le silence lui répondit et Taehyung se mordit la lèvre en repensant à ce qu'il avait lu à la bibliothèque.
— Tu sais... si tu es en colère, il faut évacuer ce sentiment. On pourrait faire du sport. Je sais que tu ne peux pas avec ton genou mais on pourrait trouver des activités qui te permettraient de te dépenser sans te blesser... je suis prêt à t'accompagner si ça te fait du bien... ou alors faire quelque chose, une occupation, comme sortir, se promener... que ça te change les idées...
Lentement, Jungkook baissa la couverture, laissant dépasser ses yeux noirs pour fixer le garçon face à lui.
— Je ne veux pas t'embêter, tu sais. Mais je me fais du souci pour toi... je suis allé demander au secrétariat pour échanger nos dossiers mais apparemment, ce n'est pas possible...
Taehyung s'arrêta et se mordit la lèvre d'appréhension. Jamais il n'avait autant œuvré pour le bonheur de qui que ce soit.
— Jungkook, je te la donne la première place aux examens... mes notes, je n'en veux pas... reviens-moi s'il te plait... souffla-t-il la voix tremblante en accrochant désespérément ses mains fines au tissu de la couette.
Ses yeux gris cherchaient une solution dans le regard de Jungkook. Subitement, celui-ci repoussa la couverture et se jeta sur ses lèvres. Leur baiser, à la différence des précédents, était loin d'être doux ou romantique. Jungkook était beaucoup plus impatient dans ses gestes, plus avide.
Taehyung avait du mal à survivre à ce que son corps lui infligeait. Son cœur avait bondi dans sa poitrine lorsque les lèvres du plus jeune avaient rencontré les siennes. Il peinait à respirer correctement et les spasmes brûlants avaient repris dans son bas-ventre. Il repensa à ces sept péchés. La luxure était apparemment bien présente là, devant lui, dans le creux de son estomac, et il avait honte autant qu'il éprouvât l'envie d'en savoir plus, d'aller plus loin et de sentir les mains de Jungkook sur son corps.
Jungkook glissa ses mains sous son pull en mordillant sa mâchoire alors qu'il laissait échapper un râle puis laissa ses deux croissants de chair effleurer sa gorge. Taehyung glissa ses doigts entre ses mèches de cheveux et renversa la tête vers l'arrière en tentant d'apporter un peu d'air à ses poumons. La sensation qui enivrait son corps était délicieuse et embarrassante à la fois. Ses pommettes, bien que sa peau soit dorée, étaient rouges sous l'agitation qui secouait son organisme. Leurs lèvres se frôlaient, alors que leurs yeux tombaient dans ceux de l'autre.
Jungkook attrapa ses poignets et les cloua au-dessus de sa tête tandis qu'il frottait son bassin contre celui du garçon aux yeux gris. Leurs respirations s'échouaient sur leurs lèvres, toujours plus frénétiques, et lorsqu'il recommença son geste, ce fut trop pour Taehyung, qui laissa échapper un gémissement avant de forcer pour récupérer ses mains et cacher son visage, puis de rouler sur le côté.
Jungkook fut repoussé et alors qu'il tentait de reprendre sa respiration, il ne compris pas ce qui lui était passé par la tête pour avoir été si impulsif. En observant le plus vieux, il remarqua les petits sanglots qui le secouaient.
— Hey... hyung... dit-il essoufflé en posant une main sur son épaule.
— Pardon... pardon... sanglota Taehyung, mort de honte.
— Ne t'excuse pas... j'aurais pas dû... c'est ma faute...
— Non ! cria-t-il en se tournant vers lui. C'est moi... je... je ne comprends pas ce qui se passe dans mon corps... et je n'arrive pas à gérer ça.
— C'est rien... souffla Jungkook en essuyant ses larmes de ses pouces.
— Mais toi... pourquoi tu ne ressens pas ça ?
— Je le ressens... avoua-t-il, ses joues rosissant.
— C'est vrai, ça ?
— Puisque j'te le dis...
— Alors qu'est-ce qu'on fait ? demanda-t-il.
Il aurait voulu que Jungkook lui dise quoi faire, qu'il prenne des décisions les concernant, car lui était bien trop inexpérimenté. Ce n'était pas lui qui aurait pu savoir quoi faire ni où aller. C'était à Jungkook qu'incombait ce rôle, seulement pour l'instant, il refusait de l'assumer, et laissait l'autre dans une attente floue.
— J'en sais rien, répondit-il froidement en se levant du lit pour rejoindre la cuisine.
Taehyung tenta de maitriser sa respiration en jetant un œil à la bosse qui avait pris naissance entre ses cuisses. Il avait envie de pleurer. C'était horrible comme sensation et ça faisait mal. C'était comme s'il attendait d'exploser mais que ça ne venait jamais. Il devait uniquement faire que ça s'arrête.
L'explosion avait eu lieu une fois, lorsque ce liquide blanc et visqueux avait coulé sur sa main et il ne souhaitait pas recommencer. C'était bien trop dégoutant. Taehyung regarda le plafond en se concentrant sur sa respiration et ferma les yeux.
Depuis la cuisine, Jungkook jeta un œil dans sa direction comme s'il se cachait pour l'observer. Il l'épia un moment reprendre son souffle, sans rien dire, et il aurait presque souhaité être absent quelques minutes, s'éclipser un instant, pour secrètement le regarder. Est-ce qu'il se serait touché ? Est-ce qu'il aurait mis fin à cette insoutenable érection ? Jungkook aurait aimé voir ça. Il était magnifique, il était tout ce qu'il désirait depuis des jours entiers. Il avait mis du temps à se rendre compte que ce garçon comptait différemment que les autres. Et aujourd'hui, il avait réalisé qu'il avait une place dans sa vie, fondamentale et importante. Peu importe ce qui se passerait à l'avenir, Taehyung devait rester dans sa vie. Peu importe comment et quel rôle il tiendrait, mais il était trop attaché à lui pour le perdre.
Ce n'était pas après Taehyung qu'il avait été furieux, mais après lui-même, d'avoir laissé ses émotions le distraire au point d'échouer à ses examens. Taehyung n'y était pour rien. Il avait beau lui dire que rien n'existait entre deux hommes, il avait furieusement envie de lui, chaque jour un peu plus. Il avait envie de le toucher, constamment, de l'embrasser à chaque seconde. De dormir contre lui et de caresser son corps. S'il l'avait vu nu, il aurait certainement rougi et son estomac se serrait soulevé. Néanmoins, il n'était pas prêt pour tout ce que lui envoyait son corps. Pour ces érections qui naissaient en lui, pour cette envie de se frotter encore plus fort contre lui, au point de trouver sa jouissance. Il trouvait ça honteux et immoral, car il refusait de croire qu'il était gay ou qu'un jour, il passerait à l'acte avec un homme. Pourtant, tout son corps lui envoyait les signaux contraires.
— Hyung...
Taehyung garda les yeux fermés et la main posée sur son ventre.
— Taehyung... soupira Jungkook depuis la cuisine.
Le visage de son hoobae pivota dans sa direction et deux pupilles couleur de pluie se posèrent sur sa silhouette. Son regard était si intense que parfois, sans rien dire, il parvenait à le mettre mal à l'aise.
— Quoi ?
— Tu as demandé à échanger ton dossier avec le mien ?
Taehyung hocha la tête et Jungkook se rapprocha du lit pour venir s'y asseoir. Il le fixa un instant, puis posa sa main sur sa joue et la caressa de son pouce.
— Personne n'avait fait une telle chose pour moi, hyung. Tu es si important...
— Tu l'es aussi... trembla Taehyung. Mais j'ai peur de te perdre... gémit-il en accrochant ses doigts au bas du t-shirt de Jungkook.
— N'aie pas peur... n'ai pas peur, chéri... murmura-t-il en fixant ses lèvres, avant d'y déposer un léger baiser. Je reste là...
— D'accord...
— Je... je ne te garantis pas d'arriver à contrôler mes humeurs... j'ai arrêté mon traitement, alors ce genre de chose risque de se reproduire, avoua-t-il en évitant son regard.
— Je peux tout comprendre, tu sais... il suffit de m'expliquer. Si tu me laisses dans l'ignorance, c'est la pire chose que tu puisses me faire.
Jungkook fronça les sourcils. Pourquoi est-ce que c'était si important pour lui ? Il avait la sensation que sans lui, Taehyung n'existait pas, comme s'il était né le jour où il s'était rencontré sur le campus. Pourtant Taehyung avait une vie avant, des amis, une famille. Mais il n'en parlait jamais. Il glissa son regard jusqu'à son poignet et caressa son tatouage du bout des doigts.
— Pourquoi un soleil ? demanda-t-il.
Taehyung haussa les épaules.
— Il y a bien une raison... pour que vous ayez tous les trois le même.
Le regard de Taehyung changea et Jungkook rajouta :
— J'ai vu qu'Irène aussi l'avait... c'est quoi, un truc de famille ?
— En quelque sorte... souffla-t-il. Le soleil, c'est la vie... c'est... sans ça, il n'existe rien. Pas de légumes dans les champs, pas... de vie.
— C'est pour ça que tu as si peur de la nuit ?
Jungkook fouillait de ses orbes noirs dans les prunelles d'acier. Mais leur porte resta définitivement close.
— Je n'en sais rien.
— Bon, on a loupé pas mal de cours... est-ce que ça te dit de retourner à la fac après manger ?
— Oui, d'accord.
Pris d'une soudaine vitalité, Jungkook se redressa et regagna la cuisine pour aller fouiller dans le réfrigérateur.
— Tu dors là ce soir ?! demanda-t-il sans regarder Taehyung.
C'était une question sans l'être. Comme s'il s'attendait à ce qu'évidemment, il puisse partager sa nuit à nouveau avec Taehyung.
— Non, je... j'ai un truc à faire ce soir.
Jungkook s'arrêta dans sa préparation du déjeuner et lui lança un regard plein d'interrogations.
— Genre quoi ? Tu vois qui ?
Taehyung avait remarqué que les questions de Jungkook étaient toujours tournées vers une personne extérieure, comme s'il redoutait qu'il puisse fréquenter d'autres personnes et peut-être être remplacé ou que sa place soit remise en question.
— Personne... uniquement ma famille. C'est une sorte de... réunion familiale ? essaya-t-il.
— Hmm... d'accord. Et ça va prendre toute la nuit ? Je peux venir te chercher après, non ?
Taehyung fit la moue.
— Non... je crois que c'est mieux si je dors chez moi.
— Pourquoi, y'a un problème ?
— Non... pas en soi... murmura-t-il. C'est juste que dernièrement, entre nous, c'est compliqué, alors autant qu'on y aille doucement, non ?
— C'est sûr... affirma Jungkook. Mais... ça signifie que tu ne viendras plus dormir ici ?
Taehyung remarqua à quel point son regard était affolé, même s'il refusait de le montrer. Il ne pensait pas, jusqu'alors, être d'une importance si capitale pour Jungkook.
— Si, bien sûr que si... mais pas tous les soirs.
— Hmm, d'accord.
— Tu es déçu ? demanda-t-il avec une boule dans la gorge.
Jungkook esquissa un sourire triste sans le regarder, avant de souffler :
— Nan... nan, ça va, t'inquiète. T'es libre, fais ce que tu veux.
Voilà. C'était nouveau ça. Après la colère, la vengeance. C'était souvent ce qu'avait lu Taehyung dans les ouvrages qu'il empruntait. La maitrise de la colère était difficile et il arrivait que parfois, pour se soulager ou se sentir mieux de façon factice et rapide, les gens se vengent en utilisant des paroles blessantes à l'encontre de leur entourage.
Évidemment, cela ne réglait absolument pas la situation. Alors Taehyung essaya d'ignorer la douleur lancinante dans sa poitrine et passa sa langue sur ses lèvres.
— Oui, c'est vrai. On est juste amis.
— Voilà, appuya Jungkook pour se conforter dans son mensonge.
Si Taehyung le disait lui aussi, alors il n'y avait pas de malaise.
— Des amis qui s'embrassent, ajouta-t-il.
Jungkook releva la tête et lança un regard noir au plus vieux.
— Ça va, c'est arrivé deux fois !
— Quatre, corrigea Taehyung. Tu m'as embrassé quatre fois.
Voyant que Jungkook ne bougeait pas et continuait de le fixer, il essaya de s'expliquer :
— Oui, il y a eu le matin de Noël, puis à cette fête... et devant chez moi, puis là, il y a quelques min-
— C'est bon, j'ai compris ! cracha-t-il plus virulemment en reprenant la préparation du repas. C'est pareil, c'est... arrivé, mais... rien ne nous dit que ça se reproduira. On est amis.
Taehyung n'était pas Terrien, mais Métrarthien. Et ça ne signifiait pas qu'il était stupide. Il comprenait tout très bien et relativement plus vite que la moyenne des gens. Il laissa la conversation s'apaiser, mais il savait très bien en revanche que quatre fois, ce n'était plus un accident, ou une coïncidence.
Il aurait pu ressortir à Jungkook les théories de calculs sur les probabilités, mais il se tut, et se contenta de le regarder cuisiner, avec la quasi-certitude qu'un nouveau baiser l'attendait. Il ne savait pas quand ni où. Mais il savait que tôt ou tard, Jungkook aurait à nouveau envie de l'embrasser.
C'était mathématique.
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