Chapitre 1 Réécriture : Faisons Un Peu Connaissance


Le dernier jour des cours ! Les vacances d'été sont là, avec la liberté de faire ce que l'on veut. Plus de devoirs le soir, plus de restrictions pour sortir, le bonheur enfin retrouvé. L'approche de l'été avec ses journées qui rallongent et ses températures agréables, annonciatrice de soirées mémorables.

Je profite avec mes deux meilleurs amis de cette relative quiétude au parc de notre ville. C'est un endroit magnifique avec des parterres de fleurs à foison qui enivrent nos narines de leur doux parfum. Elles embellissent les allées pour permettre aux promeneurs et aux sportifs en tout genre de s'évader de leur morne quotidien. Des arbres centenaires nous abritent des ravages du soleil grâce à leurs feuillages touffus. Un tapis verdoyant s'étend sur la majorité de sa superficie, nous offrant tout le confort nécessaire à nos siestes et autres activités. Son imposante fontaine trône au centre de ce mini royaume qu'elle rythme de sa mélodieuse symphonie d'eau qui coule accompagnée du chant des oiseaux. Nous sommes installés proche du terrain de sport, assis dans l'herbe. Nous assistons à l'entraînement de notre équipe communale de basket. Non pas que nous sommes de grands pratiquants de cet exercice physique. Non, Tim tient à jour leur site officiel en tant que grand supporter, Anna et moi-même le suivons avec un intérêt bien différent.

Bien que cette activité me permet de me rincer l'œil sur le meneur de l'équipe pour lequel j'éprouve un amour secret depuis longtemps, je ne m'intéresse pas à ce qui se passe sur le terrain. Allongée sur le dos, mes pupilles noisettes noyées dans cet immense ciel bleu, je songe à cette année qui vient de s'écouler en faisant un triste constat. Que m'a-t-elle apporté ?

Ai-je mûri durant ma seconde troisième ? Non, je suis toujours cette gamine de seize ans angoissée et complexée d'un mètre cinquante-neuf, les bras levés. Ai-je vécu quelque chose de spectaculaire, d'incroyable, une aventure dingue comme dans les films ? Non, je n'ai fait que suivre mon quotidien et mes habitudes de petite fille catholique bien sage. Ai-je vécu une belle histoire d'amour ? Non plus, de ce côté-là, c'est le désert. Je me redresse brusquement en soupirant face à ce bilan qui n'annonce qu'un échec.

- Quel soupir, ma belle ! s'étonne ma douce Anna levant son nez de son bouquin.

- Je déplore l'échec de cette année scolaire qui fut plate et ennuyeuse. avoué-je en m'étirant.

- C'est normal, t'as voulu la jouer bande à part en redoublant. ajoute Tim en me donnant une tape amicale sur le front.

Une brise légère nous parvient, faisant courir son souffle dans mes longs cheveux châtains clairs qui dansent au gré de ses caprices. Je profite du courant d'air qui me rafraîchit. Je savoure chacun de ces bienfaits en fermant les yeux pour prolonger la sensation.

- Tim, pousse-toi... le ballon. articulé-je faiblement, les paupières toujours closes.

-Quoi le ballon ? me demande-t-il

Je tire mon ami par le bras, la surprise de mon geste le déstabilise. Il s'écroule la tête la première sur mes jambes. Ce qui lui permet d'esquiver de justesse le ballon de basket qui, au lieu de finir sa course dans son visage, se loge dans le buisson qui est derrière nous. Il se redresse rapidement pour comprendre ce qui vient de se passer.

- Ce ballon. lui précisé-je en lui ébouriffant sa crinière châtain.

- Comment tu fais ça ? m'interroge-t-il en me fixant avec ses billes marrons.

- Rien qu'un pressentiment. Rooh, c'est juste une coïncidence, dis-je en éclatant de rire.

Je me précipite pour récupérer le ballon tout en continuant de rire. Je cherche dans le feuillage dense de cette broussaille l'objet perdu. Durant cette fugace activité, je me tape un film à deux balles dans ma tête d'adolescente mordue du mec le plus populaire du bahut. Je m'imagine que je vais me retourner avec cette chose qu'il cherche dans mes bras. Il sera là à attendre que je lui donne leur indispensable balle, nos regards se croisent, débutant ainsi une incroyable histoire d'amour.

- Pauvre fille, me murmuré-je en sortant de la végétation.

Je retire les feuilles et brindilles qui se sont permises de se nicher dans mon épaisse masse capillaire.

- Salut ! s'exclame une voix derrière moi que je ne connais pas.

Je me fige instantanément, ce n'est pas vrai. Pour une fois, la grande roue du destin tourne en ma faveur. Le seigneur répond à mes prières, j'ai dû grave le soûler cinq ans que je lui demande la même chose. Je ne peux plus rien contrôler. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Je sens mon visage qui chauffe, signe que mon teint se farde. Ma gorge se noue, j'avale difficilement ma salive en me retournant.

Malheureusement, mon petit palpitant cesse de s'affoler quand mon regard se pose sur le pilier de l'équipe qui ne me porte aucune attention. Je lui lance l'objet qu'il fixe comme un chien qui attend que son maître lui envoie la baballe. Un sentiment de dégoût et d'injustice commence à poindre en moi.

- Merci ! crie-t-il en partant.

Je ne réponds pas, je retourne m'asseoir, frustrée par une énième ignorance du destin. Je bous intérieurement :

Je n'ai pas fini de te soûler, ôh ! grand seigneur. pensé-je.

- Ah ! Tu t'es encore fait des films toi, me lance Tim avec un regard rieur.

- Mmm, maugré-je

Il éclate de rire, Anna pose ses prunelles bleutées remplies de compassion sur moi. Ma geek intello préférée, si timide que si elle pouvait choisir un super pouvoir, elle choisirait l'invisibilité. Sans un mot, j'accepte son réconfort. Un fin sourire se dessine sur mes lèvres.

Malgré tout, je ne peux m'empêcher de ruminer dans ma tête. C'est peut-être ça le signe du destin, il me le murmure depuis un moment sans que j'y prête une quelconque importance : "Arrête d'espérer ! Il n'est pas pour toi." Est-ce que je mène un combat perdu d'avance ?

Le sifflet de l'entraîneur marque la fin de l'entraînement, me sortant ainsi de mes tristes pensées. Je me lève sans rien dire avec cette révélation qui s'immisce en moi. Je pars sans un regard vers cet être qui m'est de toute évidence inaccessible.

- Ciao ! lancé-je à mes amis qui ne m'entendent pas.

Je marche pour rentrer chez moi. Le soleil de plomb de la fin d'après-midi avait perdu de son intensité, refroidissant l'air. Je suis mélancolique en repensant à toute l'énergie que j'ai mise dans cet amour à sens unique. Après tout, vous allez me dire que j'avais juste à aller le voir et lui dire. Bien sûr ! C'est si simple, mais pour cela, il faut du courage, et soyons franche, ce n'est pas ma plus grande qualité.

Les souvenirs de ces années collège me submergent : l'ensemble des bons moments que j'ai passés dans cet établissement avec mes amis, tous ces fous rires et ces instants de gêne intense dont j'ai le talent inné de créer défilent dans ma tête. Aujourd'hui, c'est aussi le dernier jour où je me suis promenée dans cet établissement. J'ai vidé mon casier, repris toutes mes photos et affaires. Mon sac de cours pèse une tonne tout comme le poids de ces fragments de ma mémoire.

J'arrive à mon domicile sans m'en rendre compte. En entrant, je jette mes chaussures dans le meuble prévu à cet effet. Je monte nonchalamment les escaliers pour aller me réfugier dans ma chambre.

Je m'installe devant ma coiffeuse avec une expression de loutre déprimée. Je brosse mille fois une de mes mèches de cheveux en me répétant constamment :

Pauvre petit monstre, c'était perdu d'avance.

Je suis déboussolée, fixant le miroir dans le vide. Mon état d'esprit me surprend moi-même, je suis d'un naturel très optimiste, toujours à voir le bon côté des choses. Certes, comme chaque adolescent de mon âge, je suis en proie au doute et à l'incertitude, à la quête de l'autonomie et de l'indépendance. Alors que dois-je faire ? Est-ce que je dois vraiment faire le deuil de cet amour impossible ?

- Mademoiselle Stéphanie DOE, vous êtes attendue dans le salon ! Merci de nous faire la grâce de votre présence ! entend-je

Surgissant de nulle part, la voix de ma mère m'arrache à mes profondes réflexions.

- J'arrive ! lui réponds-je sur un ton que nous aurions tous traduit par : Tu me gonfles grave là.

Je descends rejoindre ma génitrice au salon. Elle m'attend au pas de l'entrée de la pièce. Ses bras croisés sous sa poitrine et un pied tapotant énergiquement le sol me signifient que le message est bien passé. Elle braque sur moi ses yeux noisette en poussant une de ses mèches blondes naturellement ondulées à la perfection. Si seulement la génétique m'avait doté de ses atouts, j'aurais peut-être eu un fragment de chance.

- Quoi ? lui lancé-je quand je l'aperçois sur le seuil du salon.

- Pas la peine de te demander si tu as passé une bonne journée, la réponse est évidente. Nous sommes tous de bonne heure à la maison. Nous allons en profiter autour d'un jeu de société, m'informe-t-elle en me regardant avec tout son amour maternel pour m'amadouer.

Je souffle tout l'air présent dans mes poumons en m'asseyant à table à côté de mon père et en face de mon adorable petite pestouille de frère.

- Ça va, ma puce, alors comment s'est passé ton dernier jour au collège, me demande mon père.

Il sait à quel point j'ai adoré cet endroit. Je m'y sentais à l'aise comme un deuxième chez-moi, même s'il y avait eu des moments moins agréables que d'autres. Je baisse mon visage pour ne pas lui montrer les tourments psychologiques qui se castagnent dans ma caboche. Il pose sa grande main sur la mienne pour me soutenir. Je plonge mon regard dans ses billes grisâtres pour lire toute la bienveillance dont j'ai besoin à cet instant.
Si j'avais pu avoir ses yeux. pensé-je.

- Vous êtes sûr que je n'ai pas été adoptée ? leur demandé-je en posant ma tête sur mes bras.

- S'ils avaient eu le choix, ils auraient choisi un enfant plus beau. Tu es juste un essai avant moi, s'incruste mon frère avec un sourire insolent.

J'ignore les mots insipides sortis de la bouche de David. Mon adorable petit frère, avec lui, je passe par des phases d'amour fraternel inconditionnel à de la haine intense. Comme tous ces petits êtres, il est toujours le premier pour contrecarrer mes plans d'adolescente ou me tourmenter sur mes complexes.

- Tu stresses pour ta rentrée au lycée ? s'inquiète mon père.

Je n'ai pas le temps de répondre, mon frère m'interrompt en exprimant sa joie de voir le brunch que ma mère a préparé pour le repas de ce soir. J'avoue qu'il me sauve la mise sur ce coup-là. Je n'ai pas très envie d'étaler ma peine de cœur devant un gamin de huit ans. Je sais très bien ce que mon père allait me dire : "Mais non ! mon petit chou à la crème, tu es notre huitième merveille du monde. Il va très vite s'en rendre compte, va lui parler." Évidemment, ça m'aurait énervée au plus haut point.

Je me concentre sur l'installation du jeu de société afin d'éviter de cogiter. Nous ouvrons les hostilités en faisant un lancer de dé pour déterminer qui commencera cette partie qui me gave déjà. David les jette en premier en faisant un cinq, il est persuadé qu'il sera le premier à jouer, il s'impatiente en faisant le fier. Malheureusement pour lui, je fais un six, il me dévisage avec deux révolvers à la place de ses prunelles grises. Toutes traces de fraternité et d'innocence disparaissent pour laisser entrevoir toute la sauvagerie de son visage de mauvais perdant. J'entame le tour, je refais un six. Je l'entends alors fulminer dans sa barbe sans lâcher des yeux mon pion. Je déplace ce dernier lentement vers une case très avantageuse pour moi. Il rage deux fois plus, je ne peux m'empêcher de le pousser à bout suite à son tacle en prenant tout mon temps.

- Tu es une tricheuse, ce n'est pas juste ! crie-t-il alors que je finalise mon tour et que je lui tends les dés.

- Écoute-moi bien, petit bonhomme. Soit tu joues et tu acceptes que tu puisses perdre, soit tu vas dans ta chambre, le prévient mon père un peu exaspéré par son attitude.

- Tu vas gagner de toute façon en remportant tous nos points, donc nous fatigue pas, m'interposé-je dans l'échange.

David et mon père me regardent, étonnés par ce couplet qui est sorti de ma bouche sans que je ne puisse le contrôler.

- Comme d'habitude, rajouté-je pour dissiper le malaise qui émane de leur regard rivé sur moi.

- Je pense qu'ils t'ont trouvé dans une poubelle, t'es trop chelou, me crache David en pleine face.

Au vu des yeux doux qu'il me jette, je comprends qu'il me réserve un de ses petits tours espiègles comme lui seul en a le secret. Franchement, après cet après-midi, je ne suis plus à ça près.

- Cher journal, je suis vraiment insignifiante, comme j'aimerais avoir les cheveux de maman et sa prestance. Il est encore passé à côté de moi sans m'apercevoir... t'es une nullos de toute façon, c'est pour ça qu'il ne s'intéresse pas à toi, ton Alexandre ! me jette-t-il au visage.

Je me lève de ma chaise en tapant du poing sur la table.

- Tu as encore recommencé à lire dans mon journal intime ! T'es chiant ! Les parents t'avaient interdit de le faire après ton petit spectacle de Noël où tu l'as lu à toute la famille ! hurlé-je.

Je dois dire que ce cri primitif sur mon frère m'a permis de passer un peu ma colère et mes nerfs. Ma pauvre mère voit son moment de partage en famille tourner à la catastrophe. Elle tape du poing sur la table, signe que nous outrepassons les bornes.

- Stéphanie, tu t'assois, nous allons finir cette partie. Puis vous monterez tous les deux dans vos chambres respectives. David, tu seras puni pour avoir encore lu le journal intime de ta sœur. Mon cher, tu commences mal tes vacances, déclare ma mère sur un ton trahissant sa colère et son agacement.

Elle jette les dés sur le plateau du jeu pour relancer la partie. Nous finissons donc ce moment en famille dans le silence avec une victoire comme annoncée de mon abominable petit frère et ma cuisante défaite.

Je monte dans ma chambre, je fais le tri des photos fixées sur mon miroir. Je retire les unes après les autres celles où Alexandre apparaît pour les mettre dans une boîte métallique au cas où. Quand mon attention s'attache sur une de Tim et Anna. Lui aussi m'a dit que je faisais des trucs bizarres. Il m'arrive en ce moment certaines choses que je n'arrive pas à comprendre ou à expliquer. Mon frère a mis le doigt dessus, je sens que quelque chose cloche avec ma petite personne, mais quoi ?

Cette journée avec les choix et les questions qui ont émergé en moi va faire basculer l'intégralité de ma petite vie bien paisible dans un univers qui à l'époque me paraissait improbable et imaginaire.

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