Chapitre 8 ~ Anonyme
Il faisait affreusement froid. Cela faisait des heures que j'attendais sans que rien ne se passe. Absolument pas un chat ! J'en avais assez. C'était long et ennuyeux à mourir ! J'avais connu bien mieux comme occupation. En plus de cela l'immeuble en construction, dont seule l'infrastructure en béton existait, dans lequel je m'étais installée n'était pas du tout agréable. J'avais mal à force d'être assise sur le béton. D'un bond je me relevai et fis quelques pas pour me dégourdir les jambes dont les fourmis s'étaient emparées.
Après mon petit manège je me figeai pour regarder la ville que je surplombais. Dans le coin il n'y avait pas de hautes constructions, en étant seulement au huitième étage je surplombais tout le quartier plongé dans l'obscurité. Un étirement, un deuxième pour soulager mes articulations endoloris et je croisai les bras devant moi continuant d'observer le monde endormi. D'un ennui...
Un profond soupir s'échappa de ma gorge quand soudainement de l'agitation fit son apparition à 15 heure. D'un mouvement plus que rapide je me plaquais au sol, allongeant de nouveau mon corps contre le béton glacial de la structure du bâtiment. Je saisis la lunette du sniper et la braquai dans la direction qui m'avait intrigué. Par pitié que se soit ce que je cherchais ! Dans le cas contraire je serai contrainte de rester encore plus longtemps ici.
Mon arme puissante et mortelle était dirigée droit sur le coin dans lequel se passait l'action. Le sourire qui s'était dessiné sur mon visage en apercevant le mouvement disparu lorsque je constatai qu'il ne s'agissait pas de ce que je cherchais. Il s'agissait seulement d'un groupe de jeunes femmes qui marchaient dans la rue en rigolant. L'une d'elle zigzaguait à la manière des gens ivres. Sûrement la fin d'une soirée entre filles. Soupir.
Pour ma part, cela faisait longtemps que mes soirées ne consistaient plus à faire la fête entre amis. Á vrai dire étais-je déjà sortie avec des amis ? ... Ah si ! Il y avait trois ans et de nombreux kilomètres qui me séparaient de cette époque. Là n'était pas la question. J'avais du travail qui m'attendait. Travail que je devais effectuer avec beaucoup d'attention. J
e me concentrai de nouveau sur la lunette grossissante pour sillonner du regard les rues de la ville : toujours désertes. Cela commençait à m'intriguer, on m'avait pourtant dit que ce que je cherchais se trouvait ici. Bizarre.
Je me redressai légèrement, posant les coudes au sol et soutenant ma tête de mes mains. Un vent froid se leva et fit voler mes cheveux rendus noir sous le regard de la nuit. Je réprimai un frisson. L'atmosphère était plutôt inquiétante, digne d'une histoire d'horreur. La brise fraîche agitait les chaînes accrochées à certain endroit du bâtiment. Le cliquetis du fer était à glacer le sang, semblable aux chaînes qui suivent les fantômes. Et puis dans la nuit on ne voyait rien, quelqu'un aurait facilement pu sortir de l'ombre sans que je ne m'en aperçoive et aurait pu me pousser dans le vide. Je regardai de nouveau la distance qui me séparait du bord, moins d'un mètre, voire seulement la moitié. Une opportunité facile pour me tuer.
Un bruit derrière moi attira mon attention. Était-ce quelqu'un venu profiter de ma vulnérabilité pour en finir ? J'eus tout juste le temps de repérer la provenance des sons qu'une ombre silencieuse glissait sur moi poursuivant sa route vers le fond du bâtiment.
Pas un bruit puis le cri d'agonie d'un animal mourant et de nouveau de silence. J'observais avec beaucoup d'attention l'endroit où tout cela s'était produit. Après un moment à entendre des petits craquements et d'autres choses assez désagréables, deux yeux jaunes assez grands se tournèrent vers moi. Ils reflétaient la lumière de la ville. La créature cligna des yeux avant de s'avancer à une allure étrange.
Plus de peur que de mal, ce n'était rien d'autre qu'un animal. Pour être précise un hibou moyen duc d'une beauté fascinante. Il n'était pas bien grand, une quarantaine de centimètres. Sa démarche était digne comme celle de tous les prédateurs de la nuit. De belles plumes beiges - rousses - entouraient ses yeux, arrangées comme un disque sur son visage.
Ses aigrettes dressées sur le crâne comme deux oreilles, il venait vers moi en faisant des petits bonds, fermant ses paupières à chaque fois. Quand il ne fut plus sous le couvert de l'obscurité, il marcha en se dandinant à droite à gauche pour accompagner chacun de ses pas. C'était un animal fantastique .
Les oiseaux de proies étaient fascinants ! Sans doute car ils m'étaient semblables, à guetter longuement leurs proies pour ensuite se fondre sur elles. Avant que les victimes n'aient eu le temps de réaliser ce qu'il leur arrivait, elles avaient déjà passé l'arme à gauche. Le moyen duc était maintenant tout proche de moi, on se fixait droit dans les yeux chacun s'analysant de son côté. Finalement personne ne représentait une menace alors le hibou coucha ses aigrettes sereinement avant de s'installer près de moi comme pour me tenir compagnie.
Je sifflotais pour tenter de lui parler, chose que je faisais beaucoup avec les oiseaux. L'animal tourna la tête avant de répondre par un ululement. Puis le monde se fit de nouveau très calme et il se mit à arranger ses plumes tranquillement.
J'avais juste entendu un rongeur que ce prédateur avait ensuite dévoré rapidement. C'était rassurant car mieux valait passer inaperçu lorsque l'on faisait un boulot comme le mien.
****
Les heures passaient et toujours rien. Á croire que l'on m'avait menti. Mon camarade maître hibou était lui aussi parti après être resté longtemps auprès de moi. J'allais devoir abandonner pour cette nuit et revenir demain.
Je m'étirai une fois de plus avant de me redresser en position assise pour ranger mon matériel. Une caisse semblable à l'étui servant pour stocker des documents de bureau se trouvait derrière moi. Je le rapprochai avant d'entamer le démontage du sniper pour le remettre à sa place. Par habitude, cela ne me prit pas longtemps. Je gardais en main la lunette afin de jeter un dernier coup d'œil au quartier. Rien. Bon et bien voilà une nuit de perdue.
Je me relevai avant de ranger le dernier objet dans la boîte. Je devais déposer la caisse au rez-de-chaussée. On m'avait dit que l'on viendrait la récupérer et la faire disparaître à 6 heure du matin. Je descendis sans prendre les escaliers, bondissant par les trous qui n'avaient pas encore étaient comblés. Arrivée à destination, j'entreposai mon paquet sous une bâche où se trouvait du matériel de construction. J'étais maintenant soulagée d'un poids mais clairement agacée d'avoir perdu toute une nuit. Cela arrivait. C'était le jeu.
Il faisait encore très noir, il ne devait pas être plus de 5 heures du matin. Je sortis du chantier discrètement, aussi silencieuse que le hibou qui m'avait rendu visite. Même si je n'étais plus en position d'avantage pour rechercher ma cible, j'allais me promener un peu dans les rues dans l'espoir de la croiser. Tout était toujours tranquille. Parfois quelques chats se battaient dans une impasse créant un raffut pas possible mais qui ne durait généralement guère longtemps.
Je me laçai très vite de cette traque vaine. J'étais sur le point de rentrer lorsqu'une ombre défila sur un mur. Je crus d'abord qu'il s'agissait de mon imagination ou même d'un matou qui jouait plus loin, mais non la silhouette appartenait bien à un humain. Le plus fantastique était qu'elle ne relevait pas de mon imagination puisqu'elle venait de réapparaître. En un éclair je me plaquai contre la paroi d'un bâtiment pour me fondre dans la nuit. La personne continuait sa route tranquillement, elle passa devant moi sans remarquer ma présence.
C'était un homme âgé d'une trentaine d'année. Il avait les cheveux vraiment très court et une petite barbichette. Les descriptions qu'on m'en avait faites étaient spectaculairement précises. Malheureusement pour lui il se rendait vers un coin désert, et je ne ratais quasiment jamais les tâches que l'on me confiait. Toujours à pas de loup je me détachai du mur pour le suivre. J'avais saisi mon revolver et le tenais fermement prêt à l'usage. Un pas bruyant. Juste de quoi se faire remarquer.
L'homme se figea sans que je n'aie besoin de parler.
-Les mains en l'air si tu tiens à la vie, déclarai-je d'une voir autoritaire mais pas trop forte pour garder une certain discrétion. Au moindre bruit trop remarquable de ta part, tu meurs compris?!
Il resta immobile. Sa respiration légèrement plus rapide témoignait de son anxiété. Au moins il ne semblait pas vouloir m'opposer de résistance. Je m'avançai dans sa direction de quelques pas jusqu'à me retrouver tout près de lui. Mon arme lui effleurait le dos ce qui accéléra d'avantage sa respiration. Á chacun de ses souffles chauds, de la buée se formait devant lui. J'aurai pu faire une moyenne par minute si j'avais voulu. Je rigole. Qui s'amuserait à faire ce genre de choses dans une situation pareille ? Moi peut-être.
-Je cherche quelque chose, tu pourrais peut-être me renseigner ? demandai-je en soufflant dans sa nuque pour le stresser un peu plus.
J'étais cruelle. Ce jeu avait le don de m'amuser.
-Je ne vois pas de quoi tu parles, je ne comprends pas du tout ce que tu veux dire, lâcha-t-il d'une voix inquiète.
-Attention, je sens que tu mens. Tu ne voudrais pas que ma main glisse accidentellement sur la gâchette...dis-je d'un murmure, caressant sa peau de mon souffle.
Je titillais le milieu de son dos avec mon revolver. L'homme tressaillit en sentant l'arme tout contre lui.
-Du calme, du calme. Si tu es sage tu resteras en vie.
-Je ne crois pas du tout ce que tu dis. Tu n'es qu'une folle ! Je ne peux pas t'aider, marmonna-t-il en colère, sans doute frustré et apeuré de ne pouvoir fuir.
Un rire s'échappa tout seul de ma gorge. Quelle bonne blague ! Il se moquait clairement de moi.
-C'est vrai, niveau confiance tu ne peux pas savoir si je tiendrais parole. Mais en même temps c'est ta seule option à moins que tu ne préfères une mort plus qu'immédiate. Par contre quand tu dis ne pouvoir m'aider je crois que ce n'est pas tout à fait juste.
J'étais certaine qu'il savait ce que j'étais venue chercher. Une personne ignorante n'aurait eu la même réaction. Je posai ma main libre sur son épaule et me collai à lui pour le mettre de plus en plus mal à l'aise.
-Je perds rapidement patience, tu ne voudrais pas que je me crispe ? lui annonçais-je, suggérant que mon doigt pourrait appuyer sur la gâchette par inadvertance.
L'homme secoua doucement la tête, sa joue caressa la mienne qui n'était qu'à un centimètre de la sienne. Il sursauta, se rendant compte à nouveau de la proximité dans laquelle nous étions, ainsi que l'étau qui se refermait peu à peu autour de lui.
-Même si j'avais ce que tu voulais je ne te le donnerai pas ! Il en va de mon honneur, je ne suis pas un traître, glapit-il sur la défensive.
Mais je voyais bien par ses réactions qu'il serait prêt à négocier pour sa vie. Je reculai alors d'un pas pour le laisser respirer. Il semblait s'être mis en apnée depuis que mon corps et le sien ne formait plus qu'une silhouette dans le noir de la nuit. Mon revolver était toujours collé dans le bas de son dos prêt à l'usage. S'il ne voulait pas coopérer gentiment j'allais devoir lui forcer un peu la main.
D'un mouvement brusque et assez brutal je le projetai à terre devant moi. Il tomba sur les genoux, lâchant un soupir de douleur. Heureusement pour lui qu'il avait de bons réflexes car il empêcha son visage d'aller marquer le goudron.
-Bien, bien, bien, monsieur va-t-il être un peu plus sympathique à présent ? demandai-je en regardant la personne soumise à mes pieds.
Il ne tourna pas la tête pour me répondre, mais je pouvais constater que des tremblements spasmodiques traversaient son corps entier. J'espérai qu'il n'allait pas faire un arrêt cardiaque sous mes yeux, cela serait mauvais pour mes affaires...quoique, j'économiserai une balle de cette façon. Finalement on pouvait trouver du bon partout.
-Toujours muet, c'est vraiment fâcheux, soupirai-je avant de lui donner un coup de pied dans les côtes afin de le faire se retourner face à moi.
L'individu laissa de nouveau échapper un grognement de douleur cette fois-ci un peu plus bruyant. Il se retrouvait sur les fesses, se soutenant un peu plus droit grâce à ses bras sur lesquels il prenait appuie. Ses jambes étaient pliées d'une drôle de façon, mais peu importe, son confort ne me préoccupait guère.
-J'ai besoin d'un document, tu sais, un petit papier que quelqu'un t'a donné. Il contient des informations très précieuses, comme par exemple la ville dans laquelle je pourrais trouver la prochaine personne qui m'intéresse, lâchai-je en ne détournant pas les yeux de son visage affligé par la peur.
Il dévia les yeux vers un côté de la rue puis l'autre. Il recherchait un sauveur vainement. Personne ne viendrait le retirer de mes griffes. Le piège mortel se refermait à présent plus rapidement qu'il ne l'aurait cru.
-Je...je...
Il marqua un arrêt qui dura au moins une minute avant de déclarer d'une voix forte.
-Je ne dirai jamais rien à quelqu'un comme toi !
L'homme agrémenta sa remarque d'un délicieux crachat qui vint m'atteindre dans la cuisse droite. J'étais à présent dans une humeur très mauvaise pour sa survie.
-Très bien, tant pis pour toi. Ta fierté t'emportera dans ta tombe ! rétorquai-je.
Mais il avait sans doute raison de ne pas se livrer. Á l'évidence je ne l'aurai laissé repartir, ainsi il préservait son orgueil, ce qui était peut-être une bonne chose: il ne mourrait pas en traître. Son regard se braqua sur le mien, nous nous dévisagions pendant une dizaine de seconde. Il pouvait lire en moi la détermination sans faille qui me pousserait à l'achever, et moi je voyais son contentement de ne pas désobéir, accompagné par le dégoût de mourir de la main d'une fille soit disant «comme moi». De notre conciliabule muet résulta la décision que nous primes ensemble quant au moment où il ne serait plus de ce monde. Prêt à disparaître il ferma les yeux. Le coup partit rapidement. Il traversa la nuit d'un cri aigu et déchirant. La balle atteint la cible en plein dans le crâne. Une mort rapide et douloureuse pendant seulement un infime moment.
Paix à son âme. Je prenais toujours quelques secondes pour rendre hommage à l'âme du défunt même si je les trouvais parfois indigne de ce témoignage honorable. Sans plus attendre, je m'agenouillai près du corps inerte qui se vidait de son sang et faisait l'inventaire de ses poches. J'avais pris la précaution de mettre des gants, je n'avais pas envie qu'on puisse me retrouver avec facilité.
Tel un oiseau de proie nocturne, je fondais sur une proie puis disparaissait aussitôt sans laisser la moindre trace de mon passage. Crayon, bloc note, carnet, papiers d'identités, bonbon, papier de bonbon... Oh tient quelque chose d'intéressant, un objet tranchant: un canif. Peu efficace contre un revolver malheureusement. L'objet était accompagné aussi d'une série de poignards que je trouvai dissimulés au niveau de la ceinture. Comme quoi, malgré l'apparence banale du contenu de ses poches, cet homme avait des affaires à cacher. Je continuai la fouille de ses vêtements.
Le sang s'était propagé autour de lui, formant une flaque poisseuse. Il fallait que j'accélère si je ne voulais pas voir le document complètement souillé à cause de ce liquide écarlate.
Bingo ! Mes doigts effleuraient un papier rangé dans une poche très près du corps. Il devait forcément être précieux ou d'une importance spéciale. Je le retirai rapidement, malheureusement le sang en avait déjà trempé une partie. Je l'analysai rapidement, constatant avec soulagement qu'il s'agissait du trésor que je cherchais depuis des jours. Et la zone illisible n'était pas nécessaire à la suite de mes opérations.
Je savais à présent où je devais me rendre, il s'agissait donc de cette ville. Très bien, elle n'attendait plus que moi pour venir y semer la pagaille !
Je rangeai le document dans ma poche veillant à le placer d'abord dans une pochette plastique pour que le sang de la victime ne marque pas mes vêtements.
Je m'apprêtais à repartir quand des lueurs reconnaissables vrillèrent la nuit. Du bleu, du rouge, de la lumière. Les gyrophares de la police ! J'étais dans le pétrin si je ne prenais pas la poudre d'escampette d'ici quelques instants. Je compris alors que cet homme si soumis avait eu le bon réflexe d'avertir quelqu'un durant notre échange. Il m'avait piégé lui aussi, mais à la différence que j'étais encore en vie pour le moment. Heureusement que je n'avais pas prolongé la discussion à cause de l'agacement qu'il m'avait fait subir sinon j'aurai eu de sérieux problèmes. Maudit personnage ! Je m'empressais alors de vérifier que je n'avais rien laissé derrière moi afin que les inspecteurs ne parviennent à m'identifier. Rien. Je pouvais à présent fuir car l'étau mortel se retournait contre moi.
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