Chapitre 42 :

Á présent de retour, tout me semblait perdu. Je n'avais pas réussi à arrêter le leader de la Secte. Sonya avait été poussée à se mettre à couvert, presque à court de munition. Et j'osais à peine penser à Edward qui mourrait dans son coin. J'espérai que les Santi Venatores avaient assez d'honneur pour ne pas faire de représailles motivés par le seul instinct de vengeance, mais j'en doutais très fortement. S'il y a avait de la vérité dans leurs propos, alors ils protégeaient les humains. J'avais du mal à croire qu'ils auraient récupéré mon ami pour le soigner, je voulais juste qu'ils ne lui aient pas collé une balle dans la tête injustement.

Essoufflé, je regardais Sonya s'acharner pour maintenir la distance avec nos ennemis. Une explosion secoua légèrement le bâtiment. Mes oreilles bourdonnèrent. L'elfe me secoua l'épaule, mais il était trop tard. Je me sentais sombrer dans le brouillard qui s'était emparé de moi un peu plus tôt. Impossible de bouger, je tombais sur le sol. Sonya s'agitait, je ne la discernais plus nettement. Ses traits tremblaient comme l'aiguille d'un sismographe en plein séisme.

-Sam ! Sam pas maintenant ! Allez debout, ce n'est pas le moment de dormir !

Des formes sombres jaillir de partout, telles des ombres ténébreuses déferlants sur le monde. La défaite. La mort. J'étais incertain, mais les tirs rugirent de plus en plus fort jusqu'à s'arrêter. J'entendis des cris, des pleurs, puis le silence.

******

-Sam ! Sam réveille-toi.

Cette voix. Toujours aussi sévère. Mon corps était douloureux, c'était affreux. J'avais l'impression d'avoir été jeté dans une machine à laver en mode expresse : secoué dans tous les sens et recouvert d'ecchymose. J'étais en vie. Conscient tout du moins. Dans ma tête j'avais les idées claires, étais-je capable de bouger en revanche, en voilà une autre question. Une grognement s'échappa de mes lèvres tandis que je me redressais, ouvrant les yeux lentement pour m'accoutumer à la lumière du néon puissant au plafond. Les formes étaient toujours flou. Pas de contours nets.

-Sam enfin! C'est pas trop tôt. Déjà deux heures qu'on attend que tu te réveilles. En plus j'étais pas prête à faire le geste héroïque du prince charmant qui embrase sa princesse pour la sortir du repos éternel, pesta malicieusement Sonya.

-Ma tête..., j'ai l'impression d'être un lendemain de soirée ...

Ou du moins la dernière et seule soirée arrosée que j'avais connu.

-Ah le voila qui se réveille enfin.

J'avais l'impression de connaître cette voix sans pour autant visualiser le visage de la personne à qui elle appartenait.

-Edward ? Comment va-t-il ? demandai-je revenant à ma préoccupation principale.

Est-ce qu'il était en vie ? Je devais savoir.

-Le gamin avait perdu beaucoup de sang, on a dû le transporter d'urgence à l'hôpital après avoir pris le contrôle des Sancti Venatores. Il va s'en tirer, ce n'était pas trop grave, déclara de nouveau la voix.

Enfin je parvins à lui attribuer un visage. Un brun à la mâchoire carrée. Les cheveux en brosse. Il avait tout d'un militaire.

-Érik soit gentil, c'est de sa dulcinée que tu parles. Imagine qu'on te parle de moi de la sorte, s'indigna l'elfe.

-Ça me ferait de bonnes vacances sale peste. Plus insupportable que le Fantôme, je ne connais pas, soupira le trentenaire.

-Odieux personnage.

Les deux s'échangeaient des regards de confrontation. Moi. Moi je me rallongeai de soulagement. Edward était vivant. Et c'était également une réalisation catastrophique.

-Il sait trop de choses..., murmurai-je en plein désespoir.

Que ce soit à mon sujet ou tout ce qui venait de se passer, si Rebeca avait trouvé la mort parce qu'elle en savait trop, le même sort attendait Edward.

-Ne le tuez pas, s'il vous plait.

-Arrête tes délires. Sonya m'a déjà supplié de ne pas toucher à ce garçon. En revanche nous devront avoir son silence d'un façon ou d'une autre, au premier faux pas il saute.

C'était un avertissement très sérieux. Edward avait une chance pas deux. L'Organisation aurait des méthodes de persuasion très convaincantes, je n'en doutais pas. Des larmes se frayèrent le chemin le long de mes joues. Je le convaincrais de rester silencieux, de ne plus jamais évoquer ce moment. S'il le fallait, je lui ferais croire que tout cela n'avait été qu'un rêve, tout droit sortir de son imagination.

Ces larmes n'était pas du soulagement seul. Il y avait de la peur : qu'est-ce que ma vie allait devenir ? ; de la joie : j'étais toujours en vie ; de la frustration : notre cible avait pris la fuite. Un silence s'était installé entre nous trois, j'entendais en arrière plan les types de l'Organisation répondre aux ordres, sécurisant le périmètre, s'assurant que les membres de la Secte étaient tous bien attachés. J'avais l'impression que, pour la première fois depuis longtemps, j'avais le droit de pleurer en paix. Sonya et Érik se regardaient muets, me laissant vivre mes émotions.

Finalement je me sentais capable de me redresser de nouveau. La vie ne me semblait plus un obstacle aussi insurmontable. Les courbatures crispaient mes muscles, la douleur ne disparaitrait pas si vite.

-Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? demandai-je incertain.

Rien ne s'était passé comme prévu. Un danger public se baladait librement. Et quel avenir pour les membres de la Secte. Certains étaient des figures importantes, comment expliquer leur soudaine disparition.

Érik croisa mon regard, il avait tout d'un officier imperturbable au service de la Nation.

-Nous avons établi une fausse accusation pour des fraudes fiscales commises par les membres influents des Sancti Venatores. Pour les autres, n'importe quel genre d'accusations fera l'affaire. Nous ne sommes pas incompétents. Le Bureau des Informations est sur le coup. Quant à toi et tes petits copains, c'est une chance que je ne vous mette pas dans une voiture piégée pour faire croire à un accident de la route.

Il soupira. Ce qui m'inquiétait dans tout ça était son ton parfaitement sérieux, comme s'il l'avait déjà fait et le referait sans problème. Rien d'étonnant s'il était le mentor de Sonya. Ces deux là faisaient réellement peur.

-Puisque cette option est écartée, il va falloir convaincre Ed de se taire. Du côté de Léo et Clara on garde l'histoire des mauvaises fréquentations de Sonya. Je ne crois pas qu'ils questionneront les faits, ils sont bien trop choqués.

Érik me regardait de haut en bas.

-De toute façon, ce n'est pas comme si nous avions trop le choix de te garder, vu la rareté de ton espèce, l'Organisation nous a ordonné de te garder en vie. Même si Sonya n'a pas été très efficace ces dernières heures.

Son ton indiquait qu'il n'était pas particulièrement satisfait. J'étais pas sûr de ce qui l'embêtait : mon statut d'espèce en voie de disparition ou le travail de l'hybride. Ce qui me faisait mal était de découvrir que pour eux, je ne représentais qu'une sorte de panda géant sur la route de l'extinction. La seule raison pour laquelle ils estimaient ma vie. Sonya baissa les yeux.

-Désolée, c'est la vérité. Nous avions pour ordre de te maintenir en vie.

-Tu m'aurais tué si tu l'avais pu ?

J'étais on ne peut plus sérieux tandis que le dévisageais la jeune femme. Je me sentais trahi encore une fois. Toujours par cette même personne qui ne me disait jamais la vérité. J'avais seulement droit à quelques morceaux fragmentés par-ci par-là comme pour me maintenir intéressé par le boulot.

-Je te l'ai dit, je ne m'attache à personne, répondit-elle en soutenant mon regard.

-Le bien de la mission avant tout ?

Elle opina d'un mouvement de tête.

-Très bien je vois.

Je savais pertinemment que je n'aurais rien dû attendre d'elle, cependant sa conception du monde était si éloignée de la mienne. Ne pas s'attacher. Ne rien ressentir. Sacrifier les pions nécessaires. Je devais arrêter de vivre dans mon monde de naïveté pour comprendre. Ici bas, la vie était cruelle. On luttait pour survivre.

Quelque chose me dérangea, les mots du djin me revenaient : « Tu crois être dans le bon camp ? » Et si je me trompais ? Et si Sonya avait tort de suivre l'Organisation aveuglément ? Après tout ,le traitement cruel qu'elle avait subi l'avait soumise à leur autorité, sans compter qu'elle devait se sentir redevable qu'ils l'aient sorti de sa misère. Je commettais peut-être la plus grosse erreur de ma vie en les suivant.

-Ce n'est pas pour autant que je ne t'estime pas. Tu es quelqu'un d'intéressant. Mais si je le devais, je n'hésiterais pas à t'éliminer. Nous sommes trop différents Sam. Si j'ai pu te donner l'impression de ressentir de l'empathie, c'est parce que tu ne peux pas t'imaginer le monde de mon point de vue, et c'est bien normal.

Érik me tapota l'épaule sans grande force.

-Crois moi Sam, Sonya tuerait n'importe qui si elle le devait, ne le prends pas personnellement. Même moi, elle me collerait une balle entre les deux yeux alors que je l'ai formée ... déclara-t-il dans un ton qui se voulait réconfortant même si je ne voyais rien de bon là-dedans.

Sonya approuva de nouveau d'un hochement de tête. Une arme. N'était-elle rien de plus ?

-Enfin bon tu ne devrais pas trop y penser. En revanche si tu veux te décarcasser à trouver un moyen de garantir le silence d'Edward, tu peux faire chauffer tes neurones.

Je voulais comprendre l'elfe, vraiment, mais j'en étais incapable et Ed me préoccupait d'avantage.

-D'accord, soufflai-je vaincu.

J'étais trop faible pour me lancer dans un débat philosophique maintenant. Érik se retourna vers un sous-officier qui venait à sa rencontre. Ils échangèrent quelques phrases courtes avant que ce dernier ne reprenne sa route. Le soldat glissa une main dans ses cheveux en brosse. Son attitude était plus décontractée.

-Sam, l'Organisation aimerait que tu intègres ses rangs. Nous n'attendons pas une réponse immédiate de ta part, nous souhaitons simplement t'informer des possibilités qui s'offrent à toi.

Je demeurais dubitatif. Moi les rejoindre ? Abandonner tout ce que je connaissais ... Tuer ? En était-je capable ?

-Quand dois-je vous répondre ?

-Avant que les équipes ne disparaissent du coin. La proposition sera toujours valide dans trois mois ou trois ans. C'est ton choix. Même si tu n'as pas la possibilité de de détacher complètement de l'Organisation maintenant que tu sais trop de choses.

Il s'arrêta un instant et regarda Sonya.

-Je vous laisse. Prends soin de lui jusqu'à ce que l'équipe médicale l'ausculte. Je dois aller superviser la suite des opérations. Ravi de t'avoir rencontré Sam.

Érik me serra la main avant de se relever de la caisse en bois sur laquelle il s'était assis. Nos routes seraient amenées à se recroiser.

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