Chapitre 41 :

Les hauts-parleur accrochés aux quatre coin de la salle avaient tout retransmis ici. J'étais surprise de cette découverte. L'idée aurait pourtant dû m'effleurer l'esprit. Mais cela me paraissait si improbable que j'avais rayé la possibilité.

La nouvelle avait été bien moins apprécié de mon otage qui manquait de s'étouffer sur sa propre respiration. Visiblement cet affront avait complètement grillé le cerveau de Monsieur de Lacroix. Les autres se regardaient les yeux vides, muets. Ils étaient tombés dans le piège. Moi aussi. Sam avait raison. Je n'aurais pas cru qu'un membre de la Communauté puisse faire du mal aux autres sans raisons, ou du moins poussé par autre chose que la simple folie. Je n'avais jamais tué une créature innocente. Lui, oui. Je ne comprenais pas ...

Le silence s'était fait. Sam n'était pas de retour. Je me demandais s'il suivrait à ce combat avec le monstre. Pour ma part je craignais que la nouvelle ne change la donne ici. Déçus, humiliés. Se sentiraient-ils suicidaires ? J'essayais de garder un oeil sur tous les membres en tuniques bordeaux, mais avant tout sur le Second en chef.

Il n'allait pas bien. Effondré par la nouvelle, il bafouillait à présent des mots incompréhensibles. Il devenait dangereux, car sa vie n'avait plus autant de sens maintenant. Il était détruit, brisé. Son corps trembla avant qu'un rire étrange ne s'échappe de sa gorge. Il disjonctait, ses rires mêlés à des râles proches de sanglots étouffés.

-Calme ! ordonnai-je en collant mon ruger plus proche de sa tempe.

-Non ... non ! sa voix n'était qu'un murmure de folie.

Quoi non ? J'étais sur le point de lui coller une balle dans la cuisse pour lui donner une bonne raison de geindre, lorsqu'il se dégagea d'un mouvement brusque, son coude percutant mon plexus. Ma respiration fut coupée d'un coup et l'impression de ne plus pouvoir respirer s'imposa à mon corps. La désillusion avait rendu l'homme complètement fou. Il n'avait plus aucune raison de lutter contre ce sentiment de rage et de désespoir qui le rongeait. Je grognais de douleur, la sensation de manque d'oxygène se dissipait peu à peu. J'étais de très mauvaise humeur dorénavant. Peut-être aurais-je laissé en vie avant, mais là c'était bien parti pour être un bain de sang.

La confusion régnait toujours dans le local immense, j'eus le temps de trouver refuge derrière une porte du couloir avant que la première balle ne fuse de nouveau. La bataille s'était engagée, plus terrible encore qu'avant. La haine était un sentiment puissant, violent. Dans le feu de l'action, il était magique, cependant les erreurs se commettaient vite sous son emprise.

J'étais bien dans la mouise. Aucunes nouvelles de Sam. Son combat avec l'enflure ne serait pas terminé. Il lui était sans doute arrivé quelque chose. Je réajustais mon ruger pour tenter d'en finir avec quelques uns des leur. Ils étaient loin d'être des experts en ce qui concernaient le maniement des armes, mais le nombre les rendaient dangereux, car la pièce était un vrai locale à balles sifflantes. Je visais une brune à l'épaule, la douleur la rendrait incapable de poursuivre. Le suivant, un home grisonnant, à la cuisse. Monsieur le riche bourgeois était agenouillé sur le sol, la tête entre les mains, front collé au métal de la coursive, ne pouvant s'arrêter de rire.

Ses hommes n'étaient pas prêts à me pardonner d'avoir blessé les leurs. Ils mettaient beaucoup de coeur à l'ouvrage. J'étais obligée de reconnaitre que j'étais mal. Mes munitions étaient loin d'être éternelles comme les leurs. Niveau effectif, si Sam ne revenait pas, j'étais dans le mal. Ce serait du pareil au même avec ou sans lui.

Le père de Laura releva un tantinet la tête et nos regards se croisèrent. J'y percevais un tel dégoût. Lui et moi étions les mêmes. Des exécutants à qui on donne un peu de pouvoir pour qu'ils se sentent importants, mais au fond nous n'étions que les pantins au service e d'un projet bien plus grand. On nous faisait miroiter une impression de libre arbitre, la liberté de choisir. Mais comme des rats de laboratoires, nos décisions étaient restreintes à l'environnement qu'on nous avait imposé. Loin de moi l'idée de ressentir de l'empathie pour un meurtrier, à ses yeux j'étais la même chose : un monstre ignoble. Ce mot ne signifiait rien. Il était dans la bouche de celui qui jugeait une situation de part ses valeurs morales. Or la morale, loin d'être divine et universelle, demeurait à chacun de nous. Je ne valais pas mieux que lui, malgré mes idéaux et ma tolérance. Loin de la naïveté de Sam qui ne souhaitait pas semer le mal autour de lui, pour ma part je n'éprouvais pas un rejet à annihiler ceux qui se dressaient sur mon chemin.

Je levai mon arme pour la pointer sur lui. Trois. Deux. Un ...

Sam débarqua près de moi, se réfugiant derrière la porte habillé d'un rideau.

-Sonya, comment ça se passe ici ? dit-il d'une voix forte pour se faire entendre par dessus le vacarme.

Je regardais son attirail avant de tirer quelques coups de feu pour empêcher la progression des plus valeureux, même si je me doutais que ça ne les tiendrait pas là très longtemps.

-Qu'est-ce que tu fiches habillé comme ça ? Tu promènes tes boules de Geisha à l'air libre pour le fun, car c'est une expérience à faire avant de clamser ? ne puis-je m'empêcher de déclarer.

Un soupçon d'humour ne ferait pas de mal dans ce drame. L'adolescent me lança un regard blasé dont lui seul avait le secret.

-Tu pourrais pas rester sérieuse dans une telle situation. Tu sais très bien que mes vêtements ne tiennent pas le choc quand je me transforme ... Et tu me dois 20 euros. J'avais raison, le big boss est une créature.

Je me penchais pour évaluer la situation encore une fois. Les ennemis approchaient. Nous ne tiendrions pas longtemps à ce rythme là.

-Tu avais dit que c'était un vampire. Est-ce que c'en est un ? Non je ne crois pas, donc on est quitte. Bon Sam, il va falloir qu'on se débrouille pour tenir ... J'ai peur que ce ne soit pas particulièrement bien parti.

Je me retenais de parler d'Edward que j'avais vu gisant sur le sol, entouré d'une flaque de sang. Peut-être était-il déjà trop tard pour lui. Sam était également pâle comme la mort. J'avais peur qu'il ne fasse un malaise à ce moment critique.

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