Chapitre 40 :

J'avais abandonné Edward et laissé Sonya en position délicate. Je devais faire en sorte de mener la mission à bien. Si nous parvenions à mettre la main sur le « vampire », nous avions des chances de trouver les autres supérieurs et de démanteler leur réseau.

Je le sentais. Il ne pouvait pas être loin. Il ne semblait même pas se dépêcher de fuir. L'odeur de ses pas était rapproché, comme s'il se contentait simplement de marcher à un rythme lent. Encore un piège ? J'avais du mal à l'imaginer, mais j'avais appris à m'attendre à tout avec la Secte. Au bout d'un couloir, une porte m'attendait entre-ouverte. Ce jeu de cache-cache ne m'amusait aucunement.

Je ralentis l'allure, approchant avec méfiance de ce qui me semblait être le lieu parfait pour me faire zigouiller par dix personnes cachées dans l'ombre. J'écoutais les sons aux alentours de moi. Hormis les cris autoritaires de Sonya menaçant l'otage dans mon dos, je n'entendais rien. Peut-être l'individu s'était-il véritablement volatilisé ? Je n'avais pas le temps de me questionner d'avantage. Je bondissais dans la pièce, gueule béante, crocs à découverts, prêt au combat !

Quelle ne fut pas ma surprise de le voir là, debout derrière une table immense, placé devant un écran de présentation comme s'il m'attendait pour donner une conférence. Nous nous trouvions dans une salle de réunion, qui contrairement au reste du bâtiment, était en bon état et sans un grain de poussière. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il s'agissait d'un deuxième Quartier Général pour les Sancti Venatores. Ou bien ceci avait été préparé dans le but de recevoir la scène qui allait suivre. Je m'étais perché sur la table pour menacer cet homme famélique et ce dernier affichait un sourire ravi aussi irritant qu'insupportable.

-Mon cher Sam, tout ce qu'il m'a fallut faire pour ne serait-ce qu'une tête à tête de quelques minutes avec ta personne, s'exclama-t-il avec beaucoup de sarcasme.

Il plaisantait dans une situation pareille, un vrai fou.

-Je t'attends depuis quelques temps déjà, tu n'as pas été facile à aborder

L'ambre de mes yeux s'était illuminée de flammes brûlantes de rage. Il m'inspirait tant de haine et de dégout. De son côté, il n'était clairement pas perturbé, comme s'il savait qu'il ne craignait rien. Il savait que je n'avais jamais tué. Cela me rendait encore plus suspicieux.

-Ne t'inquiètes pas, nous sommes bel et bien seuls, et ce encore pour un petit moment.

Ses mots n'avaient rien de rassurant, ils m'arrachaient même un frisson de gêne. Quel stratège était-il pour prononcer ces paroles avec tant d'assurance ? J'étais perturbé. Il fallait que je le neutralise avant qu'il ne soit trop tard. J'avançais sur la table, encore à plusieurs mètres de lui. Il porta une main à ses lunettes de soleil pour les jeter à terre. Je fus frappé par ce que je découvrais : des iris fluorescentes?! Une créature. Même si je m'y attendais par mon hypothèse du vampire, je demeurais sous le choc. Pourquoi ? Comment ? J'étais aussi confus que lorsque Sonya m'avait parlé de son rôle dans l'Organisation. Une créature qui contrôlait des hommes qui chassaient des créatures. La vie avait-elle encore du sens ? Un souffle de confusion s'échappa de ma gorge.

-C'est normal de ne plus rien comprendre mon jeune Samuel. Les jeux de pouvoirs sont complexes. Très complexes, déclara-t-il comme soudainement las de tout.

Il s'avança vers la table pour y poser les mains, semblant poursuivre dans son rôle de porte parole. Les mots me manquaient pour décrire ce que je ressentais. De la déception. De la colère. Et plus que tout un grand « pourquoi ? ».

-Nous ne sommes pas si différents toi et moi. Nous sommes victimes du même fardeau. Un honneur et à la fois une malédiction. Je sais que tu dois te poser beaucoup de questions. Pourquoi j'ai fait ça ? Qui suis-je ? Pourquoi faire du mal aux autres êtres comme nous ? J'ai des réponses pour toi si tu souhaites les entendre.

Á croire que j'étais le pantin de chacun dans cette histoires. Ils avaient tous bien plus d'informations, et je devais me contenter d'écouter passivement. Mes oreilles précédemment plaquées contre la nuque s'orientèrent dans sa direction. « J'écoute. » Si c'était un piège, je m'occuperai de lui quitte à en mourrir. Le monstre qui me faisait face se frotta lentement les mains avant de prendre un air sérieux. « Crache le morceau. »

-Tu crois être du bon côté en suivant cette fille et ses petits copains de l'Organisation ? Tu penses que le Gouvernement veut notre bien ? Laisse moi rire. Ils veulent juste nous asservir, nous passer des muselières et des colliers étrangleurs. Notre sort ne les intéresse pas, et ils ont peur. Alors pour nous canaliser, ils s'occupent de nos problèmes les plus superficiels. Au fond, ils espèrent que l'on s'éteigne comme le prouve toutes leurs actions pour nous rendre invisibles.

Je plissai les yeux. Ses propos étaient-ils logiques ? S'ils nous cachaient c'était pour que l'on puisse vivre normalement dans ce monde. C'est ce que je voulais croire. Mais au fond, ne souhaiterai-je pas que l'on accepte ma différence ? Je faisais parti de la communauté surnaturelle, c'était une part de moi que je ne pouvais renier.

Son expression s'était faite sévère, haineuse même. Il n'aimait pas l'Organisation. Cela ne justifiait pourtant pas son appartenance aux Sancti Venatores. Il avait monté ce groupe lui-même pendant plusieurs années. Il s'en prenait aux individus de la communauté et pas à l'Organisation. C'était une épine mineure dans leur pied que de devoir régler ce genre de soucis. Cela n'avait pas de sens. Pourquoi ne pas s'en prendre directement à eux ? On aurait dit un sadique psychopathe avec des idées bien précises derrière la tête. Je grognais mécontent de ses explications. Bien sûr que je me posais des questions sur la légitimité de l'Organisation et de certaines de ses actions, mais Sonya avait seulement éliminés des personnes coupables contrairement aux Sancti Venatores qui tuaient par haine et bêtise. Il faisait parti de ces idiots.

-Tu n'es pas convaincu. Je me doute. Tu te demandes pourquoi j'ai rejoins un groupe qui nous hait, qui nous tue. Sache que j'ai mes raisons. Je ne pourrais t'en dire trop. Par le passé, les hommes m'ont fait beaucoup de mal. Ils se sont servis de moi et de mes pouvoirs pour faire des choses horribles. Ils m'ont obligé à cautionner des homicides, des vols, la torture, des viols ... même la pédophilie. Et nous sommes les monstres dans tout ça ?

Il se tut quelques instants. Une vague de tristesse, de colère et de remord traversa ses prunelles jaunes. Je crus voir ses yeux d'or s'embuer de larmes tandis qu'il se remémorait les horreurs dont il avait fait les frais. Sa voix qui s'était cassée à l'annonce de la tragédie, se durcit.

-Mon espèce a été aux services des hommes si longtemps. Tu ne peux pas comprendre ce que c'est que de devoir exaucer leurs voeux, un pantin à leur solde. Je suis un djin libre à présent ! J'ai été qu'un chien parmi tant d'autres, comme ta camarade, à la soldes des « normaux ». Maria n'avait que neuf ans quand ils m'ont demandé de l'envouter pour la conduire dans leur piège. Il m'a fallut des années, des années pour me libérer ! Mais le mal avait été fait. Que sont quelques victimes de plus quand la vengeance sera bien plus grande ?! Je les utilise comme ils m'ont utilisé. Ils sont mes marionnettes, de malheureuses créatures qui servent le dessein d'un être qu'ils devraient haïr. Ils sont ridicules. Si idiots. Je me délecte de savoir qu'ils se sentiront aussi stupides que des enfants croyant encore au Père Noël lorsqu'ils découvriront que tout est un mensonge. Rien de ce groupe n'a de valeur. Ils ne sont en rien supérieurs aux démons qu'ils pourchassent, si ce n'est qu'ils sont plus bêtes car ils se sont fait avoir par une créature comme moi.

Un rire hystérique de sa part fut la preuve de l'étendue de sa folie.

Je ne savais comment réagir face à cette argumentation. Je trouvais cela si incroyable que par vengeance il en venait à se salir les mains plus que ce qui semblait sain. S'il souhaitait libérer les créatures, pourquoi les prendre en chasse ? La radio qui se trouvait autour de mon cou grésilla. J'entendis un cri de lamentation, un grognement de ma collègue et enfin sa voix.

-Sam, j'ai quelques soucis, je vais avoir besoin de ton aide ... marmonna-t-elle.

Je plissais le regard furieux en direction de mon ennemi.

-Oups ... aurais-je été entendu par certains membres de mon camp par l'intermédiaire du système de diffusion audio de l'usine ? Oh non, ils ne doivent pas être très contents les pauvres, déclara-t-il d'une voix faussement désolée.

Le bouton de l'enregistrement audio de la pièce était vert. Depuis le début de notre conversation il parlait directement dans le micro destiné à être relayé au reste du bâtiment.

J'avais envie de lui arracher la tête, il allait me le payer. Avais-je seulement le temps de le descendre avant de rejoindre Sonya qui gérait la crise ? Rah, j'allais devoir l'abandonner. Je mourrais de plonger mes crocs dans sa chaire. Je commençais à avancer dans sa direction, cédant à mon instinct haineux. Comme un tigre qui s'élance sur sa proie, je trottinai doucement avant de courir à foulées puissantes.

-Je ne ferai pas ça si j'étais toi.

Ses pupilles virèrent à gauche et d'un coup je m'effondrai sur la table pris d'une douleur intense au niveau du dos. Ma colonne vertébrale était en feu. Je tentai de me relever désespérément sans y parvenir. Mes membres étaient secoués de spasmes violents

-Nos chemins se croiseront de nouveau Feurnberg. Choisis ton camp après grande réflexion, le monde est bourrés d'illusions.

Il partait et j'étais incapable de l'arrêter. J'étais immobile sur la table, luttant ne serait-ce que pour garder les yeux ouverts. Pourquoi me sentais-je si faible ? Qu'avait-il fait ? Mon corps entier me faisait mal. Je relâchais mes muscles, sentant mon pouvoir réorganiser mon anatomie petit à petit Je reprenais ma forme originale tout en sombrant dans l'inconscience.

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