Chapitre 34 :
La maison était à présent impeccable. Deux heures de dur labeur à être accompagné partout de son fidèle aspirateur et de sa meilleure amie la serpillère. Aujourd'hui était un jour spécial. Le match de basket de la veille avait confirmé la présence de notre équipe en finale dans deux semaines, et par dessus cela demain était le jour où la Secte tombait !
Sonya avait travaillé d'arrache pied avec l'Organisation pour que les unités en place le jour J soient efficaces. La synchronicité de cette attaque devait être irréprochable. La jeune femme avait passé des nuits blanches sur le projet. Et entre temps elle poursuivait l'infiltration chez l'ennemi afin de connaitre leurs actions futures, et s'occupait de mon entrainement.
Je n'étais presque plus un poids pour l'elfe. Je savais que l'hybride ne s'encombrerait pas d'un fardeau. Il fallait que je sache me battre. J'arrivais à me défendre. J'avais apprivoisé mon pouvoir, il était plus calme et m'écoutait, il ne décidait pas toujours de m'obéir mais j'avais plus de contrôle.
Demain, tout se jouerait. Mon avenir en particulier. Si Sonya me trahissait encore, je mourrais. Pas sans me battre.
Je rangeais le saut et la serpillère dans le garage avant de me diriger vers la cuisine. J'avais proposé à mes parents de m'occuper du repas de midi. Mon père avait aidé à préparer les légumes avant d'accompagner ma mère un colloque sur (ce qu'elle étudie). Ils était partis tôt ce matin, j'avais retrouvé les légumes épluchées et coupé avec une petit note de mon père : « Merci de t'occuper du repas =) Nous serons de retour entre 12h30 et 13h. » Je devais mettre le filet de boeuf au four puis lancer la cuisson des légumes sans oublier les patates à rôtir.
Je préparais un véritable repas du dimanche pour ma famille. Une tradition pour nous, le dimanche était le jour où nous nous retrouvions tous après une longue semaine. Par le passé nous jouions aux jeux de sociétés, des parties de Cluedo endiablés. Mon père avait tendance à être mauvais perdant et il avait toujours des techniques très étranges dans la façon de procéder à son enquête.
Puis j'avais grandi, mes amis et le basket avaient remplacé mes parents. Malgré tout, les dimanches midi restait ce moment où nous étions ensemble. Le temps avait passé. Mes parents n'avaient plus besoin de me protéger comme ils le faisaient autrefois. Aujourd'hui, ma mère avait encore du mal à lâcher prise, toutefois la réalité était sous ses yeux : je n'étais plus le gamin esseulé d'il y a 10 ans. J'avais des amis, j'avais trouvé des gens comme moi. Sonya savait tout. Ce n'était pas une amie, sa présence faisait que je n'étais plus seul dans mon secret.
Je me tournais vers le four pour m'assurer de la cuisson du rôti : tout était en ordre. Les légumes continuait à cuir doucement. Je relisais le livre de recette et modifiais quelques paramètres de cuisson. Mon téléphone indiquait 12h25. Mes parents seraient de retour prochainement.
Je m'installais à table pour lire une revue scientifique tout en gardant un oeil sur la nourriture. J'allais passer une après-midi tranquille. Léo était allé chez Sonya pour le week-end, donc occupé. Edward devait passer son après-midi avec Clara. Zain m'avait bien invité à aller courir mais j'avais refusé.
Ma famille était mon soutien, un amour inconditionnel. Je m'en voulais de risquer ma vie ainsi sans leur donner une chance de me dire au revoir s'il m'arrivait malheur. Ce repas, il représentait mes au revoir à ma famille dans l'éventualité que je ne leur revienne pas. Si je disparaissais ... qui leur dirait ? Comment réagirait-il ? Comment leur expliquerait-on ? Je ne voulais tout simplement pas y penser ! Par égoïsme ? Orgueil ? Un peu des deux.
Je ne mourrais pas ! Je devais survivre et réussir. Pas seulement pour moi. Pour tous ceux qui partageaient mon destin de créature.
Je m'étais arrêté dans ma lecture, mes yeux coincés sur le mot écosystème au milieu d'une phrase. La porte d'entrée claqua.
-Nous sommes de retour ! s'exclama mon père qui ne tarda pas à faire son apparition dans la cuisine en compagnie de ma mère.
Elle était coiffée d'un élégant chignon et habile d'une robe mauve aux manches en dentelles. Pour la première fois je voyais ma mère comme une petite personne fragile qu'il m'était si facile de briser. Je ne parlais pas de lui faire du mal volontairement, toutefois son coeur se briserait si je ne rentrais jamais. Je pouvais lui faire tellement de mal ... Jusqu'à présent, je ne m'étais jamais questionné à ce sujet. Je devais certes, en avoir conscience au fond de moi, mais jamais jusque là ne m'étais-je senti sur coupable vis à vis de ma mère. Sylvie avait toujours semblé forte et en contrôle de tout. Plus aujourd'hui.
-Nous avons le dessert, dit-elle en déposant la boite de pâtisseries dans le frigo.
J'essuyais mes mains sur un torchon de cuisine avant de m'approchais pour la prendre dans mes bras. Sa réaction de surprise m'indiqua à quel point l'adolescence m'avait changé : je m'étais éloigné de mes parents. Á présent j'étais plus grand qu'elle mais lorsque ses bras m'encerclèrent dans une étreinte tendre, je sus que j'étais encore son enfant, son bébé. J'avais ma place aux creux de ses bras.
-Je t'aime maman, soufflai-je si bas que je ne sus si elle m'avait entendu.
Le sourire sur le visage de mon père confirma ma pensée. Ce genre d'évènement était devenu trop rare.
-Qu'est-ce qu'on peut faire pour t'aider ? demanda Peter qui appuyait les mains sur le dossier d'une chaise.
-Il faudrait mettre quelques dessous de plat sur la table, et des couverts pour servir. Ce sera prêt d'ici une quinzaine de minute environ.
Ma mère m'embrassa sur la joue avant de se reculer pour aller se laver les mains. Mon père l'imita avant de se mettre à l'oeuvre. Un dimanche tranquille.
Ding Ding. Le repas était fin prêt ! Je sortais les plats du four, laissant la découpe de la viande à ma mère qui prenait beaucoup de fierté dans sa collection de couteaux de cuisine. Dix minutes plus tard nous étions installés autour de la table, nos assiettes remplies de légumes et de morceaux de rôti. Je commençais à avoir une faim de loup. L'atmosphère chaleureuse me rendait plus nostalgique que jamais de cette vie d'insouciance que j'avais vécu jusqu'à présent. Ma vie basculait et ces doux souvenirs d'une époque naïvement douce me manquaient.
La personne que je devenais me plaisait. Sonya avait provoqué ce changement chez moi. Son indifférence, son acceptation. Malgré le malheur qu'elle avait apporté, elle m'avait aussi appris à évoluer. J'étais sorti du sentier tout tracé.
-Comment se passent tes études en ce moment ? s'enquit ma mère.
Elle était soucieuse. Les examens commençaient d'ici un mois et demi. Je souris, j'aurais secoué la tête mais mes parents l'auraient mal pris.
-Tout se passe bien. Je compte faire un programme de révision bientôt. Comme il y a des devoirs surveillés au lycée, j'arrive à savoir où je dois faire des efforts. Tout va bien au niveau des notes.
Je connaissais les mots qui soulagerait mes parents. Peter et Sylvie approuvèrent de la tête.
-On est fier de toi Sam. Tu fais preuve de beaucoup de sérieux. On ne pouvait pas espérer mieux, s'exclama ma mère.
Elle et son envie de pouvoir tout contrôler, je crois que c'était son remède à mon éloignement ou à l'individu étrange qu'elle ne comprenait pas qui se trouvait être son fils..
-Et vous deux, comment se passe le travail ?
En les lançant sur ce sujet, j'étais sûr d'avoir la paix pendant quelque temps.
La cuisine était rangée. Mon père faisait la vaisselle tandis que ma mère était assise sur le canapé au salon. Je cherchais le film que nous allions regarder sur Netflix : Ex Machina. Un film qui questionnait l'intelligence artificielle, de quoi sombrer un peu plus dans un futur chaotique et perturbant. J'étais à deux doigts de le trouver lorsque mon téléphone vibra. Le numéro qui s'afficha me surpris.
Allô ? dis-je d'une voix presque hésitante.
Ils l'ont pris ... , sanglota Clara. Je n'ai rien pu faire. Ils ... Ils ont dit que si je prévenais la police ils le tueraient. Sam, ...elle
Elle pleurait dans le combiné sans pouvoir s'arrêter. Moi, mon coeur venait de rater un battement. La Secte. Ils avaient frappé avant nous. Ils avaient été plus fort une fois de plus. Comment ?
Je fus obligé de poser la télécommande par terre de peur de la lâcher soudainement. Puis je m'écartais. J'avais besoin d'oxygène. Je venais de me prendre un coup dans le plexus métaphoriquement parlant !
-Clara, toi tu vas bien ? demandai-je pour reprendre pied dans la réalité de cette situation qui me paraissait encore irréelle.
Elle renifla plusieurs fois.
-Juste un bleu ou deux. Rien de grave ... mais Ed, ils l'ont frappé ... Ces gens je ne sais même pas qu'ils étaient ... Sam, ils m'ont dit que toi tu savais, ils m'ont dit de te prévenir.
La rousse pleurait encore. J'imaginais trop bien la scène après ce que j'avais vu au cabanon dans les bois.
-Merde, soufflai-je aussi discrètement que possible.
Mes parents allaient devenir suspicieux si je continuais d'agir comme si j'avais vu la Mort en personne.
-Tu es où en ce moment ? questionnai-je pour obtenir plus de détails.
-Au parc du Roi Soleil, près du canal, je n'ai pas eu le courage de bouger. Dès que j'ai trouvé la force, j'ai appelé ...
-C'est arrivé quand ?
-Il y a une dizaine de minutes ... J'étais pétrifiée, tout est arrivé si vite, ils avaient des couteaux, et des armes à feu. On était dans le coin des sols pleureurs, personne pour déranger.
Sa voix plus calme a présent était encore parcouru de tremblements. Inspire. Expire. Tu peux encore faire quelque chose pour le sauver.
-Clara écoute moi bien, tu vas sortir du parc et tu vas aller au salon de thé du Roi Soleil te mettre à l'abri, tu comprends ? Tu y restes jusqu'à ce que je vienne te chercher, ordonnai-je plus autoritairement que je ne m'en serais cru capable.
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