Assis en face de Sonya, j'étudiais les brouillons récapitulant les informations acquises depuis le début de notre mission d'infiltration. Nous étions loin de tout savoir sur la Secte des Sancti Venatorres, toutefois nous avions pu établir une liste assez complète des membres y appartenant. Il y avait environ une cinquantaine de personnes recensées dans la région. Il devait y avoir d'autres rassemblements ailleurs, dans des régions plus éloignées. Mais ils n'étaient pas sous notre surveillance.

Le réseau était large et bien organisé. Loin de la logique d'un petit groupuscule de militants. Une hiérarchie était établie entre chacun des membre ayant rejoint la Secte. C'était le plus déroutant : l'ampleur du phénomène.

Sonya grignotait pensivement un criterium lorsqu'elle attrapa la feuille qui récapitulait leurs dernières actions.

-Ils sont beaucoup trop calmes ces temps-ci. Quelque chose ne va pas, je le sens ... ils préparent un mauvais coup ! déclara-t-elle jouant avec le criterium entre ses doigts.

Je jetai un coup d'œil à la frise chronologique établie par nos soins, avant de hocher la tête.

-C'est vrai. C'est rare qu'ils soient aussi inactifs. Peut-être prennent-ils de plus grandes précautions depuis que nous avons infiltré leur réunion. Ou alors ils misaient sur mon exécution lors du rendez-vous avec Laura pour avancer dans leurs projets. Ils recalculent leurs plans ...

-Non, l'hybride secoua la tête négativement. Ils ont toujours des alternatives, ça tu peux me croire. C'est la raison pour laquelle la Secte me pose autant de problèmes. Ils nous préparent une crasse, pour sûr !

Saisissant le récapitulatif des membres de la guilde, mes yeux tombèrent de nouveau sur son prénom : Laura. Je n'arrivais toujours pas à l'accepter et pourtant c'était bel et bien vrai. Serais-je capable de la tuer si ma vie en dépendait ? En m'engageant aux côtés de Sonya, je n'avais jamais envisagé de tuer quelqu'un. Enfin, il y avait toujours cette idée dans le fond de mon esprit que si un fou furieux m'attaquait je me chargerai de son cas. Mais avec quelqu'un comme Laura, serais-je seulement capable de pointer mon arme dans sa direction ? Finalement ce n'étaient que des pensées futiles car la vérité était toute bête je voulais survivre. J'étais un être égoïste comme la plupart d'entre nous. Dans le feu de l'action, je ne me questionnerai pas autant qu'à présent : l'instinct, l'adrénaline, toutes ces petites choses qui feraient que j'abattrai mon doigt sur la gâchette dans un élan de désespoir et de fureur. Les remords viendraient ensuite, quand il serait trop tard. Une fois que la faucheuse aurait refermée ses doigts sur l'individu sur ma route. Et ce, si ce n'était pas moi qu'elle prenait avant.

Tout de même, le caractère définitif de la mort m'effrayait. J'avais encore en mémoire la disparition de Rebecca. Un instant vivante, l'instant d'après disparu pour toujours. Son souvenir resterait jusqu'à ce que chacun oubli, car l'oubli était tout ce qu'il me restait pour essayer d'avancer.

-Nous n'avons qu'à frapper avant eux. Si on sème la zizanie au sein de la Secte avant qu'il n'exécutent leur plan nous les retarderions, peut-être même parviendrions nous à démanteler le réseau suffisamment longtemps pour faire disparaitre cette dernière.

L'elfe s'immobilisa un instant.

-Et si c'était exactement ce qu'ils voulaient, que l'on frappe avant eux ? questionna-t-elle ses yeux bleus rivés sur les miens.

Je réfléchis : effectivement, il attendaient peut-être que nous attaquions les premiers. Mais si nous coupions les têtes pensantes qui dirigeraient les opérations ? Nous savions que le réseau était particulièrement bien organisé. Le génie derrière cette oeuvre, le terrifiant homme tatoué. Se posaient ensuite Alexandre, le père de Laura, et deux autres personnes, des bras droits agissant indépendamment. Chacun d'eux possédaient deux fidèles subordonnés. Pour le père de Laura il s'agissait d'un membre de la gendarmerie et d'une avocate. En frappant le commandement, nous avions de quoi déstabiliser la totalité de l'organisation. Le problème était de parvenir à les avoir en même temps, ou au moins dans un intervalle suffisamment restreint. En nous attaquant à la globalité du réseau plutôt qu'à un groupuscule, on leur coupait l'herbe sous le pied en terme de riposte et de reprise du commandement.

-Dans ce cas là il faut que notre plan soit bien meilleur que la réplique qu'ils avaient prévu.

L'elfe commençait à être sur la même longueur d'onde. Une étincelle dans son regard m'avait indiqué qu'elle n'était pas inintéressée par mon idée.

-Il faut frapper fort et viser les têtes.

-Exactement là où je voulais en venir. On peut s'en prendre aux pions autant que l'on voudra, cela ne fera que justifier le recrutement de nouveaux membres. Mais si on frappe le cercle des puissants, plus personne ne sera là pour diriger. Les actions deviendront chaotiques. Ils n'auront plus de couverture et ce sera la fin. Sans être couverts par les autorités locales, ils deviennent de simple criminels. Et entre ceux qui finiront en prison et ceux qui préféreront tout arrêter, il y aura trop peu de membres assez impliqués pour nuire. Une petite lettre de menace et le tour est joué pour les calmer si tu veux mon avis, déclarai-je.

-Ton idée se tient. Elle n'est vraiment pas bête du tout. Un groupe dissout ne vaut rien. Un membre esseulé n'a plus personne pour lui monter la tête . Sans les autres pour se protéger et minimiser les conséquences, personne ne voudra risquer sa pomme. Mais qui classons nous dans le cercle des puissants ? Car les pouvoir sont partagés sur trois niveau, si ce n'est quatre. Il faudrait au moins s'occuper du grand patriarche, les bras droits, et les capitaines. En somme, une dizaine de personnes, sachant qu'elles ne se trouvent pas toute au même endroit, ça risque d'être compliqué.

Si l'action n'était pas synchrone et parfaitement orchestré nous courrions à l'écher. La Secte aurait le temps de se réorganiser et ce serait terminé.Il contreraient de nouveau les attaques. Pour réussir il nous faudrait être plus de deux.

Il fallait faire intervenir l'Organisation. Et bien que je me serais volontiers passer de croiser le chemin de ses gens, il fallait s'y résoudre pour la réussite des opérations.

-Il nous faudra l'appui de l'Organisation pour réussir. Á deux c'est inconcevable. Mais je ne connais pas ton boulot, je n'ai aucune idée de ce qu'on peut leur demander, déclarai-je sur un ton hésitant.

Il n'y avait pas d'espoir si les autres membres ne pouvaient nous soutenir.

-Je ne saurais te dire à l'heure actuelle ce qui est possible ou pas. L'Organisation est toujours en effervescence donc ça dépend de la disponibilité des unités mobiles au moment où nous prévoyons le plan, expliqua Sonya qui commençait adhérer à l'idée.

L'elfe était rongée à l'idée de capturer le responsable de ces bains de sang. Elle le voulait Lui pour lui exprimer oh combien elle appréciait ce qu'il faisait aux créatures.

-Inutile de nous précipiter. Le mieux serait de savoir ce qu'ils mijotent pour lancer l'assaut le plus efficacement possible. Ce qui compte ce sont davantage les résultats que la manoeuvre en elle même. Il faut que les têtes tombent. Sans leader pas de contrôle de masse sur une population susceptible de répondre à cet appel.

L'elfe griffonnait des notes sur une feuille de manière frénétique.

-Mais pour réunir autant de monde, il faut un appât. Il faut leur faire croire qu'ils ont le dessus. Plus le gain sera de taille plus ils baisseront leurs gardes. Ils penseront avoir gagné la guerre.

-Tu penses à quoi ?! Sonya s'exclama Sonya captivée.

-Je ne peux pas, dit-elle. Ils se méfient beaucoup trop de moi pour baisser leurs gardes.

-Mais moi j'ai la situation parfaite pour les rendre imprudents.

Je m'étonnai d'un calcul aussi manipulateur, mais je voulais que justice soit rendu pour nous toutes créatures !

-Laura. Tu vas accepter un rendez-vous avec Laura. ils croiront que tu as mordu à l'hameçon. Comme l'appât est de taille car tu collabores avec moi, donc tu peux les conduire à moi, les têtes pensantes vont s'assurer de la réussite de la mission. Sam, depuis quand tu es devenu une ordure stratégique ? demanda-t-elle les yeux arrondis par la surprise.

J'aurais aimé pouvoir sourire franchement, cependant je n'étais pas bien fier de moi. J'allais exploiter une camarade de classe. Et loin de la réaction violente que me suscitait sa dévotion à la Secte, la tête froide je ne parvenais pas à voir Laura comme mon ennemi.

L'elfe rigola, de son côté la situation était sûrement à mourir de rire. Le petit bleu qui se rend finalement compte que pour survivre il ne faut pas hésiter à marcher sur les autres sans une once de remords. Hilarant !

-Sam nous tenons un projet. Un projet à peaufiner à l'aide de stratèges mais un plan quand même, s'exclama-t-elle le sourire aux lèvres.

La sonnerie vibrante d'un téléphone portable mit fin à notre discussion. Sonya décrocha d'une attitude très professionnelle, si ce n'était pour ses mots.

-Bonjour mon coeur, déclara-t-elle avec un sérieux trop étrange pour la situation.

Á l'autre bout du fils l'interlocuteur pestait envers ma camarade. Le sourire moqueur m'indiquait que Sonya prenait plaisir à martyriser la personne qui lui parlait. La jeune femme se leva de la chaise pour se diriger vers la fenêtre. Entre quelques nuages gris on percevait le soleil. L'espoir d'une belle journée.

-Oui, oui je vais bien. Arrête de t'inquiéter. Je ne suis plus un bébé. Oh lala. Dis du nouveau au QG ?

La blonde hochait la tête par moment, elle m'observait aussi furtivement.

-Nous avons un plan !

C'était la promesse d'un futur meilleur où la Secte n'était plus.