Chapitre 32 :

-Sam !

Le cri de mon camarade résonna dans le gymnase tandis que je me jetai à l'écart pour saisir le ballon qu'on m'envoyait. Une fois dans les mains, j'enchainai les dribles pour me rapprocher du panier. Souple dans mes gestes, je glissai habilement entre les défenseurs adverses. Les capacités nouvelles que je développai à l'aide de Sonya se prouvaient être non seulement un atout pour ma survie face à la Secte mais aussi un avantage pour la réussite de mon équipe de basket. Les tournois qui avaient commencé de façon mitigés, se perfectionnaient avec le temps. Nous avions réussi à nous imposer et avec le panier que je marquai la victoire était quasiment assurée. En trois minutes l'équipe du lycée Jules Ferry ne nous rattraperait jamais à moins d'un miracle. Les applaudissements se calmèrent vite à la remise en jeu du ballon orange. Je soufflais à peine, replongeant aussitôt dans le jeu. Ma vie avait changé en quelques semaines. Mon univers s'était effondré pour se bâtir sur de nouvelles fondations. Un équilibre plus précaire, qui finalement me convenait plus que ce que je n'avais jamais connu. Dans cet univers dangereux et impitoyable, je me sentais vivre pour la première fois. J'avais une mission à remplir. J'avais ma place.

Dans le jeu, je persévérai dans mon rôle d'ailier. Regard rapide à mes camarades : Zain à ma hauteur, Léo et Edward en retrait. L'équipe était forte, soudée, humble. Nous ne laissions pas notre esprit vagabonder sous prétexte que la victoire était assurée. Nous défendions notre terrain avec la fureur des lions. Quand retenti finalement le dernier coup de sifflet nous confirmant la défaite de nos opposants, l'équipe se réunit au centre du terrain folle de joie. La demie finale venait de nous ouvrir ses portes ! Je souris à Ed qui me secouait par l'épaule, hystérique. Il tient à sa victoire. Pour la première fois depuis trois ans nous pourrions conduire notre équipe en finale. Ce serait la belle conclusion à cette saison, notre cadeau de départ avant d'abandonner le basket pour se plonger dans nos cahiers préparant le baccalauréat.

Zain passa son bras derrière les épaules de Léo qui ne pouvait retenir sa joue. Nous étions tous baigné dans cette folle impression de triomphe qui nous envahissait. Monsieur Fogères applaudissait et à ses côtés Sonya. Elle avait regardé les derniers matchs depuis le banc de touche. Favorite de notre entraineur alors qu'elle ne faisait pas partie de l'équipe, il la laissait assister aux matchs au plus près du terrain. Ensemble ils échangeaient ensuite sur nos performances, détaillant chaque point fort et faible. Avec deux paires d'yeux pour nous juger, les critiques fusaient. Nous perfectionnions nos prestations de semaines en semaines.

La vérité, je la connaissais. Sonya me regardait plus attentivement que les autres. Elle relevait chacune de mes erreurs afin d'axer mon entrainement physique sur mes faiblesses.. J'avais tant de chemin à faire avant d'atteindre à son niveau. Même avec toute une vie devant moi je craignais de ne jamais effleurer son rang. Je pouvais penser ce que je voulais de l'Organisation, il était indéniable que leur stratégie de formation était efficace afin de créer de véritable ninja aussi discret que des ombres.

La jeune femme élancée nota une dernière chose sur son carnet avant de se lever pour le glisser entre les mains du professeur qui coula un regard intéressé sur le papier. Il adressa quelques mots à la demoiselle qui lui répondit. Un échange sérieux se déroulait entre eux. Elle opina finalement d'un mouvement de tête. Son regard azur croisa le mien, alors que pour d'autre il aurait semblé amical, pour moi il ne pouvait que paraître vide, morne, sans vie. Et quelques secondes plus tard, une étincelle de vie traversa son regard. Une lumière que seule la passion des amoureux pouvait réveiller.

Léo s'empressait de venir la serrer dans ses bras. Éclats de rire. Son cœur battait à nouveau, mais comment savoir qu'il ne s'agissait pas simplement d'une cruelle comédie ? Le basketteur et la lycéenne s'étreignaient tendrement au milieu du chahut de cette fin de match. Zain plissa un instant les yeux en les voyant, il avait toujours du mal à croire que ces deux là étaient en couple après leurs querelles constantes de ces dernières semaines. Quant à Edward à présent célibataire, il détournait les yeux pudiquement pour regarder la foule de nos amis et camarades de classes qui s'accumulaient au bord du terrain pour tenter de capter notre attention. Il se remettait doucement de sa rupture avec Clara. Même s'ils avaient décidé d'un commun accord de se séparer, l'un comme l'autre peinaient à retrouver ses repaires. D'ailleurs, la rousse avait assisté au match en périphérie, dès que nous avions remporté la victoire, elle avait souri, baissé les yeux et avait disparu. Elle non plus n'était pas encore totalement remise.

D'un geste amical, je venais poser ma main sur l'épaule de mon ami, réconfortant. Son regard vint croiser le mien et nous échangions un sourire complice. Edward s'apprêtait à répliquer d'une boutade lorsque Cassandre débarqua son appareil photo à la main.

- Une petite photo de l'équipe pour vous mettre à l'honneur dans le journal de l'école ? s'exclama l'adolescente en se plantant devant nous.

Zain se retourna en direction du couple qui continuait de se manifester de l'affection.

-Eh Capitaine, quand tu auras terminé de chercher le trésor engloutis au fond de la gorge Sonya, tu pourrais venir soutenir tes frères d'armes ? lança le garçon sur un ton presque sérieux.

Interrompu dans leur échange de salive, Léo et Sonya se séparèrent, pas particulièrement gênés par ce qui venait d'arriver. Á leur place j'aurais été mortifié, et eux se contentaient de répondre par un sourire à tout ceux qui les taquinaient.

Notre capitaine d'équipe ne tarda pas à se placer au centre du groupe, un ballon de basket dans les mains qu'il avait attrapé en chemin pour faire le fier.

-Resserrez-vous un peu s'il vous plait, demanda la photographe qui nous encourageait d'un mouvement de main.

Tous, ensemble nous passions les bras l'un au-dessus de l'autre et offrions notre plus beau sourire à l'adolescente. Léo en plein milieu prenait les aises comme le roi au milieu de sa coure de nobles. Cassandre nous mitrailla une bonne dizaine de fois avant de s'arrêter.

-Je vous remercie, avec ça je devrais en avoir au moins une de bonne.

Son regard trouve celui du Capitaine. Ici tout le monde savait ce qu'il y avait eut entre eux à l'exception de Sonya. Mais la connaissant, elle avait les dossiers de chaque élèves du lycée. Léo et Cassandre se regardèrent plusieurs secondes avant qu'il ne détourne le regard vers monsieur Fogères, un peu en retrait de la photographe.

-Fête bien ta victoire ce soir, dommage que je ne sois pas invité, lança-t-elle de dos, une fois qu'elle se soit éloignée de notre groupe.

Ed échangea un regard furtif dans ma direction, la lycéenne cherchait à tenter Léo. Coureur de jupons qu'il était, il n'aurait pas hésité une seule seconde à sauter, littéralement parlant, sur l'occasion. Sa relation avec Sonya l'avait-elle changé à ce point ? Le jeune se contenta d'un rire puis secoua la tête. La blonde l'observait depuis l'endroit où il l'avait abandonné pour rejoindre le shooting photo. Elle suivit Cassandre d'un regard blasé avant de rejoindre son copain.

-Cette fille a des idées tordues, qu'est-ce qu'elle s'imagine ? Ce qui vous attend ce soir c'est un repos bien mérité pour être en forme pour les prochains matchs. Idiote, pesta Sonya qui s'assura de se faire entendre par quelques spectateurs restés dans le gymnase.

Elle aussi pouvait se comporter comme l'une de ses adolescentes grotesques, mais elle ne le faisait pas pour des histoires de popularité. Non, Sonya agissait ainsi par pure méchanceté. Léo s'abstint de tout commentaire, il ne pouvait pas effacer les évènements du passé, il pouvait seulement offrir à Sonya un meilleur futur. Pas que je sache combien de temps durerait leur relation et si l'hybride ressentait quelque chose pour mon ami. Des questions en suspens comme toujours.

-Je file au vestiaire me changer, dis-je en évitant ainsi le contact avec les gens qui souhaitaient toujours échanger quelques mots avec l'équipe.

Zain et le reste des joueurs s'en donnaient à cœur joie pour satisfaire leur curiosité.

-Je viens avec toi, ils n'ont pas besoin de nous là-bas, répondit Edward en désignant les pipelettes.

Nous partions donc en direction des vestiaires, bien moins peuplés que le terrain de basket. En chemin nous croisions quelques un de nos adversaires que nous saluions respectueusement, échangeant de courtes phrases. Ils avaient bien joué malgré notre victoire écrasante. Nous ne nous attardions pas plus longtemps que ça au vestiaire. Il nous tardait de rentrer prendre un douche.

Le match fini depuis plus d'une demie heure, il ne restait personne dans les couloirs du gymnase.

-Tu veux qu'on s'organise une soirée film samedi, on pourrait inviter Léo et Sonya ?

-Sérieusement ?! Pas que l'idée me déplaise mais tu veux qu'on soit deux à tenir la chandelle, dis-je d'une manière un peu surprise.

-C'est vrai...vu comme cela, j'ai tout de suite moins envie. On pourrait inviter d'autres gens ? réfléchit mon ami.

-Surtout que notre mignon petit couple risque d'avoir d'autres projets en tête.

-Probablement. On peut toujours se faire un cinéma rien que tout les deux. J'ai vu qu'il y avait un film de science-fiction qui sortait vendredi. L'histoire avait l'air intéressante. Un scénario distique en mode humanité versus virus infectieux.

J'opinai d'un mouvement de tête. L'idée me tentait bien. Il restait juste à savoir si ce n'était pas trop dangereux. Á vérifier avec l'elfe si les sorties seul dans la nuit était autorisées.

-Pourquoi pas. On confirmera plus proche de la date, moi j'ai bien envie d'y aller.

Edward qui me devançait afficha une expression heureuse. Il poussa la porte pour sortir à l'extérieur la lumière m'éblouit quelques brèves secondes, cependant ce qui me surprit plus encore, fut la présence de Laura en contrebas des escaliers de béton. Elle se retourna vers nous, une expression de surprise sur le visage, comme si on venait de l'attraper en plein délit. Edward qui ne s'étonnait plus des comportements des gens, lui adressa un grand signe de main.

-Salut les garçons ... Beau match, lança-t-elle tandis que son attitude devenait plus sereine.

Edward rigola avant de resserrer ses mains autour de mes épaules.

-Et ouais ! T'as vu un peu comment on gère ? Surtout Sam et son dernier panier. Grâce et élégance ! s'exclama l'adolescent loin de se douter des véritables intentions de la belle demoiselle.

Quand il mentionna mon prénom, je croisai pour la première fois les yeux noirs de la jeune femme. De mon côté, j'agissais comme si je n'étais au courant de rien, Laura elle avait du mal à cacher son anxiété, mais il était possible de mettre cela sur le compte de la gêne. Tout le monde dans ce lycée savait que nous ne nous étions pas quittés dans les meilleurs termes la dernière fois que nous nous étions parlés.

-Oui j'ai vu. C'était impressionnant, déclara-t-elle son regard toujours rivé sur le mien. Félicitations à toute l'équipe, la demie finale c'est un très bon accomplissement pour le club quoi qu'il s'y passe.

-Et on compte bien gagner !

Mon ami, qui se sentait de trop au milieu de cette tension muette, relâcha son étreinte de part et d'autre de ma nuque.

-Bon en tout cas je n'ai pas le temps de rester, j'ai un rendez-vous dans dix minutes. Salut ! lança-t-il en fuyant.

J'aurais aimé que la conversation se prolonge mais je comprenais son départ. Quant à l'histoire Laura, me voilà qui me retrouvais seul avec la nouvelle recrue de la Secte. Nous nous fixions tout deux dans un silence perturbant.

-Je suis content que le match t'ait plu, dis-je d'un ton neutre.

Je savais tellement de choses à son sujet à présent que j'avais du mal à rester calme. Et pourtant pour mon propre bien il valait mieux qu'elle ne se doute pas que j'avais infiltré se maison le soir de son baptême. Je luttai pour ne pas la regarder avec dégoût ou pitié. Nous étions ennemis, tout deux victimes d'un jeu de pouvoir qui nous dépassait.

-Sam ... sa voix se fit plus basse, je voulais vraiment m'excuser pour la façon dont je t'avais parlé la dernière fois. Avec tout ce qui est arrivé ces derniers temps, elle posa la main sur son front tandis que son autre bras brassait l'air à la recherche d'un fil à suivre, j'étais un peu perdue et je m'en veux de m'être fâchée contre toi injustement. Tu essayais simplement d'être gentil avec moi. Pardon.

Cette fois-ci elle avait retrouvé la force de me regarder. Son état d'âme semblait si sincère et pourtant je devinais qu'elle me conduisait tout droit dans les entrailles du démon.

-Ne t'inquiètes pas. Nous sommes deux à avoir traversés des épreuves difficiles dernièrement. Je ne t'en veux pas. J'ai mal agi lors de la soirée. Je comprenais parfaitement que tu m'en veuilles.

Laura secoua doucement la tête. Elle était perturbée, comme moi je l'étais face à l'innocence de ses mots. Bientôt viendrait le moment où elle proposerait un deal mortel. Elle ne serait pas mon bourreau et pourtant elle tiendrait la hache qui me décapiterait, tout comme les autres. La situation était si étrange. Alors que nous avions été amis, tout à présent nous opposait. Nous étions proches et pourtant un océan de pensées nous séparait.

-Écoute, j'aimerai qu'on tire un trait sur le passé. Nous regrettons tous deux des choses qui sont arrivées, oublions tout ça et repartons sur de nouvelles bases. Ce serait bête de finir l'année en de mauvais termes.

Les premières fondations de son piège monstrueux. C'était de la torture. Je devais rester calme alors que j'avais simplement envie de lui crier dessus. Et d'un autre côté, j'aurais voulu pouvoir la libérer des griffes de la Secte. Effacer ses remords qui la retenaient liés à ces assassins.

-Pourquoi est-ce qu'on ne sortirait pas ce week-end. Il y a un classique de Shakespeare au théâtre : Macbeth. J'aurais aime que l'on y aille ensemble. J'ai deux billets, proposa-t-elle avec un petit sourire sympathique.

En d'autres circonstances j'aurais accepté pour lui faire plaisir, parce que j'aurais aimé renouer une relation d'entente avec elle. Mais je ne pouvais pas. Aussi bonne comédienne qu'elle soit, ses yeux la trahissait, elle n'arrivait pas à me regarder plus d'une seconde dans les yeux.

-Laura ta proposition est très gentille, mais je ne pourrais pas ... j'ai déjà des projets.

Elle baissa la tête.

-Tu es sûr ? Je tenais à y aller avec toi. Tu aimes la philosophie et le théâtre ...

Elle semblait déçue. Terriblement déçue et à la fois soulagée par ma réponse.

-Malheureusement oui. Je ne suis vraiment pas libre ce week-end. Tu trouveras forcément quelqu'un pour t'accompagner. Qui ne voudrait pas voir Macbeth ? dis-je sur un ton plus léger, sympathique.

Laura me sourit, une expression plus triste qu'amusée. Elle s'avança vers moi et me serra contre elle, sa tête enfouie contre mon torse. Je n'avais jamais remarqué auparavant à quel point elle était petite, frêle en comparaison avec moi. J'étais tiraillé à l'idée de lui retourner son étreinte ou de la repousser.

-Je suis désolée Sam. Tellement, tellement désolée.

Et ce fut sur ces mots qu'elle me quitta. Plus un regard échangé. Rien. Seul le silence et la douleur nous accueillaient tous deux à bras ouverts.   

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